Monsieur Pajot, cela fait des mois que je dis que la démographie médicale est un sujet prioritaire dans les territoires. C'est un axe majeur de l'action que j'entends mener au ministre de la cohésion des territoires, en lien avec la ministre de la santé. Bien sûr, c'est la ministre de la santé qui porte la politique, mais nous espérons que l'ANCT rassemblera et fédérera tous les acteurs, ce qui permettra de développer la présence médicale sur le territoire. J'ai une idée très précise sur ce sujet : on ne fait pas d'implantation médicale sans médecin. Dire cela peut paraître idiot, mais vous savez sans doute comme moi que, alors que de superbes maisons médicales ont été construites en France, un certain nombre n'ont vu aucun médecin s'y installer ! C'est pourquoi il faut développer les projets dans les territoires avec les médecins.
Beaucoup de propositions ont été faites lors de la réunion à laquelle j'ai assisté hier, dans l'Eure. Parmi les maires qui étaient présents, il y avait plusieurs médecins qui ont suggéré d'obliger les étudiants en médecine à aller passer deux années dans les zones les plus déshéritées, en espérant qu'ils s'y plaisent et donc qu'ils s'y installent. Le département de Saône-et-Loire s'est lancé dans cette politique, en proposant un contrat de trois ans à un médecin, avec le ferme espoir qu'une fois qu'il aura passé trois ans dans un territoire, il y restera. Bien sûr, on n'obtient pas 100 % de réussite, mais c'est une piste.
Vous savez que le Gouvernement engage une lutte contre les déserts médicaux, en particulier dans les territoires ruraux, mais aussi dans certaines villes.
Il faut bien comprendre que l'existence du numerus clausus a perturbé plusieurs générations de médecins et qu'il faudra attendre que sa suppression produise des effets puisqu'on ne forme pas des médecins en deux ans.
Quant à l'instauration d'une prime pour favoriser les stages dans les zones sous-denses, elle vise à essayer de fidéliser, comme je viens de vous dire, les médecins dans les territoires qui en ont besoin. Des maisons de santé et des centres de santé sont créés avec les agences régionales de santé, souvent avec l'appui des collectivités territoriales. Ainsi, ce sont aujourd'hui près de 3 millions de patients qui sont suivis dans une maison de santé pluri-professionnelle, soit une hausse de 27 % sur la seule année 2018. Un total de 1 350 maisons et centres de santé ont été recensés. Bien évidemment, tout cela est lié à l'idée d'un renforcement de la politique de rapprochement du public et du privé, parce qu'on sait que c'est très utile dans certains territoires. On doit aussi permettre que certains médecins installés en libéral exercent aussi à l'hôpital, et vice versa.
S'agissant de la télémédecine, l'accès au numérique est très important. Dans les départements de l'Ardèche et de la Drôme, où un même syndicat gère le numérique, tous les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) sont reliés par numérique à l'hôpital de Valence pour répondre aux problèmes de santé qui s'y posent. J'ai bien conscience que cela ne suffit pas, mais c'est un moyen.
Les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) permettront de décloisonner l'activité des professionnels de santé au sein d'un territoire et d'un bassin de vie pour garantir l'accès à un médecin traitant et assurer la coordination de l'ensemble des malades. J'ajoute que 400 médecins salariés sont déployés dans les zones fragiles. J'espère que ces mesures produiront des effets.
On sait que la proportion de femmes médecins est très importante, que chaque année davantage de femmes que d'hommes sortent de formation, que les médecins ne veulent plus travailler seuls mais exercer dans des maisons médicales en instaurant des tours de garde. À mon époque, les médecins sortaient jour et nuit et ils étaient seuls dans leur cabinet, mais ce n'est plus le cas aujourd'hui. C'est un élément dont il faut tenir compte.
Il convient également de lutter contre une certaine itinérance quelque peu mercantile. Il faut savoir que la moyenne d'âge d'installation des médecins en France est actuellement de quarante et un ans. Je parle des généralistes, mais on voit ici ou là naître des problèmes dans les petits hôpitaux qui sont contraints de fermer parce qu'ils ne trouvent plus d'anesthésistes ou de médecins gynécologues qui veulent bien rester dans les maternités. Il y a ce qu'on appelle des médecins qui « tournent » et qui sont payés grassement, ce qui coûte très cher à l'hôpital. Mais si on ne les prend pas, il n'y a plus personne pour faire fonctionner le service ! Je suis extrêmement consciente qu'il y a dans notre pays un vrai problème de réorganisation de l'ensemble de la santé, mais les solutions doivent être apportées avec les professionnels de santé.
Madame Hammerer, la future ANCT s'inscrit pleinement dans une démarche de co-construction, Dès le rapport de préfiguration, de très nombreux entretiens et de très nombreuses auditions ont eu lieu. Un travail important a été fait dans les deux assemblées et un dialogue fructueux a été engagé avec les associations d'élus. Un travail étroit est également conduit avec tous les personnels du CGET, en lien avec l'EPARECA et l'Agence du numérique.
Quant aux projets de territoire, ils sont portés par les élus et coconstruits avec le préfet qui est le délégué territorial de l'État. Je suis allée l'autre jour signer une convention de l'ANRU à Coulounieix-Chamiers, près de Périgueux, où il y avait, bien évidemment un conseil citoyen. L'État ne peut pas tout faire : les territoires et les élus locaux doivent engager des concertations avec les habitants de leur territoire, sous la forme de conseils citoyens ou d'une autre manière. Mais on sait que les conseils citoyens sont assez bien organisés. Certains sont faits avec des volontaires, d'autres par tirage au sort – tout peut exister. Il était très intéressant de voir comment tout le programme de l'ANRU avait été coconstruit avec un conseil citoyen. La démocratie participative, ça existe, mais ce n'est pas à Paris qu'on décide ce qui doit être fait dans tous les territoires. C'est aussi aux territoires de se prendre en main.
Nous réfléchissons également à la création d'une réserve technique permettant la mobilisation citoyenne ou encore des élèves des écoles d'ingénieur pour apporter à l'ANCT davantage de richesse.
Comme l'a dit tout à l'heure M. Potier, il faut rassembler toutes les richesses locales. L'ANCT doit avoir un rôle de fédérateur. On a vu que des sénateurs craignaient que la future agence ne vienne empiéter sur le terrain des agences que l'intercommunalité ou les départements avaient pu construire. Or, il ne s'agit pas de prendre la place des autres mais de fédérer au maximum les compétences pour mettre en place des projets territoriaux.
La coopération entre la ville et la campagne est, bien entendu, absolument nécessaire. Il faut cesser d'opposer la ville et la campagne – je ne dis pas cela pour vous – et imaginer des contractualisations nouvelles entre la ville et la campagne. Par exemple, Brest et Toulouse ont conclu des contrats de réciprocité. Ce sont des contrats entre la métropole et les territoires situés à côté.