Intervention de Sandrine Clavel

Réunion du mercredi 16 janvier 2019 à 9h35
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Sandrine Clavel :

Nombre des questions que vous m'avez envoyées n'étaient pas faciles. J'ai essayé d'y répondre en y réfléchissant sérieusement. En tant que juriste, je suis habituée à concilier l'inconciliable. En la matière, nos cours ont développé ce qu'on appelle le principe de proportionnalité pour essayer d'arriver à concilier l'inconciliable.

Un magistrat est aussi un citoyen qui a droit à la liberté d'expression, garantie par les normes les plus fondamentales, et à la liberté d'opinion. Il faut partir de ce point de vue. En même temps, le magistrat exerce des fonctions qui le placent, pour différentes raisons, dans une situation particulière. Ce qui me semble le plus important pour mesurer l'étendue de la liberté d'expression du magistrat, c'est la question de la confiance du justiciable dans la justice. Dès lors qu'un magistrat s'exprime publiquement pour faire valoir ses convictions personnelles, il s'expose à ce que, dans le cadre de ses fonctions, son image soit perçue d'une façon particulière. Il s'expose à ce que l'on puisse lui imputer un parti pris, une forme de partialité, ce qui pose naturellement un problème majeur s'agissant d'une autorité qui doit être indépendante et impartiale. C'est la raison pour laquelle le devoir de réserve est prévu dans les textes et doit être respecté. Jusqu'où doit aller ce devoir de réserve ? D'une certaine façon, toute expression manifeste une forme d'engagement. Faut-il interdire aux magistrats de s'exprimer ? C'est la question que je voulais poser tout en n'ayant pas nécessairement une réponse très ferme à vous donner sur ce sujet.

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