Ainsi, l'Assemblée nationale se trouve, en pleine crise sociale, à débattre de la création d'un nouvel établissement public. Si louable et respectable que soit ce sujet, l'ordre du jour contribue à décrédibiliser notre institution, ce que le groupe Libertés et territoires déplore.
J'en viens au sujet qui nous rassemble, la création d'un grand établissement public chargé de la biodiversité et de la chasse. Au plan international, la responsabilité de la France est majeure compte tenu de la richesse exceptionnelle de sa biodiversité, notamment ultramarine.
Vous l'avez rappelé, madame la secrétaire d'État, lors de votre audition en commission, la France abrite 10 % des espèces connues au niveau mondial et elle est le deuxième espace maritime au monde, dont 90 % en outre-mer. Soyons conscients de cette réalité !
Aussi importe-t-il de rappeler que la protection de l'environnement est un défi majeur pour l'humanité : le devoir, commun et universel, de respecter un bien collectif en empêchant de faire impunément usage des diverses catégories d'êtres vivant en fonction de projets économiques.
Chacun peut saisir, par exemple, l'importance de la région amazonienne, l'un des espaces naturels les plus appréciés dans le monde pour sa diversité biologique, vitale pour l'équilibre environnemental de la planète.
Nous devons tous nous sentir engagés dans la protection du patrimoine forestier et, partout où cela est nécessaire, il nous faut promouvoir des programmes ambitieux en faveur de la biodiversité. En Guyane, le projet de la Montagne d'or constitue une atteinte forte à la biodiversité et au respect des populations locales. Du haut de cette tribune, j'assure de mon soutien notre collègue Gabriel Serville.
Notre responsabilité individuelle et collective est donc capitale.
Personne ne peut nier l'effondrement actuel de la richesse environnementale, ni que nous assistons à une catastrophe majeure pour la biodiversité.
Le rapport Planète Vivante rappelle que 60 % des vertébrés ont disparu de la surface du globe entre 1970 et 2014, que 25 % des terres de l'Union européenne sont touchées par l'érosion des sols et qu'un tiers des récifs coralliens de la France ultramarine sont en train de régresser.
Dans mon île, la Corse, la spéculation foncière bat son plein, avec la multiplication des résidences secondaires, l'émergence de centres commerciaux et une artificialisation galopante des sols. Ailleurs sur le continent, des projets comme la ferme des 1 000 vaches et d'autres manifestations de l'agriculture intensive menacent notre écosystème et portent de graves atteintes à la biodiversité.
Selon Antoine de Saint-Exupéry, nous n'héritons pas de la terre de nos ancêtres, nous l'empruntons à nos enfants. C'est avec cette philosophie que le groupe Libertés et territoires participera au débat, en cherchant à faire du futur organisme un acteur majeur de la préservation de la biodiversité.
J'en arrive au fond du projet. Après deux années et demie de débats parlementaires et des travaux de préfiguration approfondis ayant abouti à la loi pour la reconquête de la biodiversité d'août 2016, l'Agence française pour la biodiversité a été créée le 1er janvier 2017. L'AFB, c'est aujourd'hui 1 300 agents officiant sur le territoire et 354 personnes regroupées autour de trois sites centraux.
Parallèlement, et j'emploie ce mot à dessein, l'Office national de la chasse et de la faune sauvage, créé en 1972, rassemble quant à lui 1 443 équivalents temps plein, essentiellement des inspecteurs de l'environnement.
Le présent projet vise à créer un nouvel établissement regroupant l'AFB et l'ONCFS. La dénomination de cet établissement a fait l'objet d'une consultation interne aux deux structures, à laquelle 2 300 personnes sur les 2 700 sollicitées ont répondu. Au terme de la semaine de consultation, la dénomination « Office français de la biodiversité » a recueilli le maximum de suffrages et fut intégrée à nos débats par le biais d'un amendement gouvernemental.
Nous savons tous combien le nom d'une structure porte son identité et reflète sa mission : c'est la raison pour laquelle la majorité de notre groupe soutiendra l'intégration du mot « chasse .
Alors que nous sommes tous favorables à la création de cet établissement qui sera un vecteur d'apaisement et de dialogue entre les différents acteurs, il importe que chacun puisse s'y retrouver. Ainsi, nous nous interrogeons sur la dichotomie, signalée par notre collègue Descoeur en commission, entre les noms « Office » au niveau national et « agences » à l'échelle régionale. Nos travaux devraient nous permettre de rendre ce texte plus simple et plus clair, afin que le grand public, les agents et les élus locaux puissent s'approprier cet outil dans lequel nous croyons tous.
En effet, le nouvel établissement intéresse pas moins de 1,3 million de chasseurs et 2 à 3 millions de Françaises et de Français membres d'associations environnementales. Nos territoires ruraux connaissent bien ces sujets.
Ce texte, au-delà des interrogations qu'il pose sur le calendrier, concerne donc un grand nombre de nos concitoyens dans les territoires, notamment ruraux ou de montagne.
Nous aurons également à étudier la question du ministère de tutelle dudit établissement public.
Je rappelle que l'AFB est placée sous la tutelle du seul ministère chargé de l'écologie, et l'ONCFS sous la tutelle conjointe des ministères chargés de l'écologie et de l'agriculture. Le Gouvernement propose de placer le nouvel établissement sous la tutelle des ministères chargés de l'écologie et de l'agriculture : nous nous opposons à ce que le ministère de l'intérieur – qui a été interrogé et qui ne souhaite pas exercer la tutelle sur celui-ci – accompagne les ministères susmentionnés.
Par ailleurs, nous soutiendrons la présence de parlementaires, notamment d'outre-mer, et celle des élus locaux au sein du conseil d'administration car celui-ci demeure une véritable interrogation.
D'autre part, le groupe Libertés et territoires est extrêmement réservé, pour ne pas dire plus, quant au financement du nouvel organisme et au transfert des 500 millions d'euros des agences de l'eau. Le financement envisagé nous amène à nous interroger tant sur les volontés cachées du Gouvernement que sur leurs impacts sur la politique de l'eau. Il s'agit en effet d'un mécanisme alambiqué et dangereux, digne de l'ancien monde que la majorité La République en marche ne cesse de décrier mais dont, dans ce cas précis, elle incarne parfaitement la continuité.
De même, nous souhaitons obtenir de la part du Gouvernement des garanties quant au coût du permis de chasse. La promesse du Président de la République ne semble en effet concerner que le permis national : or les chasseurs sont, dans leur immense majorité, titulaires d'un permis départemental.
De plus, nous souhaitons encadrer le prélèvement obligatoire envisagé sur les permis de chasse à 5 euros.
Les chasseurs, acteurs quotidiens de l'entretien de nos forêts et de nos campagnes, sont également, l'étude d'impact l'indique, des garants de la biodiversité.
Enfin, il nous importe de soutenir les chasseurs dans leurs actions en faveur de la sécurité en matière d'actions de chasse : nous plaidons dans cette perspective pour la généralisation du port de vêtements fluorescents.
Pour conclure, si le groupe Libertés et territoires salue la démarche entreprise, il réserve son vote compte tenu des interrogations encore pendantes.
Si le Gouvernement apporte des garanties sur le financement, sur la place des élus au sein du conseil d'administration et y accorde une place équilibrée au monde de la chasse, nous pourrons voter ce texte.
À défaut, nous serons une majorité à nous abstenir.