Je vous le concède volontiers. Néanmoins, en apportant votre soutien à cette proposition de loi, vous rompez non seulement avec vos convictions, mais également avec l'équilibre, défini à l'époque par François Mitterrand avec la justesse que l'on imagine, entre droit de manifester et droit d'être en sécurité. Vous le faites par le biais de cette proposition de loi, vous le faites à la demande des Républicains, mais aussi d'une partie de l'extrême-droite, et vous commettez ainsi, je le répète, une erreur. Car il n'y a pas d'opposition entre ces deux principes, qui doivent coexister dans une démocratie comme la nôtre.
Pour ma part, chaque fois que j'en ai eu la possibilité, j'ai dénoncé le risque que présentaient les manifestations. Avant même l'« acte I », dans une tribune, dans mon département, j'ai mis en garde contre celles et ceux qui allaient s'adonner à des exactions, averti par ce qui s'était passé au moment de la loi travail. Je l'ai également dit publiquement dans mon département, je n'ai pas vu les députés de la majorité s'exprimer avec la même clarté ; ils étaient plutôt désireux de se faire oublier, chez moi en tout cas, et n'ont pas exprimé le même désir que la sécurité soit garantie.
Lors de votre audition en commission des lois après l'« acte III », je vous avais demandé s'il était possible d'anticiper sur les exactions. Vous m'aviez répondu à l'époque que ce n'était pas possible. On a pourtant vu très vite que c'était la seule réponse qui pouvait être apportée : avant de légiférer sur nos libertés, il fallait d'abord définir une nouvelle doctrine. Vous nous avez dit tout à l'heure que vous étiez désireux d'en partager les éléments avec notre commission. Je le souhaite ; mais, après avoir vu ce qui s'est passé à Biarritz à la faveur de la réunion ouverte aux diplomates, j'estime que l'État devrait réfléchir et éviter de s'isoler dans ses certitudes, dans ses convictions premières et dans ses erreurs permanentes.
Réfléchissez donc, monsieur le ministre, et prenez le temps de discuter. Cette loi va devenir un point de fixation, et un point d'ancrage pour celles et ceux qui sont souvent les ennemis de la République et qui voudront mettre en cause votre majorité. J'estime pour ma part, au nom du désir républicain et de l'idéal démocratique qui m'animent, que nous paierons tous cher cette erreur, même ceux qui, comme moi, voteront contre la présente proposition de loi.