La commission a procédé à l'audition de Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Je vous souhaite à tous une très belle année 2019, pleine de santé et de bonheur.
Madame la ministre, nous sommes très heureux de vous accueillir parmi nous aujourd'hui. Vous avez pris vos fonctions il y a maintenant quelques mois, et c'est votre première audition devant la commission des affaires économiques. Nous voulons vous entendre sur votre programme d'ensemble et sur la manière dont vous comptez remplir les fonctions importantes qui sont les vôtres.
L'intitulé de votre ministère parle de lui-même : « ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales ». Difficile de faire plus actuel en ces temps de grand débat national ! Je pense que cette audition durera un peu moins longtemps que le lancement de celui-ci, auquel vous avez assisté hier en Normandie : les députés sont prolixes, mais peut-être pas autant que les maires… (Sourires.) Je ne sais si vous serez quant à vous aussi complète et prolixe que le Président de la République lui-même, mais, en tout cas, nous sommes très heureux de vous accueillir ce soir pour parler de ce grand débat dans lequel votre ministère joue un rôle important.
Vous nous parlerez aussi de l'ensemble des politiques dont vous avez la charge. Je rappelle que les relations entre votre ministère et notre commission sont importantes et suivies. Vous évoquerez sans doute la loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, dite « loi ELAN », mais aussi le plan « Action Coeur de ville », ou encore la proposition de loi portant création de l'Agence nationale de la cohésion des territoires, qui sera examinée dans les semaines qui viennent et dont nous sommes saisis pour avis : Mme Célia de Lavergne, ici présente, en sera la rapporteure pour avis.
Nous avons aussi eu l'occasion d'évoquer au sein de cette commission le « New Deal » numérique et la généralisation de la couverture numérique au XXIe siècle. Ce sont autant de sujets qui sont évidemment fondamentaux pour la résorption de la fracture territoriale, élément très important des années qui viennent.
Je suis très heureuse de me trouver devant votre commission.
La création de ce ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales a été voulue par le Président de la République et par le Premier ministre, afin qu'il y ait un interlocuteur unique pour les territoires et pour les élus que vous êtes, car les élus de la République sont tous les élus des territoires. Il nous est apparu que beaucoup de dossiers étaient à la limite des deux ministères. Le fait de rassembler les deux missions nous semble donc essentiel.
Bien sûr, je suis très honorée, de la confiance qui m'a été faite en m'attribuant ce ministère avec, à mes côtés, MM. Sébastien Lecornu et Julien Denormandie, ce dernier étant depuis le plus longtemps au ministère, puisqu'il était déjà aux côtés du ministre Jacques Mézard. Ce ministère a une particularité : il est extrêmement transversal. Au fond, c'est un ministère au service du parcours de vie des Français et de leur vie quotidienne : on y parle aussi bien du logement que du numérique et des déplacements. Ainsi, quand je vais sur les territoires et qu'on me dit : « Pourquoi n'a-t-on pas de prison à tel endroit ? », je ne peux me contenter de renvoyer au ministère de la justice, car on me répond immédiatement : « Mais vous êtes la ministre de la cohésion des territoires, donc vous devriez avoir une réponse ! ». Notre action revêt donc un aspect transversal extrêmement important. Cela doit amener toute l'administration à être au coeur des préoccupations des Français et au coeur des politiques que mène l'ensemble des ministères.
Je prends un deuxième exemple, qui a été évoqué sans cesse hier dans le débat tenu dans l'Eure devant les maires : celui de la démographie médicale. La démographie médicale est évidemment un problème de santé, mais c'est aussi, comme vous le savez, une politique de cohésion des territoires. Cet autre exemple montre de nouveau la dimension transversale de notre champ d'action. Dans le contexte actuel que connaît notre pays, il est évident que notre ministère est d'autant plus sollicité et se doit d'apporter d'autant plus de réponses, ou d'espoirs de réponses, ainsi que des politiques qui soient précises.
Le premier axe de notre politique est de faire plus pour les territoires les plus fragiles. Vous connaissez bien sûr nos politiques d'aménagement, à commencer par le programme « Action Coeur de ville ». Permettez-moi simplement de rappeler qu'il y a 222 villes concernées et que je vais signer la semaine prochaine la 222e convention, au Puy-en-Velay…
J'imagine que c'est de l'humour noir ! Je suis en effet allée sur place le lendemain de l'incendie de la préfecture. La situation était particulièrement sensible.
Vous savez que 5 milliards d'euros seront consacrés, sur cinq ans, à « Action Coeur de ville. Mais je voudrais tout de suite prolonger ma réponse à l'une des questions d'actualité qui m'a été posée tout à l'heure en séance publique. Elle portait sur les aménagements des bourgs-centres, c'est-à-dire des petites villes, alors que l'opération « Action Coeur de ville » a plutôt concerné, jusqu'à présent, des villes moyennes. On sait que l'ancien gouvernement avait désigné 56 communes plus petites pour lesquelles un programme avait été prévu mais n'a pas pu être finalisé, de sorte qu'elles se retournent aujourd'hui vers nous. Comme je l'ai expliqué tout à l'heure en séance, la loi ELAN va nous permettre de leur donner une réponse, grâce aux opérations de revitalisation du territoire (ORT).
Je prendrai, dans ma région, l'exemple de Sancerre, ville que tout le monde connaît pour ce qu'on y produit. Mais je pourrais citer aussi Pont-à-Mousson, en Lorraine, ou un certain nombre de communes qui n'ont pas été retenues dans le cadre d'« Action Coeur de ville » parce qu'elles étaient trop petites. Eh bien, pour elles, on pourra trouver des solutions grâce aux ORT.
Mais vous savez qu'il y a aussi le programme « Territoires d'industrie », lancé avec le ministère de l'économie et des finances. Je salue au passage M. Bruno Bonnell, ici présent, qui a largement contribué à l'élaboration de ce dispositif ! Le programme porte une double ambition : une ambition économique tendant à relancer l'industrie française, à soutenir ses capacités d'innovation et de conquête de nouveaux marchés, mais aussi une véritable démarche d'aménagement du territoire.
Dans l'imaginaire collectif, on se représente souvent de grandes régions industrielles, mais l'industrie est très répartie sur l'ensemble du territoire. Or les territoires d'industrie sont avant tout situés dans les territoires ruraux, périurbains, dans les petites et moyennes villes, et non dans les grandes métropoles. Je pense par exemple à la Mayenne, où il y a un tissu d'industries très important, ou encore à la Vendée. Et puis il y a des régions qui ont eu un passé industriel, mais où cette activité a beaucoup décliné. Là, il y a des potentiels de redémarrage qu'il faut soutenir. C'est cela, au fond, la politique d'aménagement du territoire.
Faire plus pour les territoires et les citoyens qui ont moins en matière d'aménagement, c'est aussi agir de manière très concrète pour nos quartiers et, dans ce domaine, je citerai le plan « Banlieues », qui recouvre les cités éducatives, les stages de troisième, la mobilisation du plan d'investissement dans les compétences (PIC), le renforcement du nombre d'adultes dans les classes maternelles, ou encore le dédoublement des classes de CP puis de CE1. Ce plan « Banlieues » est très important.
Comme vous le savez également, il y a des moyens qui sont mis à la disposition des collectivités territoriales, mais je ne vais pas m'appesantir là-dessus. Citons seulement la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) pour les départements et, bien sûr, la dotation de solidarité rurale (DSR) des communes. Je crois que tout cela nous donne les moyens pour essayer de soutenir ceux qui ont le plus de difficultés.
Mais il y a aussi, sur nos territoires, les maisons de services au public (MSAP), organismes très importants. Les MSAP sont au nombre de 1 300 sur le territoire français. Elles sont de trois types : les MSAP créées par des collectivités territoriales ou des intercommunalités ; les MSAP associatives ; les MSAP créées par La Poste. Le Président de la République, lors de son déplacement en Dordogne, auquel j'ai assisté, a lancé l'idée que le Gouvernement continue de déployer ces MSAP, qui sont une vraie réponse aux problèmes de la ruralité, y compris de la très grande ruralité.
Or vous savez que, dans le grand débat qui commence, le problème des services publics en milieu rural est absolument fondamental. À cet égard, ce qui me frappe, c'est qu'on a aussi besoin de hiérarchiser et de définir ce qu'on a longtemps entendu par service public. Car, si on reste sur des visions du XXe siècle, voire avant, on risque de vouloir maintenir ce qui existait, ou de désirer revenir à ce qui existait, en ratant ainsi toute la modernisation des relations avec le public : on rate l'existence d'internet, on rate le numérique…
Je suis toujours assez frappée de ce que les gens – souvent moins, du reste, les citoyens que les élus – fassent autant de baroufs pour la fermeture d'une école que pour la fermeture d'une perception, alors que ce n'est pas du tout la même chose. Car les gens qui vont à la perception, je n'en connais pas beaucoup… En revanche, qu'il y ait, dans les MSAP, au moment des déclarations de revenus qui sont désormais obligatoirement remplies par la voie numérique, des gens en capacité d'aider les personnes qui n'ont pas accès au numérique, voilà qui serait un vrai service public à installer ! On estime en effet, d'après les dernières statistiques, que 20 % de la population n'a pas l'habitude d'utiliser le numérique. Bien sûr, ce ne serait sans doute pas un système permanent, mais l'installation d'un pool d'agents rendrait service, pour répondre ponctuellement aux besoins de la population. Fermer une école a évidemment de toutes autres conséquences ! Je pense par conséquent qu'il y a besoin de hiérarchiser les besoins.
Nous avons aussi lancé un grand plan sur le digital et le numérique. Toute une politique a été mise en place en ce domaine par l'Agence du numérique, dont je vous présente le nouveau directeur, M. Laurent Rojey, qui m'accompagne aujourd'hui. Je citerai aussi le plan « New Deal mobile », qui a été construit avec les collectivités locales pour installer la 4G sur notre territoire.
Nous sommes également en train de réfléchir, à la demande de l'Association des maires ruraux, à l'élaboration d'un agenda rural. Vous savez qu'un agenda rural existe au niveau européen et que l'Europe appelle ses États membres à le décliner par État. Je pense que le grand débat nous aidera à recueillir des idées nouvelles, mais je suis de celles qui pensent que, si la démocratie participative est une bonne chose, elle ne doit pas s'opposer à la démocratie représentative : les députés que vous êtes ont aussi le droit d'avoir des idées et de les soumettre ! Je crois que cela fait partie des choses à rappeler dans le climat actuel…
Notre deuxième axe est de développer une politique contractuelle. Cela veut dire que nous nous éloignons de plus en plus des grandes politiques nationales qui viendraient s'appliquer de façon unilatérale sur le territoire, car la France est devenue très diverse, ainsi que cela a été mis en avant par les députés et par les sénateurs. Aussi avons-nous la volonté de répondre aux besoins des territoires en co-construisant avec eux des politiques publiques qui intéressent leur territoire et leur permettent de réaliser un projet de territoire comportant des actions concrètes. Bien sûr, nous allons prêter encore plus attention à cette action contractuelle de soutien des territoires, au profit de ceux qui sont plus en difficulté que les autres.
Mais la politique contractuelle peut aussi concerner des régions, des intercommunalités, des départements… Je voudrais prendre quelques exemples. D'abord, j'ai signé, en présence du Président de la République et du président de la région Hauts-de-France, un pacte pour le territoire Sambre-Avesnois-Thiérache, qui est à cheval sur les départements du Nord et de l'Aisne et qui est extrêmement touché par la pauvreté, mais aussi marqué par des taux de participation insuffisants aux élections et par des résultats électoraux angoissants. À la demande du président du conseil régional, nous avons donc signé un pacte visant à développer ces territoires, en leur apportant un certain montant d'argent public. Ainsi, il y a aussi d'autres partenaires que les régions ou les départements.
Je citerai encore le pacte pour la Creuse, qui est finalisé et sera signé dans les semaines à venir. Vous rappelez-vous les difficultés à La Souterraine ? Eh bien, nous avons désormais signé un pacte avec le département. Je pourrais vous dire aussi que je suis en train de finaliser le « Pacte girondin breton », puisque c'est ainsi qu'il s'appelle ! Sa finalisation se déroule au moment où nous travaillons aussi avec la région Pays-de-la-Loire. En toile de fond de ces décisions, il y a l'annulation du projet d'aéroport à Notre-Dame-des-Landes, qui avait donné lieu à l'engagement du Gouvernement d'apporter à ces régions des réponses nouvelles en termes d'aménagement du territoire. Et je pourrais parler d'autres territoires encore…
Cette même politique de contractualisation s'applique aussi quand le Gouvernement lance des politiques publiques telles qu'« Action Coeur de ville », car on ne saurait faire la même chose à Périgueux, à la Flèche-Sablé-sur-Sarthe ou à Deauville. La contractualisation est au fond un outil permettant d'adapter les politiques publiques que le Gouvernement ou une région ou un département imagine pour développer le territoire.
Le troisième axe de notre politique est de créer l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT). Elle incarne le changement de méthode que nous souhaitons mettre en oeuvre. Elle permettra d'aider les territoires. Comme vous le savez, la proposition de loi tendant à sa création a été adoptée par le Sénat, avec des modifications dont nous reparlerons. Elle sera examinée devant votre assemblée à la mi-février. Vous vous rappelez peut-être que c'est l'Association des maires de France (AMF) qui avait, à l'origine, par la voix de son président François Baroin, soumis cette idée au Président de la République. Elle naît d'une volonté de répondre aux territoires en difficulté, non seulement aux territoires les plus ruraux, mais aussi aux territoires urbains manquant de moyens. Au fond, nous manifestons ainsi une volonté de redynamiser les territoires en apportant de l'ingénierie de la part de l'État, que cette ingénierie soit technique ou financière.
Vous savez que, par ailleurs, cette Agence nationale de la cohésion des territoires résultera de trois pôles déjà existants : le Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET), l'Agence du numérique et l'Établissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (EPARECA), qui est un opérateur de l'État. C'est à partir de ces trois organismes que sera créée l'Agence, même si d'autres partenaires ou opérateurs de l'État passeront convention avec elle, comme l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) ou l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME). Notons en passant que, parfois, ces entités ont acquis une telle identité propre qu'on oublie qu'elles sont des opérateurs de l'État… Vous voyez ce que je veux dire.
L'ANCT constituera un guichet unique, dont le préfet sera le délégué territorial. Bien sûr, cette Agence nationale de cohésion des territoires répondra à la demande des élus. Un maire, un président de conseil départemental ou d'intercommunalité pourra demander l'appui de l'agence au préfet. Il s'agira d'une aide sur mesure, accordée à des projets locaux ayant vocation à être portés par les élus avec l'appui de l'État.
Celui qui a préfiguré toute cette affaire est juste derrière moi et je suppose que vous le connaissez tous. Il pourra répondre à toutes vos questions dans tous les détails : M. Serge Morvan était préfet des Yvelines avant que le Président de la République lui confie cette mission. Je rappelle qu'il fut aussi, auparavant, directeur général des collectivités locales ; son successeur, le préfet Bruno Delsol, est d'ailleurs là aussi. Je n'aurai garde d'oublier non plus M. François Adam, directeur de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages.
Les questions relatives à la cohésion, à la valorisation des territoires et aux relations avec les collectivités sont actuellement au coeur des débats.
Nous sommes réunis dans l'objectif de relever ensemble le grand défi de la réduction des fractures territoriales. Dans ce contexte, il semble indispensable de rappeler qu'au sein de tous les territoires, et notamment des territoires ruraux, les projets et les initiatives ne cessent de se développer, souvent synonymes de modernité et d'innovation, impliquant un nombre croissant d'acteurs qui contribuent à la richesse économique, sociale et culturelle de notre pays.
Or, trop souvent, nous nous heurtons à la complexité des procédures, à la multiplicité des guichets et à la diversité des financeurs. C'est d'ailleurs ce constat qui a permis de faire émerger l'idée d'une Agence nationale de la cohésion des territoires, dont nous nous saluons, bien entendu, la création, annoncée par le Président de la République en juillet 2017 lors de la première Conférence nationale des territoires (CNT). La proposition de loi tendant à la création de l'ANCT sera prochainement examinée, pour avis, par notre commission. Elle a pour objectif de réunir les soutiens en matière d'ingénierie et de financement des politiques publiques, pour agir au plus près des territoires, au travers de ses multiples missions de soutien et d'accompagnement de divers projets.
L'agence devra apporter aux collectivités territoriales et à leurs groupements, sur le terrain, une réponse et un soutien adapté et différencié, dans une logique partenariale et souple. Elle devra représenter un véritable outil au service de tous les territoires et de leurs acteurs – centres-bourgs et villes moyennes, en passant par les banlieues – afin de lutter contre les factures territoriales qui divisent notre société. L'année 2019 devra également apporter des réponses à plusieurs autres défis, notamment celui de l'aménagement numérique du territoire, de la revitalisation du coeur des villes moyennes, de la préservation de nos savoir-faire industriels… Au vu de ces agendas ambitieux, qui concernent très directement notre commission, nous tenons à rappeler l'engagement de la majorité parlementaire, au côté du Gouvernement, afin de mettre en oeuvre ces différentes actions, pour faire vivre les territoires.
Madame la ministre, je reviens à la proposition de loi sur l'ANCT, premier texte à l'ordre du jour de la commission en ce début d'année. Il n'y a pas un, mais des territoires, et leur diversité constitue incontestablement la richesse de notre pays. De plus, les frontières institutionnelles des différents échelons de collectivités ne correspondent pas systématiquement à la réalité des projets locaux. Alors que la version initiale du texte prévoyait que l'Agence puisse soutenir les projets portés par les collectivités et par d'autres acteurs locaux, la rédaction issue du Sénat ne mentionne plus ces derniers. Pourriez-vous nous éclairer à ce sujet, en nous indiquant quels autres acteurs locaux pourront recourir à l'ANCT ?
Je vous remercie tout d'abord, Madame la ministre, d'avoir apporté des précisions sur les contours de votre ministère.
Le Sénat a adopté, en première lecture, une proposition de loi dont les dispositions seraient très utiles aux territoires qui ont mis en place des communes nouvelles – l'Orne fut parmi les premiers. Elles apportent un certain nombre de précisions, notamment en matière de représentativité, de nature à permettre aux élus de mieux travailler ensemble. Elles ouvrent également la porte à une révision du dogme de la DGCL imposant l'appartenance à une intercommunalité et pourraient permettre, à l'approche des élections municipales, de régler des problèmes, notamment celui de ces fameux doubles maires que nous verrons fleurir à partir de 2020, avec des maires délégués distincts du maire de la commune nouvelle. Aujourd'hui, on peut être à la fois maire de la commune nouvelle et maire d'une commune déléguée ; en 2020, des problèmes pourront se poser.
Par ailleurs, hier, le Président de la République a été interpellé à plusieurs reprises par les maires – et applaudi – au sujet de la révision de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite « loi NOTRe ». Particulièrement « ruralicide », celle-ci a imposé des périmètres à des communes rurales qui ne souhaitaient pas rejoindre ces grandes intercommunalités, fait exploser des communautés de communes rurales qui fonctionnaient plutôt bien et imposé le transfert de compétences – certains transferts sont optionnels mais, comme ils conditionnent la possibilité de disposer de la dotation d'intercommunalité la plus élevée possible, le choix est simple.
Comment et jusqu'où pourrons-nous aller sur ces deux sujets des communes nouvelles et de la loi NOTRe ? Nous sommes attendus.
Et si nous voulons redonner de la crédibilité à l'État dans le contexte que nous connaissons, il faut à la fois qu'il tienne parole, qu'il honore sa signature et qu'il soit réactif. Or les attentes sont fortes en ce qui concerne deux dossiers qui entrent dans le champ de compétences de votre ministère.
Le premier dossier est la politique numérique. Le plan numérique ornais vise à apporter la fibre à l'ensemble des habitants du département. Nous avons obtenu un accord verbal pour 13,5 millions d'euros, mais nous attendons depuis des mois une notification officielle !
Le deuxième concerne également des territoires ruraux. On nous laisse espérer les derniers subsides du Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (FISAC). Nous attendons précisément une enveloppe de 200 000 euros pour le pays du Bocage ornais – des commerces à réhabiliter, des centres-bourgs à modifier, etc. Il faudrait, Madame la ministre, que vous examiniez la question pour que nous avancions plus vite.
Enfin, si les ORT peuvent être une bonne idée pour redynamiser les territoires ruraux, à quel échelon les envisagez-vous : celui des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ou celui des communes ? Et lorsque vous dites que la taille sera revue, quelle taille minimale envisagez-vous ? Les villes moyennes de l'Orne sont vraiment toutes petites si on les compare à celles d'Île-de-France. Qu'est-ce donc, pour vous, qu'une ville moyenne ?
Ma première question concerne les pactes financiers proposés aux collectivités territoriales, par lesquels le Gouvernement a souhaité encadrer et contrôler les dépenses des grandes collectivités locales, en garantissant la stabilité de leur dotation en contrepartie de la limitation de l'augmentation de leurs dépenses de fonctionnement à 1,2 % par an. Cette démarche particulièrement contraignante souffre de plusieurs faiblesses, au-delà de la question de la libre administration des collectivités territoriales. Par exemple, ne prenant pas en compte les ressources nouvelles dégagées par des services, ni certaines dotations ou subventions, elle fait peser des contraintes sur certaines dépenses obligatoires.
Les conseils départementaux rencontrent également des difficultés face à la hausse, qu'ils ne contrôlent pas forcément, des dépenses sociales, situation que vous connaissez bien. J'appelle en particulier votre attention sur les moyens attribués aux services départementaux d'incendie et de secours (SDIS), dont les dépenses sont financées quasi exclusivement par des dotations départementales et communales. Le nombre de leurs interventions opérationnelles augmente très sensiblement du fait du changement climatique, mais aussi de l'évolution des pratiques médicales et de la progression du maintien à domicile des personnes âgées. Si des efforts ont été engagés depuis la départementalisation pour réduire les dépenses des SDIS, il est néanmoins indispensable d'augmenter leurs moyens pour continuer à assurer la sécurité de nos concitoyens et des sapeurs-pompiers eux-mêmes. L'État, qui assure la direction opérationnelle des SDIS, maintient un niveau élevé d'exigence en termes de délai d'intervention et de sécurité sur tous les territoires tout en limitant les moyens. Contraints par ce pacte financier, de nombreuses communes, départements et métropoles hésitent à augmenter leur contribution au SDIS ou ne le font que par des aides en investissement. Pouvons-nous donc envisager que les fonds versés aux SDIS, ou, en tout cas, le surplus de fonds, puissent être sortis des pactes financiers ? Cela me paraît indispensable à la continuité d'un service de qualité. Nous rencontrons par ailleurs le même problème au niveau régional avec le Fonds européen de développement régional (FEDER).
Je veux aussi revenir, Madame la ministre, sur la compétence « eau et assainissement ». J'avais évoqué le cas particulier des communautés de communes contraintes de gérer pour quelques communes seulement cette compétence, du fait de la fusion antérieure des collectivités. Vous aviez laissé entendre qu'une solution pourrait être trouvée et que vous étiez à l'écoute. Las ! Votre réponse à la question écrite que j'ai posée à la fin de l'année dernière m'a plutôt donné l'impression que vous refermiez la porte. Le Président de la République s'étant hier montré ouvert à propos de la loi NOTRe, je profite de l'occasion pour soulever de nouveau cette question évoquée lors de toutes les cérémonies de voeux qui se tiennent dans les quelques communautés de communes concernées, qui vont devoir accepter la compétence pour la retransférer ensuite aux communes… où est la simplification ? Il serait bon de trouver une solution.
Madame la ministre, vous venez de nous annoncer la signature, la semaine prochaine, d'une 222e convention dans le cadre de l'opération « Action Coeur de ville ». Ce dispositif a été lancé par votre ministère au mois de mars dernier. J'ai d'ailleurs eu le plaisir de recevoir votre prédécesseur à Limoges, puisque nous en sommes bénéficiaires.
Cela étant, quel bilan d'étape pouvez-vous dresser ? Combien d'opérations de revitalisation ont pu être menées ? De quel type étaient-elles : réhabilitation, accessibilité, valorisation de l'espace ? J'aimerais également un complément d'information sur le dispositif « Réinventons nos coeurs de ville », qui fonctionnera sur une logique d'appels à projets. Comment s'articulera-t-il avec la logique d'appui aux projets qui a prévalu jusqu'à présent ?
On parle beaucoup de simplification. La future Agence nationale de la cohésion des territoires intègre les moyens et prérogatives de différentes structures, comme par exemple l'EPARECA, aujourd'hui seul opérateur capable de prendre la maîtrise d'ouvrage des projets de restructuration et de portage microéconomique dans les quartiers. Je souhaite donc votre avis sur le périmètre d'intervention de l'EPARECA et son éventuelle évolution dans le cadre de la nouvelle agence. Par ailleurs, qu'en sera-t-il de la représentation des parlementaires au sein de l'ANCT ? Représentant actuellement notre assemblée au conseil d'administration de l'EPARECA, je trouverais pertinent qu'un parlementaire continue de suivre, au sein de l'ANCT, les questions actuellement de la compétence de l'EPARECA.
Je répondrai tout d'abord sur l'ANCT. La rédaction issue des travaux du Sénat permet toujours à l'ANCT de déployer son action au-delà des territoires institutionnels, Madame Bessot Ballot. Elle interviendra par exemple dans les pôles d'équilibre territoriaux et ruraux (PETR), peut-être aussi, de manière générale, dans le cadre de politiques comme « Territoires d'industrie », dont je vous ai parlé, dans le cadre des syndicats, ouverts ou fermés, et de toutes les collectivités locales. Voilà pourquoi nous évoquons les « collectivités locales ou autres organismes ».
Les salariés de l'EPARECA seront demain le bras armé d'une ANCT capable de se projeter sur les territoires pour assurer la maîtrise d'ouvrage d'opérations lourdes. Bien sûr, le champ d'intervention pourrait être élargi à des locaux affectés aux services au public, à des tiers lieux susceptibles de compléter une programmation commerciale pour participer à l'animation urbaine, et nous travaillons à un amendement en ce sens. Nous vous le proposerons dans le cadre de l'examen du texte par l'Assemblée nationale. En clair, nous voulons préserver les missions de l'EPARECA, nous ne voulons pas les modifier. C'est une équipe resserrée de quarante-deux personnes, établie à Lille, où je l'ai rencontrée, et qui souhaite y rester, et tout cela ne pose pas de problème particulier.
Bien sûr, il est prévu que les parlementaires soient représentés au sein de l'ANCT. Le Sénat, pour sa part, a fait en sorte que les élus territoriaux y soient majoritaires. Cependant, c'est un outil que crée l'État avec des services de l'État. Nous souhaitons bien sûr qu'y siègent des élus locaux et des parlementaires, mais nous souhaitons aussi que l'État et ses agences restent majoritaires. N'importe quel gouvernement souhaiterait que cet outil de l'État reste maîtrisé par l'État.
Monsieur Nury, pour les ORT, c'est très simple : il n'y a aucune limite de taille. Quant au FISAC, essentiellement géré par le ministère de l'économie et des finances, ces derniers fonds de tiroir que vous espérez n'existent pas. Quand nous sommes arrivés, les engagements dépassaient même largement les fonds disponibles. Nous avons donc un petit souci, mais je ferai le nécessaire pour que les aides déjà accordées soient bien versées ; j'en parlerai au ministère de l'économie et des finances.
La proposition de loi de Mme Françoise Gatel traite notamment de la représentation des élus dans les communes nouvelles. Actuellement, il est possible, dans une première étape sur la voie de la constitution d'une commune nouvelle, d'additionner tous les conseils municipaux de toutes les communes existantes. Dans une deuxième étape, le nombre de conseillers municipaux est déterminé en prenant en compte la strate démographique immédiatement supérieure à celle de la commune nouvelle. Enfin, il est déterminé par référence à la strate démographique de la commune nouvelle. Le Gouvernement a fait preuve d'ouverture d'esprit en acceptant de revenir sur la question de la deuxième étape pour éviter une réduction trop brusque du nombre de conseillers municipaux.
J'ai été inquiétée, Monsieur le député, par votre mention de la sortie des intercommunalités. Lorsqu'une intercommunalité se transforme en entier en commune nouvelle, c'est une nouvelle commune, et elle doit donc, en l'état du droit, rejoindre une autre intercommunalité. Dans le cadre de la proposition de loi déposée par Mme Françoise Gatel, elle ne serait plus soumise à cette obligation, puisqu'elle assumerait elle-même l'intercommunalité. Je sais qui a eu cette idée et de quel esprit cela procède. Au fond, la transformation de l'intercommunalité en commune nouvelle serait son aboutissement. Oui mais elle ne sort pas de l'intercommunalité, elle reste dans l'intercommunalité, parce qu'elle a une mission intercommunale à remplir. Personnellement, j'étais un peu réservée sur ce deuxième aspect – le premier ne vise qu'à offrir un peu de souplesse. Je voudrais éviter des effets d'aubaine, je voudrais que cela ne devienne pas un moyen de sortir de l'intercommunalité.
Depuis la loi portant réforme des collectivités territoriales, adoptée en 2010, c'est-à-dire sous le quinquennat de M. Sarkozy, l'appartenance à une intercommunalité est obligatoire. Aucune commune ne peut être hors d'une intercommunalité. Quant à la question des dimensions des intercommunalités, elle fut l'objet de débats homériques ; reconnaissons au Sénat d'avoir permis la prise en compte de la densité des intercommunalités et ainsi des exceptions non négligeables. Je pense donc qu'il faut faire attention.
Je termine par ce que le Président de la République a dit sur la loi NOTRe. Tout d'abord, il a dit qu'il ne ferait pas de grande réforme territoriale, que l'architecture territoriale ne serait pas bouleversée. Ensuite, l'idée circule déjà depuis plusieurs semaines qu'un certain nombre de points de la loi NOTRe doivent être clarifiés, qu'elle comporte des « irritants » ; il faudra y revenir, le Président de la République l'a dit et déclaré hier. N'imaginons cependant pas que tout sera bouleversé. Nous n'allons pas tout détricoter, car ce serait une nouvelle réforme territoriale. Il y aura des assouplissements, nous reviendrons sur des irritants, des discussions se tiendront, mais nous n'allons pas tout changer.
Je vous ai dit ce que je pense de la proposition de loi de Mme Gatel. Il faut faire attention.
Quant à l'Orne, je laisse à Mme Part le soin de vous répondre…
L'Orne bénéficie de 16 millions d'euros ayant fait l'objet d'accords de principe pour le très haut débit. Des discussions sont en cours avec l'Agence du numérique pour que soient concernées non plus 20 000 mais 70 000 lignes, ce qui requiert des montants plus importants. Nous attendons la décision de financement depuis le mois d'octobre pour pouvoir instruire le dossier, mais nous pouvons revoir la question ensemble, Monsieur le député.
Je me permets de rappeler à Mme Battistel que si le Gouvernement a retenu 1,2 % pour l'augmentation des dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales, c'est que ce chiffre correspondait à la moyenne de l'évolution des dépenses, l'année précédente, des collectivités territoriales. Par ailleurs, dans le calcul des dépenses de fonctionnement, la hausse des dépenses au titre des allocations individuelles de solidarité (AIS) est neutralisée dès lors qu'elle dépasse 2 %. De même, les dépenses liées aux mineurs non accompagnés sont exonérées. C'est légitime, et il s'agit de dépenses considérables. En revanche, les dépenses liées aux SDIS ne sont pas exclues du champ des dépenses de fonctionnement. Cependant, la tendance est à leur réduction, et elles diminuent de 0,6 % en 2018 ; la maîtrise de la dépense semble donc possible et réelle. Le Gouvernement fera cependant le point une fois l'année terminée. Nous verrons alors si des ajustements sont nécessaires, mais les finances de notre pays exigent que nous limitions les dépenses de fonctionnement. Il y aura une discussion, une clause de revoyure est prévue, et un rapport doit être remis au Parlement en vue du projet de loi de finances pour 2020.
Les opérations menées dans le cadre de l'opération « Action Coeur de ville » portent sur les thématiques suivantes : rénovation ; espace public ; logement ; développement de services ; culture ; mobilité ; transition écologique. Au total, en 2018, 1 600 actions étaient en cours dans 222 communes. En lien avec cette politique, en lien avec le ministère de la culture et en partenariat étroit avec la Cité de l'architecture et du patrimoine, nous avons lancé à la mi-décembre une consultation nationale de ces 222 territoires, intitulée « Réinventons nos coeurs de ville ». Il s'agit de favoriser la mise en oeuvre de projets urbains novateurs et ambitieux en faveur de la reconquête des centres-villes. Une réunion très constructive s'est tenue à Poitiers à laquelle étaient invités les représentants des 222 coeurs de ville. C'est M. Sébastien Lecornu qui y représentait le Gouvernement. Les villes participant au programme Action Coeur de ville manifestent une volonté de travailler ensemble et de se transmettre les bonnes pratiques ; cela me paraît extrêmement intéressant.
Il est vrai, Madame Battistel, qu'en cas de fusion la compétence se trouve unifiée. Ce n'est pas propre à l'eau et à l'assainissement, c'est vrai pour d'autres compétences, et la loi permet une phase de transition. Si l'obligation de transfert a récemment été bien assouplie, la loi n'est pas allée jusqu'à revenir sur les effets de la fusion. En première analyse, il paraît difficile qu'un EPCI compétent ne soit pas compétent sur tout son territoire. Nous ne pouvons pas aller jusqu'à une communauté « à la carte », ce serait trop compliqué, mais nous pourrons reparler de la question que vous évoquez.
L'Association des maires ruraux de France a récemment recueilli nombre de doléances au cours des consultations menées en mairie, doléances largement relayées hier auprès du Président de la République, dans l'Eure. Au premier rang d'entre elles s'exprime un sentiment d'abandon des territoires en matière de service public ; ce n'est pas une nouveauté. Cette réalité préoccupe, bien entendu, les élus locaux et les habitants. Les inquiétudes portent sur la fermeture de classes élémentaires, de bureaux de poste, de gendarmeries, de centres des finances publiques – vous l'avez évoqué, même si ce n'est assurément pas une priorité – ou l'éloignement des bibliothèques, médiathèques et tous autres services culturels. Dans ma circonscription, de nombreux jeunes de Decazeville, commune de 6 000 habitants, partent étudier à Toulouse où ils s'installent ensuite pour leur avenir professionnel. Ce phénomène accentue largement le vieillissement de la population. S'ajoute à cela la fermeture des maternités et, très récemment, celle d'un centre de formation et d'apprentissage. Du maintien des services publics de proximité et, plus largement, des services à la population dépend le potentiel de développement de nos territoires – je pense que nous en sommes tous, ici, convaincus – et la cohésion de notre République.
Parmi les solutions pouvant contribuer au dynamisme des territoires, il y a l'implantation des formations initiales et des formations supérieures. Elles représentent de véritables viviers d'emplois locaux en phase avec les besoins des employeurs, très petites entreprises (TPE), petites et moyennes entreprises (PME) ou même grands groupes, présents sur les territoires et qui peinent bien souvent à recruter. Faire correspondre l'offre de formation aux besoins des bassins d'emploi doit donc être une priorité. Assurer les formations initiales et post-bac sur les territoires est une solution indéniable pour répondre aux besoins existants mais aussi et surtout pour inciter à des implantations économiques, et c'est bien là l'enjeu de demain pour la ruralité.
Alors, Madame la ministre, bien que mon sujet, celui de l'enseignement et de la formation, ne relève pas directement de vos compétences, il est intimement lié à l'avenir de nos territoires et je voudrais savoir quel écho vous pensez pouvoir lui donner.
Madame la ministre, j'ai bien écouté hier le président de la République. Devant les élus de l'Eure, il a déclaré être prêt à rouvrir la loi NOTRe pour améliorer ce qui ne fonctionne pas. Je partage son analyse lorsqu'il affirme qu'on a besoin de remettre de la responsabilité au plus près du terrain, de remettre du contact, de la clarté et du sens dans notre décision.
Vous avez parfaitement cerné, avec le Président la République et le Premier ministre, le malaise alsacien consécutif à la création de la région Grand-Est. Un texte devrait être présenté, qui crée une « collectivité européenne d'Alsace ». C'est un début de réponse, et vous vous êtes, Madame la ministre, beaucoup investie – je tenais à vous en remercier –, mais c'est tout à fait insuffisant et cela ne réduit pas le nombre de strates administratives. Le Président de la République dit pourtant qu'il faut le faire. Que l'on m'explique comment ! Cela ne réduit pas non plus le nombre d'élus. De plus, cette solution porte en germe des conflits avec la région Grand-Est. Pour prendre un exemple récent, à la sortie de Matignon, la région Grand-Est nous annonce qu'elle ne veut pas transmettre la marque Alsace à la collectivité alsacienne !
Des drapeaux rouges et blancs ont fleuri à côté du drapeau tricolore sur les ronds-points alsaciens ; cela n'a pas tellement été évoqué au niveau national, même si cela apparaît dans certains reportages. Des sondages indiquent que 80 % des Alsaciens souhaitent que l'Alsace sorte de la région Grand-Est. Vous ne pouvez pas ignorer ce message.
Vous avez apporté un début de réponse, mais, à l'ouverture du grand débat national, ma question est simple, Madame la ministre : la question d'un découpage à la marge peut-elle être évoquée ou s'agit-il un sujet tabou ? Si la décision présidentielle est aujourd'hui irrévocable, s'il n'est pas permis d'aborder certains sujets dans les débats, la France s'engage dans une impasse.
J'appelle votre attention, Madame la ministre, sur la désertification médicale, phénomène qui affecte nos communes rurales.
Dans ma région des Hauts-de-France, 24 % des médecins actifs ont plus de soixante ans et la pyramide des âges de la population médicale ne semble pas montrer un renouvellement des générations. Dans le Bruaysis et le Béthunois, l'effectif médical ne cesse de diminuer : 12 % de médecins généralistes et 5 % de médecins spécialistes en moins entre 2010 et 2018.
La multiplication des déserts médicaux allonge la distance entre les lieux de vie des habitants et les centres de soins, quand elle ne prive pas purement et simplement les habitants de tout accès à un professionnel de santé.
Récemment, dans ma circonscription, la commune de Gosnay a vu son médecin généraliste partir à la retraite et ce sans qu'aucun remplaçant n'ait été trouvé – et ce malgré de nombreuses recherches. L'accès à un spécialiste est lui aussi particulièrement compliqué : presque une année pour obtenir un rendez-vous avec un ophtalmologiste, trois à six mois pour un dermatologue.
Je souhaite également me faire le relais des élus locaux, maires tout particulièrement, qui se sentent bien souvent démunis face à cette situation. Le développement de ces déserts médicaux pose, au-delà de la question de l'égalité d'accès au service public de la santé, celle de la perte d'attractivité de nos territoires ruraux où les services publics disparaissent les uns après les autres – je pense évidemment aux fermetures de nos bureaux de poste, de nos gendarmeries ou encore des classes dans les écoles.
Alors, Madame la ministre, que compte mettre en oeuvre, concrètement et rapidement, le Gouvernement afin d'aider les élus locaux face à cette problématique et de permettre à nouveau à nos concitoyens des territoires ruraux d'accéder pleinement à une offre de soins de qualité ?
Voici une année cruciale qui débute par un grand débat au service de la cohésion nationale et, par extension, de la cohésion des territoires, une année consacrée au dialogue citoyen à l'heure où nombre de nos concitoyens appellent à être entendus, considérés et vouloir participer à la vie quotidienne.
Dans les prochaines semaines, nous serons amenés à examiner une proposition de loi qui vise à créer cette fameuse Agence nationale de la cohésion des territoires. La construction, l'aménagement ou la création d'agences nouvelles portent leur lot d'espoirs mais aussi d'inquiétudes. Les auditions conduites par ma collègue Célia de Lavergne, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques, en sont le reflet et font apparaître chacune autant d'attentes que de craintes. Pour ma part, je considère que c'est une belle opportunité, tant pour permettre la déclinaison territoriale de programmes nationaux que pour accompagner tous ces projets dont nos territoires sont riches mais qui souvent n'aboutissent pas, en raison parfois d'une insuffisance de méthodologie ou d'ingénierie. Cette agence, qui aura un rôle d'assemblier, permettra ainsi une meilleure articulation de nos politiques publiques et l'émergence de nouveaux projets dans les territoires les plus en difficulté.
L'État peut-il éventuellement envisager, dans ses programmes nationaux ainsi que dans les projets qui seront portés dans les territoires, ce que j'appelle la démarche participative ? Je suis très attentive à une démarche participative à plusieurs niveaux : elle peut aller de la concertation à la co-construction – chez nous, la cogestion n'est pas d'actualité, elle n'est pas dans notre culture. Il s'agit de savoir comment on peut inciter – pas imposer –, dans les programmes que nous défendons au plan national et les projets issus des territoires, insuffler cette idée que le citoyen a un savoir d'usage et qu'il est important qu'il puisse se faire entendre.
Madame la ministre, il est extrêmement agréable de dialoguer avec vous, parce que votre écoute semble authentiquement forte.
Le premier enjeu est celui de la prise en charge des urgences. Mon territoire a connu la restructuration industrielle lourde d'une multinationale et la décision du Gouvernement d'arrêter la construction d'une maison d'arrêt pour laquelle le territoire avait été mobilisé de façon expresse par le gouvernement précédent. Dans ce genre de situation, les préfets, sans impulsion du Gouvernement, tardent à entrer en dialogue. Pourra-t-on, à travers la future agence, obtenir des réponses coordonnées, rapides et efficaces en cas de crises graves mettant en cause la Nation dans son ensemble ?
Je souhaite évoquer trois séries de propositions qui simplifieraient grandement la vie de nos concitoyens et qui ne coûtent rien. Aussi ne pourrez-vous pas nous opposer l'argument financier pour ne pas les mettre en oeuvre.
La première consiste à mettre en cohérence les échelons de décision et d'ingénierie de l'État déconcentrés avec ceux que, héroïquement, les territoires ont mis en oeuvre pour former les nouvelles intercommunalités. En matière de sécurité, d'éducation, de santé, cela devient insupportable : on fait de la réunionnite, on passe son temps à coordonner, alors qu'il faut ordonner. Les arguments avancés n'ont rien à voir avec les efforts réalisés par les collectivités pour se mettre au niveau d'exigence qu'avait fixé la Nation.
La deuxième proposition concerne les coopérations ville-campagne en écho à la crise des gilets jaunes. Peut-on faire un continuum de services publics, de parcours résidentiels, de chaîne de services publics et privés évitant des ruptures entre les centres et les périphéries et réinventer de nouvelles coopérations ville-campagne dans la logique de polycentrisme maillé qui vous est chère ?
Troisièmement, est-on capable d'imaginer des indicateurs qui permettent de mesurer la performance d'un territoire, ce qui permettrait à des Français dont le revenu est en dessous du revenu médian, de vivre dignement sur le territoire parce que toute une chaîne de solutions serait apportée pour que le niveau des dépenses contraintes soit diminué ?
Madame la ministre, merci pour votre intervention.
Dans le cadre du plan « France très haut débit », l'objectif du Gouvernement est de généraliser partout en France la présence du haut débit en 2020 et du très haut débit en 2022. Il s'agit à la fois de résoudre bien évidemment la fracture territoriale, de désenclaver les territoires et de garantir l'accès à internet pour tous.
C'est dans la poursuite de cet objectif que le Gouvernement a présenté, le 16 juillet dernier, sa feuille de route pour faciliter le développement et le déploiement de la 5G sur le territoire.
Selon le dernier rapport du cabinet OpenSignal, même si la 4G progresse, en matière de disponibilité et de débit, notre pays affiche des performances en deçà de celles de nos voisins européens. Il semblerait que la France ait encore des progrès à faire en termes d'accessibilité et de vitesse de connexion du réseau 4G malgré un record d'investissements des opérateurs nationaux qui ont investi près de 10 milliards d'euros en 2017, en grande majorité dans la fibre et la 4G.
Selon M. Michel Combot, directeur général de la Fédération française des télécoms, la 5G servira surtout à désengorger la 4G les premières années en libérant des ressources dans les zones denses soumises à une intense utilisation du réseau mobile. Qu'en pensez-vous et que prévoit le Gouvernement pour améliorer le déploiement et la vitesse du réseau 4G en France, dont on a sérieusement besoin ?
Madame Blanc, le Gouvernement répond au monde rural en matière d'éducation, puisque le ministre de l'éducation nationale a créé 400 postes dans les écoles rurales. Je sais bien qu'il y aura toujours quelqu'un pour me répondre que, dans son coin, c'est au contraire un poste qui a été supprimé. Pour être issue du monde rural, je sais comment ça fonctionne : dans certains endroits, il n'y a plus suffisamment d'enfants pour constituer une classe. Dans ce cas, il faut procéder à des regroupements d'écoles. Je rappelle que le nombre d'élèves par classe en zone rurale est inférieur à celui en milieu urbain, sinon on fermerait beaucoup trop de classes. Vous comprenez donc que des efforts sont réalisés.
Vous avez évoqué Decazeville, nom qui est pour nous très évocateur. Cette ville entre dans le cadre de la politique des territoires d'industrie. En lien avec ce que vous avez dit sur la formation, ce qui est intéressant c'est le volontariat territorial en entreprise. Vous le savez, beaucoup de jeunes qui fréquentent des écoles de commerce ou d'ingénieur sont envoyés par leur école à l'étranger pendant un an. Nous pensons qu'il faut créer, à l'instar de ce qui se fait à l'étranger, des modèles pour les territoires français qui permettent d'insérer des jeunes dans le territoire industriel français.
Monsieur Straumann, il ne s'agit pas, bien sûr, de refaire ici le débat sur l'Alsace. Par contre, vous pourrez, bien évidemment, aborder le sujet dans le cadre du grand débat national. Vous dites qu'il n'y aura pas de réduction du nombre de strates administratives, ce qui est vrai puisque l'on passe de deux départements à une collectivité unique. Toutefois, et vous ne l'avez pas dit, on conserve les deux administrations d'État telles qu'elles existent. Je vous rappelle, par ailleurs, que nous nous sommes engagés à ce que la marque Alsace soit gérée par la collectivité d'Alsace.
On peut certes tout remettre en cause, mais vous connaissez ma pensée. J'ai entendu, à travers ce que vous avez dit, cette idée qui est défendue par un certain nombre d'entre vous, de refaire une région Alsace.
La décision d'appliquer l'accord est entre vos mains.
Nous allons l'appliquer ! Nous n'allons pas nous y opposer, mais nous souhaitons aller plus loin.
J'entends bien, mais il faut être raisonnable.
Monsieur Pajot, cela fait des mois que je dis que la démographie médicale est un sujet prioritaire dans les territoires. C'est un axe majeur de l'action que j'entends mener au ministre de la cohésion des territoires, en lien avec la ministre de la santé. Bien sûr, c'est la ministre de la santé qui porte la politique, mais nous espérons que l'ANCT rassemblera et fédérera tous les acteurs, ce qui permettra de développer la présence médicale sur le territoire. J'ai une idée très précise sur ce sujet : on ne fait pas d'implantation médicale sans médecin. Dire cela peut paraître idiot, mais vous savez sans doute comme moi que, alors que de superbes maisons médicales ont été construites en France, un certain nombre n'ont vu aucun médecin s'y installer ! C'est pourquoi il faut développer les projets dans les territoires avec les médecins.
Beaucoup de propositions ont été faites lors de la réunion à laquelle j'ai assisté hier, dans l'Eure. Parmi les maires qui étaient présents, il y avait plusieurs médecins qui ont suggéré d'obliger les étudiants en médecine à aller passer deux années dans les zones les plus déshéritées, en espérant qu'ils s'y plaisent et donc qu'ils s'y installent. Le département de Saône-et-Loire s'est lancé dans cette politique, en proposant un contrat de trois ans à un médecin, avec le ferme espoir qu'une fois qu'il aura passé trois ans dans un territoire, il y restera. Bien sûr, on n'obtient pas 100 % de réussite, mais c'est une piste.
Vous savez que le Gouvernement engage une lutte contre les déserts médicaux, en particulier dans les territoires ruraux, mais aussi dans certaines villes.
Il faut bien comprendre que l'existence du numerus clausus a perturbé plusieurs générations de médecins et qu'il faudra attendre que sa suppression produise des effets puisqu'on ne forme pas des médecins en deux ans.
Quant à l'instauration d'une prime pour favoriser les stages dans les zones sous-denses, elle vise à essayer de fidéliser, comme je viens de vous dire, les médecins dans les territoires qui en ont besoin. Des maisons de santé et des centres de santé sont créés avec les agences régionales de santé, souvent avec l'appui des collectivités territoriales. Ainsi, ce sont aujourd'hui près de 3 millions de patients qui sont suivis dans une maison de santé pluri-professionnelle, soit une hausse de 27 % sur la seule année 2018. Un total de 1 350 maisons et centres de santé ont été recensés. Bien évidemment, tout cela est lié à l'idée d'un renforcement de la politique de rapprochement du public et du privé, parce qu'on sait que c'est très utile dans certains territoires. On doit aussi permettre que certains médecins installés en libéral exercent aussi à l'hôpital, et vice versa.
S'agissant de la télémédecine, l'accès au numérique est très important. Dans les départements de l'Ardèche et de la Drôme, où un même syndicat gère le numérique, tous les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) sont reliés par numérique à l'hôpital de Valence pour répondre aux problèmes de santé qui s'y posent. J'ai bien conscience que cela ne suffit pas, mais c'est un moyen.
Les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) permettront de décloisonner l'activité des professionnels de santé au sein d'un territoire et d'un bassin de vie pour garantir l'accès à un médecin traitant et assurer la coordination de l'ensemble des malades. J'ajoute que 400 médecins salariés sont déployés dans les zones fragiles. J'espère que ces mesures produiront des effets.
On sait que la proportion de femmes médecins est très importante, que chaque année davantage de femmes que d'hommes sortent de formation, que les médecins ne veulent plus travailler seuls mais exercer dans des maisons médicales en instaurant des tours de garde. À mon époque, les médecins sortaient jour et nuit et ils étaient seuls dans leur cabinet, mais ce n'est plus le cas aujourd'hui. C'est un élément dont il faut tenir compte.
Il convient également de lutter contre une certaine itinérance quelque peu mercantile. Il faut savoir que la moyenne d'âge d'installation des médecins en France est actuellement de quarante et un ans. Je parle des généralistes, mais on voit ici ou là naître des problèmes dans les petits hôpitaux qui sont contraints de fermer parce qu'ils ne trouvent plus d'anesthésistes ou de médecins gynécologues qui veulent bien rester dans les maternités. Il y a ce qu'on appelle des médecins qui « tournent » et qui sont payés grassement, ce qui coûte très cher à l'hôpital. Mais si on ne les prend pas, il n'y a plus personne pour faire fonctionner le service ! Je suis extrêmement consciente qu'il y a dans notre pays un vrai problème de réorganisation de l'ensemble de la santé, mais les solutions doivent être apportées avec les professionnels de santé.
Madame Hammerer, la future ANCT s'inscrit pleinement dans une démarche de co-construction, Dès le rapport de préfiguration, de très nombreux entretiens et de très nombreuses auditions ont eu lieu. Un travail important a été fait dans les deux assemblées et un dialogue fructueux a été engagé avec les associations d'élus. Un travail étroit est également conduit avec tous les personnels du CGET, en lien avec l'EPARECA et l'Agence du numérique.
Quant aux projets de territoire, ils sont portés par les élus et coconstruits avec le préfet qui est le délégué territorial de l'État. Je suis allée l'autre jour signer une convention de l'ANRU à Coulounieix-Chamiers, près de Périgueux, où il y avait, bien évidemment un conseil citoyen. L'État ne peut pas tout faire : les territoires et les élus locaux doivent engager des concertations avec les habitants de leur territoire, sous la forme de conseils citoyens ou d'une autre manière. Mais on sait que les conseils citoyens sont assez bien organisés. Certains sont faits avec des volontaires, d'autres par tirage au sort – tout peut exister. Il était très intéressant de voir comment tout le programme de l'ANRU avait été coconstruit avec un conseil citoyen. La démocratie participative, ça existe, mais ce n'est pas à Paris qu'on décide ce qui doit être fait dans tous les territoires. C'est aussi aux territoires de se prendre en main.
Nous réfléchissons également à la création d'une réserve technique permettant la mobilisation citoyenne ou encore des élèves des écoles d'ingénieur pour apporter à l'ANCT davantage de richesse.
Comme l'a dit tout à l'heure M. Potier, il faut rassembler toutes les richesses locales. L'ANCT doit avoir un rôle de fédérateur. On a vu que des sénateurs craignaient que la future agence ne vienne empiéter sur le terrain des agences que l'intercommunalité ou les départements avaient pu construire. Or, il ne s'agit pas de prendre la place des autres mais de fédérer au maximum les compétences pour mettre en place des projets territoriaux.
La coopération entre la ville et la campagne est, bien entendu, absolument nécessaire. Il faut cesser d'opposer la ville et la campagne – je ne dis pas cela pour vous – et imaginer des contractualisations nouvelles entre la ville et la campagne. Par exemple, Brest et Toulouse ont conclu des contrats de réciprocité. Ce sont des contrats entre la métropole et les territoires situés à côté.
Mais c'est mieux que rien ! Et ces contrats peuvent être renforcés.
En tout cas, tout cela doit être intégré dans nos réflexions, y compris celles relatives à l'agenda rural. Tout le monde pense qu'il faut construire un agenda rural. J'y suis favorable, mais je lance un appel pour trouver des solutions innovantes pour le monde rural et faire le lien avec le milieu urbain ou périurbain.
Madame Limon, vous m'interrogez sur le très haut débit. Le New Deal mobile prévoit de généraliser la réception 4G sur l'ensemble des pylônes existants à la fin de 2020. Ce sont 3 000 nouveaux points qui ont été équipés en 4G depuis janvier 2018. Je rappelle que des concertations ont eu lieu avec les collectivités territoriales pour savoir où implanter les nouveaux pylônes – je l'ai fait dans mon département.
Le Gouvernement a défini sa feuille de route sur la 5G à l'été 2018 pour préparer cette évolution majeure. Une fois la 3G installée, il a fallu passer à la 4G et maintenant à la 5G. C'est comme pour les iPhone : il y en a toujours un qui sort sur le marché et qui est plus performant que le précédent. Les progrès techniques sont tellement rapides que des adaptations sont nécessaires en permanence.
Madame la ministre, le rapport de M. Serge Morvan mentionne qu'il est nécessaire que les différents niveaux d'organisation territoriale soient associés – départemental, régional et national – pour que l'ANCT soit efficace et bien ancrée sur le territoire.
Il y a quelques instants, vous avez parlé des métropoles. Qu'elles soient intégrées au dispositif parce qu'elles possèdent des moyens financiers et d'ingénierie semble une bonne chose. Or, en tant qu'établissements publics, les métropoles ne peuvent intervenir en dehors de leur territoire, en raison du principe de spécialité. Dans ce contexte, pouvez-vous nous préciser comment s'opérera l'articulation entre l'échelon régional et l'échelon départemental, et quelles pourraient être les modalités d'intervention des métropoles dans ce dispositif ?
Madame la ministre, le programme de notre majorité prône l'ouverture des responsabilités politiques à un plus grand nombre de nos concitoyens qui aspirent de plus en plus à participer aux choix qui commandent leur vie quotidienne. D'ailleurs, l'actualité nous le prouve. Il est donc fâcheux de constater que, dans la ruralité, et c'est tout particulièrement le cas dans ma circonscription, des grands élus cumulent nombre de mandats et de fonctions, leurs indemnités dépassant de loin le seuil d'écrêtement légal.
Ce cumul, outre l'impossibilité évidente d'assumer pleinement et correctement l'équivalent de plusieurs temps pleins, nécessite le recrutement de personnels qui suppléent les carences des élus. Il empêche aux autres élus locaux non indemnisés d'apporter leurs compétences à la collectivité et décourage nos compatriotes de prétendre à des mandats électifs locaux. Pire, ces élus subissant l'écrêtement, ils délibèrent dans les assemblées pour faire baisser les indemnités, décourageant les élus non-cumulards de se porter candidats à des fonctions pour lesquelles il sera difficile, ensuite, de faire voter une revalorisation à un montant normal.
Ma question est donc la suivante : envisagez-vous de limiter le cumul du nombre de mandats locaux et de fonctions locales pour permettre à notre démocratie de respirer et de supprimer ces baronnies ?
Madame la ministre, à l'instar de notre collègue Dominique Potier, je voudrais à mon tour vous concéder une sensibilité personnelle au sujet des politiques de territoires, qui est tout à fait plaisante et rassurante.
Je souhaite vous interroger sur l'articulation entre l'ANCT et les territoires d'industrie qui sont des dispositifs de mobilisation d'acteurs comme BPIfrance ou le programme d'investissements d'avenir, ainsi que sur toutes les initiatives locales qui interviennent en soutien au développement de l'investissement dans les territoires.
Comment peut-on donner une lisibilité plus forte à l'action publique au service des territoires ruraux face au maquis de guichets, si je puis dire, ou de dispositifs très complexes ? Comment s'assurer de garantir une répartition équitable des moyens ?
Madame la ministre, j'ai eu l'occasion de vous interpeller, lors des questions au Gouvernement, sur deux aspects : la taxe d'habitation et la campagne de dénigrement « Balance ton maire ».
Concernant la taxe d'habitation, les questions de fond qui se posent ont trait à la dotation compensatoire aux communes pour qu'elles puissent fonctionner. Or mon département, le Pas-de-Calais, se trouve être dans les dix départements où 87 % de la population ne paient pas la taxe d'habitation. Qu'on me dise que le département va compenser la suppression de la taxe d'habitation par le transfert de la taxe foncière, soit, mais ce département fait aussi partie des dix départements les plus en difficulté et il consacre déjà 74 % de son budget aux dépenses sociales.
Concernant « Action Coeur de ville », la ville de Lens, ex-capitale du bassin minier, en bénéficie, mais je suis un peu dubitatif sur le résultat de l'opération, tout simplement parce que cette ville comporte 23 % de bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA), 20 % de chômeurs, que le salaire annuel médian est de 15 000 euros et qu'elle a perdu 6 000 habitants depuis six ans. Je ne pense pas que ce sera suffisant pour redresser une situation économique locale, d'autant qu'on a pris des dispositions pour agrandir de 15 000 mètres carrés la grande surface locale.
Nous allons donc être confrontés à ces réalités, d'autant que les maires qui ont la compétence générale et dont on redore le blason – dont acte – vont être confrontés à l'effet de métropole. Or ce n'est pas en ajoutant de la misère à de la misère qu'on peut créer une situation financière plus riche. Je parle là du pôle métropolitain de l'Artois qui fusionne trois communautés d'agglomération. Ces métropoles ne sont que l'expression de la volonté politique ultralibérale de l'Europe. Dans ces conditions, je suis très inquiet en ce qui concerne le développement et la cohérence des territoires.
Ma question est simple : les petites communes, celles qui accueillent plus de 60 % des Français ont-elles encore une place dans le dispositif de réorganisation territoriale engagé ?
Madame la ministre, ma question porte sur l'habitat indigne.
On estime en France entre 400 000 et 600 000 le nombre de logements insalubres et dangereux pour leurs occupants. Ce sont ainsi près d'un million de nos concitoyens qui sont touchés par ce fléau.
La Seine-Saint-Denis est le département le plus affecté, avec 7,5 % des résidences principales privées. Au mois de décembre dernier, en l'espace de trois jours, le feu a frappé à deux reprises des logements séquano-dyonisiens, endeuillant le département.
Aux drames humains que crée le phénomène de l'habitat indigne s'additionnent les drames sociaux : l'isolement, la pauvreté, et les problèmes de santé qui sont corrélés.
Plusieurs mesures ont déjà été prises pour lutter contre ce fléau, notamment dans la loi ELAN, qui prévoit des poursuites contre les entrepreneurs de misère que sont les marchands de sommeil.
Alors que l'objectif pour l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) est de 10 000 à 15 000 logements rénovés par an et que cet objectif n'a été atteint qu'à 78 % en 2017, peut-on envisager une réévaluation de ce chiffre ? Quel est le dispositif concret pour identifier le plus précisément possible les cas d'habitat indigne sur tout le territoire ?
Madame la ministre, ma question porte sur l'open data des collectivités territoriales. En France, nous avons un arsenal législatif assez important en ce qui concerne l'ouverture des données. Par contre, la réalité de terrain et la mise en oeuvre sont tout autres. Le 7 octobre dernier, toutes les collectivités territoriales et locales devaient mettre en open source leurs données publiques. Or on s'aperçoit qu'à l'exception des grandes métropoles et de quelques régions qui étaient déjà dotées d'un certain nombre de moyens, peu de communes mettent en accessibilité leurs données alors qu'il est prouvé que l'open data permet de stimuler l'innovation et l'économie. Ce sont donc les territoires les plus reculés qui en auraient le plus besoin pour innover et créer une dynamique économique.
Quelle est la gouvernance et quels moyens le Gouvernement met-il en place pour accompagner l'ouverture des données des collectivités territoriales, et notamment des communes les plus rurales ?
Je voudrais, Madame la ministre, vous interroger à propos de la mise en oeuvre de nos politiques publiques en matière de transition écologique et énergétique. Il faudra continuer à développer des politiques publiques adaptées à la fois au territoire et aux habitants, mais aussi définir une stratégie industrielle offensive dans les domaines qui touchent à cette transition énergétique, à la fois en termes de mobilités et de stockage.
Nous allons examiner des textes importants dans la prochaine période : la loi d'orientation des mobilités, dite « LOM », la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE)… Avant Noël, le Premier ministre a tenu un discours très important, devant le Conseil national de l'industrie, sur la stratégie industrielle de la France pour les années qui viennent, en abordant notamment les questions qui touchent à la mobilité et au stockage. Sur ces grandes questions, les compétences sont largement partagées entre les régions, les intercommunalités et les métropoles.
C'est pourquoi je voudrais savoir comment les régions seront associées à ce travail. Car il va les mobiliser, puisqu'elles auront à imaginer des politiques à l'échelle régionale. Je pense que, sur beaucoup de ces questions aussi, on a besoin de décentraliser nos politiques publiques. Des niveaux de contractualisation sont-ils déjà prévus ? N'a-t-on pas surtout besoin de renforcer la décentralisation dans notre pays ?
Madame la ministre, je voudrais vous interroger sur l'intégration de l'Agence du numérique dans l'ANCT. Si je regarde les compétences actuelles de l'Agence du numérique, je constate qu'elle est chargée d'impulser, d'animer et d'accompagner les initiatives numériques développées par les collectivités publiques, les réseaux d'entreprise, les associations et les particuliers. C'est une agence qui est agile, réactive et qui entretient un dialogue étroit avec les collectivités territoriales. Son efficacité, qui s'est manifestée à travers le déploiement du plan « France très haut débit », est reconnue.
Or certains acteurs m'ont fait part de leurs inquiétudes. On ne parle plus, dans le texte qui nous revient du Sénat, d'impulsion, mais de « soutien », ce qui peut faire une différence dans un contexte où l'on doit, par exemple, mettre en oeuvre le plan fibre. Comment allez-vous garantir la continuité et l'efficacité des missions qui sont aujourd'hui exercées par l'Agence du numérique, et selon quelles les modalités pratiques ?
Nous avons beaucoup parlé de la création d'une Agence nationale de la cohésion des territoires, mais j'aurais envie de l'appeler plutôt l'Agence de cohésion nationale des territoires. Car le mot « cohésion » doit, à mon avis, être le fil rouge dans tout cela.
Comme vous l'avez dit, la France est diverse : territoires métropolitains, territoires ruraux… Comme de nombreux rapports le prouvent, la réponse aux enjeux des territoires urbains se trouve aussi dans les territoires ruraux, tandis que la réponse aux territoires ruraux se trouve aussi dans les territoires urbains. Il me semble donc qu'il faut rassembler plutôt que diviser – et raisonner en termes de complémentarité.
Ensuite, vous avez parlé des outils existants : DETR, contrats de ruralité, contrats de ville, « Territoires d'industrie »… Quelle est la cohésion entre ces différents outils ? Notre groupe d'études sur la ruralité travaille, sur la base d'un certain nombre de rapports produits par les uns et par les autres. Mais cela m'amène à me poser la question de la cohésion entre les différents travaux produits, car ce n'est que par elle qu'ils seront pertinents et utiles.
Effectivement, concernant le rôle des métropoles et la question de M. Martin, je crois que le débat parlementaire peut poser le problème de la capacité des métropoles à proposer une offre d'ingénierie à des territoires situés hors de la métropole, ce qui n'est pas permis actuellement, comme vous l'avez rappelé, en vertu du principe de spécialité. Je trouve que cette question mérite d'être posée, parce qu'on comprend bien que des limites administratives n'ont pas forcément vocation à empêcher la solidarité entre différents territoires.
Madame O'Petit, vous avez posé le problème du cumul des mandats des élus locaux… Vieux sujet ! Il est vrai que, parfois, des élus locaux, en cumulant beaucoup de fonctions, y compris au sein de leur comité économique et social régional, finissent par avoir des ressources qui sont très importantes. Il n'y a pas de projet de loi visant à limiter le cumul des mandats quantitativement, mais je vous rappelle que, dans le prolongement de la réforme institutionnelle, il y a un projet de loi de réforme électorale et que ce projet comporte la limitation du cumul des mandats dans le temps. Je sais que ce n'est pas pareil, mais il concernerait les parlementaires et les membres des exécutifs locaux, et interdirait d'exercer plus de trois mandats identiques consécutifs.
Le problème de la rémunération des élus est extrêmement délicat. Je connais suffisamment la chose pour savoir que, quand vous exercez une profession quelconque, ce n'est pas toujours facile d'assumer en même temps des fonctions électives. Car cela prend beaucoup de temps, de sorte que les gens finissent par chercher un deuxième mandat pour trouver une compensation. Dans ce système, chacun essaye, à travers ses diverses fonctions, de disposer de ressources à peu près équivalentes à ce qu'il gagnerait dans sa vie professionnelle. Cela pose donc, au fond, la question du statut de l'élu, dont on parle depuis longtemps. Mais le problème est qu'en France le fait d'être élu est une fonction et non un métier, contrairement à ce qu'on observe dans d'autres pays comme l'Allemagne. Or vous avez pourtant un véritable métier quand vous êtes élu. C'est un champ de réflexion très vaste et très intéressant.
Monsieur Anato, j'entends ce que vous dites sur l'habitat indigne. Le Gouvernement a fait de la lutte contre ce phénomène une priorité, en misant sur une simplification des outils et en confiant à M. Guillaume Vuilletet une mission sur ce sujet. Tout un programme a été mis en oeuvre, dans le cadre de la loi ELAN, pour prévenir et combattre la dégradation des grandes copropriétés, telles qu'il en existe, je suppose, dans votre département ou dans d'autres départements comme les Bouches-du-Rhône. Nous travaillons aussi à la requalification de l'habitat dans les centres anciens dégradés. Cette politique est notamment menée par l'ANRU, y compris dans les coeurs de ville à certains endroits, car l'habitat dégradé n'est pas seulement présent dans certains départements et dans les grands centres urbains : on l'observe aussi dans la ruralité. Nous activons aussi l'arsenal répressif contre les marchands de sommeil, en les frappant de lourdes pénalités financières et d'interdictions d'exercer la profession de logeurs.
Monsieur Évrard, vous dites douter de l'efficacité de notre action à destination des coeurs de ville, et c'est votre droit. Cependant, j'observe une volonté des élus de s'insérer dans ce dispositif. Les ORT sont très importantes, et je pense que c'est un outil qui permet de recréer des conditions de vie et des conditions de développement. Cela pourrait permettre d'éviter les phénomènes que vous dénoncez ensuite.
Madame Faure-Muntian m'a posé une question sur l'open data. L'État a prévu, en ce domaine, un accompagnement des collectivités territoriales, afin qu'elles puissent se préparer à l'exécution de leurs obligations. Le secrétaire d'État chargé du numérique, épaulé par la direction interministérielle du numérique et du système d'information et de communication de l'État (DINSIC), pilote cet accompagnement dans le cadre du programme de développement concerté de l'administration numérique territoriale ; la DGCL participe également au mouvement.
Il y a aussi une association qui s'appelle OpenDataFrance, à laquelle le Gouvernement a confié le soin de mener une mission d'expertise, en vue d'analyser les besoins des collectivités territoriales et de mener une expérimentation avec les territoires pilotes. Il s'agit de faire émerger un socle commun de données locales. Un appel à projets piloté par l'association OpenDataFrance et publié fin décembre 2018, a invité les collectivités territoriales à solliciter un accompagnement au titre de leur déploiement d'une stratégie open data. Le programme durera sur deux ans, soit 2019 et 2020. L'objectif est de toucher 2 000 collectivités territoriales à l'horizon 2020.
Monsieur Rémi Delatte m'a, ainsi que d'autres, interrogée sur tout ce qui concerne l'ANCT. Elle sera d'abord le moyen de fédérer tous les projets des territoires, en fonction des politiques publiques que le Gouvernement entend mener. Je tiens à vous rassurer sur le fait que les régions ne sont pas exclues de l'ANCT et sur le fait que nous recherchons une articulation avec l'ensemble des collectivités territoriales. Je vais prendre un exemple concret. Tout à l'heure, j'ai rappelé que nous sommes en train de construire un pacte « girondin » avec la Bretagne. En ce cas, la demande venait de la région. C'est elle qui voulait rassembler, dans un pacte global, de nombreuses politiques de logement, d'aménagement du territoire, de transport, d'industrie de coeur de ville… Au fond, l'ANCT sera l'outil permettant à toutes ces politiques de se développer sur le territoire breton.
Bien sûr, les régions ont été étroitement associées à la rédaction du projet de loi d'orientation des mobilités, puisque la compétence des transports leur est dévolue. De manière générale, l'ensemble des régions, je l'espère, sont favorables à une loi visant à permettre la mobilité, y compris dans les zones les plus rurales. Évidemment, ce ne peut être selon les mêmes modalités que dans les centres-villes. Il ne s'agit pas d'y déployer des transports en commun, mais il faut trouver des moyens de mobilité, que ce soit le covoiturage ou des technologies nouvelles. À ce propos, le premier transport en commun avec bus à hydrogène sera inauguré prochainement à Pau, ville que je connais pour des raisons qui ne vous échappent pas.
Si le Gouvernement a souhaité que l'Agence du numérique soit intégrée à l'ANCT, c'est précisément pour les raisons que vous avez données, Madame Hennion. Je comprends évidemment votre question et je sais quelles angoisses s'expriment partout. Le numérique est un sujet des plus importants aujourd'hui dans les territoires pour nos concitoyens, et l'Agence du numérique est un outil, un service, qui fonctionne sur un mode projet, qui permet des réponses rapides et efficaces. Nous voulons cette même agilité pour la nouvelle agence. Je peux donc vous assurer que l'ANCT garantira la stabilité que vous appelez de vos voeux, car l'Agence du numérique fournit un excellent travail. Il sera simplement désormais coordonné avec d'autres politiques publiques.
Merci, Madame la ministre, pour votre fine connaissance des dossiers et vos réponses complètes. Je pense que vous reviendrez nous parler de l'ANCT au moment de l'examen de la proposition de loi portant création de celle-ci.
Membres présents ou excusés
Réunion du mercredi 16 janvier 2019 à 16 h 30
Présents. – M. Patrice Anato, Mme Marie-Noëlle Battistel, Mme Sophie Beaudouin-Hubiere, M. Grégory Besson-Moreau, Mme Barbara Bessot Ballot, Mme Anne Blanc, M. Yves Blein, M. Bruno Bonnell, M. Sébastien Cazenove, M. Yves Daniel, M. Rémi Delatte, M. Michel Delpon, M. Julien Dive, M. José Evrard, Mme Valéria Faure-Muntian, Mme Véronique Hammerer, Mme Christine Hennion, M. Jean-Luc Lagleize, Mme Célia de Lavergne, Mme Annaïg Le Meur, M. Roland Lescure, Mme Monique Limon, M. Richard Lioger, M. Didier Martin, Mme Graziella Melchior, M. Jérôme Nury, Mme Claire O'Petit, Mme Valérie Oppelt, M. Ludovic Pajot, M. Éric Pauget, Mme Anne-Laurence Petel, M. Dominique Potier, M. Jean-Bernard Sempastous, M. Denis Sommer, M. Éric Straumann, M. Jean-Charles Taugourdeau, Mme Bénédicte Taurine
Excusés. – M. Dino Cinieri, Mme Michèle Crouzet
Assistait également à la réunion. – M. Christophe Lejeune