Madame la professeure, je souhaiterais que vous nous indiquiez la manière dont vous concevez, d'une part, le rôle du garde des Sceaux et, d'autre part, la séparation des pouvoirs.
En ce qui concerne le garde des Sceaux, considérez-vous que celui-ci est un ministre comme les autres ? Son pouvoir doit-il se rapprocher de celui de l'attorney general ? L'administration de la justice doit-elle lui être soumise hiérarchiquement, dans le respect de la politique pénale du gouvernement auquel il appartient ? Le garde des Sceaux ayant la possibilité de demander un certain nombre de renseignements à son administration, celle-ci est-elle tenue de répondre à ses demandes ? S'il obtient de cette dernière des renseignements sur une affaire particulière, devient-il partie prenante au procès et, si tel est le cas, est-il soumis au secret de l'instruction ? Cet élément est très important car, si l'on comprend que le garde des Sceaux demande des notes à son administration, il convient de déterminer si celles-ci ont un caractère juridictionnel ou purement administratif.
Par ailleurs, la séparation des pouvoirs est au fondement même de notre Constitution. Or, elle est actuellement soumise à des pressions très fortes, en particulier dans le cadre des commissions d'enquête parlementaires. En effet, il peut arriver – ce fut le cas l'an dernier – que des parlementaires demandent à l'entourage du Président de la République de répondre, devant leur commission d'enquête, de ce qu'ils ont connu, vu ou su. Mon ami Serge Sur, qui est un éminent constitutionnaliste, estime que la séparation des pouvoirs interdit à tous les membres de l'entourage du Président de la République de répondre à de telles demandes émanant du pouvoir législatif. Il me semble qu'une telle interprétation respecte profondément la Constitution de 1958.