S'agissant du statut du garde des Sceaux et de l'administration de la justice, la France a retenu un modèle qui prévaut dans un certain nombre d'autres pays européens. Vous soulevez, en fait, la question de l'équilibre entre les diverses institutions. Malgré les résolutions européennes, un certain nombre de pays, il est vrai de moins en moins nombreux, ont un ministre de la Justice mais pas de conseil supérieur analogue au CSM. Dans ces pays, l'autorité judiciaire a confié des prérogatives plus importantes aux cours suprêmes. L'équilibre peut alors être assuré de manière plus stricte, dans la mesure où le ministre de la Justice a un rôle de pure administration. Dans d'autres pays, le conseil supérieur possède certaines prérogatives en matière d'administration ; dans d'autres encore, il détient également des compétences en matière budgétaire et financière.
Votre question souligne la différence qui existe entre, d'un côté, l'administration, le service public de la justice et, de l'autre – même si des liens existent entre eux – l'autorité judiciaire, qui remplit une mission constitutionnelle, celle de rendre la justice. Au titre de l'administration classique de la justice, le garde des Sceaux, ministre de la Justice, peut demander un certain nombre d'informations, de documents ou de notes, dans certaines limites qui sont à la fois, me semble-t-il, juridiques et déontologiques : il ne peut se servir de ces informations pour alerter ou remettre en cause une procédure judiciaire en cours ou sur le point d'être déclenchée. Dans un tel cas, il me paraît évident que la réserve doit s'imposer, faute de quoi on assisterait à une intrusion de l'exécutif dans le judiciaire. A priori, donc, le ministre de la Justice n'a pas à intervenir dans le secret de l'instruction.
Cela dit, vous l'avez rappelé, la politique pénale est déterminée par le Gouvernement et elle a vocation à s'appliquer sur l'ensemble du territoire via notamment un certain nombre d'instructions générales adressées par le garde des Sceaux, ministre de la Justice, aux magistrats du parquet.
S'agissant de la séparation des pouvoirs, une commission d'enquête doit pouvoir auditionner un certain nombre de personnes pour faire la lumière sur une situation ou des événements donnés. Dans le cas que vous citez, se pose la question de la définition de l'entourage du Président de la République : comment délimite-t-on le champ des personnes qui ne sauraient être auditionnées par une commission d'enquête parlementaire ? Autant on peut comprendre que des éléments relevant d'une enquête pénale, par exemple, ne soient pas traités de manière approfondie par une telle commission, autant on peut s'interroger sur la définition du champ des personnes qui entourent le Président de la République : inclut-il les ministres ? Ses conseillers ? D'autres personnes qui n'appartiennent pas à ce cercle ?