Intervention de Bertrand Derquenne

Réunion du jeudi 29 novembre 2018 à 10h30
Mission d'information relative aux freins à la transition énergétique

Bertrand Derquenne, proviseur du lycée Jacques Le Caron d'Arras :

Je vous remercie de m'avoir invité. Le lycée Jacques Le Caron, des métiers du bâtiment et des énergies renouvelables, est devenu depuis le 1er août 2018 par arrêté officiel le Campus des métiers de qualification du bâtiment et des systèmes énergétiques intelligents 3.0 en Hauts-de-France.

Je ne témoignerai pas au titre de l'éducation nationale, mais en tant qu'établissement public local d'enseignement (EPLE) formant aux métiers du bâtiment depuis une cinquantaine d'années. Cet établissement regroupe 600 élèves en formation initiale, 250 apprentis et une centaine d'adultes. Nous couvrons tous les métiers du bâtiment, du niveau CAP au niveau BTS. Nous intégrons également une école de préparation au concours des écoles nationales d'architecture – sous la forme d'un dispositif expérimental.

Ainsi que l'a annoncé le ministre de l'éducation nationale, le campus intégrera un réseau de 7 000 apprenants en Hauts-de-France, une dizaine d'établissements publics et privés – lycées généraux et technologiques et lycées professionnels –, des universités, des instituts universitaires de technologie (IUT) comme celui de Béthune, des écoles comme l'École nationale supérieure d'ingénieurs en informatique, automatique, mécanique, énergétique et électronique (ENSIAME) de Valenciennes. Ce partenariat s'étendra donc sur un périmètre géographique très large. Une réflexion est en cours sur nos organisations et sur l'offre de formation. Notre expérience est nourrie par les périodes de formation en milieu professionnel (PFMP) de nos 900 apprenants. Les retours dont nous disposons sur les pratiques professionnelles des entreprises et des entrepreneurs sont ceux recueillis par nos enseignants lors des visites des lieux de stage. Sans être véritablement formalisés, ils mettent en lumière plusieurs préoccupations de nos partenaires du monde de l'entreprise.

Plutôt qu'un frein, j'identifierai un premier paradoxe concernant l'offre de formation. Cette thématique complexe est liée à la fois à l'organisation des territoires et à la mobilité de nos apprenants. L'offre de formation, du moins en ce qui concerne le réseau d'établissements que je représente, est tout à fait apte et prête à accompagner l'entreprise dans la transition énergétique. J'en veux pour preuve l'intitulé de nos diplômes : « mention complémentaire technicien en énergies renouvelables », « BTS enveloppe du bâtiment », etc. Nos formations sont pragmatiques et concrètes, et accompagnantes sur les niveaux 4 et 5 sur lesquels je souhaite axer mon propos – c'est-à-dire le niveau de l'exécutant qui viendra chez vous déposer la chaudière, éventuellement la démonter et l'entretenir, mais également celui du maçon qui, après une formation sur les parois opaques, pourra accompagner la volonté du ménage. Le paradoxe que j'évoquais vient du fait qu'alors que plusieurs lycées comptent de nombreuses places et disposent de plateaux techniques de grande qualité, grâce à l'accompagnement de l'État et des collectivités, notamment les régions, peu d'élèves décident d'entrer dans ces cursus. Cela pose la question de l'orientation de ces élèves au collège. Cette mission d'orientation sera d'ailleurs désormais confiée aux collectivités territoriales, et tout particulièrement aux régions. J'insiste, l'ingénierie de formation est de qualité. L'établissement que je pilote dispose de professeurs agrégés de génie civil, de professeurs certifiés, de formateurs issus du monde de l'entreprise, de plateaux techniques de très haute qualité et de formations tout à fait adaptées. Le module Praxibat, par exemple, financé par l'ADEME, forme à la fois aux parois opaques et à la ventilation. Ces propos concernent la formation initiale. Je pourrais les résumer en observant que le premier frein est lié au manque d'appétence pour nos métiers.

Un autre frein vient du fait que nos établissements sont très peu sollicités pour de la formation continue par les entreprises et les artisans. Ils commencent à l'être un peu plus par les industriels. En l'occurrence, je pense que le besoin d'accompagnement à la transition énergétique, qui est devenu une véritable préoccupation pour les acteurs du bâtiment au cours des quatre à cinq dernières années, a été renforcé par la transformation des matériaux et l'accompagnement des groupes industriels. Je pense à des académies d'architecture qui organisent de nombreuses rencontres entre les industriels et les professionnels du bâtiment. Mais cet accompagnement intervient hors du champ des établissements et de l'Éducation nationale. C'est dommage. Même si les liens existent entre l'organisme paritaire collecteur agréé (OPCA) du bâtiment et nos instances, au travers des groupements d'établissements (GRETA) et de la formation continue, même si, à Lille, notre centre de formation d'apprentis (CFA) est très acteur et très dynamique, il me semble que l'un des freins à la transition énergétique réside dans la formation des salariés et des artisans.

Enfin, il a été indiqué que l'acte II était celui de l'accompagnement à la maintenance des bâtiments. Or nous constatons de plus en plus qu'une fois passée la pose de certains dispositifs, les formations ne sont pas vraiment adaptées à la maintenance et à la deuxième phase de ces dispositifs.

J'avais certainement d'autres choses à vous dire, mais je pense avoir abordé les sujets les plus importants.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.