La question de la biodiversité est criante, urgente : les espèces disparaissent à une vitesse effrayante, les campagnes sont devenues silencieuses du fait de la baisse rapide du nombre des oiseaux, au rythme où nous allons, nous courrons à la catastrophe. La sixième extinction de masse des espèces vivantes est commencée et même s'accélère. Nous faisons face à un véritable anéantissement biologique : les espèces, notamment les vertébrés, reculent à la fois en nombre d'individus et en étendue. D'après une étude de 2017, les disparitions d'espèces ont été multipliées par 100 depuis 1900, soit un rythme sans équivalent depuis l'extinction des dinosaures… Une étude du CNRS a montré l'an dernier une réduction de près d'un tiers de la population d'oiseaux en dix-sept ans. Les causes de cette catastrophe sont connues : c'est l'accaparement productiviste du capitalisme qui a conduit l'homme à détruire les écosystèmes, à perturber les fragiles équilibres, à polluer ici, à déforester là, à empêcher les animaux de se déplacer selon leurs migrations naturelles, ce qui a provoqué des hécatombes. Nous avons détruit, anéanti, dégradé, saccagé, pillé, ravagé, dévasté, massacré notre environnement naturel soit pour en tirer le plus d'argent possible, soit pour le simple plaisir de tuer ou de détruire ; nous avons bétonné les sols, rasé les forêts, empoisonné les rivières et déversé nos déchets partout où nous le pouvions, créant des montagnes de plastique qui polluent les sols et les eaux. D'une planète tempérée où il faisait bon vivre, nous sommes en train de faire un enfer, pour nous et pour toutes les autres espèces vivantes.
Ainsi, ce projet qui crée un Office français pour la biodiversité, en fusionnant l'Office national de la chasse et de la faune sauvage et l'Agence française pour la biodiversité dans le but de rendre plus lisibles et plus efficaces la préservation de la biodiversité et l'exercice de la police de l'environnement, pourrait être une bonne idée. Il est en effet grand temps d'avoir un établissement public véritablement capable de faire respecter des réglementations trop timides et des lois insuffisamment protectrices.
Toutefois, je ne peux que noter, de la part de ce Gouvernement, un manque d'ambition écologique que ce projet ne va, de toute évidence, pas pallier.
Dans n contexte d'austérité, les moyens alloués à l'écologie sont tout à fait insuffisants pour combler les besoins. Pourtant, ce nouvel établissement doit être le support du grand plan biodiversité annoncé en 2018 !
Comment, dans ces conditions, assurer la défense de l'intérêt général écologique ? Le budget du ministère de l'écologie est en hausse de 0,22 % : une misère, au vu des urgences ! Quant à l'ONCFS, il se trouve dans une impasse budgétaire à cause du cadeau qu'Emmanuel Macron a fait aux chasseurs en décidant, tout seul, de baisser de moitié le prix du permis de chasse national. Or, à l'heure actuelle, les effectifs de l'ONCFS sont critiques pour assurer ses missions et conserver ses compétences.
Voilà un bel exemple de pratique macronienne du pouvoir. Faire des économies, tel est l'objectif ultime ! Il ne saurait être celui de la nécessaire transition écologique, qui se prévoit sur le long terme.
J'alerte aujourd'hui sur les moyens alloués à ce nouvel établissement car la fusion ne doit pas être l'occasion de coupes claires dans des budgets déjà bien maltraités. Il est en effet prévu qu'en 2019 trente-neuf postes soient supprimés à l'ONCFS. Nous souhaitons un pilotage opéré nationalement et, sur le terrain, des moyens humains permettant un vrai contrôle puisque cette structure prendra en charge la police de l'environnement pour la préservation des milieux naturels et le respect de la législation relative à la chasse et à la pêche.
Il faudrait également un suivi effectif des espèces concernées et du nombre d'individus qui, pour chacune, ont été tués. Si les associations de chasse veulent, ainsi qu'elles le prétendent, contribuer aux actions de protection de la biodiversité, ce projet doit rendre obligatoire le suivi de toutes les espèces, sans se limiter à celles qui sont soumises à la gestion adaptative. Les chiffres – qui ne sauraient être seulement ceux que les chasseurs veulent bien fournir – doivent aussi être disponibles pour le public et les associations.
Le contrôle ne peut pas être un autocontrôle ou résider dans l'espoir vague que les règles seront enfin respectées. Cela n'aurait pas plus de résultat que l'autorégulation exigeante des salaires des patrons du CAC 40, c'est-à-dire aucun ! Pour contrôler, il faut des contrôleurs prenant le temps de constater ce qui se passe et ayant les moyens de sanctionner les éventuels manquements.
Il faut également que les missions de contrôle soient menées de façon rigoureuse en vue de préserver la biodiversité : c'est sur ce point que projet de loi devient inquiétant.
Il fait en effet la part très belle au lobby de la chasse ! Si ce lobby a fini par accepter ce projet de fusion, c'est en échange de cadeaux mais aussi de prérogatives qui auparavant relevaient de l'État. On se souvient que c'est ce sujet qui a amené la fracassante démission du ministre Nicolas Hulot en août dernier : il avait alors constaté à ses dépens que le poids des lobbies dans la décision publique pouvait excéder celui d'un ministre d'État.
Il reviendrait aux fédérations départementales de s'organiser entre elles pour donner les agréments aux associations locales et déterminer les terrains soumis à l'action de l'association communale de chasse. Un amendement de dernière minute prévoit la possibilité de conserver une part de contrôle. Toutefois, cette gestion départementale risque d'opérer une prédation capitaliste, puisque les grosses associations pourront se réserver les meilleurs gibiers au détriment de la masse des chasseurs. Comme toujours, les riches et les puissants conserveront pour eux la meilleure part.
Un tel projet est dangereux et inepte car l'État ne doit pas se dessaisir de ses fonctions. Il était déjà grave que, dans l'Oise, 200 chasseurs soient assermentés pour « prêter main forte aux forces de l'ordre » : nous avons affaire, avec ce texte, à une nouvelle tentative de délégation à des associations n'ayant aucun rapport avec l'État. Les fédérations ont pour seule logique la leur et ne se soucient pas de l'intérêt général, car tel n'est pas leur rôle.
La « gestion adaptative » organisée par l'État n'a déjà que trop conduit à légitimer des aberrations. La France a par exemple autorisé à tuer 100 000 tourterelles des bois en 2018, contre l'avis de la Commission européenne qui réclamait un moratoire. Le ministre a également pour projet d'autoriser la chasse de l'oie cendrée après le 31 janvier, alors que l'espèce entre en période de reproduction, ce qui enfreint la directive oiseaux.