Intervention de Alice Thourot

Séance en hémicycle du mardi 29 janvier 2019 à 21h45
Prévention et sanction des violences lors des manifestations — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlice Thourot, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

L'opposition à droite de cet hémicycle nous accusera peut-être d'avoir vidé cette proposition de loi de sa substance. L'autre opposition, à gauche, nous reprochera peut-être de vouloir empêcher les Français de manifester librement. Il n'en est rien.

Notre objectif est de garantir la liberté de manifester tout en maintenant l'ordre public, conformément à l'esprit et à la lettre de l'article 10 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

Je voudrais rappeler ici l'esprit de responsabilité et d'efficacité opérationnelle pour nos forces de l'ordre qui a guidé mes travaux de rapporteure, et qui a conduit la commission des lois à modifier certaines dispositions, afin de parvenir à un texte équilibré. Je l'en remercie.

Le texte a trouvé un juste équilibre entre le maintien de l'ordre public et la garantie de manifester. J'ai poursuivi un seul objectif : accroître la sécurité de tous, des manifestants comme des policiers et des gendarmes. Je veux dire solennellement que chaque citoyen blessé, que ce soit dans l'exercice de sa liberté d'expression ou dans sa mission de maintien de l'ordre, est un blessé de trop dans notre démocratie.

Ce texte a une cible, nous le revendiquons : les casseurs, les agresseurs, les « black blocs ». Le climat de violence que ceux-ci instaurent tend la situation, provoque des blessés, menace des vies. Nous voulons qu'ils soient bannis de nos rues et de nos manifestations.

Sur les deux premiers articles, instaurant des périmètres de contrôle lors des manifestations et une interdiction administrative de manifester, la commission a adopté une position de prudence, qui l'a conduite à supprimer l'article 1er et à n'apporter aucune modification à l'article 2 dans l'attente d'autres dispositifs, susceptibles d'apporter une réelle plus-value par rapport au droit existant et de mieux garantir les droits fondamentaux. Après des échanges intensifs et fructueux avec le Gouvernement – je tiens à cet égard à remercier Christophe Castaner, ministre de l'intérieur, pour ce travail mené ensemble – , nous vous présenterons des amendements en ce sens qui, j'en suis certaine, emporteront votre conviction.

À l'article 3, la commission a écarté la création d'un nouveau fichier, proposé par le Sénat. L'insertion, dans l'actuel fichier des personnes recherchées, des interdictions de manifester nous permet d'aller plus vite, puisque aucun texte d'application n'est nécessaire et que nous sommes certains du respect des droits fondamentaux.

Elle simplifie également le dispositif pour les forces de l'ordre, qui ont accès au fichier des personnes recherchées depuis leur tablette NEO, qu'elles connaissent bien.

La commission a également prévu des modalités spécifiques d'évaluation par le Parlement des mesures administratives créées par le chapitre Ier de cette proposition de loi : tel est l'objet de l'article 3 bis.

Par ailleurs, elle a substantiellement modifié le volet pénal de ce texte, non pour le vider de sa substance, comme j'ai pu l'entendre, mais dans le seul souci, d'une part, d'en garantir la proportionnalité et, d'autre part, de ne conserver que des dispositifs utiles par rapport à ce que permet déjà le droit existant.

Ces objectifs l'ont conduite à mieux circonscrire, à l'article 4, le nouveau délit de dissimulation du visage lors d'une manifestation, dont la définition ne pouvait rester identique à celle de l'actuelle contravention sans méconnaître nos principes fondamentaux.

À l'article 6, la commission a modifié le contenu et le périmètre d'application de la peine complémentaire d'interdiction de manifester, qui pourra s'appliquer à un plus grand nombre d'infractions qu'aujourd'hui.

L'article 5, qui visait des comportements déjà couverts par le droit existant, a été supprimé.

En outre, à l'article 7, la commission a précisé les modalités d'exercice par l'État de son action récursoire en matière de responsabilité civile pour les dommages causés lors d'une manifestation.

Enfin, d'autres dispositions ont été ajoutées pour encourager les organisateurs de manifestations à procéder à leur déclaration – tel est l'objet de la mesure de simplification prévue à l'article 1er A – ou pour renforcer le contrôle dont sont l'objet les auteurs présumés d'infractions lors de manifestations, le temps qu'ils soient jugés – c'est l'article 6 bis relatif au contrôle judiciaire. Ces dispositions permettront à l'autorité administrative de mieux accompagner et protéger les personnes souhaitant exercer leur droit fondamental de manifester paisiblement, droit dont elles ne sauraient être privées en raison du comportement d'une minorité radicale.

Nous aurons l'occasion d'approfondir le débat lors de l'examen de chaque article et, je l'espère, de parvenir au plus large consensus possible dans cet hémicycle, pour lutter contre la violence.

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