Intervention de Cécile Untermaier

Séance en hémicycle du mardi 29 janvier 2019 à 21h45
Prévention et sanction des violences lors des manifestations — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCécile Untermaier :

Les questions que nous nous posons sur ce texte m'obligent à commencer par énoncer une évidence : quelles que soient les critiques que nous adressons à cette proposition de loi, nous sommes très attachés à l'État de droit.

Je souhaite d'abord rendre hommage aux forces de l'ordre ; elles exercent un métier exigeant et dangereux pour nous protéger et pour protéger ces droits fondamentaux qui fondent notre démocratie.

Comme l'ensemble de mon groupe, je déplore les violences d'où qu'elles viennent, les blessés et le décès survenu. Nous déplorons aussi les dégâts matériels importants qui mettent en péril de petits commerces qui ont besoin de stabilité. Mais nous tenons à dire aussi que ces violences ne sont pas nouvelles et que, pour cette raison, un arsenal juridique existe. On ne part pas de rien ! L'émergence des black blocs oblige bien sûr à faire évoluer notre stratégie, notre doctrine et nos pratiques ; mais cela reste du domaine réglementaire.

Notre responsabilité, comme législateurs, est de veiller à l'équilibre.

Sur la forme, je voudrais faire trois remarques, qui sont autant de regrets, sur le déroulement du travail parlementaire, qui doit être de qualité ; nous le devons à nos concitoyens.

Tout d'abord, après les violences survenues le 1er mai 2018, nous avions réclamé la création d'une commission d'enquête parlementaire. Il ne s'agissait pas de mettre en cause les forces de l'ordre, mais d'étudier les conditions d'intervention et le mode opératoire, sans complaisance aucune avec les groupes violents. Je rappelle que 1 200 individus cagoulés, membres des black blocs, avaient causé d'importantes dégradations et jeté des projectiles en direction des forces de l'ordre, que 31 commerces avaient été saccagés et 6 voitures incendiées, que 283 personnes avaient été interpellées et 109 gardées à vue. Le refus alors opposé par la majorité nous prive d'une réflexion partagée qui aurait été fort utile. L'État de droit que nous défendons exige ces moments d'évaluation.

Ensuite, je note que la proposition de loi dont nous débattons aujourd'hui, qui a justement été déposée à la suite des événements de mai 2018, a d'abord fait l'objet d'un accueil plus que réservé par le Gouvernement, qui en fait désormais une priorité – c'est bien en raison des faits récents que ce texte est là. Il n'est donc pas faux de parler d'un texte de circonstance.

Enfin, la méthode de travail est inouïe : nous ne sommes même plus en procédure accélérée, mais en procédure précipitée, en procédure à grande vitesse ! La commission des lois a examiné un texte à trous : la majorité n'ayant pas trouvé d'accord avec le Gouvernement, nous avons tous voté la suppression d'articles, sachant que ceux-ci seraient rétablis en séance par des amendements du Gouvernement. C'est inédit !

Pourtant, un groupe de travail réunissant des juristes et des personnels opérationnels, sous l'autorité des ministères de la justice et de l'intérieur, existait ; il a rendu ses conclusions le 15 janvier. Nous avions demandé à les connaître ; bien évidemment, nous ne les avons pas reçues.

Sur le fond, ce texte a été considéré comme inutile et dangereux par beaucoup ; le Défenseur des droits, dont l'analyse doit être entendue dès lors qu'il s'agit de libertés publiques, l'a dit de manière tout à fait claire.

C'est un texte inutile. Nos concitoyens, à juste raison, ne comprennent pas les casseurs ; nous non plus. Ils ne comprennent pas l'impunité des fauteurs de troubles ; nous non plus. Tout délit doit être condamné et tout comportement mettant en danger la liberté de chacun de manifester doit être identifié et sanctionné. Mais les textes existent pour casser les casseurs ! Il s'agit ici d'une affaire de justice, et non de police.

Par ailleurs, la sécurité, c'est celle des personnes évidemment, mais c'est aussi la sécurité juridique. Or nous votons trois textes par an sur ce sujet ! Un texte succède à un texte, sans qu'aucun bilan n'ait été dressé. La première réponse à apporter, c'est celle des moyens humains, mais aussi matériels, dont l'adaptation doit être appréciée avec minutie.

Je n'évoquerai pas ce soir l'article 2, au coeur du texte ; nous y reviendrons lors de l'examen des amendements.

Guy Braibant a écrit que « les crises laissent derrière elles comme une marée d'épais sédiments de pollution juridique ». Mon collègue Alain Tourret, dans une situation similaire que nous avons connue ensemble, avait cité ce grand administrativiste en nous exhortant à ne pas parler de simplification tout en densifiant un dispositif législatif dont nous ne savions même pas à ce stade si l'existant était appliqué, et comment.

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