J'imagine que c'est de l'humour noir ! Je suis en effet allée sur place le lendemain de l'incendie de la préfecture. La situation était particulièrement sensible.
Vous savez que 5 milliards d'euros seront consacrés, sur cinq ans, à « Action Coeur de ville. Mais je voudrais tout de suite prolonger ma réponse à l'une des questions d'actualité qui m'a été posée tout à l'heure en séance publique. Elle portait sur les aménagements des bourgs-centres, c'est-à-dire des petites villes, alors que l'opération « Action Coeur de ville » a plutôt concerné, jusqu'à présent, des villes moyennes. On sait que l'ancien gouvernement avait désigné 56 communes plus petites pour lesquelles un programme avait été prévu mais n'a pas pu être finalisé, de sorte qu'elles se retournent aujourd'hui vers nous. Comme je l'ai expliqué tout à l'heure en séance, la loi ELAN va nous permettre de leur donner une réponse, grâce aux opérations de revitalisation du territoire (ORT).
Je prendrai, dans ma région, l'exemple de Sancerre, ville que tout le monde connaît pour ce qu'on y produit. Mais je pourrais citer aussi Pont-à-Mousson, en Lorraine, ou un certain nombre de communes qui n'ont pas été retenues dans le cadre d'« Action Coeur de ville » parce qu'elles étaient trop petites. Eh bien, pour elles, on pourra trouver des solutions grâce aux ORT.
Mais vous savez qu'il y a aussi le programme « Territoires d'industrie », lancé avec le ministère de l'économie et des finances. Je salue au passage M. Bruno Bonnell, ici présent, qui a largement contribué à l'élaboration de ce dispositif ! Le programme porte une double ambition : une ambition économique tendant à relancer l'industrie française, à soutenir ses capacités d'innovation et de conquête de nouveaux marchés, mais aussi une véritable démarche d'aménagement du territoire.
Dans l'imaginaire collectif, on se représente souvent de grandes régions industrielles, mais l'industrie est très répartie sur l'ensemble du territoire. Or les territoires d'industrie sont avant tout situés dans les territoires ruraux, périurbains, dans les petites et moyennes villes, et non dans les grandes métropoles. Je pense par exemple à la Mayenne, où il y a un tissu d'industries très important, ou encore à la Vendée. Et puis il y a des régions qui ont eu un passé industriel, mais où cette activité a beaucoup décliné. Là, il y a des potentiels de redémarrage qu'il faut soutenir. C'est cela, au fond, la politique d'aménagement du territoire.
Faire plus pour les territoires et les citoyens qui ont moins en matière d'aménagement, c'est aussi agir de manière très concrète pour nos quartiers et, dans ce domaine, je citerai le plan « Banlieues », qui recouvre les cités éducatives, les stages de troisième, la mobilisation du plan d'investissement dans les compétences (PIC), le renforcement du nombre d'adultes dans les classes maternelles, ou encore le dédoublement des classes de CP puis de CE1. Ce plan « Banlieues » est très important.
Comme vous le savez également, il y a des moyens qui sont mis à la disposition des collectivités territoriales, mais je ne vais pas m'appesantir là-dessus. Citons seulement la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) pour les départements et, bien sûr, la dotation de solidarité rurale (DSR) des communes. Je crois que tout cela nous donne les moyens pour essayer de soutenir ceux qui ont le plus de difficultés.
Mais il y a aussi, sur nos territoires, les maisons de services au public (MSAP), organismes très importants. Les MSAP sont au nombre de 1 300 sur le territoire français. Elles sont de trois types : les MSAP créées par des collectivités territoriales ou des intercommunalités ; les MSAP associatives ; les MSAP créées par La Poste. Le Président de la République, lors de son déplacement en Dordogne, auquel j'ai assisté, a lancé l'idée que le Gouvernement continue de déployer ces MSAP, qui sont une vraie réponse aux problèmes de la ruralité, y compris de la très grande ruralité.
Or vous savez que, dans le grand débat qui commence, le problème des services publics en milieu rural est absolument fondamental. À cet égard, ce qui me frappe, c'est qu'on a aussi besoin de hiérarchiser et de définir ce qu'on a longtemps entendu par service public. Car, si on reste sur des visions du XXe siècle, voire avant, on risque de vouloir maintenir ce qui existait, ou de désirer revenir à ce qui existait, en ratant ainsi toute la modernisation des relations avec le public : on rate l'existence d'internet, on rate le numérique…
Je suis toujours assez frappée de ce que les gens – souvent moins, du reste, les citoyens que les élus – fassent autant de baroufs pour la fermeture d'une école que pour la fermeture d'une perception, alors que ce n'est pas du tout la même chose. Car les gens qui vont à la perception, je n'en connais pas beaucoup… En revanche, qu'il y ait, dans les MSAP, au moment des déclarations de revenus qui sont désormais obligatoirement remplies par la voie numérique, des gens en capacité d'aider les personnes qui n'ont pas accès au numérique, voilà qui serait un vrai service public à installer ! On estime en effet, d'après les dernières statistiques, que 20 % de la population n'a pas l'habitude d'utiliser le numérique. Bien sûr, ce ne serait sans doute pas un système permanent, mais l'installation d'un pool d'agents rendrait service, pour répondre ponctuellement aux besoins de la population. Fermer une école a évidemment de toutes autres conséquences ! Je pense par conséquent qu'il y a besoin de hiérarchiser les besoins.
Nous avons aussi lancé un grand plan sur le digital et le numérique. Toute une politique a été mise en place en ce domaine par l'Agence du numérique, dont je vous présente le nouveau directeur, M. Laurent Rojey, qui m'accompagne aujourd'hui. Je citerai aussi le plan « New Deal mobile », qui a été construit avec les collectivités locales pour installer la 4G sur notre territoire.
Nous sommes également en train de réfléchir, à la demande de l'Association des maires ruraux, à l'élaboration d'un agenda rural. Vous savez qu'un agenda rural existe au niveau européen et que l'Europe appelle ses États membres à le décliner par État. Je pense que le grand débat nous aidera à recueillir des idées nouvelles, mais je suis de celles qui pensent que, si la démocratie participative est une bonne chose, elle ne doit pas s'opposer à la démocratie représentative : les députés que vous êtes ont aussi le droit d'avoir des idées et de les soumettre ! Je crois que cela fait partie des choses à rappeler dans le climat actuel…
Notre deuxième axe est de développer une politique contractuelle. Cela veut dire que nous nous éloignons de plus en plus des grandes politiques nationales qui viendraient s'appliquer de façon unilatérale sur le territoire, car la France est devenue très diverse, ainsi que cela a été mis en avant par les députés et par les sénateurs. Aussi avons-nous la volonté de répondre aux besoins des territoires en co-construisant avec eux des politiques publiques qui intéressent leur territoire et leur permettent de réaliser un projet de territoire comportant des actions concrètes. Bien sûr, nous allons prêter encore plus attention à cette action contractuelle de soutien des territoires, au profit de ceux qui sont plus en difficulté que les autres.
Mais la politique contractuelle peut aussi concerner des régions, des intercommunalités, des départements… Je voudrais prendre quelques exemples. D'abord, j'ai signé, en présence du Président de la République et du président de la région Hauts-de-France, un pacte pour le territoire Sambre-Avesnois-Thiérache, qui est à cheval sur les départements du Nord et de l'Aisne et qui est extrêmement touché par la pauvreté, mais aussi marqué par des taux de participation insuffisants aux élections et par des résultats électoraux angoissants. À la demande du président du conseil régional, nous avons donc signé un pacte visant à développer ces territoires, en leur apportant un certain montant d'argent public. Ainsi, il y a aussi d'autres partenaires que les régions ou les départements.
Je citerai encore le pacte pour la Creuse, qui est finalisé et sera signé dans les semaines à venir. Vous rappelez-vous les difficultés à La Souterraine ? Eh bien, nous avons désormais signé un pacte avec le département. Je pourrais vous dire aussi que je suis en train de finaliser le « Pacte girondin breton », puisque c'est ainsi qu'il s'appelle ! Sa finalisation se déroule au moment où nous travaillons aussi avec la région Pays-de-la-Loire. En toile de fond de ces décisions, il y a l'annulation du projet d'aéroport à Notre-Dame-des-Landes, qui avait donné lieu à l'engagement du Gouvernement d'apporter à ces régions des réponses nouvelles en termes d'aménagement du territoire. Et je pourrais parler d'autres territoires encore…
Cette même politique de contractualisation s'applique aussi quand le Gouvernement lance des politiques publiques telles qu'« Action Coeur de ville », car on ne saurait faire la même chose à Périgueux, à la Flèche-Sablé-sur-Sarthe ou à Deauville. La contractualisation est au fond un outil permettant d'adapter les politiques publiques que le Gouvernement ou une région ou un département imagine pour développer le territoire.
Le troisième axe de notre politique est de créer l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT). Elle incarne le changement de méthode que nous souhaitons mettre en oeuvre. Elle permettra d'aider les territoires. Comme vous le savez, la proposition de loi tendant à sa création a été adoptée par le Sénat, avec des modifications dont nous reparlerons. Elle sera examinée devant votre assemblée à la mi-février. Vous vous rappelez peut-être que c'est l'Association des maires de France (AMF) qui avait, à l'origine, par la voix de son président François Baroin, soumis cette idée au Président de la République. Elle naît d'une volonté de répondre aux territoires en difficulté, non seulement aux territoires les plus ruraux, mais aussi aux territoires urbains manquant de moyens. Au fond, nous manifestons ainsi une volonté de redynamiser les territoires en apportant de l'ingénierie de la part de l'État, que cette ingénierie soit technique ou financière.
Vous savez que, par ailleurs, cette Agence nationale de la cohésion des territoires résultera de trois pôles déjà existants : le Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET), l'Agence du numérique et l'Établissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (EPARECA), qui est un opérateur de l'État. C'est à partir de ces trois organismes que sera créée l'Agence, même si d'autres partenaires ou opérateurs de l'État passeront convention avec elle, comme l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) ou l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME). Notons en passant que, parfois, ces entités ont acquis une telle identité propre qu'on oublie qu'elles sont des opérateurs de l'État… Vous voyez ce que je veux dire.
L'ANCT constituera un guichet unique, dont le préfet sera le délégué territorial. Bien sûr, cette Agence nationale de cohésion des territoires répondra à la demande des élus. Un maire, un président de conseil départemental ou d'intercommunalité pourra demander l'appui de l'agence au préfet. Il s'agira d'une aide sur mesure, accordée à des projets locaux ayant vocation à être portés par les élus avec l'appui de l'État.
Celui qui a préfiguré toute cette affaire est juste derrière moi et je suppose que vous le connaissez tous. Il pourra répondre à toutes vos questions dans tous les détails : M. Serge Morvan était préfet des Yvelines avant que le Président de la République lui confie cette mission. Je rappelle qu'il fut aussi, auparavant, directeur général des collectivités locales ; son successeur, le préfet Bruno Delsol, est d'ailleurs là aussi. Je n'aurai garde d'oublier non plus M. François Adam, directeur de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages.