Chaque semaine, des violences ont lieu. Chaque semaine, des pavés volent. Chaque semaine, des vitrines explosent, des coups partent. Chaque semaine, une petite minorité de brutes menace, vise, attaque. Ces brutes sévissent à Paris où elles dégradent jusqu'aux symboles de la République. Elles sévissent partout en France, n'écoutant que leur soif de chaos.
Je parle des brutes, non des manifestants.
Nous aurions pu minimiser les faits, les ignorer, parler de fantasme, refuser de voir la vérité en face et prétendre que rien de grave ne se passait, qu'au fond rien n'avait changé. Nous aurions pu joindre nos cris à ceux des indignés professionnels qui se prétendent républicains et soutiennent des appels à renverser l'État, mais nous avons choisi la responsabilité.
Nous avons choisi de déclarer que les violences n'avaient que trop duré. Nous avons choisi de dire aux forces de l'ordre, remarquables de professionnalisme et de sang-froid, que nous étions à leurs côtés. Nous avons choisi de défendre non quelques milliers de brutes, mais les millions de Français qui n'en peuvent plus.
La proposition de loi que nous examinons ce soir n'est pas un texte de circonstance. En effet, le Sénat l'avait adoptée avant le début des manifestations des gilets jaunes. Lors de son examen, le Gouvernement avait émis un avis de sagesse et suggéré des aménagements techniques qu'il jugeait nécessaires en proposant qu'un groupe de travail réunissant le ministère de l'intérieur et le ministère de la justice rende ses conclusions pour le 15 janvier : nous avons passé cette date et nous travaillons aujourd'hui dans ce cadre.
Cette loi propose, au fond, une réponse plus large, car la montée de la violence ne date pas de novembre dernier. Depuis des mois, et peut-être des années, les mouvements de protestation se radicalisent. Autour de ceux qui souhaitent manifester pour faire entendre leurs revendications et leur colère, ce qui est parfaitement légitime, se greffent de petits groupes opportunistes dont le seul mantra est la volonté de détruire.
Le 1er mai 2018, déjà, des « black blocs » s'étaient organisés, frappant, attaquant et laissant des blessures dans Paris. Rappelons-nous, plus tôt encore, Notre-Dame-des-Landes, le G7 et le G20. Rappelons-nous ce CRS que des « black blocs » ont tenté d'immoler le 1er mai 2017.
En marge de chaque manifestation, courageusement cachés derrière des masques, de petits groupes tentent de faire advenir leur Grand Soir. Ils le font avec toujours plus de détermination, toujours plus de violence, toujours plus de brutalité. La violence ne doit pas devenir la norme ! Le droit de manifester doit être protégé, et non pris en otage. Le calme et la sérénité doivent être restaurés.
Peut-être tout le monde ne partagera-t-il pas cet avis car, je le sais, certains prennent le parti du chaos plutôt que de la République. Certains n'aiment pas ce Gouvernement : qu'ils ne l'aiment pas est une chose, qu'ils appellent à piétiner la démocratie et à attaquer les forces de l'ordre en est une autre.
J'invite les personnes qui jettent l'anathème et trouvent normal de lancer sur les forces de l'ordre des trottinettes, des boules de pétanque, voire des cocktails Molotov, mais non d'encadrer les manifestations, à rencontrer les forces de l'ordre comme je le fais tous les jours, et ce soir encore avec le syndicat Alliance.
Car j'ai entendu les forces de l'ordre me dire : « Ils voulaient en découdre, ils voulaient nous tuer. » Une commissaire de police m'a raconté qu'elle a eu à peine le temps de sortir de sa voiture attaquée et incendiée et qu'elle a cru mourir. Des gendarmes m'ont encore rapporté comment ont été mis à sac et brûlés les locaux du peloton de gendarmerie autoroutier de Narbonne.
Ne commettons pas d'erreur sur le côté où se déroule la violence. Aujourd'hui, sur les réseaux sociaux, les affabulateurs parlent aux complotistes. Ils ne savent rien mais accusent de tout, et répandent des mensonges que certains reprennent sans réfléchir.
Si un policier agit mal, s'il est soupçonné d'avoir volontairement blessé un manifestant, une enquête de l'inspection générale de la police nationale – l'IGPN – sera aussitôt ouverte. Et s'il est avéré que le policier a commis une faute, il sera sanctionné. Je ne vois donc pas pourquoi des enquêtes seraient menées et des sanctions prises envers la police, mais non envers les brutes !
Mesdames et messieurs les députés, mon message est clair : chaque violence est une violence de trop, chaque blessé, qu'il soit en gilet jaune ou avec un képi bleu, est un blessé de trop. Cela suffit ! Il est temps d'agir et de stopper les brutes !
Des avancées ont déjà eu lieu. Le Gouvernement, moi-même avec Laurent Nunez, les préfets, la police et la gendarmerie, nous avons réagi. Nous avons modifié notre doctrine en matière de maintien de l'ordre et nous travaillons à la modifier encore. Nous avons décidé de tout faire pour mettre en oeuvre un juste emploi des moyens, en généralisant par exemple les caméras-piétons lorsque les lanceurs de balle de défense – LBD – sont employés.
Les forces de l'ordre sont désormais plus mobiles et les CRS ou les gendarmes mobiles sont accompagnés d'officiers de police judiciaire afin que les interpellations soient plus nombreuses et que les procédures conduisent à une réponse pénale appropriée.
Nous avons renforcé la présence des forces de l'ordre qui, tous les samedis, sont présentes, investies. Elles n'économisent ni leur temps ni leurs efforts. Elles voient les violences de près et font leur possible pour les empêcher ou les endiguer.
Je veux rendre hommage aux policiers et aux gendarmes. Ils passent beaucoup de temps à encadrer ces manifestations et à arrêter les brutes qui sèment la violence. C'est autant de temps qu'ils ne passent pas auprès de leurs familles et qu'ils ne passent pas non plus sur le terrain, à combattre la délinquance et à faire respecter la loi.
Chaque semaine, les violences continuent. Ne croyons pas le contraire, ouvrons les yeux : cette semaine encore, les violences ont été nombreuses à Paris, Dijon, Bordeaux, Montpellier, Évreux.
Samedi dernier, à Quimper, de l'acide a été jeté au visage de trois CRS. Ce même samedi, à Rouen, un policier a été jeté à bas de sa moto et traîné au sol sur vingt mètres. Voilà la réalité des violences ! Voilà la réalité dont certains ne veulent pas parler !
Samedi dernier, dans toute la France, quarante-cinq policiers et gendarmes ont été blessés. En vous parlant de ces actes, je pense aussi au Puy-en-Velay, dont la préfecture a été incendiée, je pense à Narbonne, dont la sous-préfecture a été attaquée, je pense à la sous-préfecture bretonne de Pontivy, qui a été mise à sac et incendiée avant-hier. Je pense aux permanences quotidiennement vandalisées et aux menaces de mort que trop d'élus reçoivent régulièrement. Certains d'entre eux sont présents ici et je tiens à les saluer.
Au total, ce sont plus de 1 100 policiers et gendarmes qui ont été blessés. Des gilets jaunes ont aussi été blessés et des journalistes ont été agressés. Hier, les locaux de France Bleu Isère ont été incendiés. Des millions d'euros de mobilier urbain sont partis en fumée.
Toutes nos institutions sont visées. Comme le Premier ministre l'a dit, il fallait par conséquent une réponse plus forte encore que celle que nous avions mise en place. Tel est précisément l'objet de cette proposition de loi.
Il s'agit de permettre à chacun de s'exprimer et de manifester sans risquer d'être attaqué par ceux qui sont là pour en découdre. Il s'agit de doter la police et la justice de nouveaux outils, encore plus efficaces.
Je le dis fermement : ce texte n'est pas une loi anti-gilets jaunes et il n'est pas non plus une loi anti-manifestations. C'est au contraire une loi contre les personnes violentes. C'est une loi de protection. C'est une loi de liberté qui doit empêcher quelques brutes de priver les citoyens de la liberté fondamentale de manifester.
Ce texte est issu d'un travail transpartisan, ce qui a pu m'être reproché. La proposition de loi initiale avait été faite par le groupe Les Républicains du Sénat. Qu'il en soit ainsi est important car, dans notre esprit, cela montre que la gravité de la situation est comprise par-delà les clivages. Et, quand il s'agit de protéger les Français, nous ne nous demandons plus si une idée vient de tel ou tel, mais seulement si elle est bonne ou mauvaise.
Madame la rapporteure, madame la présidente, ce texte a été amélioré en commission des lois et je salue le travail effectué par les députés pour l'examiner dans des délais très restreints. J'en suis conscient et je voulais vous remercier pour votre efficacité.
Lors de la discussion des amendements en séance, j'aurai l'occasion de vous présenter la rédaction de l'article que propose le Gouvernement afin de permettre aux préfets d'interdire aux personnes violentes de participer à des manifestations.
Nous allons discuter le texte en détail. Je souhaite rappeler son objectif, qui est triple : prévenir les violences, donner à nos forces de l'ordre les moyens d'agir et renforcer les sanctions contre les personnes violentes.
Au-delà de l'article 1er, dont vous proposez d'améliorer l'efficience par des amendements, j'aimerais revenir sur un ou deux points, à commencer par l'interdiction administrative de participer à une manifestation prévue par l'article 2.
Le constat est simple : une condamnation judiciaire définitive prend nécessairement de temps. Or des personnes incitent à la violence et la pratiquent fréquemment, attaquant les forces de l'ordre et détruisant les magasins avant de s'enfuir, car elles sont entraînées. Ces personnes, nous les retrouvons toutes les semaines en train de casser et nous ne pouvons pas leur interdire rapidement de se mêler aux vrais manifestants.
L'interdiction administrative constitue donc le bon levier, car elle permet une sanction rapide et efficace pour limiter les violences. Cette sanction ciblée n'empêchera aucune personne, aucun gilet jaune notamment, d'aller manifester : l'interdiction ne vise qu'une cinquantaine ou une centaine d'individus bien connus appartenant à des groupuscules extrémistes qui participent systématiquement aux manifestations pour casser.
Cette sanction est adaptée en ce qu'elle protège les droits. Toute personne interdite de manifester pourra en effet recourir immédiatement au juge administratif pour demander l'annulation de son arrêté d'interdiction de manifester. Un délai est prévu afin que la notification de l'interdiction intervienne au moins quarante-huit heures avant le début de la manifestation, de façon à permettre au juge du référé-liberté de se prononcer. Nous aurons l'occasion d'en débattre lors de la discussion de l'amendement déposé par le Gouvernement.
J'aimerais aussi revenir sur la rédaction de l'article 3 tel qu'il a été amendé, car elle donne lieu à beaucoup de confusions. Il n'est pas question de ficher quiconque vient manifester, et tel ne sera jamais le cas. Il s'agit en fait de recenser, au sein du fichier des personnes recherchées, les personnes très violentes et interdites de manifestation. Cette mesure, qui facilitera le travail des forces de l'ordre, ne s'appliquera par ailleurs que le temps de l'interdiction de manifester.
Madame la rapporteure, l'amendement que vous avez présenté en lien avec le Gouvernement permet de surcroît de placer ce fichier dans un dispositif parfaitement encadré et accessible à tous les policiers et gendarmes.
Les autres articles renforcent les sanctions contre les ultra-violents. Dissimuler son visage lorsque les manifestations dégénèrent devient un délit, car nous sommes trop souvent en face de personnes qui se cachent pour ne pas être appréhendées.
Nous créons aussi le principe du casseur-payeur. Les commerçants et les Français en ont assez ! Celui qui dégrade, casse ou vandalise doit être tenu pour responsable de ses actes.