Intervention de Laurence Vichnievsky

Séance en hémicycle du mardi 29 janvier 2019 à 21h45
Prévention et sanction des violences lors des manifestations — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurence Vichnievsky :

Je n'ignore pas, bien sûr, que des manifestants ont été blessés, parfois gravement. Des enquêtes devront être menées pour établir les causes et les responsabilités. Il faudra sans doute – comme vous l'avez indiqué, monsieur le ministre – réévaluer la doctrine du maintien de l'ordre et les règles d'utilisation de certains outils de dissuasion dont sont équipées les forces de l'ordre.

Mais parce qu'aucune revendication ne peut justifier les violences auxquelles nous avons assisté récemment, nous devons nous adapter afin de mieux prévenir ces violences et de faire preuve d'une plus grande efficacité dans la recherche et la poursuite de leurs auteurs. C'est là l'objet de la proposition de loi, présentée par les sénateurs Les Républicains, dont nous allons débattre aujourd'hui. Chers collègues, vous noterez que notre majorité sait aussi faire primer l'intérêt général sur tout esprit de chapelle.

Le texte adopté par le Sénat comporte trois dispositions majeures. L'article 1er prévoit l'instauration par le préfet d'un périmètre de sécurité. L'article 2 crée une interdiction préventive de manifester faite à une personne qui représente une menace à l'ordre public ; cher Éric Ciotti, vous l'avez dit : c'est la disposition centrale de ce texte, celle à laquelle nous devons nous montrer particulièrement attentifs. Le fichier prévu à l'article 3 en découle. Enfin, l'article 4 prévoit la conversion de la contravention de dissimulation du visage en délit. Cette mesure est réclamée par l'ensemble des acteurs en présence.

L'article 1er, supprimé en commission, permettait au préfet d'instaurer un périmètre de sécurité pour prévenir le port et le transport d'arme par destination sur les lieux d'une manifestation, à l'instar – cela a été dit – des mesures spécifiques déjà adoptées en matière de lutte contre le terrorisme. Mais cette fois, la portée était beaucoup plus large, puisque l'article autorisait le préfet à instaurer ce dispositif dès lors que « les circonstances font craindre des troubles d'une particulière gravité à l'ordre public ». Si le but de ces mesures était de renforcer l'efficacité des dispositions du code de la sécurité intérieure, nous nous interrogions sur la nécessité de ce nouveau dispositif au regard des mécanismes existants. Toutefois, nous n'avions pas déposé d'amendement de suppression, estimant qu'il était préférable, le cas échéant, de prévoir un meilleur encadrement.

Madame la rapporteure, vous avez déposé un amendement tendant à rétablir cet article 1er. Le dispositif proposé, sans faire référence à la notion de périmètre de sécurité, prévoit l'intervention conjuguée du préfet et du procureur de la République, le premier pour interdire le port d'objets pouvant constituer des armes, le second pour rechercher et poursuivre le fait de participer à une manifestation en étant porteur d'une arme. Si cet amendement, que j'espère avoir bien compris, peut sembler concilier des impératifs contradictoires, je suis très réservée sur son application. Il n'échappe en effet à personne que le procureur de la République n'est pas lié par le préfet.

Deux sous-amendements ont été déposés par le Gouvernement ; s'ils étaient adoptés, ils videraient d'une partie de sa substance la réécriture de cet article, laissant seulement subsister le dispositif d'instauration d'un périmètre de sécurité par le procureur de la République. Il faut prendre ici un peu de recul ; je ne suis pas certaine que ce dispositif ne soit pas déjà compris dans l'article 78-2-2 du code de procédure pénale. En raison du dépôt tardif de ces sous-amendements, je souhaite moi aussi réexaminer le texte avant de me prononcer.

Notre groupe présentera plusieurs amendements qui n'ont pas pour objet d'altérer l'efficacité du texte, mais de faciliter son application tout en garantissant le respect des libertés publiques.

Je pense notamment à l'article 4 : nous croyons nous aussi qu'il faut simplifier la tâche des services d'enquête et des magistrats. Or la caractérisation de l'intention me paraît complexe à établir en l'état du texte adopté par la commission. C'est pourquoi nous proposerons une simplification.

À l'article 2, nous avons déposé un amendement afin d'encadrer la notion de menace à l'ordre public, qui permet au préfet de prononcer une interdiction préventive nominative de manifester. C'est là, je l'ai dit, la disposition centrale du texte. Pour notre groupe, cette menace doit être caractérisée par une condamnation judiciaire, afin de circonscrire les pouvoirs d'appréciation du préfet dans ce domaine sensible pour les libertés publiques. Mais nous écartons l'exigence d'une condamnation définitive, puisque le temps judiciaire est long ; nous souhaitons qu'une condamnation de première instance suffise pour prononcer une interdiction administrative. Celle-ci pourra ainsi être prononcée très peu de temps après la commission des faits.

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