La justice est l'un des trois piliers régaliens de l'État : il en va donc de notre souveraineté. La délégation par l'État d'une partie de ses compétences à des organismes susceptibles de ne pas être accrédités pose problème, dans la mesure où elle expose les Français à des dérives juridiques. Ainsi, il ne sera pas toujours possible d'anticiper les décisions prises, ce qui contrevient au principe selon lequel la justice doit garder le contrôle sur les services de résolution des litiges. Pire : les algorithmes utilisés par ces services pourraient être maîtrisés par des étrangers dont les cultures juridiques sont différentes. Le monde nouveau sera marqué par une justice prédictive, sur laquelle nous n'aurons pas la main et qui risque d'être déconnectée des justiciables, déshumanisée. C'est extrêmement dangereux ! La banalisation de la dématérialisation des procédures risque de favoriser l'essor des plateformes de conciliation payantes. Le recours à certaines d'entre elles pourrait susciter de graves conflits d'intérêts. L'effacement progressif du requérant humain dans ce type de médiation constitue par ailleurs une transformation grave de nos institutions judiciaires, qui n'est pas souhaitable.
Cette réforme de la justice est l'une des raisons majeures de la méfiance de nos concitoyens envers le monde que vous êtes en train de nous proposer. Les gens veulent rester maîtres de leur destin : ils veulent avoir confiance en une justice humaine. Le modèle que vous imaginez, avec ces plateformes, va complètement à l'encontre des aspirations des Français. Il est encore temps de changer, madame la garde des sceaux !