Monsieur Guillaume Garot, je vous remercie d'avoir déposé la présente proposition de loi. Notre pays est caractérisé par de profondes inégalités sociales et territoriales en matière de santé – personne ne le niera. Dans le contexte actuel, sur la base d'un diagnostic largement partagé, il est bon et sain de débattre des réponses à y apporter.
Médecin de santé publique et députée d'un territoire souffrant d'un réel problème d'accès aux soins – comme celui où est élu M. Pueyo – , je connais bien ces enjeux. Au demeurant, vous avez cité mon département dans votre rapport.
En matière de densité des professions médicales libérales, l'Eure est le dernier de France. Il est aussi le moins bien doté en médecins généralistes.
Pourtant, grâce à l'implication soutenue du conseil départemental, dont j'ai été vice-présidente, nous avons su adopter des solutions innovantes en faveur de l'installation, de l'exercice et du maintien de médecins exerçant en libéral.
Pour ce faire, nous ne nous sommes pas concentrés sur le seul médecin. Je prendrai l'exemple de mon département, fragile en matière de démographie médicale, afin de d'expliciter l'idée.
Dans l'Eure, avant même la présentation du plan « ma santé 2022 », nous avons compris que le problème des déserts médicaux ne pouvait être réduit au nombre de médecins libéraux s'installant dans le territoire. Nous avons compris qu'il fallait encourager la coopération entre les médecins, et plus généralement entre professionnels de santé, afin d'éviter tout exercice isolé de la médecine.
Telle est l'attente des jeunes professionnels de santé. Sur ce point, je tombe d'accord avec les propos tenus tout à l'heure par Mme Ménard. Il s'agit également d'un gage de qualité pour nos concitoyens.
Ainsi, il faut changer de paradigme : la proximité n'est pas une garantie de sécurité. Il faut changer notre façon d'appréhender l'offre de santé et établir de réels collectifs de santé. Prenons l'exemple des pathologies chroniques. La présence d'un seul médecin ne peut pas être satisfaisante pour la prise en charge du malade. Il faut une équipe médicale. Dans le cas du diabète, le médecin généraliste peut bénéficier de l'accompagnement de l'infirmier – ou de l'infirmière – dédié et du podologue. En outre, si ces partenaires travaillent ensemble, tout est bien plus simple pour le consultant. Ainsi, ne réduisons pas le débat au seul nombre de médecins !
S'agissant du conventionnement sélectif pour les médecins, la mesure proposée est un éternel retour. Nous en parlons depuis longtemps et nous en parlerons sans doute longtemps encore. Je me suis moi-même interrogée sur sa pertinence.
Du point de vue des étudiants en médecine et des médecins, il me semble qu'une telle mesure fait peser un risque réel sur l'attractivité de la médecine libérale, notamment pour sa composante généraliste.
De surcroît, notre choix est celui d'une logique de confiance et de dialogue avec les professionnels de santé, sur le terrain comme dans l'élaboration d'une stratégie d'ensemble.
Ainsi, dans l'Eure, nous avons construit, en collaboration avec la caisse primaire d'assurance maladie un guichet unique pour les jeunes médecins désireux de s'installer dans notre département. Cela facilite les démarches du jeune médecin, lui permet de développer des relations et crée autour de lui un réel climat de confiance, car il rencontre directement, en vis-à-vis, les divers protagonistes des institutions auquel il doit s'adresser.
Notre choix n'est pas celui de la coercition. Si nous constatons – à l'issue d'une évaluation – l'inefficacité des nombreux dispositifs incitatifs destinés à favoriser l'installation et l'exercice des médecins libéraux en zones sous-denses, il faudra revoir la méthode.
Par ailleurs, une telle mesure risque de provoquer des déconventionnements en nombre, ce dont pâtiraient in fine les patients. Comme l'indique un rapport sénatorial publié au mois de juillet 2017, l'expérience allemande semble démontrer que le conventionnement sélectif n'a pas eu pour effet l'augmentation du nombre de médecins dans les zones sous-dotées.
En outre, les médecins semblent avoir tendance à s'installer à proximité des zones surdotées. Pour ces raisons, je ne suis pas personnellement convaincue par cette proposition, bien qu'elle ait été présentée avec la force de l'évidence.
Les propositions du plan « ma Santé 2022 », dont la plupart seront soumises au débat parlementaire, me semblent avoir une portée supérieure à celle de simples mesures d'urgence. Elles sont à la hauteur des enjeux et procèdent d'une vision stratégique cohérente, structurante et globale.
Pour rappel, le plan pour l'égal accès aux soins dans les territoires, présenté au mois d'octobre 2017, repose sur quatre piliers : le renforcement de l'offre de soins dans les territoires, une révolution numérique en santé, l'amélioration de l'organisation des professions et une nouvelle méthode consistant à faire confiance aux acteurs des territoires.
Je pourrais évoquer longuement le plan « ma santé 2022 » ainsi que les mesures auxquelles nous pourrons donner un socle législatif. Toutefois, après la publication de nombreux rapports et études, après la présentation du plan « ma santé 2022 » au mois de septembre dernier, et après l'adoption de certaines mesures dans le cadre du PLFSS, nous aurons le grand plaisir de prolonger nos débats dans un peu plus d'un mois.
Sur ces questions, comme sur celles plus globales de manque d'attractivité des zones rurales – et d'autres – , il importe que nous débattions, compte tenu du contexte actuel.