La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Ce matin, l'Assemblée a commencé d'entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.
La parole est à M. Yannick Favennec Becot.
Comme le héros du film Un Jour sans fin, que vous connaissez certainement, j'ai le sentiment de vivre le même jour encore et encore. En effet, les majorités se succèdent dans cet hémicycle, et je suis à nouveau à cette tribune, devant cette assemblée, pour batailler contre la désertification médicale. Je sais d'avance, malheureusement, que demain je recommencerai le même discours, le même combat parce qu'aucun gouvernement, aucune majorité n'a le courage de prendre ses responsabilités ; et l'avènement d'un soi-disant nouveau monde n'y change rien. Pourtant l'urgence est criante.
Il est impératif d'apporter des réponses concrètes et efficaces en matière de lutte contre la désertification médicale. Nos concitoyens sont plus que jamais angoissés par leurs difficultés en matière d'accès aux soins ; je le constate chaque jour dans le territoire dont je suis élu.
En atteste par exemple la situation du centre hospitalier du Nord-Mayenne, à Mayenne, sur laquelle, madame la ministre, je vous ai encore alertée il y a quelques semaines avec notre rapporteur Guillaume Garot. Il y a trois semaines, 2 500 personnes étaient dans les rues de Mayenne – une ville de 15 000 habitants – pour soutenir leur hôpital ; Guillaume Garot et moi étions à leurs côtés. Madame la ministre, dans ma région, je me bats sans relâche et depuis longtemps contre la désertification médicale, mais je constate que les inégalités vont en s'aggravant. Je rencontre chaque jour, en Mayenne, des patients pour lesquels se faire soigner relève désormais du parcours d'obstacles : dix-huit mois pour un rendez-vous chez un cardiologue, six mois pour un rendez-vous chez l'ophtalmologue, trois mois pour se faire soigner une carie, sans parler des praticiens qui refusent de nouveaux patients. Dans nos circonscriptions, nous sommes toutes et tous témoins de drames humains affectant des personnes souvent fragiles ou âgées, aux moyens modestes, qui rencontrent les pires difficultés pour être prises en charge. Je vois également des médecins accablés par une charge de travail inhumaine, en proie à un véritable malaise. Ils font face à une bureaucratisation rampante qui les empêche de consacrer toute leur énergie aux soins et les fait même parfois douter de leur vocation.
Les habitants des territoires touchés par la désertification médicale ont depuis trop longtemps le sentiment, souvent légitime, d'avoir été abandonnés par la République et mis à l'écart des solidarités qu'elle est censée leur offrir.
Il s'agit d'ailleurs d'une des raisons de la profonde colère et de la défiance qui s'expriment aujourd'hui avec le mouvement des gilets jaunes. Vous devez en être consciente, madame la ministre !
Enfin, je voudrais appeler votre attention sur le fait que dans les dix années à venir, la désertification médicale va s'aggraver sous l'effet conjugué de plusieurs évolutions. Le phénomène n'affectera pas seulement les territoires ruraux, les villes moyennes et les banlieues, déjà confrontés à l'urgence, mais aussi les métropoles, qui connaissent actuellement leurs premières difficultés. Il s'agit donc d'un problème global et d'une urgence nationale.
Comment pourrait-il en être autrement alors qu'un médecin sur deux a, ou aura, plus de soixante ans dans les années à venir ; que les jeunes médecins ont des aspirations différentes ; que le nombre d'heures travaillées est en chute libre ; que la population française est vieillissante et que son niveau d'exigence augmente, tout comme les maladies chroniques ? Face à ce constat – que nous avons, je crois, tous en partage – , les différentes majorités qui se sont succédé ont privilégié les mesures incitatives, qui ont pourtant montré leurs limites. Et je crains, madame la ministre, que votre plan « ma santé 2022 » ne permette pas non plus d'apporter une réponse à la hauteur de la souffrance de nos territoires. Aussi, le groupe Libertés et territoires est convaincu que nous devons impérativement changer de logiciel et mettre un terme à ce jour sans fin dont je parlais tout à l'heure.
C'est l'objectif poursuivi par la proposition de loi déposée par notre collègue Guillaume Garot. Je salue son initiative, mais ne peux que regretter qu'elle ait été vidée de son sens lors de son examen en commission.
Elle contenait pourtant des mesures utiles et immédiatement applicables qui auraient permis de renforcer la présence médicale dans les territoires déficitaires. Je voudrais évoquer plus particulièrement l'article 1er, supprimé en commission, dont nous serons à nouveau amenés à débattre tout à l'heure. En effet, avec cet article, il s'agit de répondre à la question qui nous mobilise aujourd'hui : devons-nous, oui ou non, aménager la liberté d'installation des médecins à travers des mesures permettant plus de régulation ?
Notre groupe est pleinement conscient que les médecins, notamment les nouvelles générations, sont opposés à la régulation. Nous savons qu'ils attendent de nouveaux modes d'organisation et d'exercice, permettant plus de souplesse et d'efficacité – je pense en particulier aux maisons pluridisciplinaires de santé – , ainsi que de nouvelles formes de rémunération. Nous devons prendre en compte ces attentes tout en mettant en oeuvre des mesures ambitieuses pour garantir l'accès aux soins des Français, quel que soit leur choix de résidence : en ville ou à la campagne.
Notre groupe considère également que la progression des déserts médicaux ne pourra être enrayée que si notre politique de santé est profondément repensée. Cela suppose une refonte en profondeur de notre système de soins, en matière de régulation des médecins, mais aussi dans de nombreux autres domaines, suivant les préconisations de la commission d'enquête sur l'égal accès aux soins, créée à l'initiative du président de mon groupe, Philippe Vigier. Je pense notamment à l'exonération de cotisation retraite pour les médecins exerçant en cumul emploi-retraite dans les zones en tension ; à la création d'un statut de médecin volant pour que des médecins « thésés » viennent ponctuellement épauler d'autres collègues ; à la création d'un statut de médecin assistant de territoire ; à la modification du statut des praticiens hospitaliers pour permettre l'exercice mixte entre la ville et l'hôpital ; ou encore à la révision de la procédure d'autorisation d'exercice, PAE, afin que les médecins titulaires d'un diplôme étranger puissent s'installer plus rapidement, à condition qu'ils le fassent à titre libéral. Ces mesures, que je défendrai tout à l'heure au nom de mon groupe, permettraient de mettre immédiatement 10 000 médecins dans nos territoires.
Elles doivent être prises sans délai et notre assemblée s'honorerait d'y souscrire, au-delà des clivages partisans.
Je veux conclure en soulignant qu'à titre personnel, je souhaite que nous allions plus loin. Dans cette perspective, je soutiendrai tout à l'heure un amendement visant à créer un mécanisme de conventionnement territorial, que prévoyait initialement la proposition de loi.
Sourires.
J'avais d'ailleurs défendu cette idée à travers deux propositions de loi, en 2012 et en 2016. À l'époque, je n'avais pas été soutenu par la majorité socialiste…
Pour autant, au nom de l'intérêt général, j'estime que seuls comptent nos territoires et ceux qui y vivent. C'est pourquoi je me réjouis de voir Guillaume Garot et son groupe rejoindre mon combat et celui du groupe Libertés et territoires. Ils pourront compter sur mon total soutien.
Rires sur les bancs du groupe SOC.
Je propose que la liberté d'installation reste la règle, mais que pour s'installer, les médecins soient tenus de choisir parmi les territoires, très nombreux, dans lesquels les patients auront besoin d'eux. Ils resteront naturellement libres de s'installer dans les zones où les médecins sont déjà nombreux, mais dans ce cas, ils ne seront pas conventionnés par l'assurance maladie.
Mes chers collègues, je voudrais souligner que cette proposition n'est ni de droite, ni du centre, ni de gauche. C'est une proposition citoyenne et humaine, une proposition de bon sens et d'avenir, qui ne demande pas de faire preuve de courage politique, mais de responsabilité, d'humanité et de proximité au service de l'égalité pour chacun de nos concitoyens.
Applaudissements sur les bancs des groupes LT et SOC.
L'actualité que nous traversons témoigne de la grande attente de nos concitoyens en matière d'offre des politiques publiques dans nos territoires. Le climat de défiance vis-à-vis de nos institutions doit nous interpeller – et nous interpelle en effet au travers du grand débat. L'accès aux soins est une priorité pour les Français. Dans le domaine de la santé, aucun pouvoir politique ou système ne peut assurer une garantie absolue contre la maladie, la perte de capacités physiques ou l'altération de facultés psychiques. En revanche, le pouvoir politique a le devoir de mobiliser la responsabilité de chacun. Plus que jamais, nous devons redonner confiance à nos concitoyens.
Le problème de la désertification médicale de nos territoires n'est malheureusement pas nouveau. Ce sujet nous préoccupe tous ; c'était d'ailleurs un axe fort du programme présidentiel d'Emmanuel Macron et, dès son élection, le Gouvernement et la ministre des solidarités et de la santé se sont mis en action pour remédier à ce phénomène. Nos collègues Stéphanie Rist et Thomas Mesnier, que je salue, se sont eux aussi investis dans plusieurs rapports et mission parlementaires. La commission d'enquête sur l'égal accès aux soins des Français a également formulé des propositions. Le futur projet de loi « ma santé 2022 », préparé par Agnès Buzyn et prévu dans les prochaines semaines, nous permettra de répondre concrètement à la désertification médicale qui provoque de profonds bouleversements. Vous travaillez, madame la ministre, depuis dix-huit mois pour tendre à une meilleure équité territoriale dans la répartition de l'offre de soins.
En la matière, toutes les propositions doivent être entendues. C'est ce qui nous rassemble aujourd'hui dans l'examen de la proposition de loi de Guillaume Garot. Même si la réponse ne pourra venir que d'une transformation globale du système de santé, toutes les possibilités législatives de faire bouger les choses doivent être étudiées et débattues dans cet hémicycle. En effet, seul on va parfois plus vite, mais ensemble on va plus loin. C'est cette volonté d'agir collectivement qui dicte notre quotidien et qui nous rassemble sur ces bancs, au service des Français des territoires ruraux, des villes et des périphéries urbaines.
Malgré l'engagement et les qualités des médecins, la pénurie touche un Français sur cinq. Nous ne pouvons plus laisser nos concitoyens seuls face à cette situation. Il faut souvent attendre des mois pour obtenir un rendez-vous médical : en moyenne, c'est plus de quatre-vingts jours pour un rendez-vous chez un ophtalmologue, plus de cinquante jours chez un cardiologue, alors que cette filière de soins est primordiale pour la prévention et la réduction des risques cardiovasculaires. Ce n'est pas acceptable. Depuis 2012, l'accès aux médecins généralistes s'est considérablement détérioré. Mais s'il est facile de partager les constats du groupe Socialistes et apparentés, notre majorité souhaite privilégier une approche législative prospective, pragmatique et surtout efficace.
Grâce au futur projet de loi issu du plan « ma santé 2022 », nous disposons aujourd'hui des clefs de réussite permettant de répondre à l'urgence de la désertification médicale. Aussi, nous ne partageons pas, monsieur le rapporteur, votre opinion en faveur du conventionnement sélectif. Sur le terrain, ce dernier risquerait de se limiter à un effet d'annonce contre-productif. Nous devons être attentifs aux risques que les inégalités d'accès aux soins se creusent, si une telle coercition était votée. Le conventionnement sélectif ne pourra être efficace que dans un contexte où nous aurions davantage de nouveaux praticiens dans nos territoires que de départs en retraite.
Nous devons préserver l'alliance de la juste action envers les citoyens et les professionnels de santé. La cohérence de l'offre sur nos territoires doit essentiellement guider nos travaux. Et nous devons être attentifs aux conséquences et nous concentrer, principalement, sur les avantages dont les citoyens pourront bénéficier en retour. C'est pourquoi, notre groupe votera l'article 4 relatif aux autorisations d'exercice des médecins adjoints et remplaçants dans les zones sous denses.
De même, nous proposerons, en complément, deux amendements structurants.
Le premier entend permettre le renforcement de la représentativité des conseils territoriaux de santé – CTS – en intégrant les parlementaires dans ces instances de qualité. Nous souhaitons que l'ensemble des députés, de tous bords, puissent davantage s'intégrer dans leurs territoires et participer aux décisions locales de santé.
Le second amendement vise la mobilisation des administrations publiques au service des Français en difficulté dans les zones sous denses, afin de leur permettre de trouver un médecin traitant réfèrent. Pour y parvenir, nous souhaitons que le médiateur des caisses primaires d'assurances maladie soit plus actif pour assurer l'accès aux soins de nos concitoyens.
Pour redonner confiance aux Français dans nos institutions, notre devoir de parlementaires est de leur assurer un droit à la santé. Ce dernier est un droit pour tous et toutes, dans l'ensemble de nos territoires.
Pour conclure, en réponse à notre collègue Favennec Bécot qui a fait référence au film Un jour sans fin, je le renverrai à un autre film : Un jour sur Terre.
Dans une récente allocution, vous avez reconnu et admis, madame la ministre, que les remèdes que vous avez commencé à administrer sont, sinon trop lents, à tout le moins trop tardifs. Je ne peux malheureusement qu'approuver cette soudaine prise de conscience, moi qui, depuis près de vingt mois, à coup de livre blanc, de propositions de loi et de discours et interventions, n'ai cessé de vous inviter à agir. Et à agir vite, tant les dysfonctionnements de notre système de santé sont criants ! Tant de nos compatriotes sont, chaque jour, un peu plus inquiets et angoissés à l'idée de ne plus trouver de médecins pour les soigner, eux, leurs enfants ou leurs parents âgés.
Dans quelques semaines, nous examinerons votre projet de loi issu du plan « ma santé 2022 ». Il aura donc fallu presque deux années pour qu'enfin le Gouvernement se saisisse de cette question primordiale qu'est la santé de proximité. Et encore, dire que nous examinerons votre projet de loi n'est qu'une figure de style, puisqu'une partie importante du texte échappera aux débats parlementaires pour être adoptée par voie d'ordonnances, au nom d'une urgence tout juste risible deux ans après votre entrée en fonction.
Pourtant, votre majorité n'a manqué ni d'occasions, ni de propositions pour accélérer le rythme des décisions. À peu près tous les groupes d'opposition ont déposé des propositions de loi. Le groupe Les Républicains n'a pas manqué de vous soumettre la sienne, avec, pour notre santé, une proposition que, immodestement sans doute, je juge complet et cohérent.
Las ! Chaque fois, votre majorité, comme cela a été le cas ce matin sur un autre texte, a usé d'artifices de procédure pour rejeter ces textes, sans même consentir à les examiner. Sans doute consentez-vous, la crise des gilets jaunes étant sans doute passée par là, dans un esprit d'ouverture sans bornes, que nous examinions aujourd'hui la proposition de notre collègue Guillaume Garot, ou ce qu'il en reste après que la majorité l'a vidée de sa substance.
Je veux saluer M. le rapporteur, et le remercier d'avoir, une fois de plus, contraint le Gouvernement et la majorité à nous dire, comme vous l'avez fait madame la ministre, qu'il est bien trop tôt pour traiter de la démographie médicale, que le Gouvernement s'en est préoccupé bien avant nous, et que le plan « ma santé 2022 » viendra, prochainement, tout régler. Une nouvelle fois, les Français des villes et des campagnes, des ronds-points et d'ailleurs, sauront apprécier.
Mais, n'ayant rien du prophète Jérémie, je vais cesser ici mes récriminations et me consacrer à l'examen du texte. Dans les prochaines semaines et les prochains mois, j'aurai l'occasion de dire, et même d'écrire, ce que m'inspire tant de désinvolture dans la gestion de notre système de santé, dont je ne dis même plus qu'il va dans le mur, puisqu'à l'évidence il y est déjà !
Si je partage, monsieur le rapporteur, votre souci d'apporter une solution aux nombreuses questions que laisse pendantes la démographie médicale, si je mesure la force de votre engagement sur cette question – dont parlent pour vous vos expérimentations mayennaises – je ne puis, cependant, vous rejoindre sur les solutions proposées, dont certaines me paraissent pires que le mal.
Certes, je vous en donne acte bien volontiers, vous avez veillé à la sémantique : jamais les mots « contrainte » ou « coercition » n'apparaissent dans votre texte. Pourtant, votre proposition de conventionnement sélectif s'apparente bien à cela. Je ne crois pas que ce soit un bon signal à envoyer aux futurs médecins, ni même un message honnête à l'adresse de nos concitoyens.
Car, enfin, remettre cette contrainte, qui ne dit pas son nom, sur la table, alors qu'elle a été très largement rejetée par les majorités successives, alors que les étudiants et les professionnels eux-mêmes n'en veulent pas, cela ne s'apparente-t-il pas à une petite manoeuvre, à un coup médiatique ? Monsieur le rapporteur, les manifestations que connaît notre pays depuis quelques semaines sont la démonstration qu'il n'est de réforme efficace qui ne reçoive le soutien de ceux qu'elle concerne. Réformer les règles d'installation des médecins contre les médecins eux-mêmes est, au mieux une maladresse, au pire une faute grave. Votre proposition, fut-elle douce à entendre par quelques-uns, jusque sur tous les bancs mayennais, n'est pas à la hauteur de l'enjeu et, pour tout dire, est irresponsable dans les conséquences qu'elle ne manquerait pas d'entraîner.
Je mesure bien l'abîme d'effronterie dans lequel je fonds depuis le début de mon mandat. Imaginez : je ne suis pas médecin, pas même professionnel de santé ; je ne suis que le petit élu d'un petit territoire, et je me targue néanmoins de parler de santé ! Mais, dans l'exercice de mes mandats locaux, comme dans toutes les rencontres que j'ai depuis des mois, je suis arrivé à la conclusion simple que la santé est, pour bon nombre de nos concitoyens, un sujet prioritaire et que les dogmes habituels qu'on applique à la santé depuis quarante ans ne suffiront plus à sauver le système.
Nous partageons tous le même constat. Sur ces bancs, nous cherchons tous des solutions. Pourtant, PLFSS après PLFSS, on continue de faire comme avant. Imaginer qu'on pourrait administrer l'installation des professionnels libéraux relève de cette même logique mortifère. Sans doute vaudrait-il mieux regarder pourquoi, dans les cohortes d'étudiants en médecine, si peu avouent être tentés par la médecine générale.
À force de sélectionner les meilleurs parmi les meilleurs à l'entrée dans les facultés de médecine, l'on a peut-être assuré le devenir des disciplines à forte valeur scientifique ajoutée, assuré le devenir de la recherche hospitalière. Mais depuis quand s'est-on posé la question de savoir si ces profils correspondaient à la médecine de famille, comme elle était joliment appelée jadis ? Trop souvent, on continue d'entendre, ici ou là sur les bancs – il est vrai de plus en plus clairsemés – des facultés de médecine, que la médecine générale est la filière de ceux qui ne réussissent pas. Qui, depuis longtemps, s'est penché sur le cursus des études médicales et sur la façon dont on choisit – ou pas – sa spécialité ?
Aux épreuves classantes nationales de 2016, 3 500 places étaient à pourvoir en médecine générale. Or seules 3 200 places ont été pourvues et, sur ces 3 200 étudiants, seuls 1 500 ont reconnu avoir expressément fait le choix de la médecine générale. Nous ne retrouverons jamais en médecine générale les 1 700 autres, qui disparaîtront dans les services de médecine interne des hôpitaux. Qui l'a dit, en 2016, monsieur le ministre Garot ? Qui s'en est soucié ? Or, voyez-vous, monsieur le rapporteur, même en créant toutes les contraintes conventionnelles du monde, tant qu'il n'y aura pas plus de candidats pour la médecine générale, les cabinets de nos villes et de nos villages continueront à fermer, inexorablement.
Que dire également de la pratique des stages qui confinent les étudiants en médecine à l'intérieur des murs de l'hôpital public. Qui parle des 15 000 places vacantes de maître de stage et des difficultés à en recruter, quand on ne sait pas même les rémunérer ? Dès lors, comment s'étonner qu'un jeune médecin généraliste fraîchement diplômé, qui a passé neuf années et demi d'étude sur dix dans le giron de l'hôpital public, n'ait pas envie d'y demeurer au moment de faire un choix professionnel ? L'hôpital est devenu le premier concurrent de la médecine de ville. Et cela ne semble pas choquer grand monde dans le pays.
Il faut dire qu'il offre tout ce qu'attendent les nouveaux professionnels de santé : la sécurité et le confort de la pluridisciplinarité, la possibilité de se partager entre vie professionnelle et vie de famille, en choisissant le temps partiel au moins pour une partie de sa carrière, des rémunérations qui soutiennent plutôt bien la comparaison avec le secteur libéral. Que demander de plus ? Or, monsieur le rapporteur, si votre proposition était adoptée, elle serait une incitation supplémentaire faite aux étudiants à rester à l'hôpital, où, finalement, les contraintes qui pèsent sur le praticien sont moins fortes qu'en ville.
J'ajoute, ayant lu dans le plan « ma santé 2022 », que le concours de praticien hospitalier pourrait être supprimé, qu'il n'y aura plus aucune raison, ni aucun obstacle, à ce que les étudiants en médecine demeurent à l'hôpital. Mais peut-être est-ce un choix ? Peut-être est-ce la finalité de la réforme, en parfaite conformité avec la doctrine historique du ministère de la santé, c'est-à-dire « par et pour l'hôpital public » ? On est en droit, au regard du traitement qui est fait depuis des années aux professionnels libéraux, de se poser la question.
Faute de vous être posé toutes ces questions – dont je ne prétends pas qu'elles puissent trouver facilement réponse – , faute d'avoir considéré la partie invisible de l'iceberg, et finalement d'en être resté à l'écume des choses, votre texte ne peut apporter remède à la démographie médicale, à l'attente de nos concitoyens de pouvoir, au plus près de chez eux et dans le temps le plus court, être pris en charge par un professionnel de santé. C'est là en effet, et là seulement, que réside le véritable enjeu de toute réforme.
Enfin, je m'étonne que le groupe Socialistes et apparentés n'ait pas mesuré le risque que sa proposition conforte l'existence d'une médecine à deux vitesses. Car, pour les médecins qui n'auraient pas préféré rester à l'hôpital, votre solution offre encore la possibilité de renoncer au conventionnement et, partant, de proposer aux patients des tarifs forcément sélectifs.
La médecine des riches en ville ; la médecine des pauvres à l'hôpital : comme vision du nouveau monde, vous avouerez qu'on a connu plus ambitieux et plus solidaire ! Vous l'aurez compris, et même si quelques autres de vos propositions présentent un intérêt, l'arbre de la coercition va continuer à cacher la forêt. Le groupe les Républicains s'y opposera avec force et détermination, convaincu qu'il existe d'autres voies et d'autres solutions pour bâtir la médecine de demain.
Il y a quelques jours, je lisais dans la presse – l'Express pour ne pas le nommer – , un article intitulé « Les déserts médicaux, un "marronnier" de l'Assemblée ». Au Parlement, en effet, la lutte contre les déserts médicaux est l'équivalent du prix de l'immobilier ou des francs-maçons pour les journaux, à savoir un sujet qui fait toujours recette.
Les propositions de loi concernant les déserts médicaux sont, quant à elles, déposées, par des collègues siégeant sur tous les bancs, avec une régularité de métronome, et presque toujours rejetées. Je ne sais pas si cela se produira à nouveau aujourd'hui, mais, si la proposition de loi est adoptée, elle ne le sera, une nouvelle fois, que dépossédée de tous ses attributs. En effet, tout ce qui n'est pas issu de la majorité est rejeté ou, pour faire illusion, adopté après avoir été complètement vidé de sa substance.
Ce mode opératoire est même devenu la véritable marque de fabrique de votre majorité, le sceau de La République en marche ! Or, il faut prendre le problème à bras le corps.
En effet, la France vit un étrange paradoxe : elle n'a jamais compté autant de médecins – près de 216 000 praticiens en activité ont été recensés au 1er janvier 2017 – et, pourtant, les déserts médicaux ne cessent de s'étendre.
Près d'un Français sur dix vit dans un désert médical. 9 000 communes – ce qui représente tout de même quelque 5,3 millions d'habitants – sont en manque de médecins généralistes.
Les populations résidant en zone rurale isolée souffrent tout particulièrement de cette pénurie. Il en est de même s'agissant des couronnes périphériques des principaux centres urbains. Toutefois, on trouve aussi des déserts médicaux dans les centres des villes moyennes – j'en sais quelque chose à Béziers !
Afin de lutter contre cette désertification, vous proposez, chers collègues du groupe socialiste, de priver de conventionnement les médecins désireux de s'installer dans une zone bien dotée en matière d'offre de soins. Ainsi, un médecin pourrait s'établir en secteur 2 – avec dépassements d'honoraires, donc – uniquement si l'un de ses confrères cesse simultanément son activité.
En cas d'installation sans cessation d'activité simultanée, la sécurité sociale ne rembourserait pas ses patients. Cette mesure vise à inciter les jeunes médecins à s'orienter vers des zones connaissant un déficit d'offre médicale.
Cette idée n'est pas nouvelle. En 2011, déjà, un texte cosigné par deux députés socialistes visait à plafonner les installations de jeunes praticiens dans les zones dites « surdenses ». Il n'a pas été adopté.
À la fin de l'année 2017, la Cour des comptes a relevé qu'il est difficile de venir à bout des déserts médicaux, et recommandé des mesures contraignantes « pour obtenir un rééquilibrage » de la répartition géographique des médecins, quitte à mettre un terme à leur liberté d'installation. Pour ce faire, la Cour proposait de remplacer celle-ci par le « conventionnement sélectif », déjà appliqué aux infirmiers et aux sages-femmes. Sans succès.
On connaît la réaction des médecins. Comme dit le dicton, on n'attrape pas les mouches avec du vinaigre ! En instaurant uniquement des mesures coercitives, vous n'attirerez pas les médecins, au contraire : ceux-ci s'orienteront massivement vers des professions sans rapport – ou presque – avec le soin. En somme, vous les inciterez à sortir du système de santé. Ce dispositif est à mes yeux inefficace, et même contre-productif.
Afin de résorber les déserts médicaux et de répondre aux hôpitaux publics en sous-effectifs ainsi qu'aux médecins à la retraite à qui l'on demande de continuer à travailler, on nous vante tantôt le prétendu progrès d'une santé dématérialisée, distante et déshumanisée, tantôt la possibilité, pour les pharmaciens, de délivrer des médicaments – mais la prescription médicale ne fait pas partie de leurs compétences, me semble-t-il – , tantôt, en attendant les effets de la suppression du numerus clausus – que ne l'a-t-on fait plus tôt ! – , le recours aux médecins étrangers, dont chacun sait qu'ils sont souvent dans une situation très précaire. Ce bricolage ne me semble pas satisfaisant.
Je propose donc – comme j'ai déjà eu l'occasion de le faire dans cet hémicycle – d'explorer une autre piste, celle de l'incitation à l'installation dans ces zones, par le biais de réductions d'impôt par exemple, ou de l'instauration d'un acte facturé plus cher aux patients, mais mieux remboursé. Les solutions ne manquent pas. Nous aurons le temps de les développer.
Il faudrait tout repenser, être à l'écoute des praticiens et avoir le courage de mener une profonde réforme au service des médecins, afin qu'ils puissent être à 100 % à l'écoute et au service d'eux-mêmes et de leurs patients.
Je prendrai un exemple concret de désertification médicale. L'Orne compte 162 médecins généralistes en ce début d'année 2019. À la même période l'année dernière, 181 médecins exerçaient encore. Le territoire accuse donc une perte de dix-neuf praticiens. En dix ans, quarante-huit généralistes ont cessé leur activité.
S'agissant des spécialistes, nous constatons la même tendance. À l'heure actuelle, ils sont soixante-dix-neuf. En la matière, l'Orne accuse une perte nette de plus de trente spécialistes en dix ans.
Les chiffres sont là, et ils sont parlants. Ils illustrent la logique implacable de la désertification médicale, notamment dans les zones rurales et péri-urbaines.
Il ne s'agit que d'un exemple parmi de très nombreux autres. Chaque parlementaire a déjà reçu des courriers et des appels à ce sujet, et rencontré des habitants de sa circonscription ne sachant plus comment faire pour trouver un médecin traitant ou s'inquiétant de la fermeture de services de soins de proximité.
Le seul constat, c'est que la réalité de la situation ne fait pas débat. En revanche, un débat s'impose sur les solutions concrètes qu'il est nécessaire de formuler en vue de répondre à cette urgence. Or, comme les membres de mon groupe et – j'en suis certain – de nombreux autres députés, je souhaite exprimer ma déception au sujet de ce qu'il reste du texte à l'issue de son examen en commission.
Le groupe Socialistes et apparentés a effectué un travail de fond, sous l'impulsion de notre rapporteur, Guillaume Garot, afin de formuler des solutions simples – et non simplistes – et efficaces pour répondre à l'urgence au sein de nos territoires. C'est bien de mesures d'urgence dont il s'agit, tel le conditionnement du conventionnement d'un médecin dans les zones surdotées au départ en retraite de l'un de ses confrères.
Cette mesure est évoquée par les habitants des territoires concernés eux-mêmes. Ceux de ma circonscription m'en ont fait part, dans le cadre des conseils consultatifs citoyens que j'ai mis en place afin d'aborder les grands problèmes qui les préoccupent. Il s'agit de l'une des leurs priorités.
Nous l'avons tous constaté. Nous observons même, de façon critique, la mise en oeuvre des décisions que nous avons soutenues au cours de la dernière législature, démontrant que l'incitation ne suffit pas.
Le phénomène exige des décisions concrètes, rapides et efficaces. Tel est le cas ici : nous souhaitons flécher davantage de moyens vers les « territoires innovation santé » en attribuant des crédits du fonds d'intervention régional, car, à l'échelon local, les solutions existent.
Les collectivités territoriales agissent afin de répondre à la crise, en instaurant des dispositifs de consultation de médecine générale au sein de centres hospitaliers et en ouvrant des pôles ou des maisons de santé dans les territoires, avec le soutien – je le reconnais – des agences régionales de santé.
À rebours des chiffres inquiétants en matière de médecine générale, soulignons que la démographie infirmière est de bonne tenue dans certains territoires. Ce corps de métier pallie quotidiennement les manques. Nous pourrions nous appuyer sur lui pour mieux répondre aux besoins de soins. Les premiers infirmiers de pratique avancée sont en formation – ils sont environ 300 à ce jour – et le mouvement doit s'amplifier. Nous obéissons à la même logique lorsque nous souhaitons donner plus de marge aux pharmaciens, qui sont des personnels formés et responsables.
La proposition de loi que nous avons mise sur la table, dans sa rédaction initiale, était un texte d'urgence et de bon sens, formulant des réponses pragmatiques. Il visait – et vise toujours – à réunir une nette majorité de consensus au sujet d'une situation dans laquelle se trouvent de nombreux territoires.
Nous le rappellerons inlassablement : l'accès aux soins pour tous n'est pas négociable. Il s'agit d'un droit. Nous devons tout faire pour rétablir l'égalité entre les territoires et les citoyens. C'est une question de justice.
Certes, il est difficile de prendre des mesures sur le conventionnement des médecins, mais comment pouvons-nous accepter que des territoires soient largement surdotés en professionnels de santé et que d'autres en manquent cruellement ? Certes, le numerus clausus a été levé, mais nous ne pouvons attendre dix ans dès lors que la situation se dégrade chaque mois.
Dans le seul territoire de la communauté urbaine d'Alençon, plusieurs dizaines de professionnels sont partis en retraite l'année dernière et partiront cette année. Ils ne seront pas remplacés. Qu'allons-nous répondre aux habitants qui ne savent plus à qui s'adresser pour trouver un médecin traitant ?
Notre groupe fera donc son travail et tâchera de rendre un sens au texte. Nous espérons que les amendements que nous défendrons obtiendront l'assentiment de nombreux députés, car ils font écho à une réalité à laquelle nous sommes tous confrontés, par-delà les divergences partisanes.
Je rappelle une nouvelle fois qu'il s'agit de mesures d'urgence, adaptées à une période de crise. Il s'agit également de reconnaître les avancées nées dans nos territoires, ainsi que les actions des professionnels de santé au sens large.
Nous sommes favorables à certaines pistes évoquées dans le plan santé, dont certaines dispositions doivent être examinées ici au cours des mois à venir, notamment la création des assistants médicaux ou le salariat de médecins dans les déserts médicaux. Les financements doivent être orientés prioritairement vers le soutien aux organisations collectives de coordinations de soins.
Il n'existe pas une seule et unique réponse au problème de la désertification médicale. Toutefois, les propositions du présent texte auront un effet réel et participeront à la résolution d'une situation qui se dégrade et continuera à se dégrader dans les années à venir si des mesures urgentes ne sont pas adoptées.
Monsieur Guillaume Garot, je vous remercie d'avoir déposé la présente proposition de loi. Notre pays est caractérisé par de profondes inégalités sociales et territoriales en matière de santé – personne ne le niera. Dans le contexte actuel, sur la base d'un diagnostic largement partagé, il est bon et sain de débattre des réponses à y apporter.
Médecin de santé publique et députée d'un territoire souffrant d'un réel problème d'accès aux soins – comme celui où est élu M. Pueyo – , je connais bien ces enjeux. Au demeurant, vous avez cité mon département dans votre rapport.
En matière de densité des professions médicales libérales, l'Eure est le dernier de France. Il est aussi le moins bien doté en médecins généralistes.
Pourtant, grâce à l'implication soutenue du conseil départemental, dont j'ai été vice-présidente, nous avons su adopter des solutions innovantes en faveur de l'installation, de l'exercice et du maintien de médecins exerçant en libéral.
Pour ce faire, nous ne nous sommes pas concentrés sur le seul médecin. Je prendrai l'exemple de mon département, fragile en matière de démographie médicale, afin de d'expliciter l'idée.
Dans l'Eure, avant même la présentation du plan « ma santé 2022 », nous avons compris que le problème des déserts médicaux ne pouvait être réduit au nombre de médecins libéraux s'installant dans le territoire. Nous avons compris qu'il fallait encourager la coopération entre les médecins, et plus généralement entre professionnels de santé, afin d'éviter tout exercice isolé de la médecine.
Telle est l'attente des jeunes professionnels de santé. Sur ce point, je tombe d'accord avec les propos tenus tout à l'heure par Mme Ménard. Il s'agit également d'un gage de qualité pour nos concitoyens.
Ainsi, il faut changer de paradigme : la proximité n'est pas une garantie de sécurité. Il faut changer notre façon d'appréhender l'offre de santé et établir de réels collectifs de santé. Prenons l'exemple des pathologies chroniques. La présence d'un seul médecin ne peut pas être satisfaisante pour la prise en charge du malade. Il faut une équipe médicale. Dans le cas du diabète, le médecin généraliste peut bénéficier de l'accompagnement de l'infirmier – ou de l'infirmière – dédié et du podologue. En outre, si ces partenaires travaillent ensemble, tout est bien plus simple pour le consultant. Ainsi, ne réduisons pas le débat au seul nombre de médecins !
S'agissant du conventionnement sélectif pour les médecins, la mesure proposée est un éternel retour. Nous en parlons depuis longtemps et nous en parlerons sans doute longtemps encore. Je me suis moi-même interrogée sur sa pertinence.
Du point de vue des étudiants en médecine et des médecins, il me semble qu'une telle mesure fait peser un risque réel sur l'attractivité de la médecine libérale, notamment pour sa composante généraliste.
De surcroît, notre choix est celui d'une logique de confiance et de dialogue avec les professionnels de santé, sur le terrain comme dans l'élaboration d'une stratégie d'ensemble.
Ainsi, dans l'Eure, nous avons construit, en collaboration avec la caisse primaire d'assurance maladie un guichet unique pour les jeunes médecins désireux de s'installer dans notre département. Cela facilite les démarches du jeune médecin, lui permet de développer des relations et crée autour de lui un réel climat de confiance, car il rencontre directement, en vis-à-vis, les divers protagonistes des institutions auquel il doit s'adresser.
Notre choix n'est pas celui de la coercition. Si nous constatons – à l'issue d'une évaluation – l'inefficacité des nombreux dispositifs incitatifs destinés à favoriser l'installation et l'exercice des médecins libéraux en zones sous-denses, il faudra revoir la méthode.
Par ailleurs, une telle mesure risque de provoquer des déconventionnements en nombre, ce dont pâtiraient in fine les patients. Comme l'indique un rapport sénatorial publié au mois de juillet 2017, l'expérience allemande semble démontrer que le conventionnement sélectif n'a pas eu pour effet l'augmentation du nombre de médecins dans les zones sous-dotées.
En outre, les médecins semblent avoir tendance à s'installer à proximité des zones surdotées. Pour ces raisons, je ne suis pas personnellement convaincue par cette proposition, bien qu'elle ait été présentée avec la force de l'évidence.
Les propositions du plan « ma Santé 2022 », dont la plupart seront soumises au débat parlementaire, me semblent avoir une portée supérieure à celle de simples mesures d'urgence. Elles sont à la hauteur des enjeux et procèdent d'une vision stratégique cohérente, structurante et globale.
Pour rappel, le plan pour l'égal accès aux soins dans les territoires, présenté au mois d'octobre 2017, repose sur quatre piliers : le renforcement de l'offre de soins dans les territoires, une révolution numérique en santé, l'amélioration de l'organisation des professions et une nouvelle méthode consistant à faire confiance aux acteurs des territoires.
Je pourrais évoquer longuement le plan « ma santé 2022 » ainsi que les mesures auxquelles nous pourrons donner un socle législatif. Toutefois, après la publication de nombreux rapports et études, après la présentation du plan « ma santé 2022 » au mois de septembre dernier, et après l'adoption de certaines mesures dans le cadre du PLFSS, nous aurons le grand plaisir de prolonger nos débats dans un peu plus d'un mois.
Sur ces questions, comme sur celles plus globales de manque d'attractivité des zones rurales – et d'autres – , il importe que nous débattions, compte tenu du contexte actuel.
Même si elle ne figure pas explicitement parmi les quatre grands thèmes abordés dans le cadre du grand débat national, nous savons tous ici combien la difficulté d'accès à un médecin préoccupe quotidiennement nos concitoyens. Nous, députés de la nation, pouvons témoigner des nombreux courriers et alertes que nous recevons de la part d'élus locaux, mais aussi de citoyens qui nous alertent sur le départ prochain à la retraite de leur médecin de famille, qui ne sera pas remplacé.
Vous l'avez récemment souligné, madame la ministre, lors de vos voeux, la santé est « un service public qui n'est pas au rendez-vous ». Le sujet de la désertification médicale revient très, voire trop, régulièrement, puisque nous n'avons pas encore trouvé la bonne solution, le bon dosage pour garantir tout à la fois la liberté d'installation des médecins et leur bonne répartition dans les territoires. Les dispositifs d'incitation à l'installation ont été jugés trop onéreux et inefficaces, ce qui nous oblige à trouver d'autres méthodes.
Nous examinons aujourd'hui un texte qui tente de répondre à ce problème. Si notre groupe a salué les propositions contenues dans le plan « ma santé 2022 », il est indéniable que les mesures présentées ne trouveront pas leur pleine application avant l'horizon 2025, voire 2030. En attendant, notre position de parlementaires nous oblige à apporter des réponses au désarroi de nos concitoyens, confrontés quotidiennement à la difficulté d'obtenir un rendez-vous chez un professionnel de santé.
C'est pourquoi je remercie le groupe Socialistes et apparentés, et plus particulièrement le rapporteur Guillaume Garot, d'avoir inscrit à l'ordre du jour de nos travaux cette proposition de loi. Car, même si nous ne partageons pas toutes vos conclusions, nous soulignons l'effort et l'abnégation constante dont vous faites preuve sur ce sujet pour tenter de restaurer, en France, une santé de proximité.
Cette proposition de loi fait par ailleurs écho à la commission d'enquête qu'a créée notre groupe, l'année dernière, sur l'égal accès aux soins et la lutte contre la désertification médicale. Nous retrouvons dans votre texte, pour partie, les constats posés et certaines propositions formulées dans le rapport final présenté par notre collègue Philippe Vigier.
Vous proposez tout d'abord, à l'article 1er, de faire du conventionnement des médecins un outil de régulation pour rééquilibrer l'offre de soins dans les zones insuffisamment dotées. Sans remettre en cause la liberté d'installation des médecins, vous conditionnez leur conventionnement à la densité d'offre de soins sur le territoire.
Sur la forme, nous trouvons la méthode quelque peu injuste et discriminante, puisque ces contraintes d'installation s'appliqueront aux nouveaux médecins cherchant à s'installer, sans affecter ceux qui ont déjà établi un cabinet et ont une patientèle stable. Je vous concède, monsieur le rapporteur, que vous ne pouvez malheureusement pas changer les règles au cours du jeu. Je pense notamment à tous ces étudiants qui se sont engagés dans des études très longues et fastidieuses, à qui nous annonceront soudainement que leur liberté d'installation est compromise, du moins dans certaines zones qu'ils avaient peut-être envisagées.
Par ailleurs, cette mesure ne garantit en rien la présence de médecins dans les zones rurales. Vous vous attachez à limiter l'installation dans les zones sur-dotées, sans intervenir sur l'attractivité des zones sous-dotées. Les mesures de contrainte à l'installation appliquées au Canada ou en Allemagne, citées tout à l'heure, auxquelles votre proposition est similaire, ont conduit à l'échec : certes, les nouveaux médecins ne se sont pas installés dans les villes, mais ils n'ont pas non plus fait le choix des zones rurales, préférant établir leur cabinet à la périphérie des villes.
Pour rendre réellement attractives les zones sous-denses, il vous aurait fallu proposer des dispositifs pour améliorer les conditions d'exercice des médecins. Ce que proposera, je l'espère, le futur projet de loi sur la santé, avec le développement d'assistants médicaux qui pourront permettre aux médecins libéraux de s'affranchir de certaines tâches, notamment administratives, et de dégager ainsi du temps pour se consacrer à leur coeur de métier, c'est-à-dire soigner.
Peut-être serait-il plus opportun de mieux valoriser les espaces santé, qui permettent à des praticiens hospitaliers d'exercer la médecine de ville à temps partiel. Ainsi, ils permettent tout à la fois de fidéliser le praticien hospitalier et d'augmenter l'offre en médecine de ville. Ce modèle permet aussi de conforter l'offre et l'avis médical en juxtaposant plusieurs disciplines.
Enfin, il faut non seulement rendre plus attractive pour les médecins l'installation dans certains territoires, mais aussi rendre plus attractive la médecine de ville. Nous savons que neuf médecins sur dix choisissent d'exercer dans le milieu hospitalier. Ce n'est pas en bridant l'installation des médecins libéraux que nous pourrons améliorer ce chiffre et rétablir l'équilibre entre ville et hôpital.
Notre groupe demeure donc très réservé sur votre proposition de conventionnement sélectif qui pourrait, je le crains, manquer son effet. Nous continuerons à soutenir et à garantir la liberté d'installation des médecins, mais nous leur demandons de faire des efforts pour mieux répondre aux besoins de santé exprimés par nos concitoyens.
Votre texte propose également de s'appuyer sur les compétences des médecins ayant obtenu leur diplôme hors de l'Union européenne, en réduisant de trois à un an la période probatoire obligatoire, à la condition que ces médecins exercent dans une zone sous-dotée. Cette proposition ayant été émise par le rapport de notre commission d'enquête, notre groupe y est évidemment favorable. À la lecture de l'avant-projet de loi Santé transmis au conseil d'État, nous avons toutefois constaté que le Gouvernement proposait de porter cette période à deux ans.
Nous donnons également un avis favorable à l'article 4 de votre texte, qui crée un nouveau statut de « médecin de renfort », distinct du cadre actuel du remplacement et applicable uniquement dans les déserts médicaux. Là encore, il s'agit d'une proposition du rapport de la commission d'enquête UDI-Agir.
Votre texte propose enfin de s'appuyer sur les pharmaciens d'officine. À travers un dispositif expérimental, ces professionnels très appréciés des Français pourront dispenser certains médicaments à prescription médicale obligatoire.
Les pharmaciens ne sont pas prescripteurs. Ce souhait n'a d'ailleurs jamais été exprimé par la profession. Cependant, à l'instar des médecins, ils sont présents en continu dans tout le territoire en raison de règles d'installation bien plus contraignantes, il est vrai. La pharmacie constitue donc aujourd'hui un lieu de santé de proximité dans les territoires, grâce à un formidable maillage territorial. Selon une enquête menée par Pharma Système, le pharmacien reste le professionnel de santé que les Français voient le plus souvent, devant leur médecin généraliste.
Dans le cadre de la campagne de vaccination antigrippale, ces professionnels ont déjà démontré qu'ils pouvaient aider. L'expérimentation a en effet rencontré un vif succès, avec plus de 700 000 patients vaccinés en pharmacie. Pourquoi donc ne pas aller plus loin, notamment pour traiter des pathologies mineures ? Les pharmaciens ont déjà vu leurs missions évoluer, ils se tiennent prêts à aller plus loin.
Nous soutenons donc votre proposition, le cadre choisi de l'expérimentation nous paraissant très cohérent. C'est pourquoi nous proposerons un amendement visant à rétablir en l'état l'article 5, supprimé en commission des affaires sociales.
Cette proposition de loi ne prétend pas, à elle seule, résoudre toutes les inégalités territoriales d'accès aux soins, puisqu'elle ne comporte finalement que peu d'articles. Cependant, les mesures proposées ont le mérite de vouloir faire bouger les choses.
Notre groupe adoptera donc une position bienveillante sur ce texte, même si nous ne voterons pas l'article 1er, vous l'avez compris. Tout comme vous, nous regrettons que le texte ait été vidé de sa substance en commission. Mais, si certaines de vos dispositions trouvaient à s'intégrer au futur projet de loi « ma santé 2022 », attendu courant février, cet argument pourrait s'entendre.
Nous serons donc très vigilants, madame la ministre, quant aux travaux à venir, notamment quant au contenu des ordonnances, à la rédaction desquelles nous espérons être étroitement associés.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Les enjeux et les conséquences de la désertification médicale ont été posés et abondamment développés par l'ensemble de mes collègues.
Les chiffres dont nous disposons sont évidemment inquiétants : d'un côté, un médecin généraliste sur deux aura bientôt plus de soixante ans ; de l'autre, seuls 8 % des jeunes médecins choisissent la médecine générale, alors même qu'aujourd'hui 25 % d'entre eux n'exercent pas à temps plein.
Ce phénomène est visible un peu partout, même dans un département comme le Var, qui présente une augmentation de 4 % du nombre d'installations, mais connaît d'importantes disparités.
Par exemple, lorsque je me suis installée à Cogolin, en 2009, treize médecins exerçaient. Ils sont désormais neuf, regroupés, pour un bassin de population de 20 000 habitants l'hiver.
Nous convenons tous du fait qu'il y a urgence à agir. Mais est-il pertinent d'agir dans l'urgence ? J'en doute.
La présence d'un médecin, ou son absence, est en quelque sorte le thermomètre de l'attractivité d'un territoire ; personne ne pourrait le nier. Bien souvent, un territoire sans médecin est un territoire où l'économie, les transports et les services publics sont faibles, voire absents.
Sur le fond, ce n'est pas parce que notre majorité ne soutient pas, à ce moment précis, certaines des solutions que vous proposez, que nous sommes moins sensibles que vous au désarroi, voire parfois à la détresse qui nous sont exprimés, chaque jour, dans nos circonscriptions, et que vous invoquez pour justifier l'adoption urgente des mesures que vous proposez. Quand, dans nos territoires, des familles nous alertent car elles ne parviennent pas à se faire admettre comme nouveaux patients du seul médecin restant, croyez-moi, nous ne nous sentons pas moins concernés que vous.
Si l'on adopte aujourd'hui les solutions que vous proposez, le problème de la désertification médicale, dans sa globalité, sera-t-il définitivement et suffisamment réglé ? Nous ne le pensons pas.
Vous disiez vous-même en commission, la semaine dernière, que ce texte « ne prétend évidemment pas être l'unique solution à tous les problèmes de la désertification ». À quoi bon, alors, voter dans l'urgence des mesures dont nous savons par avance qu'elles n'apporteront ni réponse structurelle, ni solutions adaptées, ce alors même qu'un projet de loi ambitieux sur ce même sujet sera très prochainement soumis à notre Assemblée ? Pourquoi ne pas plutôt mettre à profit les semaines restantes pour prendre les décisions les plus équilibrées, selon une approche globale et pleinement concertée ?
Redonner du temps médical aux médecins est un enjeu central. Cela nécessitera des mesures structurelles, telles que la création des postes d'assistants médicaux, ou le développement de la liste des actes qui peuvent être effectués par les professions paramédicales. Les infirmières ont à cet égard un rôle important à jouer, et y sont prêtes.
Comme mes collègues, je suis persuadée que les mesures qui comportent, sans l'avouer, une forme de contrainte, ou traduisent une velléité de dirigisme par le haut, ne sont ni adaptées, ni pérennes.
L'image d'Épinal, décrite tout à l'heure par M. Grelier, du médecin de famille qui travaille quatre-vingt heures par semaine, en solitaire, n'est pas ce à quoi aspire la nouvelle génération. Bâtir une maison médicale n'a de sens que si les médecins et les professionnels de santé choisissent de travailler ensemble, sans quoi ce ne pourra être qu'une coquille vide. Au niveau local, bâtir une maison de santé sans concertation préalable, c'est un échec assuré.
Recréer de l'attractivité médicale ne sera possible ni contre l'interprofessionalité, ni sans elle. Contraindre un professionnel libéral à ancrer son quotidien en un lieu où il ne désire pas vivre est tout de même une chose assez curieuse. Qui, ici, serait prêt à le faire sans sourciller ?
D'autant que, contrairement à ce que l'on entend bien souvent, les médecins libéraux sont loin de se désintéresser du service qu'ils rendent à la population. J'en veux pour preuve les missions de permanence des soins.
Nous avons foi dans les solutions qui émergent du terrain, négociées et construites par les professionnels de santé et les élus, qui connaissent mieux que quiconque les réalités et les besoins précis propres à chaque territoire. C'est ce que l'on applique actuellement dans le golfe de Saint-Tropez pour le maintien de la maternité.
Cette philosophie a guidé l'essentiel des mesures adoptées ces dernières années, et guidera celles du nouveau projet de loi sur la santé. Nous croyons aux vertus des incitations, à condition, bien entendu, qu'elles accompagnent des mesures structurelles.
Suivant cette philosophie, je proposerai tout à l'heure un amendement tendant à encourager davantage l'exercice de la permanence des soins par les médecins libéraux dans les zones carencées.
Des pistes sont à promouvoir, comme l'établissement de liens entre les universités et les territoires, afin de multiplier les échanges entre les stagiaires, futurs professionnels de santé, et les praticiens chevronnés ; ou encore le renforcement les liens entre l'hôpital et la médecine de ville.
Mais s'acharner à contraindre des professionnels à s'installer là où ils ne le souhaitent pas, ou prendre le risque d'un abaissement de la qualité des soins dans les zones les moins dotées, revient à mettre des pansements sur une hémorragie – je sais de quoi je parle – et à s'en satisfaire, en se disant que nous avons agi, tout en sachant pertinemment que le débat sera de nouveau sur la table dans quelque temps.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
La discussion générale est close.
La parole est à M. Guillaume Garot, rapporteur de la commission des affaires sociales.
Je souhaite apporter des éléments de réponse aux arguments qui ont été développés au cours de la discussion générale, sans m'appesantir sur telle ou telle réserve, mais en en restant à la philosophie du texte.
Madame Mauborgne, la réalité est là : il y a urgence. Pour vous, au contraire, rien ne presserait et il faudrait prendre son temps, alors que c'est maintenant qu'il faut agir, en recourant à des solutions que nous n'avons encore jamais éprouvées. Là est le défi qui nous est lancé.
C'est sur le conventionnement sélectif et la régulation que les divergences sont les plus nombreuses, même si je note que le soutien à ces dispositions vient de tous les banc, de la gauche à la droite, parfois, sans oublier, évidemment, le centre.
Ceux qui arguent que le conventionnement sélectif découragerait les médecins généralistes ont mal lu la proposition de loi. Le conventionnement sélectif concernera l'ensemble des médecins, généralistes ou spécialistes. Il ne saurait donc décourager davantage les généralistes que les spécialistes. C'est un principe d'organisation.
Cette mesure a pour objet de rappeler aux médecins que la nation a pris en charge leurs études, …
… et, à travers l'assurance maladie, garantit leurs revenus chaque mois. Qu'y a-t-il de choquant à leur demander de se poser la question de leur installation dans les zones où les besoins existent ? Tel est le sens du conventionnement sélectif. D'ailleurs, une telle régulation existe déjà pour un grand nombre de professions de santé – cela a été rappelé.
On m'a reproché le caractère soviétoïde de la disposition : elle n'apporterait qu'une réponse administrative, elle aurait pour conséquence de nous faire revenir à une régime hyperadministré... Ne racontons pas d'histoire ! La proposition de loi fait toute sa part à la négociation conventionnelle, ce qui implique des discussions avec les partenaires sociaux, en premier lieu les représentants des professions de santé et des médecins.
On m'a opposé un autre argument, plus pernicieux : la régulation ne peut fonctionner qu'en cas de démographie médicale dense. Autrement dit, si les médecins étaient très nombreux, il serait possible d'envisager la régulation. Mme la ministre l'a répété à la tribune. Mesdames et messieurs de la majorité, méfiez-vous de tenir un double discours ! En commission, alors qu'un membre de la majorité, ici présente, Mme Rist, a proposé l'instauration du conventionnement sélectif et donc de la régulation dans dix ans, c'est-à-dire quand arrivera la génération de médecins qui n'aura pas été soumise au numerus clausus, conformément à votre épure, eh bien, vous avez voté contre cette proposition issue de vos rangs ! Pas de mauvaise foi, pas de double discours ! Votre rejet est idéologique et personne de bon sens ne saurait le comprendre.
Je vous demande de faire preuve de réalisme : entendez, vous aussi, l'appel angoissé des citoyens qui vivent dans les territoires. Nous devons leur apporter de vraies réponses, qui ne peuvent consister en de nouvelles incitations financières. Vous connaissez tous le coût de ces mesures incitatives. Sans les remettre en cause, je tiens à souligner que, si nous voulons les rendre efficaces, alors même qu'elles ont été créées il y a maintenant de nombreuses années, il faut les faire reposer sur le levier de la régulation, en vue d'assurer leur pleine efficacité.
Dépenser encore davantage, par exemple en relevant le prix de la consultation – je l'ai entendu en commission – ou en signant de nouveaux chèques afin de favoriser l'installation dans les zones sous-dotées, ne ferait que favoriser des effets d'aubaine, sans provoquer les résultats attendus.
On a également affirmé que la régulation serait contre-productive et on a agité l'épouvantail du déconventionnement : ce sera strictement l'inverse ! Si nous instaurons la régulation par le conventionnement sélectif, nous enverrons un signal aux jeunes médecins, en leur donnant la possibilité de s'installer dans des zones où ils sont attendus et dans des conditions d'exercice optimales – tel est l'objet de l'article 2 du texte : je pense notamment à la télémédecine et à la téléexpertise, si chères à votre coeur, madame la ministre, et à un lien renforcé avec l'hôpital.
La cohérence du texte, que nous vous soumettons et que je vous invite à soutenir, est le gage de son efficacité. Il permettra de répondre à la souffrance et à l'angoisse des citoyens habitant de nombreux territoires. Nous aurons fait oeuvre de législateurs soucieux du seul intérêt général.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
Nous partageons tous le même constat : il nous faut restructurer la médecine de proximité pour rendre le service qui est dû à nos concitoyens. Ce constat est également partagé par les professionnels qui, pour la première fois, se sont mis autour de la table pour discuter avec le Gouvernement d'un projet de loi auquel ils adhèrent. Il s'agit d'un changement de méthode. On se plaint beaucoup de ce que le Gouvernement n'aurait pas été à l'écoute. Non seulement il a entendu les élus des territoires en difficulté, qui se plaignent, car ils sont sensibles au désarroi de leurs concitoyens qui ne trouvent pas de médecins, mais, je le répète, nous avons également réussi, ce qui est exceptionnel, à mettre autour de la table toutes les professions de santé, paramédicales et médicales, la médecine libérale et la médecine hospitalière, ainsi que les cliniques privées, afin de relever ce défi collectif : rendre à la population française le service que nous lui devons.
Nous avons travaillé depuis un an. Une première étape a été franchie avec le plan d'accès aux soins, proposé par le Gouvernement le 17 octobre 2017 et visant à changer de paradigme. Il ne faut plus tout miser sur l'incitation financière à l'installation des médecins. Vous avez raison, ces incitations n'ont pas fonctionné. C'est pourquoi, changeant de méthode, nous proposons désormais aux médecins de leur rendre du temps médical en favorisant une coordination de tous les professionnels de santé autour des pathologies chroniques, qui sont devenues la problématique prioritaire dans les territoires : 10 millions de Français souffrent aujourd'hui de maladies chroniques. Ce sont souvent des personnes âgées. Nous devons permettre aux infirmiers, aux pharmaciens ou aux kinésithérapeutes d'intervenir auprès de ces malades, afin de libérer les médecins.
C'est ce que nous avons commencé à faire en proposant aux pharmaciens de procéder à la vaccination contre la grippe : 700 000 vaccinations réalisées en pharmacie cette année, ce sont 700 000 consultations de moins, ce qui a permis de rendre aux généralistes du temps médical utile aux malades.
Tout le travail que nous avons réalisé avec les professionnels de santé vise à structurer la médecine libérale de proximité et à renforcer les hôpitaux de proximité.
Nous franchirons bientôt une deuxième étape : le Conseil d'État a été récemment saisi d'un projet de loi qui sera examiné à l'Assemblée dans quelques semaines. Il répond à l'ensemble des problématiques que vous avez évoquées, notamment la proximité en matière d'accès aux soins, en incitant les médecins à s'installer dans les territoires.
Toutefois, contrairement à ce que vous proposez, cette incitation ne sera pas coercitive.
Elle reposera non pas sur une régulation sèche, administrative – « vous avez le droit, vous n'avez pas le droit », « vous serez payé, vous ne serez pas payé » – mais, en médecine générale, sur des stages et des exercices coordonnés, que nous favoriserons auprès des étudiants en médecine et des internes, notamment en les finançant, au lieu de pratiquer une régulation visant à interdire aux médecins de gagner de l'argent. Souhaitons-nous, aujourd'hui, empêcher les médecins de gagner de l'argent ? Non, nous souhaitons au contraire favoriser financièrement les médecins qui s'engageront dans des coopérations et des organisations solides, qui rendront service.
De même, nous inciterons financièrement les médecins à assurer de nouvelles missions. Tous les syndicats médicaux – c'est exceptionnel – ont accepté de s'engager dans une nouvelle responsabilité : non seulement la responsabilité individuelle vis-à-vis des patients, mais aussi une responsabilité territoriale. C'est la première fois que les médecins libéraux acceptent une responsabilité territoriale : nous les financerons pour des actions de prévention et de permanence des soins. Ce sont quelques-unes des dispositions du projet de loi qui vous sera présenté.
Monsieur le rapporteur, s'agissant du conventionnement sélectif, qui vous tient tant à coeur, je souhaite tirer le fil de votre raisonnement jusqu'au bout. Vous proposez que les médecins ne puissent plus accéder au secteur 2 dans des zones particulièrement bien dotées que lorsqu'un médecin libéral de la même zone cessera son activité : ils devront donc s'installer en zone rurale. Le remplacement ne sera donc pas de un pour un dans les zones que vous qualifiez de surdotées. Or il n'existe, en France, aucune zone surdotée en médecins généralistes : aucun de vos territoires n'appartient à une zone surdotée.
Pire : vous conserverez dans les villes les médecins du secteur 1 et enverrez dans les zones rurales les médecins du secteur 2, avec les dépassements d'honoraires que ce conventionnement implique !
Voulez-vous que tous les médecins du secteur 2 s'installent dans les zones rurales les plus en difficulté, celles où il n'existe plus de services publics ? Ce seront alors aux populations les vulnérables d'acquitter les dépassements d'honoraires !
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Monsieur le rapporteur, ce n'est pas raisonnable.
Non, ce n'est pas de la mauvaise foi, c'est la conséquence de votre mesure, qui n'autorisera d'installations en secteur 2 que dans les zones sous-dotées, à savoir le nord de la France et les zones rurales. Ce n'est pas ce que nous souhaitons aujourd'hui pour ces populations : nous leur proposons bien mieux.
Monsieur Aviragnet, vous avez affirmé que les financements ne suivent pas. Le plan « ma santé 2022 » est doté, dès cette année, afin de financer les nouvelles organisations, de 400 millions d'euros, qui entrent dans la base de l'ONDAM : à l'arrivée, en 2022, 1,6 milliard aura été dédié à ce plan.
Un tel effort est loin d'être négligeable.
Mme Autain et M. Dharréville ont évoqué la question des maternités et je tiens à revenir sur les fausses informations qui se répandent à propos des maternités en France : il est d'une totale mauvaise foi de faire passer les fermetures ou les transformations de maternités pour des choix purement budgétaires.
Je tiens à le rappeler devant vous : nous faisons face à deux réalités. La première est la baisse de la natalité en France : nous perdons chaque année 50 000 naissances. De plus, les territoires dans lesquels les maternités rencontrent des difficultés sont souvent en perte de population et les jeunes couples y sont de moins en moins nombreux. Les maternités y réalisent donc de moins en moins d'accouchements. Or, comme il faut trois obstétriciens par maternité, certains n'y réalisent parfois que deux accouchements par semaine. De telles maternités ne sont plus attractives : aucun professionnel de santé ne veut s'engager dans un hôpital où il ne réalisera que deux actes par semaine. C'est d'autant moins raisonnable qu'ils y perdent leurs compétences, notamment, en cas d'accident, leur capacité à rattraper un nouveau-né qui va mal. De plus, ces maternités n'ont pas de pédiatre. Les femmes prennent donc un risque en accouchant dans des maternités qui n'attirent plus les professionnels en raison de leur baisse d'activité.
La seconde réalité est le manque, en France, d'obstétriciens et, plus généralement, de médecins libéraux. Nous devons faire face à un problème de démographie. Non seulement ces hôpitaux ne sont pas attractifs, mais l'offre des médecins est insuffisante pour y envoyer des patientes. Perte d'intérêt, prise de risque pour les femmes, prise de risque pour les nouveau-nés, listes de gardes non pourvues : les transformations de ces maternités en centres de périnatalité de proximité est un facteur de sécurité pour les femmes. Tel est mon unique objectif aujourd'hui.
Je remplace toutes ces maternités par des centres de périnatalité de proximité, dans lesquels les femmes sont mieux suivies et mieux accompagnées. Des psychologues et des assistantes sociales sont à leur disposition pour mieux accueillir les bébés. Elles bénéficient de soins de suite de qualité : on prend du temps pour elles. Je vous suggère, mesdames et messieurs les députés, de visiter ces centres pour constater la qualité du service rendu. Tout ce qui compte aujourd'hui, c'est la sécurité des femmes.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Je vous remercie de faire attention aux propos que vous tenez.
Monsieur Favennec Becot, vous proposez l'augmentation du cumul emploi-retraite. Nous avons discuté de cette question dans le cadre du PLFSS et je m'étais engagée devant vous à l'augmenter pour les médecins désireux de poursuivre leur activité. Je vous avais dit que cela serait discuté par les membres du comité national de suivi du plan d'accès territorial aux soins ; ces discussions ont lieu sur la base du rapport des délégués à l'accès aux soins, le médecin généraliste Sophie Augros, M. le député Thomas Mesnier et Mme la sénatrice Élisabeth Doineau. Ces délégués avaient suggéré d'augmenter le plafond d'exonération au-delà de 40 000 euros par an. Nous en avons discuté : un projet d'arrêté allant dans ce sens est en cours d'élaboration et sera appliqué.
Monsieur Grelier, vous critiquez le retard qu'aurait pris le Gouvernement pour prendre en compte les besoins. Je suis arrivée aux responsabilités en mai 2017 ; or, en octobre 2017, j'ai présenté un plan d'accès aux soins ambitieux comprenant de nombreuses mesures. Aujourd'hui, je vais un cran plus loin puisque je m'apprête à défendre devant vous un projet de loi ayant fait l'objet de concertations. On nous reproche parfois un manque de concertation, mais voilà un projet de loi unanimement accepté par l'ensemble des professionnels et des fédérations hospitalières ! Qui peut dire mieux ? On peut toujours réclamer plus d'argent, mais aucune critique ne porte sur les fondamentaux de ce plan.
En réalité, monsieur Grelier, vous allez dans le même sens que moi. Vous dites que les médecins généralistes ont besoin d'attractivité et vous appelez de vos voeux une diversification des profils des médecins et la fin du numerus clausus – c'est ce que nous prévoyons. Vous craignez que l'hôpital concurrence la médecine de ville, et c'est effectivement ce que je redoute si les propositions de M. Garot sont appliquées : si nous rendons les conditions d'installation de plus en plus coercitives, les médecins ne choisiront plus qu'un exercice salarié. Ce n'est pas ce que nous voulons : nous souhaitons par exemple faciliter l'exercice mixte. Cette disposition figurera dans le projet de loi à venir, et j'espère que vous le voterez. Je n'oppose pas la médecine libérale à l'hôpital public : je réconcilie les deux dans un projet de loi ambitieux dont vous aurez à débattre.
Madame Ménard, vous proposez de facturer plus cher les actes médicaux dans les zones sous-dotées. C'est déjà le cas pour les médecins qui viendraient donner du temps médical dans une maison de santé. Ainsi, un médecin spécialiste comme un ophtalmologue ou un cardiologue qui effectuerait des consultations un jour par semaine dans une maison de santé verrait ses actes facturés 25 % plus cher.
Madame Tamarelle-Verhaeghe, vous avez dit que les dispositions initiales de la proposition de loi de M. Garot comportaient un risque pour l'attractivité de la médecine libérale. Ce risque est réel : il y a un vrai danger quand on voit le très grand nombre de postes de médecins salariés vacants, que ce soient en médecine scolaire, en médecine du travail, dans les laboratoires, dans les centres de santé ou les hôpitaux. Aujourd'hui, toute régulation coercitive aggraverait le transfert des médecins vers des postes salariés. On voit déjà que les médecins s'installent de plus en plus tard – après 35 ans, en moyenne – car ils préfèrent effectuer des remplacements plutôt que de s'installer. Telle qu'elle était initialement rédigée, la proposition de loi de M. Garot aurait aggravé la situation.
Monsieur Christophe, vous avez mis l'accent sur les responsabilités territoriales. Nous encourageons la constitution de communautés professionnelles territoriales de santé. J'espère que vous aurez le loisir de voter avec la majorité le futur projet de loi, qui reconnaîtra et financera cette responsabilité territoriale. Vous avez également rappelé le rôle des pharmaciens : moi aussi, je suis convaincue que l'ensemble des professionnels de santé doivent jouer un rôle dans le suivi des malades.
Madame Sereine Mauborgne, vous avez dit que nous nous rejoignions tous sur le constat et sur l'urgence à agir : je suis d'accord avec vous. En revanche, nous avons des divergences s'agissant des solutions à apporter. Les mesures contenues dans la proposition de loi telle qu'elle a été amendée en commission visent à répondre aux enjeux mis en avant par M. Garot, mais elles sont réellement efficaces et ne comportent aucun risque pour la médecine libérale ni pour nos concitoyens. Nous allons accroître l'attractivité de la médecine libérale et favoriser les coopérations interprofessionnelles.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.
La commission a supprimé l'article 1er.
Je suis saisie de deux amendements, nos 27 et 17 , tendant à le rétablir et pouvant être soumis à une discussion commune.
Sur l'amendement no 27 , je suis saisie par le groupe Libertés et Territoires d'une demande de scrutin public.
Sur l'amendement no 17 , je suis saisie par le groupe Socialistes et apparentés d'une demande de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Yannick Favennec Becot, pour soutenir l'amendement no 27 .
Nous sommes au coeur du réacteur, si vous me permettez cette expression, puisque l'article 1er était l'objet même de cette proposition de loi avant qu'elle ne soit complètement dénaturée par la commission des affaires sociales. J'estime, à titre personnel, que la suppression de cet article est regrettable puisqu'il comportait une avancée intéressante. J'aurais d'ailleurs aimé que nos collègues socialistes la mettent en oeuvre lorsqu'ils étaient au gouvernement…
Nous partageons tous le constat de l'échec des dispositifs jusqu'ici utilisés pour lutter contre les inégalités, en particulier des dispositifs incitatifs. Eu égard à l'urgence de la situation, toutes les propositions peuvent être débattues, d'autant plus que la solution régulatrice, appliquée avec succès à d'autres professionnels de santé – nous l'avons dit lors de la discussion générale – , n'a jamais été appliquée, ni même expérimentée.
L'amendement no 27 prévoit donc que, dans les zones connaissant un fort excédent en matière d'offre de soins, « le conventionnement à l'assurance maladie d'un médecin libéral ne peut intervenir qu'en concomitance avec la cessation d'activité libérale d'un médecin exerçant dans la même zone ». Bien sûr, nous l'avons tous dit, la régulation seule ne réglera pas le problème : sans politique forte visant à répondre globalement aux problèmes d'attractivité des territoires, bien au-delà des problématiques de santé, ces dispositifs de coercition risquent d'avoir une efficacité limitée. C'est tout un arsenal de mesures complémentaires qui est nécessaire – j'y reviendrai à l'occasion des prochains amendements – , mais j'ai la conviction, madame la ministre, que la régulation est la première d'entre elles.
Il s'inscrit dans la même philosophie que celui de M. Favennec Becot. Il comporte cependant deux nuances importantes. D'une part, dans mon amendement, nous donnons d'abord la main à la négociation conventionnelle pour aboutir à ce dispositif de régulation – c'est très important. D'autre part, nous prenons en compte l'inégalité d'accès social, y compris dans les zones denses où les besoins de santé sont pourvus, en excluant les médecins généralistes et spécialistes en secteur 1 du champ de cette restriction afin de garantir l'accès de tous à la santé dans tous les territoires de France. Voilà les différences entre mon amendement et celui que vient de présenter Yannick Favennec Becot. Je suis évidemment favorable à mon amendement et, hélas, défavorable à celui de M. Favennec Becot.
La commission a malheureusement repoussé mon amendement, de même que celui de M. Favennec Becot.
Défavorable. Je tiens à rappeler à l'ensemble des députés que ces amendements sont extrêmement risqués. En fait, ils sont contre-productifs : c'est la raison pour laquelle j'y suis fermement opposée. En les votant, nous réduirions l'attractivité de la médecine libérale et favoriserions les exercices salariés permettant aux médecins d'échapper à la coercition. Pour les médecins qui accepteraient ces règles, nous renforcerions les installations en secteur 2, c'est-à-dire avec dépassements d'honoraires, dans les zones sous-dotées. Ce n'est pas un bon message que nous enverrions à nos concitoyens !
Le Gouvernement a évidemment choisi une tout autre méthode, reposant sur des incitations financières à destination des collectifs, coopérations et organisations territoriales, auxquels des missions de responsabilité territoriale – donc des missions de service public – seront confiées. Cette voie incitative sera efficace, alors que les amendements de M. Garot et de M. Favennec Becot feraient fuir les médecins des zones que nous souhaitons favoriser.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Il est des moments où toute querelle politique, toute posture ou tout discours peut paraître complètement déconnecté de la situation que vivent nos concitoyens et du désarroi ressenti dans nos territoires. Je viens du même département que M. Garot et M. Favennec Becot : à ce titre, je voudrais raconter mon expérience de citoyenne. Depuis plusieurs années, j'ai dû appeler dix généralistes qui m'ont répondu que leur liste de patients était complète ; pour finir, un généraliste a accepté de me prendre, me précisant qu'exerçant à proximité de chez moi, il y était bien obligé… Voilà la réalité que j'ai vécue en tant que citoyenne ! Je ne bénéficie pas non plus de suivi gynécologique : en Mayenne, c'est compliqué. Nous avons également des difficultés à avoir un rendez-vous chez un ophtalmo : il faut généralement attendre dix mois. Je tenais à vous donner ces quelques exemples très précis et concrets.
Depuis que j'ai été élue députée, je rencontre des maires qui remuent ciel et terre pour installer des médecins, notamment des généralistes, dans des maisons de santé. Des aides sont disponibles, puisque notre département est capable d'aider les maisons de santé et d'y favoriser l'installation de médecins. Or les maires constatent que les médecins s'installent, restent quelques années puis partent pour s'installer dans une autre commune, où ils percevront à nouveau des aides à l'installation.
Ma commune compte un centre d'addictologie réputé, qui ne trouve pourtant pas de médecin depuis des mois.
Je veux vous alerter sur cette situation. Évidemment, je fais confiance au Gouvernement pour essayer de trouver des solutions en lien avec les professionnels, mais à un moment donné, il va falloir agir vraiment et trouver des solutions concrètes. Je ne sais pas si la contrainte est la meilleure solution. Il faut vraiment encourager les médecins ! Pourquoi ces derniers ne passeraient-ils pas, à la fin de leur cursus, quelques années dans les territoires qualifiés de déserts médicaux, tout simplement pour aller à la rencontre de la France, de leurs concitoyens qui ont besoin d'eux, et peut-être pour aimer nos territoires ? En Mayenne, nous vivons bien ! Je viens d'un département où l'économie fonctionne bien et où l'espérance de vie est parfaite. Tout le monde vante la qualité de vie en Mayenne ! D'ailleurs, je le dis aux médecins qui pourraient m'écouter : venez vous installer en Mayenne car on y vit très bien !
S'agissant du conventionnement sélectif, madame la ministre, vous essayez de faire peur en expliquant que tous les médecins vont quitter l'exercice libéral et que, s'ils s'installent dans les zones en difficulté, ce sera en secteur 2. Non, madame la ministre ! Si des médecins sont aujourd'hui en secteur 2 dans des zones très denses, c'est en raison d'un effet prix : du fait d'une moins grande densité d'actes dans leur journée, ils augmentent les prix pour se garantir un revenu conforme à leurs attentes à la fin du mois.
En s'installant dans d'autres zones où il n'y a pas de problème de nombre d'actes – dans nos territoires, l'attente est très forte et les salles d'attente sont bondées – ils ne ressentiront pas forcément la nécessité d'exercer en secteur 2. Il faut donc impérativement rappeler cela pour corriger votre propos.
Enfin, madame la ministre, vous êtes extrêmement affirmative dans votre présentation. Mais, s'agissant du conventionnement sélectif, je veux juste vous rappeler que Mme Bourguignon, lorsqu'elle était députée d'une autre majorité, M. le président de l'Assemblée nationale, Richard Ferrand, qui a été député d'une autre majorité, M. Castaner, actuellement ministre de l'intérieur, lui aussi député de la majorité précédente,...
.. ont tous signé le même amendement que celui que nous présentons aujourd'hui pour demander le conventionnement sélectif ! Cela devrait quand même faire réfléchir un certain nombre d'entre nous.
M. Hutin applaudit.
Madame la ministre, je veux bien entendre ce que vous nous dites et j'avais d'ailleurs défendu, lors de l'examen de la proposition de loi également présentée par M. Garot il y a environ un an, des positions quasiment identiques à celles que vous présentez depuis le début de cette discussion. Je ne voterai donc pas ces amendements.
Toutefois, je souhaite que vous vous rendiez compte de la situation de nos territoires ruraux et même des territoires moins ruraux, comme dans ma circonscription de Saint-Malo ; je suis sûr que vous en êtes parfaitement consciente. J'ai ainsi rencontré il y a quinze jours le CODEM – comité d'observation de la dépendance et de la médiation – de Dol-de-Bretagne, dans une partie un peu plus rurale de ma circonscription. Selon cette association, comme nous n'avons plus de médecins libéraux, les personnes qui restent à domicile attendent les soins de plus en plus longtemps parce que personne ne peut venir les voir. Et nous n'avons plus non plus de médecin dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes, en dehors du médecin coordonnateur ! Ce dernier ne peut d'ailleurs toujours pas prescrire, car le PLFSS ne lui a pas entièrement ouvert ce droit.
Le problème est réel. Les personnes sont confrontées à une situation à laquelle nous ne savons plus comment répondre. Je veux bien entendre que des mesures seront annoncées dans le cadre du plan Ma santé 2022, mais cela est devenu extrêmement urgent, je vous l'assure, madame la ministre.
Madame la ministre, je vous ai écoutée avec beaucoup d'attention, comme je l'ai fait pour tous les ministres qui vous ont précédée à ce banc. Or, à ce jour, nous sommes exactement dans la même situation, alors que de nombreuses mesures incitatives et beaucoup d'argent ont été mis sur la table.
Heureusement qu'il y a les collectivités territoriales, et notamment les communautés de communes, les départements et les régions, qui aident à réaliser les pôles de santé, les maisons pluridisciplinaires de santé ! C'est un élément d'attractivité qui incite les médecins à s'installer dans nos territoires, et ce grâce aux élus locaux, qui ont saisi ce dossier à bras-le-corps. Je tiens à leur rendre hommage et à les féliciter. Mais sincèrement, les mesures incitatives, cela ne donne aucun résultat sur le terrain, madame la ministre.
Je veux dire la position du groupe communiste sur cet important texte et sur ces amendements. Nous entendions ce matin dans vos bouches, mesdames et messieurs de la majorité, beaucoup d'insistance sur les droits et devoirs des citoyens en matière d'accès à l'emploi. Cet après-midi, j'entends dans vos bouches beaucoup d'abstention concernant les devoirs des médecins libéraux dans la conduite de leur mission de santé au service du bien commun, de l'intérêt général et de l'ensemble des usagers.
Sur ce point, la proposition de loi vise à introduire un élément de régulation, que vous présentez sans cesse comme de la coercition quasiment soviétisée. Or ces articles visent simplement, sans prétendre à l'exhaustivité, à réunir les conditions d'une meilleure répartition des médecins libéraux auprès des usagers. En la matière, je vous trouve particulièrement en retrait quant aux objectifs que vous vous fixez : il est essentiel de traiter également nos concitoyens et nos territoires face à ce service public majeur qu'est le service public de la santé, assuré tant par l'hôpital que par les médecins libéraux.
Madame la ministre, je vous ai écoutée avec attention, comme je l'avais fait pour notre ancienne ministre de la santé : vous avez quasiment la même position sur ce sujet. Pour ma part, je pense que nous nous sommes trompés collectivement, y compris dans le groupe auquel j'appartenais : nous n'avons pas suffisamment insisté sur l'urgence actuelle. Lorsque nous rencontrons les habitants, notamment les personnes les plus âgées et les plus vulnérables, et qu'elles nous demandent comment faire parce qu'elles n'ont plus de médecins, nous n'avons pas de réponse à leur apporter. C'est vraiment plus dramatique que vous ne le pensez.
Quels risques prenons-nous en adoptant cet amendement ? Puisque, selon vous, les médecins non conventionnés sont ceux qui veulent des nouvelles installations dans des zones surdotées, alors nous ne prenons aucun risque ! Dans nos départements, dans les banlieues, très peu de médecins exercent en secteur 2 ! Je n'en connais pas, ou très peu, dans l'Orne.
C'est le rôle du Parlement d'adopter ce genre de disposition. J'espère que tous les députés voteront cet amendement, qui est raisonnable. Il ne s'agit pas d'un conventionnement obligatoire. Cela ne concerne que les zones surdotées, quand un médecin ne part pas à la retraite : quels risques prenons-nous ?
Je veux donc soutenir cet amendement, parce que je vous assure que les habitants sont de plus en plus en colère. Dans le grand débat national que vous avez lancé et auquel je participerai, c'est un sujet qui revient. Les habitants sont d'ailleurs plus durs que nous : ils nous demandent pourquoi nous n'obligeons pas les médecins à s'installer dans des zones sous-dotées !
Ils nous posent la question. La réponse que nous apportons est équilibrée.
J'avais dit la même chose, madame la ministre, à celle qui vous avait précédée, et elle m'avait apporté la même réponse que vous : il y a donc un problème réel !
Croire que le conventionnement sélectif serait le remède contre la désertification médicale est un leurre immense. Ce serait aussi considérer que seul l'appât du gain guiderait les médecins dans leur choix d'installation dans un territoire. Toutes les aides qui ont pu exister par le passé et qui existent encore – aides à l'installation en zone fragile, contrats d'engagement de service public, aides conventionnelles avec majoration d'honoraires, défiscalisation dans les zones de revitalisation rurale – sont complètement inopérantes et peuvent même avoir des effets pervers – concurrence, effets d'aubaine.
Le plus opérationnel aujourd'hui est la réorganisation, la restructuration de l'ensemble des acteurs de la santé dans le cadre du parcours de soins. C'est la délégation des tâches entre les différents professionnels de santé, avec les infirmières en pratique avancée : cette amélioration importante sera proposée dans le cadre du plan Ma santé 2022 pour les aides-soignantes. C'est dans cette filière que l'on trouvera des solutions, qui nous seront proposées dans le futur projet de loi.
Je prendrai simplement l'exemple de mon département, l'Aveyron : un territoire très vaste, avec des zones sous-denses et une problématique de désertification médicale qui a vu le jour il y a plus de quinze ans. Les professionnels médicaux se sont organisés, se sont regroupés et ont cherché des solutions alternatives.
Le problème principal, c'est l'activité isolée. Ils ont été les premiers à créer des maisons de santé. Aujourd'hui, avec l'appui du conseil départemental pour les internes, nous avons plus de médecins qui s'installent cette année que de médecins partant à la retraite !
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 98
Nombre de suffrages exprimés 95
Majorité absolue 48
Pour l'adoption 30
Contre 65
L'amendement no 27 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 99
Nombre de suffrages exprimés 95
Majorité absolue 48
Pour l'adoption 33
Contre 62
L'amendement no 17 n'est pas adopté.
La suppression du numerus clausus et la refonte de l'accès au premier cycle sont à l'ordre du jour du projet de loi santé dont nous débattrons prochainement. C'est une bonne chose : la commission d'enquête sur l'égal accès aux soins des Français le proposait déjà. Pourtant, il est possible d'aller encore plus loin afin que la répartition des futurs médecins réponde aux besoins des territoires. Car certes, il nous faut davantage de médecins, mais il nous faut surtout une meilleure répartition des médecins sur l'ensemble du territoire.
La commission d'enquête a ainsi soumis l'idée, que le groupe Libertés et territoires soutient, d'un numerus apertus, c'est-à-dire d'un nombre minimal de places qui, défini à l'échelle nationale, pourrait être adapté et augmenté par région, en fonction des besoins et des possibilités territoriales de formation. Ce nombre serait laissé à la libre appréciation de la subdivision universitaire, en dialogue avec les agences régionales de santé et les universités.
L'adoption de cet amendement nous semble plus que nécessaire si nous souhaitons que soient davantage pris en compte les besoins et les spécificités des territoires dans la formation puis l'installation de nos futurs médecins.
Cet amendement concerne la modulation du numerus clausus proposée par notre collègue Arnaud Viala dans une proposition de loi déposée il y a quelques mois et cosignée par un certain nombre de parlementaires. Elle modifierait la portée du dispositif actuel en arrêtant le numerus clausus en fonction de critères liés à la population, aux inégalités territoriales et aux capacités de formation des établissements.
La parole est à M. Jérôme Nury, pour soutenir l'amendement no 3 rectifié .
Cet amendement d'Arnaud Viala vise à ce que les deux premiers cycles des études médicales soient assimilés aux niveaux licence et master, que l'enseignement soit organisé autour d'un tronc commun et qu'il soit mutualisé avec les autres filières de santé.
Il s'agit aussi de supprimer l'exigence d'agrément pour les maîtres de stage, qui dissuade les praticiens de prendre des stagiaires, notamment dans les zones sous-denses où ils sont déjà débordés.
Le projet de loi santé supprimera le numerus clausus. Il comportera une réforme ambitieuse du deuxième cycle des études de médecine ainsi que de l'entrée dans les études de médecine, visant notamment à assurer une plus grande transversalité entre les différentes professions de santé pour qu'elles apprennent à coopérer.
Les dispositions visant à modifier les conditions d'entrée dans le cursus font actuellement l'objet d'une large concertation avec le ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation et avec toutes les organisations d'étudiants et de médecins. Je préfère que nous attendions la fin de ces concertations, avec également les doyens des facultés de médecine et avec toutes les formations paramédicales qui ont également intérêt à ces transversalités, pour construire un projet robuste, susceptible de recueillir l'adhésion de tous.
Je m'opposerai évidemment à tous les amendements qui visent à simplement modifier le numerus clausus. Nous avons pris un engagement : ce sera une suppression pure et simple. La concertation est en cours. Elle aboutira dans les mois qui viennent et la transformation de l'entrée dans le cursus de médecine est pour 2020.
Je suis donc défavorable à cet amendement.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
L'amendement no 3 rectifié n'est pas adopté.
La parole est à M. Yannick Favennec Becot, pour soutenir l'amendement no 38 .
Notre système de soins découle directement de notre système de formation des médecins, qu'il s'agit en l'occurrence de réformer. En premier lieu, les épreuves classantes nationales devraient être repensées pour mieux répondre aux besoins de santé de nos territoires. Un classement national est inapte à corriger les inégalités territoriales en matière d'offre de soins et d'accès aux soins.
C'est pourquoi nous proposons de remplacer le système actuel par des épreuves classantes régionales. Celles-ci contribueraient à l'ancrage des futurs médecins dans les territoires, en particulier là où l'offre est déficitaire. En effet, une régionalisation du classement de l'internat favoriserait une meilleure adéquation entre les postes d'internes offerts et les particularités régionales de la démographie médicale. Cette mesure permettrait d'endiguer la fuite vers les régions les mieux dotées et de sédentariser les étudiants en médecine dans leur région de formation.
Ces épreuves régionales seraient ouvertes aux étudiants ayant validé leur deuxième cycle d'études médicales dans la région concernée. Toutefois les étudiants en médecine pourraient se présenter aux épreuves organisées dans deux autres régions et changer de région au cours de leur internat, notamment à raison de la spécialité médicale à laquelle ils aspirent. C'est tout simplement une mesure de proximité et en l'occurrence d'efficacité de l'accès aux soins.
Mon avis est défavorable. Votre proposition semble de bon sens mais en réalité tout cela est déjà organisé régionalement – je ne parle pas là de l'examen classant. Vous mettez dans le même sac l'évaluation finale des compétences d'un médecin et la régionalisation des postes, mais en réalité ce sont deux processus parallèles.
L'examen classant sert à évaluer la compétence des médecins. Il sera modifié par la loi santé, remplacé par d'autres types d'épreuves. Cet examen est national. En revanche le nombre de postes ouverts aux internes est fixé au niveau régional par les ARS en fonction des besoins de terrain, des hôpitaux, des professionnels de santé. L'ouverture de postes est donc déjà régionalisée et de ce fait votre amendement perd tout intérêt. Pardonnez-moi, monsieur le député, mais il est déjà satisfait par l'organisation actuelle.
L'amendement no 38 n'est pas adopté.
Le décloisonnement de l'exercice de la médecine auquel notre système de santé doit parvenir ne saurait se concrétiser ni se pérenniser sans aller de pair avec un décloisonnement de la formation des professionnels de santé, plus particulièrement des médecins. Cette formation doit sortir des murs des structures hospitalières pour s'ouvrir sur l'exercice libéral.
Le système actuel de formation constitue un frein à l'installation car faute de découvrir les différents modes d'exercice de la médecine pendant leurs études, les jeunes médecins le font à l'issue de leur formation, dans le cadre de remplacements qui s'éternisent de plus en plus. Certains étudiants peuvent en effet réaliser la totalité de leur cursus sans jamais connaître l'exercice libéral, malgré, depuis 2009, une obligation légale d'effectuer des stages de médecine générale.
Il faut mettre un terme à cette dévalorisation de l'exercice libéral et de la médecine générale en particulier. Les stages des études de médecine doivent être plus longs et se passer sur des territoires éloignés de l'université. Ainsi les deux tiers des stages réalisés dans le cadre de l'internat de médecine générale et la moitié au moins de ceux de spécialité devraient s'effectuer hors des murs des CHU, aussi bien dans des structures publiques que privées, dans des cabinets libéraux que dans les maisons de santé pluridisciplinaires dont je parlais tout à l'heure.
La parole est à M. Guillaume Garot, pour soutenir le sous-amendement no 53 .
Je souscris complètement à l'esprit de l'amendement qui vient de nous être présenté. J'apporterais simplement une nuance rédactionnelle : puisque le stage doit être effectué au cours de la troisième année, je propose de faire référence à douze mois, au lieu de vingt-quatre. C'est de bon sens !
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement et le sous-amendement ?
La commission les a repoussés. À titre personnel, le rapporteur y est favorable.
Je vous demanderai de retirer votre amendement sinon l'avis sera défavorable. En effet, monsieur le député, nous avons au travers du plan d'accès aux soins résolument ouvert les lieux d'accueil des stagiaires, non seulement pendant le troisième cycle mais également pendant le deuxième cycle des études de médecine. Nous proposons même aux externes, et non pas seulement aux internes, des stages dans les zones sous-denses, chez des généralistes ou des spécialistes,
Nous avons d'ores et déjà acté que les internes, que ce soit en spécialité ou en médecine générale, qui feront leur stage dans des zones sous-denses en médecine libérale toucheront 200 euros supplémentaires. Tout cela est déjà prévu par le plan d'accès aux soins.
Nous avons en plus demandé aux doyens de faculté de médecine de favoriser l'accueil de ces médecins dans des cabinets libéraux en favorisant les maîtres de stage, que ce soit des maîtres de stage généralistes dans les maisons de santé ou dans des cabinets médicaux isolés, y compris pour les internes de spécialité, en fonction évidemment de la place de la spécialité dans le secteur ambulatoire.
Tout cela est donc en cours de mise en oeuvre et est même en train de s'accélérer car nous sommes très pro-actifs sur le sujet. Votre amendement est déjà satisfait par le plan d'accès aux soins.
Le sous-amendement no 53 n'est pas adopté.
L'amendement no 41 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Sereine Mauborgne, pour soutenir l'amendement no 44 .
Cet amendement vise à redonner du pouvoir aux territoires. Les directeurs d'ARS déterminent actuellement deux zones : les zones d'intervention prioritaire – ZIP – et les zones d'action complémentaire – ZAC. Ils ont aujourd'hui la possibilité de défiscaliser les gardes à la permanence des soins des hôpitaux les soirées et les week-ends, pour désengorger les urgences, dans les ZIP, mais pas dans les ZAC. Or on s'aperçoit dans les concertations locales que cet outil leur serait très utile. Voilà pourquoi je vous demande de voter cet amendement.
Votre amendement vise à élargir l'exonération de l'impôt sur le revenu dont bénéficient les médecins pour la rémunération perçue au titre de la permanence des soins quand ils sont installés dans une zone sous-dense. Cette exonération existe aujourd'hui pour les zones d'intervention prioritaire éligibles aux aides de l'assurance-maladie, ce qui représente à peu près 18 % de la population nationale. Elle est donc ciblée sur les territoires les plus fragiles.
Il nous semble qu'avant d'envisager une extension de cette exonération à d'autres zones, il nous faut d'abord évaluer son impact dans les zones sous-denses. Et puis pourquoi étendre cette exonération à des médecins qui ne sont pas installés dans des zones sous-denses alors que tout ce que nous essayons de faire vise à renforcer l'attractivité de ces zones sous-denses ?
À ce stade, le Gouvernement vous propose un retrait, sinon ce sera un avis défavorable.
Je suis défavorable à cet amendement, même si je faisais il y a peu encore des gardes de permanence des soins en ZAC. D'abord, les mesures incitatives ont fait la preuve de leur inefficacité. Ensuite, on sait très bien que ces zonages peuvent changer d'un moment à l'autre, surtout dans les territoires ruraux, et que cette mesure met en concurrence des médecins qui sont en ZAC et qui vont de temps en temps intervenir en ZIP. Enfin je suis par principe opposée à une défiscalisation au bénéfice d'une catégorie de la population qui n'en a pas besoin.
Faisons quand même attention avec l'argent public ! S'agissant de professionnels qui gagnent correctement leur vie, le critère d'installation n'est quand même pas celui-là. Qu'on fasse en sorte qu'ils s'installent dans de bonnes conditions, au travers d'un accompagnement notamment matériel, des maisons médicales, d'une assistante, des stages, d'accord. Mais là, ça commence vraiment à faire beaucoup, d'autant que certains médecins s'installent d'abord, puis découvrent subitement qu'ils ont droit à beaucoup d'exonérations, notamment fiscales ! Si on commençait à être transparent sur ce type de dépenses, les Françaises et les Français pourraient s'émouvoir de cette généralisation.
Aujourd'hui, les gardes en permanence des soins ambulatoires – PDSA – ne représentent pas l'essentiel des revenus d'un médecin généraliste : en moyenne, peut-être 2 % de leur chiffre d'affaires. C'est même une contrainte qu'ils s'imposent malgré leurs 70 heures de travail hebdomadaire. Je ne pense donc pas que ce soit là un cadeau fiscal extraordinaire.
Néanmoins, après avoir entendu Mme la ministre sur l'évaluation de l'application de la mesure dans les ZIP, je retire mon amendement. Je présenterai à nouveau cette mesure dans le cadre du PLFSS si, tout d'abord, elle n'est pas trop coûteuse pour les dépenses publiques, et ensuite si elle est efficace pour maintenir l'engagement des médecins dans la permanence des soins.
Dans le territoire du golfe de Saint-Tropez, neuf médecins réalisent actuellement ce type de gardes, sur soixante qui sont installés. Aujourd'hui, nous en sommes aux réquisitions préfectorales ! Mesurez donc vos propos et leur portée, chez collègue, et allez étudier la situation sur le terrain.
L'amendement no 44 est retiré.
La parole est à Mme Audrey Dufeu Schubert, pour soutenir l'amendement no 45 .
Tous les députés ici présents seront intéressés par cet amendement puisqu'il vise à permettre aux parlementaires d'intégrer les conseils territoriaux de santé. Cela peut paraître surprenant mais, à ce jour, les parlementaires n'en font pas partie. Sans doute le cumul des mandats a-t-il fait que, pendant de longues années, ils ne se sont pas posé la question.
L'adoption de cet amendement serait l'occasion d'intégrer ces conseils, et donc d'avoir accès aux indicateurs qui dessinent la cartographie des territoires, des zones denses et sous-denses de nos circonscriptions. Nous pourrions ainsi plus encore jouer notre rôle de courroie de transmission entre nos territoires et nos administrations centrales, le ministère, afin d'exercer pleinement notre mission de contrôle.
Il s'agit d'un amendement important : je compte sur votre vote !
Je remercie Mme la députée Dufeu Schubert pour avoir présenté cet excellent amendement : on se demande pourquoi une telle proposition n'a pas été formulée avant ! Je gage que, sur ces bancs, tout le monde doit être favorable à ce que les élus puissent contribuer à faire remonter ces données de terrain à partir de ces communautés. Le Gouvernement émet un avis évidemment favorable.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
L'amendement no 45 est adopté.
Cet amendement vise à prévoir le maillage de tout le territoire par des communautés professionnelles territoriales de santé – CPTS – d'ici deux ans. Garantir l'accès à des soins de qualité sur tout le territoire ne peut que passer par la coopération et la recherche de complémentarités entre chacun des acteurs de notre système de santé.
Le développement de l'exercice regroupé, globalement, a été un objectif politique prioritaire pendant ces dernières années, ce qui s'est d'ailleurs traduit dans la loi de modernisation de notre système de santé, en 2016, qui a permis d'instaurer ces dispositifs souples que sont les communautés professionnelles territoriales de santé.
L'avenir appartient à de tels projets, qui ne sont pas imposés aux professionnels de santé mais construits par eux. Il existe environ 200 CPTS aujourd'hui. Le Gouvernement en veut plus de mille d'ici 2022. Compte tenu du flou existant autour de ces communautés quelques semaines encore avant l'examen du projet de loi santé, notamment en ce qui concerne leur financement, cet amendement vise à prévoir le maillage de tout le territoire d'ici deux ans afin d'améliorer l'accès aux soins, en particulier dans les zones touchées par la désertification médicale.
La commission a rejeté cet amendement mais j'y suis à titre personnel favorable.
Votre amendement veut d'une certaine façon aller plus vite que la dynamique qui est en train de se mettre en place sur le terrain.
Je suis heureuse que vous partagiez avec nous la volonté exprimée par le Président de la République de déployer très rapidement les CPTS sur le territoire afin de faciliter l'accès aux soins et de développer les missions territoriales, mais une dynamique territoriale ne se décrète pas : elle se construit avec les acteurs.
Votre amendement présente le risque de couvrir, depuis Paris, le territoire national de coquilles vides. Je souhaite que le déploiement des CPTS repose sur l'engagement, sur la mobilisation de professionnels qui s'entendent, qui se parlent, qui montent un projet commun et, surtout, qui répondent aux besoins de chaque territoire.
C'est pourquoi j'ai confié aux partenaires conventionnels le soin de négocier quant aux missions et aux modalités d'accompagnements financier des CPTS. C'est pour moi la meilleure et d'ailleurs la seule condition d'un déploiement rapide. L'avis du Gouvernement est évidemment défavorable.
L'amendement no 33 n'est pas adopté.
La proposition de loi fait peser l'obligation d'installation en zone peu dense sur les seuls médecins nouvellement diplômés. Or, on observe un retard à la première installation, les jeunes diplômés essayant volontiers d'autres modalités d'exercice – par exemple, le salariat, le remplacement ou l'intérim. Le dispositif proposé par l'amendement no 2 de notre collègue Viala vise donc l'ensemble des diplômés au titre de leur première installation, indépendamment de la date de délivrance du diplôme.
Les amendements suivants visent à aller plus loin que le texte initial en apportant une solution concrète aux territoires ruraux qui, chaque jour, chaque mois et chaque année perdent des professionnels de santé, notamment des médecins. Il s'agit donc d'introduire une contrainte à l'installation, mais encadrée et ponctuelle. Cela permettrait de mieux organiser les installations et le maillage territorial afin que même les zones peu denses puissent avoir des professionnels.
Cela a été dit, madame la ministre, il faut mesurer la détresse de nos concitoyens quand le médecin de famille, le médecin traitant, le médecin de campagne part sans avoir de successeur. Année après année, le nombre de médecins libéraux ne cesse de diminuer. Dans l'Orne, cela a été dit par mon collègue, ils ne sont plus que 162, soit 19 de moins que l'an dernier.
Il est urgent d'agir car, vous le savez, un territoire où les habitants ne peuvent plus se soigner dépérit. Alors que nous tirons la sonnette d'alarme depuis plusieurs années, les mesures proposées par l'État et les gouvernements successifs ont échoué.
Il faut rapidement introduire une contrainte à l'installation, avec un pilotage de l'ARS, pour une durée limitée à trois ans à partir de l'installation. Il ne s'agit pas à proprement parler d'une obligation d'installation mais de l'accomplissement d'un bref service public par les médecins.
La commission a exprimé un avis défavorable sur ces quatre amendements. Je note simplement que les positions du groupe LR sont assez divergentes. Ces amendements, pour le coup, sont coercitifs !
Nous avons entendu des analyses complètement différentes.
À titre personnel, j'en appelle à la sagesse de l'assemblée, après que celle-ci a repoussé l'amendement que j'avais présenté pour rétablir l'article 1er.
Comme vous le savez, le Gouvernement a décidé d'appliquer une politique nouvelle quant aux incitations à l'installation. Nous ne souhaitons pas de coercition car celle-ci ne garantirait en rien une installation pérenne. Nous cherchons au contraire à renforcer des installations solides.
Grâce aux axes forts du plan Ma santé 2022, les assistants médicaux pourront rendre du temps médical aux médecins ; dans les zones sous-denses, nous avons déployé les CPTS, avec des incitations financières pour rendre des missions de service public et prendre des responsabilités territoriales ; nous avons créé 400 postes de médecins généralistes à exercice partagé ville-hôpital, des postes de médecins salariés qui devront exercer en zones sous-denses. Tout cela sera déployé dès cette année.
Pour toutes ces raisons, nous sommes défavorables à ces amendements.
J'entends bien vos arguments mais, depuis dix ans, tout a été essayé en termes d'attractivité, d'accompagnement, d'aides, de regroupements, d'incitations !
On a augmenté le numerus clausus, on regroupe les professionnels dans des pôles de santé libéraux et ambulatoires – PSLA – , dans des maisons de santé, grâce à beaucoup d'argent public ; on aide les étudiants en médecine pendant leur cursus, que ce soit à travers les bourses nationales ou les actions des conseils départementaux, comme par exemple, dans l'Orne, les aides à l'hébergement, aux transports, aux loisirs. On les aide à s'installer, avec des sommes assez conséquentes.
Avec le dispositif d'exonération d'impôts en zone de revitalisation rurale – ZRR – , ils ne paient pas d'impôts pendant cinq ans.
Malgré tout cela et après une expérience de près de dix ans dans les pôles de santé du département de l'Orne, je peux vous dire que l'évolution est négative. Elle devient même dramatique : nous avons un médecin pour 1 800 habitants, contre 1 100 sur l'ensemble du territoire ! C'est pourquoi j'assume, nous assumons la nécessité de la contrainte : il faut arriver à remédier à l'extension des déserts médicaux.
Comme les précédents, cet amendement vise à apporter une contrainte à l'installation pour les médecins en faisant en sorte qu'ils s'installent dans la région de leurs études pendant trois ans.
Très souvent, les étudiants de la faculté de médecine de Caen, par exemple, font leur stage en Normandie, sont internes dans nos hôpitaux ou stagiaires dans nos territoires mais partent ensuite s'installer ailleurs, soit dans le sud de la France, soit dans les métropoles.
Par cet amendement, il s'agit donc de permettre aux territoires qui ont accueilli ces étudiants de bénéficier de leur savoir et de leurs compétences pendant trois ans.
Encore un amendement de coercition alors que nous promouvons une politique incitative et dynamique.
Le plan Ma santé 2022 propose la transformation des hôpitaux locaux, qui rencontrent des difficultés pour être attractifs, en hôpitaux de proximité. Ils seront renforcés par l'apport de professionnels, notamment de spécialistes, qui leur donneront du temps médical. C'est grâce à cette organisation entre établissements, grâce à des postes répartis sur les territoires, que nous pensons rendre ces hôpitaux à nouveau attractifs et non en obligeant de jeunes médecins à y exercer pendant trois ans. Je ne pense pas que cela rassurerait complètement la population.
Il est préférable de favoriser des exercices partagés entre établissements de santé. C'est ce que nous allons faire et c'est ce dont vous discuterez dans quelques semaines. Avis défavorable.
L'amendement no 6 n'est pas adopté.
La parole est à M. Yannick Favennec Becot, pour soutenir l'amendement no 37 .
De l'avis de tous, l'exercice mixte libéral et salarié est nécessaire pour mieux organiser l'offre de soins mais également pour répondre aux attentes des professionnels, et pas seulement des plus jeunes.
Des mesures existent à cette fin. Elles vont dans le bon sens mais, selon nous, restent largement insuffisantes. Pour aller plus loin, nous avons besoin de modifications réglementaires afin de permettre un cadre d'exercice véritablement mixte, dans le cadre du droit commun et non dans un cadre expérimental au financement incertain à terme.
Nous devons repenser le statut des praticiens hospitaliers pour favoriser non seulement l'exercice mixte à un moment donné mais également les passerelles tout le long de la carrière. L'attractivité de l'exercice mixte a fait ses preuves.
Vous connaissez Belle-Île-en-mer, madame la ministre, et vous connaissez certainement « l'effet Belle-Île-en-Mer » : cette île de Bretagne doit faire face à un double défi, son insularité et une population multipliée par six chaque été. En proposant un exercice mixte, elle a abouti à un beau résultat puisqu'elle a multiplié son nombre de médecins, écoutez bien madame la ministre, par trois ! Nous devons impérativement suivre cette voie.
Nous pourrions d'ailleurs réfléchir à ouvrir l'exercice mixte ville-hôpital à d'autres professionnels de santé.
Applaudissements sur les bancs du groupe LT.
On ne peut considérer que l'augmentation des tarifs des praticiens hospitaliers va résoudre la question de la fracture médicale. Je crains même que cela n'ait des effets négatifs en empêchant certains de nos concitoyens d'accéder à l'offre médicale.
Outre les 400 postes de médecins généralistes salariés partagés entre l'hôpital et la ville qui vont être créés dès cette année, l'article 39 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 permet qu'à titre expérimental, on déroge pendant une période de cinq ans à l'article du code de la santé publique relatif à l'activité libérale intra-hospitalière.
Dans le cadre de la loi de santé qui va vous vous être proposée, nous avons choisi une autre stratégie qui permettra de moderniser les conditions de l'emploi médical dans les établissements publics de santé, en particulier de diversifier les conditions d'exercice des praticiens, afin de favoriser des exercices mixtes entre praticiens hospitaliers et médecins libéraux. Il s'agit d'un enjeu majeur pour l'attractivité de la médecine hospitalière aujourd'hui.
Nous ne sommes pas favorables à une augmentation des tarifs des praticiens hospitaliers. Nous préférons leur proposer un exercice médical partagé en leur offrant la possibilité de pratiquer une activité libérale à côté de leur poste hospitalier. Nous vous invitons dans cette perspective à voter les dispositions de la future loi santé. Avis défavorable.
L'amendement no 37 n'est pas adopté.
Lorsque l'on parle d'offre de soins, c'est en réalité moins en nombre de médecins que d'heures médicales disponibles qu'il faut raisonner. Les évolutions que connaît la profession de médecin – féminisation, exigences des jeunes générations à l'égard de leurs conditions de travail, alourdissement des tâches administratives… – ont tendance à faire reculer le temps médical disponible, et ce le plus souvent au détriment des zones sous-dotées en médecins.
Le temps médical disponible pourrait cependant être augmenté dans ces zones délaissées par les nouvelles générations en allongeant la durée d'activité des médecins. Pour cela, il faudrait davantage encourager l'exercice médical dans le cadre du cumul emploi-retraite. Or les mesures prises en ce sens restent trop timorées. En effet, le médecin retraité qui poursuit ou reprend une activité est aujourd'hui tenu de cotiser au régime de base et complémentaire d'assurance vieillesse sans que ses cotisations ne lui ouvrent de droits supplémentaires. Cela n'incite pas les médecins à avoir recours à ce dispositif.
Nous proposons par cet amendement d'encourager plus fortement les médecins retraités toujours actifs à aller exercer dans les zones sous-dotées en les faisant bénéficier d'un allégement de leurs charges sociales, dans le cadre d'une contractualisation avec les agences régionales de santé qui se traduirait par une exonération totale de cotisations de retraite, sans condition de plafond de revenu annuel.
Bien volontiers, madame la présidente.
L'amendement no 8 propose d'inciter les médecins à la retraite à exercer à temps partiel dans une zone sous-dense, grâce à l'exonération fiscale des revenus qu'ils percevraient. Cette condition est importante pour que le dispositif porte ses fruits. Elle peut s'appliquer aussi aux consultations à distance, dans le cadre de la télémédecine, ou bien à l'exercice au sein du dispositif expérimental que nous allons lancer dans l'Orne avec un centre de santé départemental, comme le PLFSS pour 2019 nous y autorise.
Une exonération des charges pourrait motiver nombre de médecins retraités qui veulent bien exercer quelques heures mais sans complications administratives et sans être pénalisés ou taxés, d'autant que ces cotisations ne génèrent pas de droits nouveaux.
L'avis de la commission est défavorable et le mien l'est tout d'autant.
Je comprends fort bien qu'il faille reconnaître l'engagement des médecins à la retraite qui donnent de leur temps pour recevoir des patients. La question qu'on doit toutefois se poser est de savoir si c'est au régime vieillesse de supporter une charge qui revient à l'assurance maladie. Exonérer de cotisations de retraite ces médecins au motif qu'ils n'ont pas à contribuer à leur propre retraite aboutit à un manque à gagner pour l'assurance vieillesse, manque à gagner qui doit être compensé par l'assurance maladie. On ne peut en effet faire peser sur l'assurance vieillesse un service qui est rendu au titre de la solidarité nationale et qui permet l'accès à tous à la santé. Ce serait à l'assurance maladie de prendre en charge les cotisations vieillesse, de sorte qu'on reste dans le même circuit.
N'oublions pas que lorsqu'on cotise pour la retraite, on le fait pour soi mais aussi pour les autres. Il faut avoir aussi cela à l'esprit.
Mon avis est défavorable. Nous avons déjà agi. Dès 2017, nous avons augmenté le plafond de dispense de cotisation des médecins retraités, en le portant de 11 000 à 40 000 euros de revenus annuels. Aujourd'hui, le rapport des délégués à l'accès aux soins préconise d'aller au-delà de ce seuil. Nous avons discuté avec les médecins pour discuter de ce plafond. Nous pourrons apporter des modifications par voie réglementaire et le ferons très prochainement, dans un décret ou un arrêté.
Notre objectif est de trouver un juste équilibre. Il s'agit pour nous de favoriser l'exercice des médecins à la retraite qui souhaitent continuer à exercer une activité sans pour autant mettre en danger la Caisse autonome de retraite des médecins de France, car les exonérations la fragilisent au détriment des autres médecins qui y recourent.
Sur l'amendement no 47 , je suis saisie par le groupe La République en marche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Audrey Dufeu Schubert, pour soutenir l'amendement no 47 .
Cet amendement emblématique marquera, je pense, cette proposition de loi. S'il est voté, il aura en effet un impact direct pour tous nos concitoyens, notamment ceux qui, habitant en zone sous-dense, éprouvent des difficultés pour trouver un médecin traitant.
Les auditions de patients auxquelles notre commission a procédé nous ont permis de recueillir des témoignages forts. Il est inacceptable d'entendre que certaines personnes, faute de médecin référent, sont obligées de louer une chambre d'hôtel dans une grande ville, au plus bas prix possible, puis d'attendre le soir pour appeler SOS Médecins et avoir la visite d'un médecin qui puisse renouveler leur ordonnance.
Dans les semaines qui viennent, nous examinerons l'ambitieux projet de loi santé. Il favorisera les coopérations de professionnels de santé qui apporteront des vraies réponses, transversales et pluriprofessionnelles.
En attendant, cet amendement permettra immédiatement de réaffirmer le rôle des conciliateurs des caisses primaires d'assurance maladie. Ils pourront activement aider les personnes dans leurs recherches d'un médecin traitant. Nous avons entendu les témoignages de certains de nos collègues qui déploraient que certaines administrations abandonnent les assurés. En effet, de simples listes ne peuvent suffire. Elles laissent les patients face à eux-mêmes, a fortiori lorsqu'il s'agit de personnes seules, fragiles, en difficulté, vulnérables socialement, âgées. On peut imaginer combien il est difficile pour elles d'entamer des démarches et de négocier pour avoir accès à des consultations auprès d'un médecin référent. Ce rôle de conciliateur représente un service direct de nos politiques publiques pour nos citoyens.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
La commission a donné un avis favorable, mais il faut se garder des grands rêves, madame Dufeu Schubert. Cet amendement ne constitue pas une solution à la désertification médicale. Il apporte simplement une réponse administrative : les conciliateurs désigneront simplement aux patients le médecin chez lequel ils pourront se rendre. Tiens, d'ailleurs, c'est de la coercition, madame la ministre ! Soit dit en passant…
En outre, en allongeant la liste de leurs patients, vous allez contribuer à accroître la pression qui pèse déjà sur les médecins des zones sous-denses, alors qu'ils nous disent tous aujourd'hui qu'ils n'en peuvent plus et qu'ils sont au bord du burn out.
Certes, la possibilité d'être accompagné dans ses démarches peut rassurer certains de nos concitoyens, mais, de grâce, ne prenons pas des vessies pour des lanternes. Ne laissons pas penser qu'il s'agit de la solution à l'urgent problème de la désertification médicale que nous connaissons aujourd'hui.
Vous proposez, madame Dufeu Schubert, de saisir le conciliateur de la caisse d'assurance maladie pour qu'il propose un médecin traitant à un assuré qui a du mal à en trouver un. C'est une très bonne idée.
Nous avons souhaité confier la mission de trouver un médecin traitant aux CPTS, dans le cadre de la négociation conventionnelle actuellement en cours. Au-delà, il est intéressant, comme vous le proposez, que l'assurance maladie soit également impliquée. Elle a d'ores et déjà mis en place des dispositifs d'accompagnement et de prévention pour les assurés, notamment les plus vulnérables, comme les personnes âgées atteints de polypathologies. L'assurance maladie a également créé un numéro de médecin générique afin d'éviter aux patients qui n'ont pas de médecin traitant de voir leur remboursement réduit lorsqu'ils veulent s'inscrire dans un parcours de soins.
En outre, grâce à votre proposition, les assurés des zones sous-denses seront informés lorsqu'un nouveau professionnel s'installera à proximité de chez eux. Nous sommes donc évidemment favorables à cet amendement.
Je ne peux pas croire, monsieur le rapporteur, que vous ne puissiez émettre un avis favorable ou vous en remettre à la sagesse de notre assemblée sur cet amendement.
Un doux rêve ? Nous venons d'entendre Mme la ministre et je rejoins ses propos. Faire en sorte que nos administrations apportent un véritable service public aux assurés n'a rien d'un doux rêve ! Il est de notre responsabilité de parlementaires de réaffirmer cette dimension et je compte sur votre soutien.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 80
Nombre de suffrages exprimés 75
Majorité absolue 38
Pour l'adoption 72
Contre 3
L'amendement no 47 est adopté.
Si vous le permettez, madame la présidente, je commencerai par l'amendement no 15 qui vise à fixer la limite d'âge d'exercice des praticiens hospitaliers, à Mayotte, à 75 au lieu de 72 ans.
Il s'agit d'une mesure dérogatoire en raison de la situation singulière de Mayotte qui connaît la plus faible densité médicale de France, soit 94 médecins pour 100 000 habitants, contre 437 médecins pour 100 000 habitants en France métropolitaine, selon l'atlas de la démographie médicale pour l'année 2018. Mayotte reste donc encore très en deçà de l'Eure et de la Mayenne, mentionnées dans le rapport de M. Garot comme les départements les moins pourvus, avec une densité médicale respective, c'est-à-dire un nombre de médecins en activité pour 100 000 habitants, de 166 et 199 médecins.
À ce propos, il est dommage que les outre-mer ne figurent pas dans ce rapport, alors que leur système de santé est lacunaire. Mayotte est ainsi un désert médical quant au secteur privé, l'offre y étant majoritairement publique. On y trouve la plus grande maternité de France qui enregistre près de 10 000 naissances par an, et des dispensaires hospitaliers de proximité dans lesquels travaillent une cinquantaine de médecins, avec un service pour les actions de prévention. Ces dispensaires sont assimilés à des maisons médicales. Or, en maison médicale libérale, aucune limite d'âge n'est fixée pour exercer une médecine privée.
Il faut ajouter qu'à Mayotte, nous perdons des médecins dans plusieurs spécialités. La limite d'âge imposée à l'hôpital et dans les dispensaires est donc pénalisante pour la continuité de l'offre de soins. Pour régler ce problème, il est nécessaire d'assouplir la réglementation afin de conserver des compétences et de l'expertise scientifique de haut niveau au sein des établissements.
L'amendement no 43 , qui est, en quelque sorte, un amendement de repli par rapport au précédent vise à porter la limite d'âge d'exercice des praticiens hospitaliers à 75 ans dans « les zones caractérisées par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l'accès aux soins », mentionnées au 1o de l'article L. 1434-4 du code de la santé publique.
La commission a émis un vote défavorable sur les deux amendements. À titre personnel, je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.
Avis défavorable sur les deux amendements. Vous proposez de fixer à 75 ans l'âge limite des praticiens pouvant exercer au centre hospitalier de Mayotte. Selon la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, la limite d'âge de droit commun, fixée à 67 ans, a été portée transitoirement à 70 ans pour les praticiens hospitaliers, et à 72 ans pour les praticiens exerçant en cumul emploi-retraite de manière transitoire jusqu'au 31 décembre 2022. La possibilité est donc déjà offerte d'exercer cinq ans au-delà de l'âge légal de départ à la retraite.
Madame la députée, même si je connais et reconnais les difficultés de Mayotte, il me semble déraisonnable d'aller plus loin. J'ajoute que si l'on prend en considération la pyramide des âges des praticiens du centre hospitalier de Mayotte – ils sont très jeunes – , cette disposition n'aurait pas une utilité majeure.
Un quart des assurés sociaux, 26,5 % pour être précis, ont renoncé à se faire soigner en 2016, souvent parce qu'ils ont des difficultés à avancer les frais nécessaires – interrogées, un tiers des personnes concernées invoquent cette raison.
L'amendement vise à rétablir, sous forme expérimentale, la généralisation du tiers payant à tous les professionnels de santé exerçant en ville, mesure adoptée dans la loi du 26 janvier 2016, puis abrogée.
L'avis de la commission est défavorable. À titre personnel, j'émets un avis de sagesse favorable.
Sourires.
Si vous le permettez, monsieur le rapporteur, je retiens que la commission est défavorable.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Avis défavorable. Je comprends la cohérence interne de M. le rapporteur. Dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018, nous avons choisi de proposer des droits réels plutôt que des droits formels. Parmi ces derniers, il faut ranger la généralisation du tiers payant votée en 2016, car, techniquement, ce n'était tout simplement pas faisable.
Je me suis engagée devant vous sur une capacité à mettre en place le tiers payant, en particulier pour la part complémentaire. Nous travaillons avec les mutuelles et avec les assureurs privés afin de déployer les outils techniques nécessaires à la généralisation du tiers payant intégral. Normalement, le calendrier devrait être tenu, et ce dispositif devrait être accessible à la fin de l'année 2019.
L'amendement me semble en conséquence prématuré au regard de nos capacités techniques. Pour avancer, je compte sur la dynamique des acteurs plutôt que sur la réitération du vote d'un droit formel.
J'entends votre réponse, madame la ministre, mais que répondons-nous aux personnes qui ne peuvent pas se soigner aujourd'hui ? Un dispositif « devrait être accessible à la fin de l'année 2019 », mais d'ici là, que doivent-elles faire ? Que devons-nous leur dire pour les onze prochains mois ?
L'amendement no 22 n'est pas adopté.
De façon cohérente avec l'amendement précédent, il vise à la signature d'une convention entre l'Union nationale des caisses d'assurance maladie et les syndicats représentatifs des professionnels libéraux de santé, avec l'objectif de mettre fin aux dépassements d'honoraires et d'unifier les pratiques tarifaires au sein du secteur 1.
Des dépassements d'honoraires très élevés ont été observés, en particulier chez les praticiens de santé bucco-dentaire. Il faut en finir avec cette pratique qui dissuade beaucoup de nos concitoyens et constitue un frein à l'accès aux soins.
Il existe un autre dispositif destiné à modérer les dépassements d'honoraires sans passer par ce type de convention. Il s'agit du contrat d'accès aux soins, signé par les professionnels, devenu aujourd'hui l'option de pratique tarifaire maîtrisée, l'OPTAM.
Nous constatons aujourd'hui une nette augmentation du nombre de ces contrats : 55 % des médecins spécialistes de secteur 2 en avaient signé un en 2011. Pour la seule année 2017, le taux de dépassement a diminué de 1,6 point. Nous sommes dans une phase de dynamique progressive.
Sachant que de plus en plus de professionnels s'engagent dans le dispositif actuel, nous préférons poursuivre son déploiement. J'ajoute qu'il a été étendu aux chirurgiens-dentistes. Les modalités de prise en charge des soins que ces derniers dispensent ont été substantiellement modifiées par la réforme du « 100 % santé ». Dans la convention médicale, ces professionnels s'engagent à améliorer l'accessibilité des soins en permettant une diminution des restes à charge pour les assurés.
Tous ces outils étant en place, le Gouvernement est défavorable à un amendement visant tout bonnement à interdire les dépassements d'honoraires.
Madame la ministre, je vous remercie pour la précision de votre réponse, mais vous avancez un chiffre qui montre que le recul du taux de dépassement reste extrêmement faible. Il a diminué, nous dites-vous, de 1,6 point ! Ce n'est pas une tendance nette, comme vous semblez l'affirmer. L'effet du dispositif que vous évoquez est très limité, surtout lorsque l'on connaît l'inflation des tarifs qui constituent un réel obstacle pour que nos concitoyens accèdent aux soins. Il me semble que vous vous satisfaites d'une évolution extrêmement faible par rapport à l'ampleur du problème.
L'amendement no 23 n'est pas adopté.
Il s'agit de rétablir l'article 2, supprimé en commission, et de le compléter par une mention relative à la formation des professionnels de santé. Dans la mesure où l'article 2 propose d'utiliser le FIR, le fonds d'intervention régional, pour aider à l'acquisition de nouvelles technologies de l'information et de la communication, il conviendrait de prévoir la délivrance d'une formation à même de donner à nos médecins les moyens de maîtriser ces technologies.
Nous le savons tous, les nouvelles technologies sont essentielles, en particulier pour le développement de la télémédecine, mais à condition que les médecins sachent s'en servir.
Ce dispositif s'inscrirait pleinement dans les objectifs assignés au FIR par notre code de la santé publique, et qu'ils correspondraient aussi à l'approche prônée par un rapport remis en novembre dernier au Gouvernement en vue de renforcer la recertification, ou formation continue, des professionnels de santé.
Avis défavorable de la commission, mais avis favorable du rapporteur à titre personnel.
Avis défavorable. Les objectifs du FIR ne correspondent pas au type de formation prévu par l'amendement. Nous partageons en revanche totalement l'objectif de former les professionnels au numérique. Grâce à la convention médicale, la téléconsultation et la téléexpertise entrent d'ores et déjà dans le droit commun : elles seront financées comme des consultations médicales classiques. Au-delà, nous avons prévu dans les orientations du DPC, le développement professionnel continu, que la formation au numérique en santé constituera une priorité pour les médecins libéraux comme hospitaliers.
L'amendement no 14 n'est pas adopté.
La parole est à M. le secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé, pour donner l'avis du Gouvernement.
Le Gouvernement est défavorable à l'amendement.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 61
Nombre de suffrages exprimés 58
Majorité absolue 30
Pour l'adoption 23
Contre 35
L'amendement no 18 n'est pas adopté. En conséquence, l'article 2 demeure supprimé.
La commission a supprimé l'article 3.
Je suis saisie de deux amendements, nos 29 et 19 , tendant à le rétablir et pouvant être soumis à une discussion commune.
J'indique dès à présent que sur l'amendement no 19 , je suis saisie par le groupe Socialistes et apparentés d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Yannick Favennec Becot, pour soutenir l'amendement no 29 .
Nous savons qu'il serait aujourd'hui impossible pour une grande majorité d'hôpitaux de fonctionner sans des médecins diplômés à l'étranger, les exemples en sont nombreux. Le recours aux praticiens provenant de pays hors Union Européenne a permis de soulager les établissements en leur apportant un moment de répit. Ainsi à Dreux, en Eure-et-Loir, leur nombre a presque doublé en l'espace de sept ans. Les lauréats candidats à l'exercice de la profession de médecin en France doivent actuellement justifier de trois années de fonction, qui ne peuvent avoir été accomplies qu'au sein d'un organisme agréé pour la formation des internes, conduisant ainsi à flécher ces praticiens diplômés parfaitement compétents quasi uniquement vers des établissements publics hospitaliers au détriment de l'exercice libéral, notamment dans les zones sous-dotées. En outre, du fait de la procédure d'autorisation d'exercice en vigueur, il est clair que des établissements de santé continuent de recruter en dehors de tout cadre légal des praticiens titulaires de diplômes étrangers qui exercent la médecine sans être inscrits à l'ordre des médecins.
Cet amendement vise donc à réviser la procédure d'autorisation d'exercice afin d'inscrire au tableau de l'ordre des médecins tout médecin titulaire d'un diplôme étranger qui exerce en France, et ce à condition bien sûr qu'il s'engage à exercer à titre libéral. La procédure ainsi révisée dispenserait de la période probatoire ces candidats. Cette mesure – esquissée d'ailleurs dans la rédaction initiale de l'article 3, monsieur le rapporteur – semble indispensable pour favoriser leur exercice en ville plutôt qu'à l'hôpital.
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement no 19 et donner l'avis de la commission sur les deux amendements en discussion commune.
Mon amendement propose de rétablir l'article 3 dans sa rédaction initiale. J'ai une différence d'approche avec Yannick Favennec Becot car je considère qu'on doit maintenir une période probatoire minimale – je proposais dans cet article un an au lieu de trois ans actuellement – , mais c'est notre seule divergence. La commission a donné un avis défavorable aux deux amendements.
Je suis d'accord avec le rapporteur sur le fait que la suppression de la période probatoire ne peut en aucun cas être la contrepartie d'un engagement à servir selon une certaine forme d'exercice car cette période constitue une composante essentielle de la garantie des compétences de ces médecins et de la vérification de leur aptitude à exercer au sein de notre système de santé. Par ailleurs, des mesures plus structurelles et plus globales relatives aux PAHDU – praticiens à diplôme obtenu hors Union européenne – , qu'il s'agisse du contrôle de leurs compétences, des modalités d'affectation et des conditions d'intégration à notre système de santé, seront inscrites dans le projet de loi relatif à l'organisation et à la transformation du système de santé, prochainement examiné par votre assemblée. Ces mesures ramèneront notamment la durée de la période probatoire de trois ans à deux ans. Avis défavorable donc sur l'amendement no 29 .
Le Gouvernement est également défavorable à l'amendement no 19 car il lui paraît en effet difficile de pouvoir s'assurer en seulement un an, sous le seul prétexte qu'il irait exercer en zone sous-dense, de la compétence d'un chirurgien qui aura ensuite la plénitude d'exercice en France. Il est de la responsabilité du Gouvernement d'assurer aux habitants de ces territoires les mêmes garanties de qualité et de sécurité des soins. J'ajoute que dans le projet de loi que je viens d'évoquer, plusieurs mesures sur ce sujet seront soumises à votre assemblée.
L'amendement no 29 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 73
Nombre de suffrages exprimés 67
Majorité absolue 34
Pour l'adoption 22
Contre 45
L'amendement no 19 n'est pas adopté. En conséquence, l'article 3 demeure supprimé.
Madame la présidente, je me permets d'abord de dire un mot sur la manière dont s'organisent nos débats lors d'une niche parlementaire : c'est très compliqué pour un groupe d'opposition de présenter l'ensemble de ses propositions de loi car si je prends maintenant deux minutes, je risque d'empêcher, au terme de la journée, certains collègues de défendre leur propre proposition de loi. Certes, parfois on joue la montre, c'est la règle d'un jeu qui m'ennuie profondément, mais, en l'occurrence, ce serait une excellente chose de réfléchir à ce que je viens de faire remarquer parce que ce n'est pas très démocratique.
Deux idées tout de même concernant la désertification médicale. C'est une excellente chose d'avoir des pharmaciens qui vaccinent, des assistants médicaux ou encore des secrétaires assistantes médicales, et aussi de développer une formation pour les infirmiers de bloc opératoire car sinon les retards s'accumulent, mais il n'y a pas eu de compensation financière pour ces derniers au regard de leurs études, sachant par ailleurs qu'ils ont perdu l'ensemble de leurs gardes et autres astreintes, et que l'on constate la précarisation de nombre d'entre eux. Ce serait une excellente chose d'y penser.
Deuxièmement, je rappelle que le désert médical le plus important aujourd'hui, c'est la gynécologie. Des femmes ne trouvent plus de gynécologue. Or les sages-femmes – ou les sages-hommes – passent désormais le concours de première année commune aux études de santé comme les futurs médecins. On pourrait donc faire avancer les choses sur ce point. Deux petites idées,
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC
deux minutes de perdues pour mon groupe… mais ce seront pour moi les seules de la journée.
Je rappelle que nous avons cinq propositions de loi à examiner dans le cadre de cette niche parlementaire et j'invite chacun à en tirer les conséquences.
Nous en venons aux amendements à l'article 4. J'indique dès à présent que sur l'amendement no 20 , je suis par le groupe Socialistes et apparentés d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Guillaume Garot, pour soutenir cet amendement.
Il s'agit de revenir sur le texte de la commission en rétablissant l'article 4 dans sa rédaction initiale. La commission y a bien entendu donné un avis défavorable.
La sécurisation et le développement du recours à des médecins adjoints, le fameux adjuvat, constituent dans les territoires fragiles une solution pragmatique que le Gouvernement soutient pleinement et qui figure dans le projet de loi que nous soumettrons prochainement à votre assemblée.
La rédaction proposée dans cet amendement soulève toutefois une double difficulté par rapport à celle adoptée par votre commission des affaires sociales : d'une part, elle cible uniquement les zones sous-denses, ce qui ne permettrait pas de répondre aux difficultés survenant ponctuellement au sein des territoires – je pense aux cas d'arrêts plus ou moins prolongés de plusieurs médecins non remplacés – , alors que la possibilité d'autoriser l'adjuvat auprès d'autres praticiens des mêmes territoires nous serait alors très utile ; d'autre part, cette rédaction créerait un statut de médecin de renfort qui permettrait à des médecins n'ayant pas soutenu leur thèse d'adhérer en propre à la convention médicale et de disposer de leurs propres feuilles de soins, alors qu'il existe aujourd'hui deux formules permettant à des médecins non thésés d'intervenir dans ces territoires, à savoir le régime du remplacement mais aussi celui de l'adjuvat que nous souhaitons étendre par la nouvelle rédaction de l'article 4. Je ne crois pas que la solution aux difficultés auxquelles nous sommes confrontés passerait par la création d'une troisième catégorie de statut. Or c'est bien à cela que l'on aboutirait. La promotion des formules existantes devra en revanche être menée de manière active afin d'inciter le plus d'étudiants en fin de formation à en faire usage. C'est pourquoi le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 73
Nombre de suffrages exprimés 65
Majorité absolue 33
Pour l'adoption 23
Contre 42
L'amendement no 20 n'est pas adopté.
Sur le vote de l'article 4, je suis saisie par le groupe La République en marche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Nous en venons à l'amendement no 28 , qui fait l'objet d'un sous-amendement no 54 .
La parole est à M. Yannick Favennec Becot, pour soutenir cet amendement.
Force est de constater que de la proposition initiale, il ne reste presque rien sur le fond : seulement l'article 4. S'il est adopté, il permettra aux médecins exerçant en qualité d'adjoint ou de remplaçant d'exercer dans les zones sous-dotées, et plus seulement en cas d'afflux exceptionnel de population. On peut dire que ce serait déjà un progrès.
Mais on constate un recul de l'exercice libéral chez les médecins, lesquels se tournent davantage vers le salariat, en particulier en début de carrière. Au-delà de ce recul, il faut aussi souligner que l'exercice libéral est marqué par une progression du remplacement : en effet, les deux tiers des nouveaux médecins libéraux exercent en tant que remplaçants, et, là encore, certains territoires attirent davantage que d'autres. Or l'exercice en qualité de remplaçant ou d'adjoint est strictement encadré et nécessite une autorisation du conseil départemental de l'ordre des médecins. Le statut de médecin remplaçant et celui de médecin adjoint gagneraient à être assouplis afin de mobiliser plus facilement la ressource médicale disponible. C'est pourquoi le groupe Libertés et Territoires propose par cet amendement de substituer un régime déclaratif au régime d'autorisation par les conseils départementaux de l'ordre des médecins.
La parole est à M. Guillaume Garot, pour soutenir le sous-amendement no 54 .
J'étais favorable à la rédaction initiale de l'article 4, mais la commission ne l'a pas retenue. Mon sous-amendement précise que le délai serait d'un mois à compter de la réception de la déclaration. La commission l'a repoussé.
Défavorable au sous-amendement et à l'amendement. Monsieur Favennec Becot, les futurs professionnels concernés par votre amendement n'ont pas encore achevé leur formation et, n'étant pas diplômés, la possibilité qui leur est ouverte d'exercer en tant que remplaçant constitue déjà en tant que telle une dérogation aux dispositions régissant le droit d'exercice de la profession. Le maintien d'un contrôle du respect des conditions de délivrance d'une autorisation dérogatoire d'exercice est pour ces raisons nécessaire. Un simple régime déclaratif ne pourrait suffire à donner aux acteurs du système de santé les garanties indispensables, je pense en particulier aux patients, qui sont en droit d'en attendre de la part des professionnels qui les prennent en charge.
Par ailleurs, une modification de la législation sur l'adjuvat est intégrée au futur projet de loi que j'ai déjà évoqué. Son but sera d'élargir les possibilités de recours à l'adjuvat, sans renoncer pour autant aux conditions de vérification du droit d'exercice. Il en va de la responsabilité du Gouvernement. L'avis est donc défavorable.
Le sous-amendement no 54 n'est pas adopté.
L'amendement no 28 n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 70
Nombre de suffrages exprimés 70
Majorité absolue 36
Pour l'adoption 69
Contre 1
L'article 4 est adopté.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
La parole est à M. Yannick Favennec Becot, pour soutenir l'amendement no 31 rectifié , portant article additionnel après l'article 4.
Le présent texte vise à faciliter le recours à des médecins en qualité de remplaçants ou d'adjoints dans les zones sous-dotées. Là encore, le groupe Libertés et territoires propose d'aller plus loin en créant un statut de « médecin volant » qui permettrait à des médecins ayant soutenu leur thèse de venir ponctuellement épauler d'autres médecins, en particulier ceux qui sont installés en zones sous-denses, en qualité de travailleurs non-salariés.
Ces médecins complémentaires et « volants » bénéficieraient d'un statut propre qui ne se confondrait ni avec celui des médecins remplaçants, dans la mesure où les médecins épaulés n'auraient pas à cesser leur activité, ni avec celui des médecins adjoints, puisque les médecins venant en renfort exerceraient pour leur propre compte sans utiliser les feuilles de soins du médecin installé et sans rétrocession d'honoraires en tant que travailleurs non-salariés.
Pour les « médecins volants », ce statut aurait l'avantage de limiter le poids des charges sociales, de les soumettre à un régime d'assurance maladie aligné sur celui des salariés et de leur ouvrir la possibilité de se constituer une protection supplémentaire, notamment au titre de la retraite et de la prévoyance.
La commission est défavorable à cet amendement. J'y suis, à titre personnel, favorable.
La réglementation actuelle du code de la santé publique permet déjà à un médecin « thésé » de remplacer ou d'assister un médecin, au titre des articles 65 et 88 du code de déontologie médicale : il n'est donc pas nécessaire de créer par la loi une catégorie supplémentaire de médecins non-salariés.
Je considère par conséquent que votre amendement est satisfait et je vous propose de le retirer. À défaut, j'émettrai un avis défavorable.
L'amendement no 31 rectifié n'est pas adopté.
Il a le même but. Comme je l'ai indiqué dans la discussion générale, nous cherchons à nous appuyer sur le réseau des officines dont a également parlé madame la ministre, dans le but de redonner du temps médical aux médecins. Nous proposons de prendre appui à la fois sur ce maillage et sur les compétences des pharmaciens.
La commission y est défavorable. J'y suis bien entendu, pour ma part, favorable à titre personnel.
Nous savons que 97 % de nos concitoyens vivent à moins de dix minutes d'une pharmacie. La densité du maillage officinal en fait donc un point d'appui important pour l'amélioration de l'accès aux soins dans les zones fragiles. C'est notamment pour cette raison que Mme la ministre a décidé de recourir aux pharmaciens afin de promouvoir la vaccination contre la grippe.
Dans le même esprit, notre ministère a aussi engagé, ainsi que l'y autorise la loi de finances pour 2019, une expérimentation qui permettra aux pharmaciens de renouveler les traitements et d'adapter, le cas échéant, les posologies pour les patients chroniques orientés par leurs médecins traitants. C'est une mesure renforçant l'accès aux soins et destinée par exemple à pallier les difficultés que connaissent certaines personnes âgées pour faire renouveler leurs ordonnances.
Nous partageons donc l'objectif que vous poursuivez avec cet amendement. En revanche, la prescription directe par les pharmaciens d'officine me semble à ce stade prématurée. Elle ne fait d'ailleurs pas consensus parmi les parties prenantes et elle risque de mettre en concurrence des professions à un moment où les faire coopérer davantage serait préférable. C'est pourquoi j'émets un avis défavorable.
Je ne peux m'empêcher de prendre la parole sur cet amendement que j'ai d'autant plus envie de voter qu'il reprend l'une des propositions que j'avais faites lors de la discussion du PLFSS.
Il me faut cependant préciser qu'à mes yeux cet amendement ne combat pas la désertification médicale mais qu'il va dans le sens de l'évolution normale de la coordination et de la coopération entre les professionnels de santé que nous devons atteindre.
Vous pouvez compter sur moi pour proposer de nouveau cette mesure lors de l'examen du futur projet de loi de santé, car il faut que nous parvenions enfin à réaliser ces coopérations que tous souhaitent et qui permettront qu'en fin de compte les gens soient mieux soignés.
Sur l'ensemble de la proposition de loi, je suis saisie par le groupe La République en marche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Yannick Favennec Becot, pour soutenir l'amendement no 36 , portant article additionnel après l'article 5.
Aujourd'hui, les patients qui en ont besoin peuvent se faire assister lors d'une téléconsultation par un infirmier ou par un pharmacien ; mais leur rôle, tel que le définissent les textes, reste marginal et aucune rémunération afférente n'est prévue. Peut-être le futur projet de loi de santé répondra-t-il à nos préoccupations : M. le secrétaire d'État nous éclairera certainement à ce sujet. En attendant, il nous faut renforcer le rôle de ces professionnels de santé qui joueront un rôle majeur dans le développement de la télémédecine.
Plusieurs pistes pourraient être proposées. Ainsi, des cabines de téléconsultation disposant du matériel adapté pourraient être installées dans les pharmacies, notamment dans les territoires les plus isolés, où la présence des médecins spécialistes est la plus faible. Certaines pharmacies disposent déjà de ces cabines, mais leur développement pourrait être accéléré par la mise en place de mesures incitatives et par la rémunération du pharmacien accompagnant le patient au cours d'une consultation.
Les infirmiers pourraient également jouer un rôle important dans le développement des téléconsultations non seulement dans leur cabinet, avec l'équipement adapté, mais également au domicile du patient, avec des équipements plus légers comme des tablettes.
En attendant d'en savoir davantage sur le rôle à venir des professionnels de santé non-médicaux, je demande, au nom du groupe Libertés et territoires, un rapport examinant cette question.
Avis défavorable de la commission, favorable en revanche du rapporteur.
Défavorable. Ce rapport apparaît inutile, ne serait-ce qu'au regard du calendrier d'examen du futur projet de loi.
Nous partageons le souci d'associer les professionnels de santé non-médicaux aux activités de télémédecine. Le rôle de ces professionnels est d'ailleurs en train de se développer : ainsi, la récente signature de l'avenant no 15 à la convention nationale organisant les rapports entre les pharmaciens titulaires d'officine et l'assurance maladie valorise l'accompagnement par le pharmacien du patient en téléconsultation.
Par ailleurs, le projet de loi relatif à l'organisation et à la transformation du système de santé, qui va bientôt arriver en discussion à l'Assemblée, comprendra une disposition sur les télésoins permettant aux pharmaciens et aux auxiliaires médicaux d'exercer, dans le cadre de l'exercice de leurs compétences, leur activité à distance au moyen des technologies de l'information et de la communication.
Il s'agit là du pendant de la télémédecine pour les professionnels de santé non-médicaux. Au regard du calendrier et du débat à venir, je vous propose de retirer votre amendement. À défaut, j'émettrai un avis défavorable.
Compte tenu des éclairages que vient d'apporter le secrétaire d'État, je le retire.
L'amendement no 36 est retiré.
Le rapport de la Cour des comptes de 2014 intitulé « La santé dans les outre-mer, une responsabilité de la République » dressait un constat alarmant, ces territoires accusant dans ce domaine un retard important par rapport à la France métropolitaine.
Mayotte est particulièrement touchée puisque ce territoire français connaît la situation la plus critique avec des « difficultés persistantes », pour reprendre les termes du rapport. Ces difficultés sont d'ordre structurel, l'offre de soins étant insuffisante et la densité médicale faible, notamment. Elles sont aussi d'ordre financier, l'application pleine et entière des conventionnements avec l'assurance maladie pour les médecins libéraux étant par exemple impossible.
La dernière édition de l'Atlas de la démographie médicale atteste que Mayotte demeure le plus grand désert médical de France. Elle montre aussi qu'à l'inverse d'autres territoires d'outre-mer et de France métropolitaine, le nombre de médecins généralistes a baissé de 3,6 % entre 2017 et 2018 à Mayotte. Aussi, rendre le territoire de Mayotte attractif est une priorité.
Je me bats depuis longtemps, avec mes collègues du corps médical, pour que Mayotte dispose d'un secteur de la santé digne d'un territoire de la République ! Le Plan d'avenir pour Mayotte présenté en 2018 a d'ailleurs inscrit au nombre des priorités une mise à jour de l'offre en soins de santé assortie d'une série de mesures.
Il est nécessaire que les décisions issues du Plan d'avenir pour Mayotte et du Livre Bleu se concrétisent. L'amendement no 11 vise ainsi à la rédaction d'un rapport proposant des mesures chiffrées et un calendrier pour leur mise en oeuvre.
À l'instar des amendements que j'ai présentés précédemment, l'amendement no42 vise à développer l'attractivité de Mayotte dans le domaine de la santé. Comme je l'ai dit, il s'agit là d'un préalable.
À cet effet, plusieurs pistes ont été envisagées, dont la création d'une zone franche médicale sur tout le territoire. Cette mesure est une revendication forte du corps médical.
Les zones franches d'activité nouvelle génération créées par la loi de finances pour 2019 excluent les activités médicales de leur périmètre. Lors de l'examen, tant du PLF que du PLFSS pour 2019, des demandes avaient été faites pour y remédier en incluant le secteur de la santé, notamment pour la Guyane et Mayotte.
Compte tenu de leurs caractéristiques particulières que sont la désertification médicale, une croissance exponentielle de la population et une forte immigration, ces demandes semblaient plus que légitimes. Néanmoins, elles ont été rejetées par le Gouvernement qui a argué du fait que la médecine n'est pas une activité commerciale comme les autres.
Alors, que faire ? Comme j'aime à le dire pour Mayotte : à situation exceptionnelle, réponse exceptionnelle. Je l'ai rappelé à plusieurs reprises, nous sommes le plus grand désert médical et nous perdons des médecins. Si ne sont pas mis en place des dispositifs fiscaux favorisant l'installation de médecins, nous courons à la catastrophe sanitaire et nous risquons de nous retrouver dans une situation de non-assistance à personnes en danger ! J'en appelle donc à la responsabilité de la France.
J'émets sur ces deux amendements un avis de sagesse. Vous demandez un rapport sur le suivi des mesures mises en place pour lutter contre la désertification médicale à Mayotte. Ces mesures sont d'ores et déjà assez nombreuses, puisque Mayotte bénéficie de l'ensemble des outils du plan d'accès aux soins mais aussi de dispositifs ciblés ou adaptés à ses spécificités, ce qui se justifie pleinement. Je pense par exemple à l'adoption en 2018 de l'indemnité particulière d'exercice pour renforcer l'attractivité de l'exercice hospitalier sur votre territoire.
L'ensemble de ces mesures fait naturellement l'objet d'un suivi attentif de la part de l'Agence de santé de l'Océan indien. Et vous savez probablement que le 1er janvier 2020 sera créée une agence de santé pour le seul territoire mahorais, qui permettra de tenir compte de manière encore plus fine des particularités de cette île.
Je réitère mon avis de sagesse.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, SOC, GDR et FI ainsi que sur plusieurs bancs du groupe LR.
Je suis saisie d'un amendement no 55 , qui tend à supprimer l'article.
La parole est à M. le secrétaire d'État, pour le soutenir.
Je lève le gage, madame la présidente. D'où cet amendement de suppression de l'article qui prévoyait un gage.
Cet amendement n'a pas été examiné par la commission. J'émets, pour ma part, un avis de sagesse.
L'amendement no 55 est adopté. En conséquence, l'article 6 est supprimé.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 75
Nombre de suffrages exprimés 71
Majorité absolue 36
Pour l'adoption 54
Contre 17
La proposition de loi est adoptée.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, GDR, FI, LaREM, MODEM et UDI-Agir.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-huit heures quinze, est reprise à dix-huit heures vingt.
La parole est à M. Christophe Bouillon, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l'éducation.
Monsieur le ministre de l'éducation, sans doute connaissez-vous cette formule : « J'ai remarqué que même les gens qui affirment que tout est prédestiné et que nous ne pouvons rien y changer regardent avant de traverser la rue ». On la doit à Stephen Hawking. Je la cite d'abord en hommage à l'astrophysicien qu'il était, mais également parce qu'elle constitue un beau plaidoyer pour la société inclusive que nous appelons tous de nos voeux. Je dis « nous », car personne n'a le monopole de la société inclusive.
En me répondant hier lors de la séance de questions au Gouvernement, vous m'avez, monsieur le ministre, pointé du doigt, alors que ce n'est pas votre habitude, pour demander : qu'avez-vous fait ? Vous êtes même allé jusqu'à dire : vous n'avez rien fait.
Je ne sais si votre remarque était destinée au gouvernement précédent, qui a compté dans ses rangs – excusez du peu – Jean-Yves Le Drian, Annick Girardin, Barbara Pompili, et, dois-je le rappeler, également Emmanuel Macron.
Votre remarque visait sans doute le député de base que j'étais alors. Député de base, je me souviens avoir voté la loi du 8 juillet 2013 pour la refondation de l'école de la République qui a gravé dans le marbre l'inclusion scolaire. Je me souviens avoir voté le projet de loi de finances pour 2014 qui a créé le statut des AESH, les accompagnants d'élèves en situation de handicap, mis en place à partir de 2015-2016.
Je me souviens avoir applaudi la décision importante, que vous avez poursuivie, qui a consisté à transformer les postes d'auxiliaires de vie scolaire – AVS – en postes d'AESH. Je me souviens, comme mes collègues, avoir voté les décisions portant créations de postes dans l'éducation nationale. Sans doute est-ce à cela que vous pensiez lorsque vous avez dit, monsieur le ministre, que nous n'avions rien fait.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
En tout cas, ces mesures, moi, je les ai votées, tandis que d'autres députés – je pense par exemple aux députés Édouard Philippe, Bruno Le Maire ou encore Gérald Darmanin – , eux, ne les ont pas votées.
Comme vous le voyez, il me semble qu'à ce petit jeu, tout le monde est perdant.
Je suis de ceux qui sont reconnaissants à Jacques Chirac d'avoir permis le vote de la loi du 11 février 2005. Je pourrais également, puisque vous évoquiez le passé, citer les propos de Mme Sophie Cluzel lorsqu'elle était présidente d'une fédération d'associations au service des enfants en situation de handicap et qu'elle faisait le constat que beaucoup avait été fait au cours de la législature précédente.
Je ne vous propose pas de jouer à ce petit jeu-là : je vous propose plutôt qu'au terme de l'examen de cette proposition de loi pour une école vraiment inclusive, il n'y ait que des gagnants.
Pour commencer, j'évoquerai le contexte. Vous le connaissez : plusieurs rentrées scolaires où des familles, des parents et des élèves en situation de handicap ont vécu des moments difficiles, des moments douloureux, des moments emplis d'incertitudes, simplement parce qu'ils rencontraient des difficultés dans la mise en oeuvre de la notification qui leur avait été faite par la maison départementale des personnes handicapées – MDPH – du suivi auquel ils avaient droit.
On estime officiellement entre 10 et 15 % le nombre d'élèves pour lesquels une telle notification n'a pu être mise en oeuvre dès le jour de la rentrée scolaire. Il est d'ailleurs difficile de disposer de chiffres exacts pour ce jour-là car les statistiques sont souvent établies postérieurement. 10 % ou 15 %, ce n'est pas beaucoup, me direz-vous. Mais non, c'est énorme ! Imaginez de tels pourcentages transposés aux 12 millions d'élèves que compte aujourd'hui notre pays : on crierait au scandale. Nous estimons, pour notre part, que c'est un scandale que de ne pas permettre aux élèves en situation de handicap d'être prêts le jour de la rentrée, c'est-à-dire d'avoir à leurs côtés l'accompagnement qui, lorsqu'il a été notifié, leur est dû. C'est ce contexte qui nous a poussés à prendre cette initiative.
J'en viens au texte que nous allons examiner dans quelques instants. Nous ne demandons pas la lune : nous demandons que plusieurs semaines avant le jour de la rentrée, les familles aient la garantie que leur enfant en situation de handicap disposera d'un accompagnement lorsque celui-ci leur a été notifié – cela suppose que la demande ait été faite cinq mois au moins avant la rentrée.
Nous demandons que les accompagnants, dont tout le monde ici salue le travail et considère le rôle comme essentiel, bénéficient d'un véritable statut, d'une formation initiale digne de ce nom ainsi que d'une validation des acquis leur permettant de suivre un parcours de carrière.
Nous demandons que les enseignants bénéficient d'une formation, et ce partout en France, à un niveau suffisant, de façon qu'ils puissent faire face dans d'excellentes conditions à la scolarisation des enfants en situation de handicap.
Nous demandons que l'on tienne compte de la présence – ou non – d'enfants en situation de handicap scolarisés pour le calcul des effectifs. Il est en effet difficile à un certain nombre d'enseignants aux classes déjà surchargées – les témoignages abondent en la matière – de veiller à ce que la scolarisation des enfants en situation de handicap se passe dans d'excellentes conditions.
Nous demandons que l'on puisse revoir les délais d'instruction des demandes par les MDPH, et nous distinguons entre la première demande et les renouvellements. Après avoir auditionné les associations de directeurs de MDPH ainsi que les représentants de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie – CNSA – , nous considérons comme raisonnable un délai de trois mois pour l'instruction d'une première demande et d'un mois pour un renouvellement. Cet objectif nous paraît tout à fait atteignable et cadre parfaitement avec les évolutions et les réflexions en cours. Nous savons la mobilisation des différents acteurs pour y parvenir.
Nous demandons que l'on prévoie, pour les futurs établissements scolaires, qu'il s'agisse d'écoles, de collèges ou de lycées, un avis consultatif des acteurs du monde médico-social afin de rendre en définitive possible ce que vous souhaitez, c'est-à-dire ce virage inclusif qui permette demain d'y accueillir des classes adaptées dans d'excellentes conditions. Il faut anticiper ce virage et se coordonner pour permettre qu'il soit pris de la meilleure façon.
En un mot, nous souhaitons simplement que tout soit fait pour que le jour de la rentrée les solutions nécessaires soient en place.
La proposition de loi qui est soumise à votre examen ne balaie pas l'écosystème tel qu'il existe. C'est un texte charpenté, qui tient compte de l'ensemble des acteurs appelés à agir en faveur de l'inclusion ; je pense aux accompagnants, aux familles, aux enseignants, aux collectivités, à tous ceux qui peuvent jouer un rôle capital en la matière.
Après avoir évoqué le contexte, lourd, puis le texte, pragmatique et constructif, je voudrais, pour terminer, dire quelques mots du prétexte que l'on nous oppose parfois. On nous dit : « On verra plus tard ». Il y a quatre mois, lorsque notre collègue Aurélien Pradié avait proposé à l'examen de notre assemblée un texte de loi portant sur le même sujet, on lui avait déjà servi ce même prétexte. On lui avait assuré qu'un grand projet de loi serait présenté. Or il se trouve qu'à l'examen, le projet de loi dit pour une école de la confiance que vous défendez, monsieur le ministre, fait l'impasse sur le handicap. Le mot ne figure même pas dans le texte !
C'est pourquoi il serait opportun de rattraper ce raté grâce à la présente proposition de loi, qui permettra en outre de tenir compte du travail effectué par tous nos collègues.
L'autre argument qui est souvent avancé, c'est qu'il y aurait une concertation en cours. Oui, c'est vrai, personne ne peut l'ignorer, mais cette concertation doit aboutir, si j'ai bien compris, dans onze jours. À ce moment-là, des propositions seront faites. Il faudra alors un véhicule législatif pour les mettre en oeuvre. Vous en avez là un tout prêt – à condition toutefois de ne pas en retirer les roues. C'est l'occasion rêvée pour que ces réflexions trouvent une concrétisation.
En la matière, on peut dire que nous ne manquons pas de documentation. Je veux citer en particulier le travail remarquable mené par Adrien Taquet, qui, en mai 2018, avait fait 113 propositions pour simplifier la vie des personnes handicapées. Un grand nombre concernaient la scolarisation des élèves en situation de handicap, et beaucoup se retrouvent dans le texte qui vous est soumis aujourd'hui. Pourquoi renvoyer les choses à plus tard alors que la matière existe et que la réflexion a déjà été engagée ? L'heure n'est plus à la seule concertation, elle est aussi à la décision.
Pour conclure, monsieur le ministre, et pour reprendre ma formule initiale, je vous demande de regarder sur votre gauche et sur votre droite avant de traverser la rue et de tenir compte du travail constructif qui a été mené par l'ensemble des parlementaires.
M. Christian Hutin applaudit.
Je vous le demande avec d'autant plus de force que ce matin, en commission, la plupart des amendements que j'ai déposés pour restaurer le texte initial de la proposition de loi ont reçu un avis favorable.
C'est dire s'il y a une volonté de construction et de l'allant ! Je vous demande donc, monsieur le ministre, de suivre l'avis de la commission.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et GDR. – Mmes Jacqueline Dubois et Cathy Racon-Bouzon applaudissent aussi.
La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.
Monsieur le rapporteur, je voudrais tout d'abord vous remercier pour votre discours, et plus particulièrement pour la tonalité de celui-ci. J'adopterai la même.
Mme Valérie Rabault applaudit.
C'est en effet bien mieux qu'hier : c'est un immense progrès.
L'accueil des élèves en situation de handicap est un défi fondamental que le Gouvernement est en train de relever. Cela a été dit et répété : depuis vingt ans, les gouvernements successifs ont, dans un esprit de consensus, avancé sur cette question. Ce que j'ai apprécié dans votre discours, monsieur le député, c'est précisément que vous avez fait référence à ce consensus. Je n'ai pas du tout l'impression de l'avoir brisé et, ce soir, je veux, avec vous, le reconstituer.
Je passerai donc moins de deux minutes à répondre à ce que vous avez dit durant les deux premières minutes de votre intervention. Je vous suggère de vous référer à votre question et à ma réponse d'hier, en vous faisant remarquer que vos propos n'avaient pas alors la même tonalité qu'aujourd'hui : vous aviez en effet laissé entendre que le Gouvernement ne faisait rien en matière de handicap, ce qui n'est évidemment pas exact ; au contraire, nous allons aller plus loin que ce qui a été fait depuis vingt ans. Ce que je vous ai répondu hier, c'est que si vous trouviez la situation actuelle si insatisfaisante, pourquoi ne reconnaissiez-vous pas que le gouvernement précédent, que vous souteniez, n'avait pas résolu les problèmes ? Mais je n'engagerai pas de polémique sur le sujet – il suffit de se référer à votre question et à ma réponse d'hier. Suivons donc le chemin que vous proposez aujourd'hui. C'est bien volontiers que je regarderai à gauche, à droite et en face avant de traverser cette rue si importante pour l'intérêt général.
Depuis plus de vingt ans, donc, nous essayons de répondre à l'inquiétude et au désarroi des familles. Nous, le peuple français, tous ensemble, avons fait des progrès dans cette voie. Ces progrès sont bien évidemment insuffisants, nous le reconnaissons tous. Je n'ai, avec Sophie Cluzel, qu'une ligne de conduite en la matière : le pragmatisme, avec un impératif de résultat. Ce résultat, nous le devons aux parents, qui sont sensibles à la qualité de notre réponse. C'est le rôle de l'État que d'assumer tous les aspects de cette réponse. Nous le faisons au nom de notre devise, notamment de la fraternité. Nous ne pouvons pas nous contenter de formules ou d'incantations, nous devons avancer, et c'est ce que nous faisons avec Sophie Cluzel et Agnès Buzyn.
Nous avons commencé par agir avec volontarisme. À la rentrée 2018, nous avons créé 253 unités localisées pour l'inclusion scolaire, les ULIS, dont 38 en lycée, après les 40 déjà créées à la rentrée scolaire précédente. Notre objectif est d'ouvrir 250 ULIS supplémentaires en lycée d'ici à 2022. C'est un progrès incontestable.
De même, la stratégie nationale pour l'autisme au sein des troubles du neurodéveloppement, annoncée par le Premier ministre le 6 avril 2018, se traduit cette année par la création de cinq unités d'enseignement élémentaire « troubles du spectre autistique ». Nous avons aussi renforcé l'accompagnement des élèves malentendants grâce à la création d'un pôle d'enseignement pour les jeunes sourds – PEJS – dans chaque académie. Pour faire face aux prescriptions toujours plus nombreuses des MDPH, nous avons augmenté le nombre d'accompagnants à hauteur de 3 584 équivalents temps plein – ETP – à la rentrée 2018. Nous avons surtout souhaité rompre avec la situation antérieure, qui était insatisfaisante parce qu'elle n'offrait pas de situation stable aux accompagnants.
Je profite de l'occasion qui m'est offerte pour saluer l'engagement de ces femmes et de ces hommes qui, au quotidien, permettent aux élèves en situation de handicap d'avoir une scolarité normale. Pour la première fois depuis dix ans, à la rentrée 2018, le nombre d'AESH a dépassé le nombre d'emplois aidés : il y en a 43 041, pour 29 000 contrats aidés. C'est un progrès ; il est certes insuffisant, mais c'est un grand progrès. Ce retournement de tendance souligne ma détermination à offrir des emplois plus robustes aux accompagnants.
Cette volonté se traduit aussi par la modification du code de l'éducation à la faveur du projet de loi pour une école de la confiance, que nous sommes en train d'examiner en commission. Je voudrais vous répondre sur ce point aussi, monsieur le rapporteur. Comme je l'ai dit hier, j'envisage d'accomplir les choses en trois temps. Il y aura d'abord la proposition de loi que vous nous présentez aujourd'hui et qui, comme vous le voyez, sera examinée et aboutira à des résultats. Il y aura ensuite le projet de loi. Depuis le début, nous disons que nous respecterons la concertation qui a commencé à la fin octobre et qui s'achèvera le 11 février ; il était normal que ce projet de loi écrit il y a plusieurs mois ne comporte pas d'éléments qui anticiperaient sur la conclusion de cette concertation. En revanche, nous sommes désormais en situation de tenir compte des avant-derniers pas de la concertation, ce qui va nous permettre d'intégrer dans le projet de loi, par voie d'amendements, des éléments de nature législative.
Mais la vérité, vous le savez aussi bien que moi, c'est que la plupart des dispositions nécessaires sont de nature réglementaire. Leur mise en oeuvre fera suite à ce qui se passera le 11 février, en s'appuyant aussi bien sur ce que contient déjà le code de l'éducation – car, vous avez raison de le souligner, il y a déjà des choses importantes dedans – , que sur la loi qui résultera de notre discussion d'aujourd'hui et le projet de loi pour une école de la confiance.
Vous le voyez : j'ai regardé sur ma gauche, sur ma droite et en face. À la limite, peu m'importent les sources de la loi. Ce sera la loi, et elle sera suffisamment forte pour donner appui aux règlements qui permettront de faire des progrès, non pas après-demain, mais dès la rentrée 2019. Nous le savons depuis septembre dernier au moins ; c'était public et connu de tous. C'est pour cela qu'en octobre, il importait de nous laisser du temps. Aujourd'hui, l'échéance s'approche, et nous voulons, en toute sérénité, réaliser les avancées que nous appelons tous de nos voeux. Je n'ai rien à enlever aux grands objectifs que vous avez décrits tout à l'heure ; nous avons tous intérêt que la France soit unie pour les atteindre.
Les trois temps arrivent, et ils vont se succéder rapidement : il y a d'abord, aujourd'hui, l'examen de cette proposition de loi ; il y aura ensuite l'examen dans l'hémicycle, après celui en commission qui a eu lieu cette semaine, du projet de loi pour une école de la confiance ; enfin, il y aura l'échéance du 11 février. Sophie Cluzel et moi pourrons alors donner toutes les précisions nécessaires sur les mesures réglementaires que nous envisageons.
Pour atteindre l'objectif d'une école pleinement inclusive, nous transformons nos organisations pour qu'elles soient plus efficaces et plus pragmatiques. Nous avons donc demandé au Conseil national consultatif des personnes handicapées de nous remettre des propositions concrètes d'évolution. C'est ce que nous prendrons en compte pour le 11 février.
Ces propositions nous permettront d'offrir à l'ensemble des accompagnants des élèves en situation de handicap des emplois pérennes et professionnalisés à l'horizon de la prochaine rentrée et de la rentrée 2020, afin d'améliorer la qualité de l'accueil des enfants. Pour atteindre cet objectif, dès la rentrée prochaine, nous ne recruterons plus d'auxiliaires de vie scolaire sous contrat unique d'insertion. Autrement dit, il n'y aura plus de contrats aidés, il n'y aura que des AESH. C'est un progrès considérable. La substitution des AESH aux contrats aidés devient une réalité concrète, qui sera encore plus nette à la rentrée 2019 qu'à la rentrée 2018, jusqu'à ce qu'il n'y ait plus que des AESH, en 2020.
Comme vous le savez, jusque-là, les contraintes horaires hebdomadaires d'un écolier ne permettaient que très rarement d'offrir des temps pleins aux accompagnateurs : seulement 2 % des AESH sont à temps plein. On ne peut s'en satisfaire. Grâce aux pôles inclusifs d'accompagnement localisés, les PIAL, que nous avons mis en place par expérimentation cette année et qui sont appelés à se généraliser, il sera possible de gérer l'accompagnement des élèves depuis l'établissement. Cela permettra d'affecter plus d'heures à une même personne, donc de l'employer à temps plein, si elle le souhaite. Notre objectif est de proposer un contrat de travail plus valorisant pour les AESH. Il s'agit donc d'une étape extrêmement importante dans l'histoire de ces vingt dernières années en matière d'accompagnement des élèves ; nous aurons désormais une majorité d'accompagnants à temps plein, si ceux-ci le souhaitent. En outre, je l'annonce aujourd'hui, nous proposerons que ces embauches se fassent dans le cadre de CDD de trois ans renouvelables une fois, avec à la clé, au bout de six ans, un CDI, ce qui est évidemment un progrès considérable par rapport aux contrats aidés.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.
L'autre enjeu majeur en vue de l'amélioration de la qualité de l'accueil est la professionnalisation des accompagnateurs. Le caractère plus robuste de leur statut la facilitera. Depuis trop d'années, la formation n'a pas été suffisamment une priorité. Elle le sera. Je m'engage à ce qu'il y ait soixante heures annuelles effectives de formation, et que celle-ci ait lieu dès le début de l'année scolaire, afin que les accompagnants arrivent formés devant les élèves. C'est un autre progrès considérable par rapport à la situation actuelle.
Afin que leur travail s'articule mieux avec celui des professeurs, les AESH seront pleinement intégrés aux équipes éducatives ; ils bénéficieront d'un service de gestion dédié, d'une boîte de messagerie professionnelle, de la prise en charge de leurs frais de déplacement et, surtout, de la rénovation de leur grille salariale.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Toutes ces mesures vont nous permettre de transformer en profondeur notre approche de l'accompagnement des élèves en situation de handicap.
Pour terminer, je veux dire que la présente proposition de loi peut être elle aussi une étape importante dans cette voie – même si elle ne sera pas la seule. Nous examinerons chacun de ses articles dans l'esprit de consensus que nous devons aux familles. Nous ne retiendrons peut-être pas l'intégralité de ce que vous proposez, mais serons très attentifs à plusieurs dispositions, qui répondent à des principes que, personnellement, je partage. Je pense en particulier à l'organisation d'une rencontre entre parents, équipe éducative et AESH avant la rentrée ; il ne s'agit pas là de fixer des délais qu'on n'arriverait pas à respecter, mais de s'assurer que cette rencontre aura bien lieu en amont de la rentrée et de la prise en charge.
De façon plus générale, il convient de privilégier une vision qui nous permette d'aller vers l'école inclusive non seulement à travers la formation des accompagnants, mais aussi en mobilisant l'ensemble de l'équipe éducative, ce qui suppose de considérer l'établissement de manière globale. Cela nous permettra d'avoir à la fois un statut plus favorable pour les accompagnants et un parcours plus personnalisé pour les élèves.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM et UDI-Agir.
Je n'ai malheureusement pas le temps de revenir sur l'incident regrettable survenu il y a quatre mois ici même, qui a vu votre majorité rejeter, sans débat, une proposition de loi sur le même sujet.
Cette incroyable décision des députés des groupes LaREM et MODEM a été reçue par les accompagnants, les familles et les enfants, comme par tous les Français, comme une forme de mépris.
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
Vous avez aujourd'hui l'occasion de gommer l'attitude indigne que vous aviez eue alors.
Nous n'épuiserons évidemment pas le sujet ce soir avec le présent texte : il nous faudrait beaucoup plus de temps que les quelques heures qui nous sont octroyées par le règlement de l'Assemblée. Notre groupe, sachez-le, n'a qu'une seule journée par an pour défendre ses propositions de loi. Je ne reviendrai donc que sur les deux premiers articles, essentiels à mes yeux. Complémentaires, ils contiennent deux mesures fortes pour répondre à l'urgence et au désarroi des familles comme des AESH.
Le premier a pour but d'améliorer la préparation de la rentrée scolaire des élèves en situation de handicap et d'assurer l'affectation des AESH au moins un mois et demi avant celle-ci. C'est là une mesure indispensable pour que les familles abordent avec sérénité cette étape parfois redoutée.
Le deuxième vise à répondre à la précarité des AESH, à leur manque de formation et de reconnaissance. Cela, parfois, les use jusqu'à l'épuisement. Je parle ici, non de quelques personnes, mais de dizaines de milliers de salariés – de 80 000 à 100 000 – , souvent des femmes seules avec enfants. Leur métier difficile, ces AESH le vivent pourtant, pour la majeure partie d'entre eux, avec passion.
La dure réalité de cette profession d'accompagnant d'élèves en situation de handicap, je la résumerai en quelques mots : des temps partiels subis ; des contrats en CDD renouvelables six fois ; aucune garantie de « CDIsation » ; la possibilité d'être remercié si les budgets nécessaires ne sont pas au rendez-vous ; un salaire de 700 euros par mois en moyenne, pour vingt à vingt-cinq heures de travail. Cette réalité quotidienne, monsieur le ministre, est celle de dizaines de milliers de personnes en France, absolument indispensables, trop souvent méconnues et largement invisibles.
Nous proposons donc une « CDIsation » des AESH, un développement de leur formation continue et une association des accompagnants au suivi et aux équipes de suivi des élèves. C'est donc l'indispensable amélioration des conditions d'exercice du métier d'AESH que nous voulons, dès aujourd'hui ; c'est la reconnaissance de cette profession et de celles et ceux qui l'exercent que nous proposons sans attendre ; c'est une évolution positive qui améliore le métier et intègre davantage encore ces personnels dans les équipes des établissements scolaires, afin qu'ils en deviennent des membres à part entière.
Tel est l'enjeu de cette proposition de loi. La balle, c'est vrai, est dans votre camp. Il y a trois mois, vous avez rejeté le texte dont je parlais sans discussion ; il y a huit jours, en commission, vous avez vidé celui qui nous est ici soumis de tout contenu pour le voter, cyniquement. Mais ce matin, et je m'en félicite, retournement de situation, à nouveau en commission : les députés de la majorité ont voté le rétablissement du texte initial du groupe socialiste, presque à l'identique. Tant mieux ! Mais mon optimisme de ce matin, monsieur le ministre, est un peu émoussé, je dois vous le dire, par votre intervention d'il y a quelques minutes.
Vous avez écrit le texte de la vôtre avant que je monte à la tribune !
Non, non, je viens de l'écrire en vous écoutant.
J'ignore ce qu'est un « contrat robuste » : cela n'existe pas dans le code du travail, nous sommes bien d'accord ?
Nous ne connaissons que le CDI. Et c'est d'un CDI dont les AESH ont besoin, tout de suite. Cette proposition de loi, monsieur le ministre et, surtout, chers collègues de la majorité, peut être votée dans son intégralité dès ce soir, quitte à l'améliorer, bien entendu, à l'aune des conclusions de la concertation du 11 février ou du projet de loi pour une école de la confiance.
Murmures sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Mais personne, ni les familles, ni les enfants, ni les accompagnants, ni aucun Français, ne comprendrait que vous ne commenciez pas dès ce soir. J'espère donc vraiment que, ce soir, les mots ou les votes des députés de la majorité, comment dire, ne contrediront pas ceux de la matinée en commission. On a en effet dénoncé, chez certains députés ou ministres de la majorité, des retournements de vote entre la présente législature et la précédente. J'espère donc que les députés de la majorité n'oublieront pas, ce soir, le vote qui a été le leur ce matin même.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. – Mmes Caroline Fiat et Elsa Faucillon applaudissent également.
À dix-huit heures cinquante, M. Francis Vercamer remplace Mme Annie Genevard au fauteuil de la présidence.
Depuis 2006, le nombre d'élèves en situation de handicap scolarisés en milieu ordinaire a plus que triplé, passant de 100 000 à 320 000. La scolarisation de ces élèves constitue donc une priorité nationale, et l'on peut saluer aujourd'hui ces chiffres en hausse, qui témoignent d'une inclusion en marche.
Penser une meilleure inclusion des élèves en situation de handicap, c'est leur donner les moyens de vivre leur scolarité, leur enfance, leur jeunesse dans un milieu qui leur permette d'abord de se sentir bien, de se sentir à leur place, d'évoluer et de créer du lien. Pour certains d'entre eux, ce seront dans des établissements spécialisés ; pour beaucoup d'autres, ce sera à l'école, cette école où l'enrichissement sera autant pour eux que pour leurs camarades de classe.
L'analyse et l'évaluation des besoins de chaque élève handicapé doivent s'accompagner de la recherche de la meilleure adéquation avec son environnement scolaire. C'est tout le sens de la proposition de loi discutée aujourd'hui, et je remercie bien sûr notre collègue Christophe Bouillon pour son travail, qui nous donne ainsi l'occasion de débattre de ce sujet fondamental pour la transmission, à nos enfants, des valeurs citoyennes et fraternelles.
Le texte, il est vrai, a été élagué en commission, ce qui m'amène à redire notre volonté d'un travail global sur tous les points qui feront de notre école de la confiance une école où chaque élève aura la place qui doit être la sienne.
Vous avez lancé en octobre 2018, monsieur le ministre, la concertation « Ensemble pour une école inclusive ». Le rapport qui sera prochainement rendu dans ce cadre, et que nous attendons avec impatience, marquera, nous voulons le croire, le point de départ d'un nouveau débat, lui-même suivi, nous l'espérons aussi, d'une nouvelle grande étape pour l'inclusion scolaire dans notre pays. Ce débat fondamental nous permettra de poser une question de société : penser une meilleure inclusion des élèves en situation de handicap conduit, in fine, à nous interroger sur les valeurs et sur la République que nous voulons.
Penser une école inclusive, c'est placer l'enfant et son épanouissement au centre de nos réflexions. Pour ce faire, il convient d'intégrer au débat toutes les modalités d'inclusion. L'association étroite des familles avec l'accompagnant scolaire et l'ensemble des acteurs permet un partenariat approfondi et actif à toutes les étapes du projet de scolarisation de l'enfant. Je ne puis que saluer cette démarche.
Sur l'article 4, j'avais présenté, en commission, un amendement sur la formation des accompagnants. Je pense en effet que cette formation, dans ses contenus, doit transmettre un socle commun, complété par une année de spécialisation afin de répondre au mieux aux besoins spécifiques de l'élève et offrir aux accompagnants des perspectives d'évolution.
Si l'objectif est d'assurer une accessibilité complète à l'horizon 2027, il convient ici, à travers l'article 7, d'étudier plus en profondeur ce sujet spécifique. En effet, beaucoup d'efforts ont été faits en matière de normes pour une accessibilité physique des élèves en situation de handicap. Toutefois, en tant qu'ancienne directrice d'école, j'ai souvent constaté que l'aménagement des classes devait être conçu, non seulement pour la desserte et la sécurité, mais aussi pour le confort et les conditions de travail, afin de les rendre optimales selon les différents types de handicap.
Une école vraiment inclusive est aussi une école où l'équipe pédagogique – et, éventuellement, l'enseignant référent – est pleinement intégrée dans le projet de construction d'un bâtiment scolaire – de fait, elle l'est souvent puisqu'il s'agit, dans la plupart des cas, d'une reconstruction. C'est à quoi tend mon amendement à l'article 7.
Enfin, pour ce qui concerne l'article 8, je veux évoquer les débats tenus lors du Conseil national des troubles du spectre de l'autisme et des troubles du neurodéveloppement. Aujourd'hui, quatre-vingt-dix indicateurs permettent d'établir des connaissances statistiques sur les besoins des personnes en situation de handicap, mais seulement trois sont utilisés. Soyons lucides : s'il est difficile d'établir une base de données à partir de trois indicateurs, il est évident que cette situation reflète les difficultés matérielles, humaines et financières des ARS – agences régionales de santé – , des MDPH ou encore des écoles pour établir un diagnostic sur les territoires. À terme, un travail de coordination doit être pensé sur ce sujet.
Travailler à une meilleure inclusion de nos élèves en situation de handicap est en effet un enjeu de société ; à cet égard, il convient de nous remettre sans cesse en question et d'aller toujours plus loin pour ces enfants « dys », autistes, atteints d'un TDAH – trouble de déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité – malentendants ou en situation de handicap physique.
Je n'omets évidemment pas, dans le débat, les conditions de travail des accompagnants – temps partiel ou emploi du temps annualisé, par exemple – , ni leurs conditions salariales, qui les placent souvent dans une situation précaire. Je reste fermement attachée à une revalorisation de ce métier, qui n'est pas exercé que par des femmes seules avec enfants : je veux y insister, car cela me fait mal lorsque je l'entends dire.
Ce métier est essentiel à l'inclusion scolaire et, une fois de plus, aux valeurs que nous défendons sur le handicap.
Je terminerai par un axe de réflexion qu'il nous faut garder à l'esprit pendant nos débats : une école vraiment inclusive doit préparer ces jeunes à l'autonomie, au marché du travail. L'accompagnement doit donc se penser en vue de l'autonomie des élèves. Les accompagnements peuvent être différents, espacés, et il convient de mettre en place toutes les mesures pour que chacun puisse être gagnant.
Fort de l'opinion qu'il se fait du rôle de l'opposition dans le débat démocratique, et parce qu'il partage, monsieur le rapporteur, vos convictions sur la nécessité d'agir pour une meilleure inclusion des élèves en situation de handicap, le groupe UDI-Agir et indépendants souhaite l'examen de cette proposition de loi qui place en son centre l'intérêt de l'élève, afin d'améliorer au mieux l'environnement dans lequel il évolue.
Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-Agir et LT, ainsi que sur quelques bancs du groupe LaREM. – Mme Maud Petit applaudit aussi.
En octobre dernier, le Gouvernement lançait la concertation « Ensemble pour une école inclusive ». Hélas, tout porte à croire, aujourd'hui, que les actions menées en la matière se situent largement en deçà de l'urgence de la situation. Les moyens mobilisés ne sont ni à la hauteur des ambitions affichées, ni, surtout, des besoins exprimés. Certes, nous nous félicitons que ce sujet soit à l'ordre du jour : je ne conteste pas ici les intentions ; je ne parle que des actes.
Avant même les déclarations affichées, le ministère de l'éducation nationale fermait, sans même prévenir les professeurs et les parents, la seule classe de langue des signes du département de Seine-Saint-Denis, dont je suis député. Ce n'est pas là un cas isolé ou anodin. Je tiens à le rappeler, à la rentrée dernière, cette fois à Argenteuil, une autre classe spécialisée fermait elle aussi ses portes, dans une certaine indifférence des responsables académiques. Des élèves de niveau élémentaire se sont ainsi retrouvés dans des classes de niveau cinquième, ce qui, vous en conviendrez, est une aberration pédagogique et, sans doute, une marque d'irrespect pour les enfants concernés.
Aucun accompagnement spécifique, si ce n'est celui de professeurs dévoués, comme toujours, mais pris au dépourvu, n'a été prévu lors des réorientations. Ce n'est là qu'un triste indicateur de la marginalisation dans laquelle, parfois, le Gouvernement plonge ces structures spécialisées, dont l'efficacité n'est pourtant plus à démontrer.
J'y insiste : l'enseignement en langue des signes s'est révélé un excellent outil en offrant aux enfants sourds les conditions optimales de leur intégration. Les classes spécialisées sont les seules à proposer un enseignement adapté à la situation des élèves. Ce n'est pas aux élèves de se conformer aux structures, mais à l'éducation nationale de s'assurer que personne ne soit laissé sur le côté. En détruisant les structures adaptées, vous entretenez en quelque sorte, monsieur le ministre, le mythe de l'inclusion spontanée. La réalité, cependant, est la marginalisation et le recul des ambitions affichées. La seule justification apportée à ces fermetures, en général, est le manque d'élèves demandeurs. Mais la réalité est bien différente.
La suppression de dizaines de milliers de contrats aidés a accentué cette logique d'exclusion. Elle a touché, entre autres, des associations et des services publics dont certains participaient à l'insertion des personnes handicapées.
En effet, selon une étude de la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques du ministère du travail – DARES – datant de 2016, 64 % des recrutements dans le secteur marchand ne peuvent avoir lieu sans ces dispositifs. Ainsi, les intéressés ont encore moins de possibilités d'intégrer le monde professionnel alors que leur taux de chômage est déjà deux fois supérieur au chômage global, ce qui le porte à près de 20 %.
À ces difficultés patentes touchant l'emploi s'ajoutent celles de l'accessibilité, notamment du logement. À ce sujet, je proteste contre la manière dont, par la loi dite ELAN, le Gouvernement a abaissé à 10 % du nombre total de logements la proportion de logements neufs accessibles, alors même qu'aujourd'hui, des 155 000 appartements neufs construits chaque année, seuls 109 000 sont respectueux des normes en question. Cette décision ne pourra que dégrader les conditions d'accueil.
En outre, comment nos collectivités pourraient-elles rendre accessibles les bâtiments et l'espace public alors que le Gouvernement ne cesse de baisser leurs dotations ? Et il en va de même des prestations : le Gouvernement s'obstine ainsi à refuser de porter l'allocation aux adultes handicapés au-dessus du seuil de pauvreté.
Ces problèmes, nous ne pouvons les ignorer. La proposition de loi déposée par le groupe Socialistes et apparentés, que je tiens à remercier, nous semble donc aller dans le bon sens. Elle donne des pistes de réponse qui ne sont parfois que des pistes, mais qui ont le mérite d'exister et qui sont justes.
Je conclurai en insistant, après Laurence Dumont, sur la précarisation des AESH, qui ne saurait durer plus longtemps. Quand il y va de la marginalisation des personnes handicapées, il n'est pas possible de faire des compromis. La pleine accessibilité des établissements scolaires, des logements et de toutes les structures doit être garantie partout.
En conséquence, nous soutiendrons cette proposition pour que le débat ait lieu et que des décisions soient prises.
Applaudissements sur les bancs des groupes FI et SOC.
Je n'utiliserai pas tout le temps de parole qui m'est imparti, car j'ai hâte, je vous l'avoue, que nous puissions enfin examiner les articles de la proposition de loi.
Il y aura bientôt quatorze ans qu'a été votée la belle loi de 2005, qui portait notamment sur l'inclusion scolaire. Depuis, le nombre d'élèves en situation de handicap a augmenté – notamment parce que la demande est plus importante, l'école inclusive ayant fait ses preuves ; en ce sens, c'est une bonne chose. Mais nous constatons aussi que d'immenses progrès restent nécessaires.
Toutes et tous, j'en suis sûre, vous avez été sollicités à la rentrée 2018 par des parents en difficulté, parfois en grande souffrance, mais aussi par des AESH qui déploraient le manque de moyens ou disaient ne pas avoir été contactés alors qu'ils avaient à coeur, même dans ces conditions difficiles, de continuer de faire leur travail. Nous sommes nombreux, chers collègues de la majorité, à vous avoir interpellés à ce sujet, vous poussant à davantage d'exigence. Vous nous avez d'abord répondu qu'un numéro vert avait été créé ; un numéro vert, ce n'est jamais une mauvaise chose, mais nous n'avons pas tardé à vous dire – et vous n'avez pas tardé à vous apercevoir – que cela ne suffisait pas pour remédier aux difficultés ni aux souffrances, et que la ligne était parfois saturée.
Quelques semaines plus tard, à notre collègue Pradié qui défendait ici même une proposition de loi sur l'inclusion des élèves en situation de handicap, vous avez opposé une motion de rejet préalable au motif qu'une concertation sur le sujet était en cours.
Puis vous nous avez dit qu'approchait l'examen du projet de loi pour une école de la confiance, une grande loi à laquelle il serait possible d'intégrer des propositions. Nous avons examiné le texte en commission cette semaine : toujours rien sur les AESH. Vous nous expliquez que l'on verra à la fin de la concertation, soit le 11 février, jour où nous allons commencer l'examen du projet de loi en séance publique. Il aurait été possible, je crois, d'attendre une semaine de plus avant cet examen, de manière à permettre à chacun et chacune d'entre nous de lui apporter sa contribution.
Enfin, la semaine dernière, lors de l'examen en commission de la présente proposition de loi, vous l'avez vidée de son sens ; ce matin, vous en rétablissez la teneur ; puis nous voyons arriver des amendements de la majorité qui réécrivent le texte : je vous avoue que je n'y comprends plus grand-chose.
Je vous invite donc à nous apporter des éclaircissements et, surtout, à nous permettre d'avancer ensemble. Voici donc les points qui appellent notre attention, ceux qui pourraient contribuer à débloquer les situations difficiles pour offrir le meilleur à tous les enfants de notre pays.
L'article 1er garantit l'affectation d'un accompagnant pour les élèves en situation de handicap, donc le droit pour tous ces enfants d'être scolarisés dans l'école de leur quartier. J'espère que, sur cet article, nous parviendrons à un consensus, car la situation actuelle résulte d'abord d'un manque d'aidants. Je profite de l'occasion pour dire que l'état des places en institut médico-éducatif – IME – , assez peu abordée, mérite également d'être étudié.
Quoi qu'il en soit, pour concrétiser la belle idée d'école inclusive lorsque cela est possible, il faut rendre attractif le métier d'accompagnant. Dans ce domaine, il n'y a pas de secret : si l'éducation nationale a du mal à recruter des AESH, c'est parce que les contrats sont précaires et peu attirants, comme dans beaucoup de métiers du secteur social ; en tant que conseillère départementale, j'ai pu constater qu'il en va toujours ainsi quand le salaire et les conditions de travail ne sont pas satisfaisants, et ce sont alors autant de droits et de services publics en moins pour beaucoup d'usagers. Temps partiel imposé payé au SMIC, salaire mensuel de 700 euros par mois en moyenne, six CDD d'un an renouvelables, … Cette situation suscite beaucoup de revendications : je ne m'y attarderai pas davantage.
Nous sommes très favorables à l'ensemble des mesures qui visent à préparer la rentrée des élèves, en particulier à l'article 6, qui tend à réduire les délais d'examen des demandes d'accompagnement humain. Mais nous rappelons que cette disposition ne saurait être effective sans moyens supplémentaires. Dans la MDPH de mon département, le délai est plutôt de six mois, voire davantage.
Tels sont donc les articles centraux et concrets, ceux qui permettront certainement des avancées et rendront l'inclusion scolaire encore un peu plus effective, même s'il nous restera du travail après le vote de la proposition de loi. Vous l'aurez compris, avant de nous prononcer, nous serons très attentifs à l'examen des articles et des amendements.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, FI et SOC.
Une société plus juste et plus égalitaire est une société qui refuse toutes les formes d'exclusion : cette affirmation fera certainement l'unanimité sur nos bancs. La question de l'accompagnement et de l'insertion des enfants handicapés en milieu ordinaire, dans le cadre des cycles normaux de l'éducation nationale, est évidemment une très bonne chose, tant pour les enfants en question et leurs familles que pour l'ensemble de la communauté, faite de diversité.
C'est l'une des priorités du Gouvernement – nous l'avons bien entendu, monsieur le ministre – et du Comité interministériel du handicap. Vous venez de nous rappeler les efforts que le Gouvernement va faire dans ce domaine. Il est d'ailleurs dommage que la présente proposition de loi arrive devant nous quelques jours avant la concrétisation de vos propres propositions à la suite de la concertation, ou que la durée de celle-ci n'ait pas été raccourcie de quelques semaines : on y aurait vu beaucoup plus clair et la discussion en aurait été facilitée.
Le texte est évidemment de bon sens et tout le monde le reconnaîtra, même si – soyons franc – l'étude d'impact fait quelque peu défaut pour certaines dispositions ; mais c'est souvent le cas avec les propositions de loi. L'estimation du coût nécessiterait d'être affinée. Mais nous soulignons la grande qualité des mesures proposées ; il faut évidemment aller plus loin en ce domaine.
La première proposition visant à améliorer l'accès des enfants à l'accompagnement, en garantissant une solution 45 jours avant la rentrée scolaire, allait dans le bon sens, mais nous avons été attentifs aux objections qui lui ont été opposées et nous les entendons : le dispositif ne doit pas se retourner contre l'enfant et l'organisation en place. Cela dit, la simplification de l'accès à l'accompagnement est cruciale, car il s'agit d'un véritable parcours du combattant. L'inclusion en milieu dit ordinaire n'est vraiment pas facile, notamment à cause de la complexité des situations, pour les enfants handicapés – du fait de l'éloignement, en particulier – comme pour les classes d'accueil, notamment du point de vue matériel. J'espère que cette proposition va être réexaminée ; nous espérons en tout cas des précisions sur ce point.
Notre deuxième regret à l'issue du débat en commission concerne la faiblesse de l'avancée réalisée en faveur des accompagnants. Monsieur le ministre, vous avez fait part de propositions très concrètes en la matière. Cela dit, le texte de loi permettait de baliser tous les aspects. La sécurisation du statut des accompagnants n'est pas encore acquise. On connaît leurs bas revenus, leur précarité, l'importance du turnover, qui font baisser les bras à beaucoup d'entre eux. L'AESH arrive parfois dans la classe sans information sur le handicap de l'enfant qu'il doit accompagner. Il se sent alors démuni et toutes les parties prenantes sont dans une situation très compliquée. La stabilisation du statut et la reconnaissance des compétences sont donc évidemment essentiels.
Quant à la formation, certains AESH en poste depuis plus de dix ans n'ont bénéficié d'aucun temps de formation consacré aux évolutions de l'école inclusive. Il est donc nécessaire de professionnaliser ces accompagnants, qui ne peuvent pas être considérés comme des variables d'ajustement temporaires, mais doivent prendre pleinement part au projet de scolarisation de l'enfant.
À ces demandes, le Gouvernement répond qu'il faut attendre les résultats de la concertation ; vous l'avez encore dit il y a quelques instants, monsieur le ministre. Mais chat échaudé craint l'eau froide : en octobre dernier, vous nous aviez invités à patienter, affirmant que le projet de loi pour une école de la confiance apaiserait toutes nos inquiétudes ; or ce n'est pas le cas. Rien de substantiel n'a été fait sur le sujet depuis plusieurs mois, même si des travaux ont été réalisés en amont. Comprenez donc notre impatience.
Notre groupe va évidemment prendre part avec une grande attention à la discussion des articles. Nous sommes plutôt favorables à la proposition de loi, que nous voterons à condition qu'elle soit fortifiée et que l'on y réintroduise ce que l'on en a sorti peut-être un peu précipitamment en commission. Nous nous réjouissons en tout cas de ce travail : merci et bravo pour cet engagement collectif, un beau signal pour les familles comme pour le personnel encadrant !
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
La présente proposition de loi aborde une question récurrente : l'accompagnement des enfants en situation de handicap durant leur scolarité. Nous pouvons nous réjouir que la représentation nationale s'empare à nouveau de ce thème. L'accompagnement, qu'il soit humain ou matériel, répond à un besoin spécifique d'un enfant particulier. Mais l'accompagnement des élèves en situation de handicap ne peut être un préalable à la scolarisation. Si l'accompagnement humain est essentiel pour certains, il ne peut être le seul moyen pour répondre à leurs besoins.
Accueillir ces enfants répond à la fois à une exigence de justice et à une exigence d'égalité, deux notions qui dépassent largement les clivages politiques – ce que confirme le consensus exprimé par les différents orateurs sur le sujet. Je souhaite réaffirmer ici notre vision de l'école inclusive et surtout expliquer les mesures que nous avons prises depuis notre arrivée aux responsabilités concernant la scolarité des enfants en situation de handicap.
L'accompagnement de ces élèves nécessite une approche globale que nous défendons ici avec conviction. Je rappelle que Jean-Michel Blanquer et Sophie Cluzel, soutenus par la majorité, n'ont pas attendu cette proposition de loi pour mener une politique volontariste visant à rendre l'école pleinement inclusive. Depuis vingt mois, en effet, que constate-t-on ? Plus de 40 000 AESH et 29 000 AVS en poste lors de la dernière rentrée ; 38 ULIS d'ores et déjà ouvertes, sur les 253 prévues pour tout le quinquennat ; 12 400 nouveaux emplois d'AESH financés par le budget 2019 ; près de 2,3 milliards d'euros par an consacrés à l'accompagnement des élèves en situation de handicap. Tous ces chiffres montrent notre volonté de rendre notre école pleinement inclusive.
Néanmoins, ce texte comporte des propositions qui méritent d'être débattues. C'est pourquoi la majorité défendra des amendements pour l'améliorer.
Monsieur le rapporteur, j'ai écouté attentivement votre interpellation, hier, lors des questions au Gouvernement. Permettez-moi de vous dire que nous n'avons pas la même interprétation des échanges qui ont eu lieu en commission : je pense pour ma part qu'ils ont été riches et qu'ils ont d'ailleurs permis d'adopter ce texte.
L'idée d'affecter un accompagnant quarante-cinq jours avant la rentrée scolaire est louable, mais elle ne tient pas compte des délais incompressibles inhérents au traitement du dossier, à son évaluation puis au recrutement, le cas échéant, d'un accompagnant. Nous n'en sommes pas moins tous d'accord pour considérer qu'un enfant doit pouvoir faire sa rentrée scolaire avec ses camarades, avec son accompagnant, et le Gouvernement, avec les collectivités territoriales, avec la majorité, y travaille. Nous souhaitons tous, ici, aller plus loin pour favoriser et accompagner la scolarisation des enfants en situation de handicap. Vous le savez, une concertation intitulée « Ensemble pour une école inclusive » est en cours et les conclusions en seront rendues le 11 février prochain. Nous y prêterons une grande attention. Notre méthode est simple : consulter, discuter et proposer. C'est pourquoi, aujourd'hui encore, nous discuterons.
Actuellement, les AESH accompagnent l'élève en situation de handicap non seulement pour les gestes du quotidien, mais aussi dans ses relations sociales, en facilitant son contact avec son environnement. Ils l'encouragent à gagner en autonomie et, en matière d'apprentissages, lui permettent de se recentrer, de s'organiser, bref de progresser. Nous présenterons donc un amendement pour garantir la participation des AESH aux entretiens entre l'enseignant, voire l'équipe pédagogique et les parents, car c'est indispensable. Cela contribuerait en outre à la revalorisation du métier d'AESH, laquelle passe entre autres par cette intégration aux équipes pédagogiques. De même, la création d'un référent en appui des AESH, nommé au niveau départemental, sera proposée, répondant ainsi à des demandes fortes des acteurs de terrain.
Je le répète, cette proposition de loi engage le débat sur la question cruciale de l'école inclusive ; c'est louable, c'est nécessaire mais il faut prendre le temps de bâtir des réponses à la hauteur de la situation. Certes, le statut des accompagnants est un des enjeux mais il y en a d'autres tout aussi importants, comme l'accessibilité universelle de l'école, l'intégration des équipes médico-sociale au sein même de l'école ou encore la formation des enseignants.
Pour toutes ces raisons, le groupe La République en marche accepte volontiers de débattre sur le fond et discutera dans le détail tous les articles du texte.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
Quatre mois. Quatre mois se sont écoulés depuis l'examen de la proposition de loi pour l'inclusion des élèves en situation de handicap que j'ai eu l'honneur, au nom des députés du groupe Les Républicains, de défendre devant l'Assemblée. Permettez-moi, monsieur le ministre, au risque de vous agacer, de vous dire que je ne marcherai pas : votre petite stratégie de l'ardoise magique qui permet de tout effacer est trop facile. Cet épisode d'il y a quatre mois ne s'oubliera pas, et j'entends être clair dès le début de mon propos : il faudra bien plus qu'un semblant d'écoute pour effacer une offense. Une offense, et un mépris, non seulement adressés aux députés de toutes les oppositions qui, sur le sujet essentiel du handicap, ont eu l'intelligence de dépasser les clivages ; mais surtout une offense faite aux familles, aux accompagnants du handicap, aux enfants.
Nous n'avons pas oublié. Personne n'a oublié. D'un revers de main, sans débat, sans prendre la peine d'examiner un seul amendement, avec un mépris que personne n'avait jusqu'ici osé, vous avez mis à la corbeille une proposition de loi qui aurait pourtant pu faire avancer les choses. Et si cet épisode a eu le grand écho dont nous nous souvenons tous, ce n'est pas sans raison et il est nécessaire d'y revenir pour comprendre et ne pas reprendre pareille voie.
La première raison tient au sujet, à sa gravité et à son urgence. Le handicap, plus particulièrement à l'école, est en effet une urgence pour la France : plus de 340 000 enfants accompagnés, des milliers encore sans solution ; plus de 80 000 accompagnants dont le statut précaire est indigne de leurs missions ; des formations trop fragiles, alors que les situations imposent bien davantage.
Depuis, peu de choses ont évolué. Plus stupéfiant encore : dans le projet de loi pour une école de la confiance, défendu par vous-même, monsieur le ministre, le mot « handicap » n'apparaît nulle part. Pas une seule fois !
La seconde raison de cette colère tient, mes chers collègues, à une attitude clanique et brutale. La charge symbolique de votre motion de rejet préalable fut dévastatrice. Il ne s'agissait pas seulement de rejeter le texte et ses propositions, non : il s'est agi pour les députés de la majorité et pour le Gouvernement de saboter le débat parlementaire. Vous avez rejeté le débat, ici, à l'Assemblée. Les Français, sur le terrain, vous ont durement mais justement renvoyés à vos responsabilités. Car oui, chers collègues, lorsqu'on est un élu de la nation, lorsqu'on est un représentant du peuple, on doit assumer ses votes, même les moins glorieux ; lorsqu'on est député, il n'y a pas de vote discret, invisible, effaçable.
Vous avez, il y a quatre mois, fait l'expérience directe de la démocratie. En rejetant, il y a quatre mois, notre proposition de loi, co-écrite avec tous les groupes d'opposition, loin des clivages sectaires, vous avez, si j'ose dire, blessé la mission parlementaire. Vous avez blessé la mission de député du peuple
« Oh là là ! » sur les bancs du groupe LaREM
en ignorant les cris d'urgence de tant de nos concitoyens. Vous avez blessé la mission de député en usant de la facilité de renvoyer aux règlements, aux décrets, en oubliant que notre rôle, essentiel, premier, est de fabriquer la loi, de changer la société. Or pour faire grandir la cause du handicap, il faut la force de la loi. Vous avez blessé la fonction de député en vous réduisant au rôle de secrétariat docile et discipliné du Gouvernement. Cette forme de démission est une chose grave.
Ne vous y trompez pas : si notre pays en est où il est, c'est aussi et peut-être même d'abord parce que vos attitudes, votre « déconnexion » du réel, exaspèrent les Français.
Aujourd'hui notre collègue Bouillon, au nom du groupe socialiste, porte à nouveau cette cause capitale au coeur de nos débats. Les députés Les Républicains, lors de l'examen en commission, ont manifesté leur soutien à son texte. Comme les socialistes, les communistes, les insoumis et les constructifs l'avaient fait pour notre proposition, nous soutiendrons vigoureusement l'initiative de notre collègue. Nous rassembler sur de tels sujets, c'est notre honneur et nous l'avons fait avant même que vous ne nous donniez des leçons.
Merci donc à notre collègue pour son travail qui va dans le bon sens. Ou plutôt, devrais-je dire, qui allait dans le bon sens… Il allait dans le bon sens avant que la majorité ne s'emploie à le vider de sa substance. En commission, les députés de la majorité n'ont pas déposé un seul amendement – c'est devenu une habitude – mais ils ont en revanche méthodiquement, mécaniquement, supprimé tous les articles essentiels du texte pour n'en laisser que quelques-uns, plus secondaires.
Les députés de la majorité ont ainsi supprimé l'article qui traitait de la question centrale du statut des AVS, des AESH et des contrats aidés. Vous avez supprimé l'article qui traitait des délais d'examen des demandes des MDPH alors même que le Défenseur des droits ne cesse de nous alerter sur ces situations. Vous avez supprimé l'article qui aurait permis de s'assurer d'effectifs réduits au sein des classes accueillant les enfants différents. Bref, vous avez voté contre l'essentiel pour ne laisser que l'accessoire. Vous avez fait semblant. Vous avez dépecé ce texte, sans vergogne, sans avoir vraiment retenu la leçon de l'épisode précédemment évoqué – à cela près que vous avez eu l'intéressante idée de déposer, sous la bénite étiquette « La République en Marche », certains amendements reprenant plusieurs propositions issues de nos textes.
Vous connaissez certainement cette espèce animale, celle des coucous gris qui, bien incapables de se fabriquer eux-mêmes un nid, vont pondre dans celui des autres.
Rumeur sur les bancs du groupe LaREM.
Malheureux de ne pas avoir vraiment de nid, de ne pas avoir vous-mêmes d'idées, vous reprenez les nids des autres. Le « nouveau monde » semble peuplé de ces nouveaux coucous politiques.
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.
La méthode est moins visible mais elle reste la même : balayer toutes les avancées significatives et courageuses en matière de handicap, ne vous en déplaise, mes chers collègues.
Nous devons traiter des sujets importants. Ne passons pas à côté de l'essentiel. Dans un instant, les députés Les Républicains vont discuter du statut des accompagnants, des formations, des délais de traitement des demandes – concrètement, sérieusement, efficacement. Évidemment nous vous entendons déjà : « attendons les consultation du Gouvernement »… Hier il fallait attendre la loi pour une école de la confiance, dans laquelle il n'y a, je le répète, rien en faveur du handicap ; aujourd'hui il nous faudrait attendre vos consultations ! Vous promettez des mesures concrètes dès le 11 février au soir alors même que les consultations ne seront terminées que depuis quelques heures. Pourquoi ce bricolage ? Nous ne voulons plus attendre. Nous avons déjà procédé à des auditions, nous connaissons, nous mesurons l'urgence de la situation, des dizaines de rapports ont été publiés. Nous avons des solutions crédibles à proposer et nous souhaitons les voter.
Nous allons débattre de ce texte car il semblerait que vous ayez compris la moitié de la leçon. Les députés Les Républicains assumeront pleinement leurs responsabilités. Nous allons voter, soutenir, discuter, amender. Nous allons réintroduire la question essentielle du statut des accompagnants, de leurs formations, des délais d'examen des demandes. Nous allons être force de proposition, défendre des idées audacieuses, comme nous le faisons depuis plusieurs mois sur ce sujet. Car, contrairement à ce que vous soutenez, l'opposition propose et vous, la majorité, vous rejetez.
Monsieur le ministre, la loi de la République ne se fait pas dans l'ombre de votre bureau : elle est votée ici, à l'Assemblée, par les députés. Si vous respectez le Parlement, laissez-le travailler, ne l'ignorez pas. Et à ceux qui nous reprochent de revenir sans cesse à la charge sur ce sujet, je réponds clairement : nous ne lâcherons pas. Certains combats méritent, imposent une totale, une absolue détermination. Alors oui, nous sommes décidés à faire avancer la place du handicap au sein de l'école. Et si, pour y parvenir, il faut vous placer face à vos propres faiblesses, à vos propres incohérences, nous le ferons. S'il faut rabâcher pour espérer que vous commenciez à comprendre, alors nous rabâcherons aussi souvent que nécessaire.
Car ce combat, nous ne le menons pas pour nous-mêmes, nous le menons pour les familles, pour les élèves, pour la société et pour l'idée que nous nous faisons de l'école de la République. Ce combat, il doit être plus grand que nous. Il n'est pas pour demain, ni après-demain, il est pour aujourd'hui.
Applaudissements sur les bancs des groupes LR et SOC.
Pour commencer, je suis tout de même un peu surprise, dans ce lieu où doit régner le respect mutuel, de me voir traitée de coucou.
Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM et LaREM.
Ce n'est pas l'idée que je me faisais de ce lieu de la République.
Si le sujet crucial de l'amélioration des conditions de l'accueil des élèves en situation de handicap à l'école fait régulièrement l'objet de débats à l'Assemblée, il va de pair avec celui de leur accompagnement tout au long de leur scolarité. Un accompagnement qui est depuis longtemps insatisfaisant, quoiqu'il y ait aussi de vraies réussites locales dont j'ai pu être témoin ces dernières années dans mes classes, mais qui demandent évidemment à être étendues.
Nous nous réjouissons donc que la représentation nationale s'empare une nouvelle fois de cette problématique. Le Gouvernement s'y attelle avec force et détermination, par l'action conjuguée de Jean-Michel Blanquer et de Sophie Cluzel.
Toutefois, nous regrettons ce calendrier trop serré. En effet, les conclusions de la consultation des acteurs, qui est en cours, devraient être rendues le 11 février, ce qui sera l'occasion, espérons-le, d'annoncer des mesures pour mieux prendre en charge les élèves en situation de handicap.
La proposition de loi du jour en faveur d'une école vraiment inclusive présente au moins le mérite de nous permettre de débattre d'un sujet central et d'acter de nombreuses avancées. Il est de notre responsabilité de continuer à améliorer l'accueil de ces enfants. Cette année, 340 000 enfants en situation de handicap doivent être scolarisés. 175 000 d'entre eux, soit 6 % de plus qu'à la rentrée précédente, ont besoin d'un accompagnement. Les premiers jours de l'année scolaire ont révélé des retards et des dysfonctionnements dont nous ne pouvons nous satisfaire.
Il est donc primordial de trouver une solution pour – et avec – les AESH. En effet, nous ne voulons pas imposer des solutions qui n'aboutiraient pas. À l'heure du grand débat national, l'éthique du dialogue doit être respectée à tous les échelons. Nous aimerions ne pas passer par-dessus la tête des acteurs engagés dans la concertation.
Certes, nous devons trouver des réponses, mais des réponses qualitatives. La concertation doit nous permettre d'aller plus loin, de construire et de réfléchir ensemble à des améliorations concrètes. L'intégration doit se faire dans les meilleures conditions afin de trouver des réponses adaptées aux besoins des enfants et des accompagnants. À ce titre, nous devons légiférer convenablement et dans un esprit constructif. Il est donc logique de connaître la teneur des échanges en cours avant de voter une nouvelle loi.
Par ailleurs, l'essentiel des mesures dont nous discutons ne relèvent pas du domaine législatif mais du domaine réglementaire. N'empiétons pas sur le terrain des vrais acteurs et des premiers concernés.
Le groupe du Mouvement démocrate voit dans cette nouvelle proposition de loi l'opportunité de participer à la réflexion actuelle, de débattre, de proposer. Aussi a-t-il déposé en commission des amendements notamment pour étendre les missions des équipes de suivi de la scolarisation à un rôle d'interface avec les parents.
Il souhaite se saisir de cette occasion pour rappeler trois principes importants qui doivent guider notre réflexion.
Tout d'abord, les politiques publiques doivent tenir compte des différents degrés de handicap pour orienter l'enfant vers la structure qui sera la meilleure pour lui. Si les contacts entre enfants handicapés et non-handicapés sont à rechercher autant que possible, le placement par principe d'un enfant handicapé en milieu scolaire peut aussi lui être préjudiciable. La personnalisation est la clef.
Ensuite, il est indispensable de réfléchir à l'accompagnement des personnes en situation de handicap, enfants ou adultes, en termes de parcours. La continuité du parcours, la lutte contre les ruptures doivent être des priorités à chaque étape de la vie, comme le préconise le rapport Piveteau, mais également à l'échelle de la journée de l'enfant. C'est pourquoi nous avons accueilli favorablement la proposition, à l'article 3, d'une meilleure association des accompagnants au parcours de l'élève.
Troisièmement, il est important de ne pas faire preuve de démagogie et de prendre le temps de bâtir des réponses à la hauteur de la situation.
Le groupe Modem et apparentés souhaite que les propositions qui seront appliquées dès la rentrée 2019, suite à la concertation « Ensemble pour une école inclusive », lancée auprès du Conseil national consultatif des personnes handicapées, prennent en compte les trois principes énoncés.
Cette concertation, annoncée dès juillet 2018 et qui a débuté en octobre, illustre l'action de la majorité pour favoriser l'accompagnement des élèves en situation de handicap. Ainsi, depuis le début du quinquennat, le statut unique d'AESH, aidant à l'inclusion scolaire, a été partiellement revalorisé par le passage d'une logique de recours aux contrats aidés à une logique de professionnalisation. Le projet de loi de finances pour 2019 prévoit d'ailleurs de financer 12 400 nouveaux emplois d'AESH. Au total, 43 041 équivalents temps plein d'AESH seront financés cette année et plus de 29 000 emplois aidés ont été créés.
De surcroît, le décret du 27 juillet 2018 consolide la formation initiale du diplôme d'État d'accompagnant éducatif et social, qui comporte une spécialité « éducation inclusive et vie ordinaire », en affichant l'obligation d'un volume de soixante heures de formation continue. Des mesures de simplification et d'amélioration du système d'information des Maisons départementales des personnes handicapées de Paris sont d'ores et déjà programmées pour en simplifier le fonctionnement. Par exemple, l'allocation aux adultes handicapés sera octroyée à vie lorsque le handicap n'est pas susceptible d'évoluer. Il ne sera plus nécessaire de déposer un nouveau dossier à la MDPH tous les quatre ans.
Parallèlement, trente-huit unités localisées pour l'inclusion scolaire – ULIS – ont été créées, après les quarante unités déjà mises en place en 2017 et 2018 au sein des lycées d'enseignement général, technologique et professionnel. L'objectif est d'ouvrir 250 ULIS supplémentaires au lycée d'ici 2022.
Le groupe Modem se réjouit de ces avancées mais, malgré des progrès indéniables ces dernières années et une politique volontariste de notre Gouvernement, trop d'obstacles persistent pour une scolarisation appropriée des élèves handicapés. L'intégration des élèves handicapés à l'école reste un défi majeur. Si de nouveaux outils se développent, les questions liées aux délais et à la continuité de l'accompagnement, à la lutte contre les ruptures, à chaque étape de la vie mais également à l'échelle de la journée de l'enfant, sont particulièrement saillantes. Trouver une réponse à ces questions est primordial pour notre famille politique.
C'est pourquoi nous pensons que le texte issu de la commission comporte un certain nombre d'avancées non négligeables qui permettent d'amorcer un mouvement sur le long terme pour améliorer les conditions de travail des personnels encadrant et des élèves.
Nous prenons acte de la volonté du Gouvernement et de la majorité, à laquelle nous appartenons pleinement, de proposer des éléments concrets, en particulier un meilleur accompagnement et une meilleure concertation entre les parents et les enseignants en charge de l'enfant, l'association des personnels d'accompagnement dans le suivi de la scolarisation, et enfin l'amélioration des connaissances statistiques dans ce domaine. Ce sont là des éléments qui restent à améliorer. La concertation aboutira très rapidement et nous pourrons nous appuyer sur les conclusions qui en ressortiront pour faire rapidement avancer la réglementation dans ce domaine.
C'est pourquoi le groupe du Mouvement démocrate et apparentés souhaite que le débat en séance puisse donner lieu à des avancées consensuelles, qui devront être amplifiées par la suite. Nous abordons donc ce débat avec confiance et dans un esprit constructif que nous espérons partagé.
Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM et LaREM.
Sophie Cluzel, secrétaire d'État chargée des personnes handicapées, l'affirmait il y a peu : « L'heure est au changement d'échelle pour construire une société réellement solidaire et fraternelle : une société du vivre tous ensemble ».
Au-delà des bonnes intentions, où en sommes-nous vraiment ?
À la rentrée 2018, près de 350 000 élèves en situation de handicap ont été scolarisés dans des établissements publics. Pour certains, ils bénéficient d'une auxiliaire de vie scolaire, pour d'autres d'un accompagnement éducatif adapté ou encore d'outils numériques qui leur permettent de suivre une scolarité proche de celle des autres élèves. Pourtant, 48 000 familles sont toujours démunies, sans solution pour scolariser convenablement leurs enfants.
Malgré les 45 milliards d'euros consacrés à la politique du handicap, beaucoup reste à faire. Si l'on peut en effet se réjouir que 95 % des enfants en situation de handicap soient scolarisés à 4 ans, on ne peut que regretter qu'ils soient exposés à un « risque » de sous-scolarisation élevé à 3 ans – entre 30 et 40 %. Par ailleurs, 37 % des parents estiment que le projet personnalisé de scolarisation n'a pas été mis en oeuvre pour leur enfant. En outre, selon le rapport rendu l'été dernier par le Haut conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge, 20 000 enfants devraient être accompagnés plus tôt, soit 8 000 enfants de 3 à 6 ans. Enfin, on ne peut parler de l'inclusion des enfants atteints de handicap sans évoquer les auxiliaires de vie et leurs conditions de vie : un salaire moyen de 850 euros par mois, cela se passe de commentaire !
Qu'ont fait le Gouvernement et sa majorité pour y remédier ? Rien. Ou plutôt si : mettre des bâtons dans les roues des députés Les Républicains comme des socialistes qui, les uns après les autres, avaient tenté de proposer des solutions.
Comme trop souvent, le travail de sape de la majorité a commencé en commission. Conformément à son habitude, celle-ci a vidé cette proposition de loi de sa substance. Pourtant, tout ne méritait pas d'être jeté aux oubliettes. J'ose espérer que le rétablissement du texte ce matin en commission prouve que vous l'aurez compris. Je prendrai pour seul exemple celui de l'article 1er, qui prévoyait qu'un élève atteint de handicap soit accompagné dès la rentrée d'une personne qualifiée pour l'aider et que cette aide soit garantie au plus tard le quarante-cinquième jour précédant la rentrée scolaire. C'est une véritable mesure de bon sens car, vous le savez, de nombreux parents ne parviennent pas à scolariser leurs enfants dans des conditions optimales.
Les mesures permettant aux accompagnants de ces élèves en situation de handicap de sortir de la précarité extrême méritent également d'être discutées. Si je ne suis pas favorable à ce qui est proposé par le texte initial, leur situation ne peut pas rester en l'état. Il faut reconnaître à sa juste valeur le travail de ceux qui aident tous ces enfants. C'est urgent.
La tentation de tout balayer purement et simplement était forte, à l'image de ce que vous aviez fait il y a quatre mois lorsque notre collègue Aurélien Pradié, préoccupé du sort de ces enfants, avait tenté de défendre une proposition de loi pour, là encore, améliorer l'intégration des élèves en situation de handicap.
Une phrase de son exposé des motifs m'avait d'ailleurs marquée tant je la trouve juste : « L'inclusion des enfants en situation de handicap est une chance pour toutes celles et ceux qui les côtoieront, les accompagneront, les comprendront comme des camarades, peut-être différents mais égaux et enrichissants. »
Pour venir en aide à ces enfants, il avait lui aussi proposé de repenser le statut de ceux qui les accompagnent, en créant un statut d'« aidant à l'inclusion scolaire », doublé d'une véritable formation qui aurait permis à certains de se spécialiser. Il était également proposé que les aidants puissent passer le BAFA – brevet d'aptitude aux fonctions d'animateur – pour travailler plus facilement dans des centres sportifs ou de loisirs. Cette mesure, que je défends également, me paraît simple à mettre en oeuvre.
Votre attitude vis-à-vis de ces propositions de loi est tout simplement incompréhensible. On aurait pu l'accepter si, dans le projet de loi relatif à une école de la confiance, quelques réponses aux inquiétudes des parents étaient apportées. Mais rien. Pas un mot de la scolarisation des enfants atteints de handicap. Le terme n'est même pas mentionné.
Pour ces enfants, pour nos enfants, cessons les discussions et mettons-nous enfin à servir le bien commun plutôt que les tambouilles partisanes.
Nous sommes tous impatients d'examiner les articles, mais je voudrais tout de même rectifier certaines choses.
Rappelons d'abord que nous nous situons dans une perspective en trois temps. Tout d'abord, ce soir, nous allons étudier en toute bonne foi chacun des articles proposés pour, je l'espère, progresser en la matière. Le projet de loi pour une école de la confiance comportera bien des mesures relatives à l'école inclusive. Je répète une nouvelle fois qu'il a été élaboré bien avant la fameuse concertation démarrée fin octobre et qui devrait s'achever le 11 février. Il était donc normal de ne pas devancer les conclusions de cette concertation et d'attendre qu'elle s'achève pour la prendre en compte. Il est étonnant de vous voir défendre le droit des parlementaires tout en reprochant au Gouvernement de prendre position avant de connaître l'avis des parlementaires et de l'ensemble des acteurs !
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Le respect du bon déroulement de cette démarche nous aura peut-être été préjudiciable, mais nous tenons à attendre que toutes les parties prenantes se soient exprimées. Des mesures seront prises pour la rentrée 2019 : nous n'aurons donc pas pris de retard, par rapport à octobre dernier ! Depuis septembre dernier, nous préparons la rentrée prochaine. Des progrès ont été réalisés. Vous avez pu en constater certains dès octobre mais la plupart résultent des discussions engagées.
Soit on fait semblant de ne pas comprendre ce que je dis, afin de nourrir la polémique, soit on le comprend et on réfléchit calmement aux moyens de progresser. Il est possible que vous passiez la soirée à me reprocher d'avoir manqué l'occasion d'octobre : chacun, qu'il se trouve dans cet hémicycle ou nous écoute à l'extérieur, pourra comprendre où est la bonne fois et où est la mauvaise foi. Je vous demande simplement, maintenant, d'entendre cela : il y a un résultat pour la rentrée 2019, que nous préparons depuis octobre dernier par une concertation. Les acteurs du handicap le savent très bien, puisqu'ils prennent part à cette concertation. Cela se réalisera.
J'espère que la tonalité que le rapporteur a bien voulu adopter, dès le début, sera celle que nous adopterons tous : une tonalité constructive, celle qui convient pour parler du handicap et des élèves handicapés, plutôt que de nos sensations.
Le troisième temps aura lieu le 11 février, lorsque nous analyserons les résultats de la concertation. Les conséquences en seront, pour l'essentiel, réglementaires puisque, comme l'a rappelé Géraldine Bannier et comme nous le savons tous, l'essentiel des dispositions applicables en la matière relèvent du règlement, même si celui-ci s'appuie bien entendu sur la loi, qu'il s'agisse de textes existants, de celui dont nous débattons aujourd'hui ou du projet de loi sur l'école de la confiance. Faut-il le rappeler, le 11 février, ni l'une ni l'autre de ces lois n'aura été adoptée. Il sera donc encore largement temps de tirer les enseignements de la concertation.
Ce processus d'écoute, de concertation, qui évite la précipitation, évite aussi de couper le blé en herbe : c'est ce qui se serait produit en octobre, puisque les propositions que nous examinons aujourd'hui sont beaucoup plus abouties que celles contenues dans la proposition de loi d'octobre. C'est une façon de faire sérieuse, qui prend le sujet au sérieux, sans chercher à le politiser mais s'efforce à l'inverse, comme l'a dit justement M. le rapporteur, de cultiver l'esprit de consensus qui existe depuis vingt ans.
Je ne reviendrai donc pas sur ce point, parce que je crois que l'explication est très claire. Tout le monde pourra s'y référer si une ambiguïté subsiste. Ce soir, je ne voudrais d'aucune de ces polémiques inutiles. Nous devons examiner les articles, et que cela nous permette d'avancer dans les mois qui viennent, afin d'avoir une belle rentrée 2019, avec de vrais progrès pour ceux qui nous intéressent : les élèves ayant un handicap, et ceux qui ont la belle mission de les accompagner.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.
La commission a supprimé l'article 1er.
Je suis saisi de plusieurs amendements, nos 76 , 46 , 59 et 43 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Le no 76 fait l'objet de deux sous-amendements, nos 81 et 82 .
Les amendements nos 46 et 59 sont identiques.
La parole est à Mme Jacqueline Dubois, pour soutenir l'amendement no 76 .
Une très grande attente, des familles comme des AESH, concerne leur relation réciproque. C'est pourquoi nous souhaitons instaurer un entretien entre la famille, l'accompagnant scolaire et les enseignants en charge de la scolarité de l'enfant, sur les adaptations et aménagements pédagogiques préconisés dans le projet personnalisé de scolarisation.
Il est en effet important de reconnaître la place des accompagnants des élèves en situation de handicap au sein de la communauté éducative, en leur donnant la possibilité de rencontrer les parents et d'assister aux réunions des équipes de suivi de scolarisation.
Par ailleurs, il demeure important pour les familles et les enfants en situation de handicap de pouvoir rencontrer la personne accompagnante au moment où celle-ci prend ses fonctions. Ces éléments contribueront à établir un lien de confiance, à favoriser la scolarité des élèves en situation de handicap dans un environnement inclusif, et à renforcer et améliorer les conditions de leur scolarité, tant du côté des accompagnants que de celui de de la famille et des enfants.
La parole est à M. Aurélien Pradié, pour soutenir le sous-amendement no 81 .
Ce sous-amendement tend à fortifier cette proposition. Mais d'abord, et comme j'ai un esprit assez étriqué, vous l'avez remarqué monsieur le ministre, je dois faire un effort pour comprendre. J'ai depuis quelques minutes l'impression d'être dans une autre dimension.
Vous avez bien raison d'appeler avec impatience à l'examen de ce texte. C'est exactement ce que nous vous disions il y a quatre mois, mais vous refusiez alors… On a bien l'impression de deux dimensions parallèles, où les délais de péremption de la mémoire ne dépassent pas quatre mois.
Mais surtout, sur ce sujet précis, le groupe Les Républicains et moi-même sommes d'accord avec la disposition proposée : il faut pouvoir disposer d'un temps qui associe les accompagnants et les parents d'élèves. Et il se trouve que nous sommes tellement d'accord avec cela que c'est ce que nous avions proposé il y a quatre mois. J'ai retrouvé ce que les députés de la République en marche nous avaient répondu en commission : c'était superflu parce que, dans la pratique, cela se faisait déjà, la loi n'était pas nécessaire en la matière, le pouvoir réglementaire pouvait y pourvoir…
Il n'y a que les mauvais élèves qui ne comprennent pas, monsieur le ministre. Les bons élèvent finissent par y parvenir. Nous avions défendu cette position il y a quatre mois, nous la défendons toujours de la même manière, à ceci près que nous demandons que cette première réunion, qui associe l'ensemble des acteurs qui accompagneront les élèves, puisse se tenir au minimum quinze jours avant la rentrée scolaire. C'est un impératif auquel vous ne trouverez pas d'obstacle matériel : il est tout à fait possible, et plus que nécessaire, que, quinze jours avant la rentrée scolaire, chacun puisse savoir ce qui se passera le jour de la rentrée. Cette réunion ne doit pas avoir lieu dans les quinze jours ou dans le mois qui suit la scolarisation de l'enfant. C'est l'objet de ce sous-amendement.
Ce sous-amendement complémentaire vise également à fortifier votre proposition, en faisant en sorte qu'il y ait, autour de la table, un autre acteur qui manque actuellement : la collectivité gestionnaire. Cela pour deux raisons.
Les collectivités sont partie prenante de la scolarisation des enfants particuliers ou différents des autres d'abord du point de vue de l'immobilier : il faut que, le jour où l'enfant commence sa scolarité, la collectivité gestionnaire du bâtiment ait prévu les aménagements de rampes et autres dispositifs, ou parfois même d'une salle de classe, pour que l'enfant soit scolarisé dans de bonnes conditions. C'est l'une des premières missions de la collectivité.
Sa seconde mission touche le domaine périscolaire : il ne s'agit pas seulement des activités qui ont lieu après le temps scolaire, mais aussi durant la pause méridienne. Il faut impérativement que la collectivité qui intervient pour gérer ces temps-là puisse participer à cette première réunion de mise en ordre de l'accompagnement autour de l'élève.
Ces deux sous-amendements associés permettent de donner un corps supplémentaire à la proposition contenue dans l'amendement. Connaissant votre esprit fortement constructif, j'imagine que vous n'y verrez pas d'inconvénient.
Je voudrais rappeler pourquoi l'article 1er, tel qu'il avait initialement été rédigé et tel qu'il a été réintroduit ce matin en commission par voie d'amendement, est essentiel. La question qui compte, pour les parents et pour l'élève, est de savoir comment les choses se passeront le jour de la rentrée. Des ratés ont d'ailleurs été signalés par des familles aux parlementaires, souvent à leur permanence. Les chiffres que nous connaissons varient entre 10 % et 15 % de difficultés de mise en oeuvre de l'accompagnement lorsqu'il est nécessaire.
L'idée, assez simple, de dire aux familles qu'elles peuvent partir en vacances en ayant l'assurance que le jour de la rentrée se passera bien pour leur enfant est essentielle.
« Exactement ! » sur les bancs du groupe SOC.
C'est même la colonne vertébrale, en quelque sorte, de ce texte.
On évoque l'idée que, quarante-cinq jours avant la rentrée, autrement dit avant l'été, il ne serait pas possible de concrétiser cela pour les familles auxquelles il a été notifié qu'elles bénéficieraient d'un accompagnant. Mais, lors de la discussion que nous avons eue en commission, j'ai assorti cet amendement d'une condition supplémentaire : que la famille ait déposé le dossier à la MDPH cinq mois avant la rentrée scolaire, soit, à peu près, en mars. Aujourd'hui, beaucoup de dépôts de dossiers ont lieu entre janvier et mars. On est donc dans la réalité !
J'en doute d'autant moins que, lors des auditions auxquelles j'ai procédé, j'ai pu rencontrer des acteurs des MDPH. Plusieurs collègues députés ont en outre rappelé le travail mené aujourd'hui par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, qui conduit une sorte d'harmonisation des systèmes d'informations entre les MDPH. Bref, on est en train d'adopter l'idée de raccourcir coûte que coûte les délais et de faire en sorte que l'on se fixe comme horizon la rentrée scolaire.
Chacun d'entre nous est capable d'imaginer le trauma, la difficulté pour les familles de partir en vacances sans savoir non seulement où l'enfant sera scolarisé, mais, alors même qu'il leur a été notifié que cet enfant aurait un accompagnant, sans savoir si celui-ci sera présent le jour de la rentrée. C'est ce qui constitue le principe fondateur de cet amendement, principe qui inspire le texte.
Je comprends la crainte que peut avoir le Gouvernement de créer un droit opposable. Mais imaginez ce qui se produirait si, sur les 12 millions d'enfants qui sont accueillis le jour de la rentrée, une proportion analogue à celle des enfants en situation de handicap, mettons 2 millions d'enfants, se trouvaient ce jour-là sans solution ! Imaginez le scandale !
Nous demandons simplement, par cet article reconstitué, que l'on puisse garantir aux familles que leur enfant, bien qu'il soit en situation de handicap, bénéficie des mêmes droits que ceux que l'on accorde à l'ensemble des petits Français le jour de la rentrée. Vous êtes capable, monsieur le ministre, de mettre 1 million d'enseignants devant 12 millions d'élèves, et nous serions incapables de le faire pour les élèves en situation de handicap ? Je n'y crois pas. Or vous faites tout pour que ce ne soit pas possible. Il faut simplement que, par ce texte, nous prenions cet engagement. Ce sera un bon signal pour les familles.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, FI et LR.
La parole est à Mme Laurence Dumont, pour soutenir l'amendement identique no 59 .
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 43 .
Affecter un accompagnant à l'élève en situation de handicap au plus tard quarante-cinq jours avant la rentrée, et faire bénéficier les familles d'un entretien avec les enseignants et l'accompagnant avant la rentrée, permettrait tout simplement aux parents d'enfants atteints d'un handicap d'anticiper leur prise en charge, de les rassurer et de les sécuriser. C'est le moins que l'on puisse faire.
Quel est l'avis de la commission sur l'ensemble de ces amendements et sous-amendements ?
Les sous-amendements n'ont pas été discutés en commission, mais je suis assez favorable au no 81. Je suis défavorable au no 82 : je pense en effet que le rapport avec les collectivités locales relève ou du conseil d'école, ou du conseil d'administration. Ce sont les lieux privilégiés des échanges avec les équipes pédagogiques, et c'est là que l'on peut demander à la collectivité locale, lorsque c'est nécessaire, d'envisager des travaux par exemple. Il serait dommage d'alourdir le rôle des équipes de suivi de scolarisation, qui reste principalement de s'occuper de l'élève. Béatrice Descamps l'a très justement dit : n'oublions pas que l'objectif doit rester de s'occuper d'abord de l'élève.
Sur l'amendement no 76 , l'avis de la commission est favorable. Personnellement, j'y suis assez défavorable parce qu'il vide de sa substance l'article 1er, tel qu'il a été écrit initialement. Il est partiellement satisfait par le droit existant. Il occulte enfin l'idée que le rendez-vous entre l'enseignant, l'accompagnant et les familles doit avoir lieu avant la rentrée scolaire.
Dans la réalité, les personnes se découvrent au dernier moment : l'accompagnant, lorsqu'il a la chance d'arriver le jour de la rentrée – mais ce n'est souvent pas le cas – ne connaît pas l'enfant et sa famille, la famille parfois ne connaît pas l'enseignant, lequel ne sait pas qu'il va accueillir un enfant en situation de handicap. Il est nécessaire de prévoir ce rendez-vous avant la rentrée. D'où mon avis défavorable, à titre personnel.
Sur l'amendement no 46 , la commission a émis un avis favorable, de même que sur l'amendement no 59 . Sur le no 43, elle a émis un avis défavorable.
Cet article 1er est important et l'on ne peut que partager l'objectif qu'il fixe, à savoir une rencontre entre la famille et l'AESH en amont de la rentrée : c'est une évidence.
Comment permettre un tel progrès ? Tout d'abord en recrutant les AESH en amont de la rentrée. Même si cela semble une évidence, c'est le premier problème à résoudre. À cette fin, il faut rendre attractif ce métier, ce que nous avons commencé de faire en recrutant, ces derniers temps, des AESH plutôt que des contrats aidés. L'objectif est d'aller encore plus loin, afin de ne plus connaître de problème de recrutement, ce qui fut le cas lors des rentrées 2017 et 2018 pour des raisons d'attractivité, alors même que les moyens budgétaires étaient alloués.
Nous devons donc résoudre ce problème pour pouvoir nous montrer ambitieux dans la réalisation du second objectif, qui est la rencontre des parents avec les AESH. Ce qui est important, c'est que l'objectif d'une rencontre en amont de la rentrée soit inscrit dans la loi. En revanche, il ne convient pas de fixer des délais, parce que, reconnaissons-le honnêtement, nous ne sommes pas certains qu'ils pourront être chaque fois respectés. Vous l'avez vous-même souligné. Je fixerai donc aux rectorats cet objectif par voie de circulaire, tout en sachant que sa réalisation dépendra de celle du premier objectif, qui est de rendre attractif le métier d'AESH.
Chacun peut comprendre que rigidifier les choses, fixer des délais trop précis aura des conséquences néfastes. On peut par exemple prévoir cet entretien quinze jours avant la rentrée : chacun le sait, le 15 août, en France, ni les AESH ni les parents ne seront là, sans compter que les rectorats sont le plus souvent en vacances du 1er au 15 août ! Le fait, comme je l'ai annoncé, de prévoir des contrats de trois ans pour les AESH permettra de travailler très en amont : un AESH de l'année N sera encore là l'année N+1, ce qui facilitera son identification et les prises de rendez-vous avec les nouvelles familles dont il pourrait s'occuper.
L'avancée que nous pouvons faire aujourd'hui consiste donc à inscrire le principe d'une rencontre en amont de la rentrée, sans fixer de délai trop précis : il ne serait pas toujours respecté, même si l'objectif doit être de le tenir.
Une députée a également eu raison de souligner, lors de la discussion générale, que nous ne devons pas faire porter toute notre attention sur la relation bilatérale entre l'AESH et la famille. L'esprit de l'école inclusive est systémique : c'est l'établissement dans son entier qui accueille l'élève handicapé. Cet accueil ne doit pas se réduire à la relation entre un élève handicapé et une personne spécialisée : cette relation est celle de l'ensemble de la communauté éducative avec les élèves en situation de handicap de l'établissement.
Les meilleurs exemples étrangers nous le confirment : chacun doit se sentir partie prenante de ce sujet, il ne doit pas y avoir de cloisonnement. Le rendez-vous en amont de la rentrée doit donc avoir lieu non seulement avec l'AESH, mais également avec le chef d'établissement ou le professeur référent en matière de handicap. Dans le système idéal que nous visons, la famille rencontrera toutes ces personnes.
L'idéal de l'école inclusive, qui progresse, nous permettra de porter un regard plus systémique. Tel est le sens des pôles inclusifs d'accompagnement localisé que nous avons créés – je les ai déjà évoqués. Les établissements, qui recevront des AESH – les premières expérimentations ont déjà été conduites – pourront affecter de façon pragmatique ces moyens humains aux différentes familles, ce qui permettra, également, d'élaborer des stratégies plus collectives.
Nous devons progresser, à la fois, en matière de relation bilatérale, grâce au principe que nous inscrivons à l'article 1er, et en matière de relation multilatérale, afin de favoriser cette logique collective que j'ai évoquée très rapidement.
Pour toutes ces raisons, je suis défavorable aux sous-amendements nos 81 et 82 , mais favorable à l'amendement no 76 et je suis défavorable aux autres amendements.
S'agissant du sous-amendement no 81 de M. Pradié, comme l'a rappelé non sans humour M. le ministre, le 15 août, il sera bien difficile de réunir les équipes pédagogiques pour cet entretien.
Plus sérieusement, il n'est pas possible de vitrifier ces réunions, comme vous le demandez – tel est le point d'achoppement entre notre amendement et les autres – dans un délai qui tourne autour de la rentrée scolaire. Ces entretiens doivent être organisés dès la mise en place du projet personnel de scolarisation de l'enfant, tout au long de l'année. C'est pourquoi, monsieur Pradié, nous sommes contre vos sous-amendements.
Nous avons le même objectif que vous : associer tous les acteurs, qui doivent travailler en concertation, mais dans le respect des prérogatives de chacun et, surtout, dans celui de l'intimité de la famille et de l'enfant. Nous faisons confiance aux équipes : elles savent quand elles doivent se réunir pour élaborer le projet d'accueil de l'enfant en situation de handicap.
Nous sommes donc défavorables à tous les amendements, exception faite, évidemment, de l'amendement no 76 .
Ce matin, en commission, vous étiez favorable aux autres amendements. Et maintenant vous êtes contre !
Nous sommes très attachés à ce que la rencontre prévue entre les parents, l'enseignant ou la direction de l'établissement puisse se dérouler le plus en amont possible de la rentrée. Le délai de quarante-cinq jours initialement prévu nous paraissait donc totalement légitime.
Une divergence s'est exprimée concernant les partenaires du rendez-vous : il convient, dans tous les cas, de préserver l'intimité, lors de cet entretien entre les parents, l'enseignant ou la direction de l'établissement. Toutefois, M. Pradié n'a pas tort de désigner la commune comme partenaire socle, à la fois pour ce qui est des conditions d'accueil matérielles et du champ périscolaire et pour garantir, le jour dit, une bonne rentrée à l'enfant. C'est la raison pour laquelle le rendez-vous doit se tenir le plus en amont possible : la collectivité doit en effet avoir la possibilité de réaliser la part qui lui revient des aménagements, souvent délicats, parfois de dernière minute, qui permettront d'assurer à l'enfant une rentrée convenable.
Pour toutes ces raisons, nous soutiendrons les amendements nos 46 et 59 , en vue d'assurer, sur le terrain, les aménagements nécessaires.
Compte tenu de l'heure avancée, je ne donnerai la parole qu'à un orateur par groupe.
La parole est à M. Aurélien Pradié.
Prenons le temps nécessaire, sur des sujets aussi importants !
M. le ministre souhaite que nous fassions preuve d'un esprit constructif. De quoi parlons-nous ? Monsieur le rapporteur, vous avez eu raison de le rappeler : de situations dont l'impréparation est telle qu'elle compromet, voire risque d'empêcher, le jour de la rentrée scolaire, celle d'enfants en situation de handicap.
Vous avez eu raison de le souligner, monsieur le rapporteur : alors que nous ne supporterions pas, dans notre pays, qu'un seul enfant ne puisse être scolarisé le jour de la rentrée pour des questions matérielles, nous semblons le tolérer lorsqu'il s'agit d'enfants en situation de handicap. Le sujet est de la plus grande gravité.
Monsieur le ministre, vous faites erreur en ne voulant inscrire dans la loi que l'objectif. Non ! La loi doit fixer le délai. Le rapporteur, dans son intervention, a rappelé la dernière expérience courageuse en matière de handicap : c'est la loi de 2005, voulue par Jacques Chirac. Si, à l'époque, le Président de la République, le gouvernement et les parlementaires avaient reculé devant toutes les contingences matérielles avant de voter la loi de 2005, nous n'aurions pas progressé comme nous l'avons fait, notamment en matière d'accessibilité ! C'est une erreur, monsieur le ministre : en République, la loi devance l'organisation matérielle. C'est la loi qui fixe le cap, pas vos circulaires ni toute autre disposition.
Dès lors qu'il s'agit de garantir des droits fondamentaux, je n'accepte pas que vous puissiez parler de vitrification ou de rigidification du droit. Quand il s'agit de défendre des droits fondamentaux, la question de la vitrification ou de la rigidification ne se pose pas !
Enfin, monsieur le ministre, vous avez mal lu mon amendement – il est vrai que vous ne semblez pas être le seul. Le sous-amendement no 81 précise que l'entretien doit avoir lieu impérativement « au moins quinze jours avant la rentrée ». Si les mots ont le même sens pour vous que pour moi, cela n'impose à personne d'organiser l'entretien le 15 août. Cette rédaction laisse à chacun toute latitude pour organiser l'entretien bien avant le 15 août.
Il faut arrêter de se faire des noeuds au cerveau. J'ai été maire d'une ville moyenne durant plusieurs mandats : chaque fois qu'il m'a été demandé d'organiser des entretiens avec des parents d'enfants handicapés et des représentants de la communauté éducative et du personnel, ces entretiens ont eu lieu. C'est une pratique courante. Est-il nécessaire d'ajouter de la contrainte à la contrainte ?
Par ailleurs, voilà longtemps que la question de la professionnalisation du personnel est posée : chacun doit balayer devant sa porte.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Je balaye devant la mienne, puisque j'ai fait partie d'une majorité.
Ce débat est une avancée et je remercie Christophe Bouillon d'en avoir pris l'initiative. Il est intéressant. M. le ministre nous rappelle que, tant que tous les personnels concernés ne seront pas professionnalisés, il sera difficile de fixer des rendez-vous obligatoires quinze jours avant la rentrée. Peut-être aurions-nous dû sous-amender l'amendement de M. Bouillon pour prévoir un délai de deux ou trois ans par exemple. En tout cas, l'avancée est déjà convenable sur le sujet. L'objectif est fixé. Réfléchissons, maintenant, à la possibilité de réduire les délais dans le cadre de prochains textes législatifs, puisque chacun a envie d'avancer dans ce domaine.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
J'ai envie de dénoncer tout de suite ce qui va se passer pendant toute la soirée : c'est un procédé classique dans nos débats parlementaires, mais ceux qui nous écoutent ne sont peut-être pas au fait de ce genre de manoeuvre.
L'amendement de Mme Rilhac a des chances d'être adopté, puisque son groupe est majoritaire. Or l'adoption de cet amendement de la majorité fera tomber tous les suivants.
Et je parie qu'il en sera de même à l'article 2 : au lieu de prévoir le recrutement des AESH en CDI, l'article sera réécrit et vidé de sa substance. La même chose s'est déjà passée en commission il y a huit jours. On nage en pleine hypocrisie ! Vous avez voté ce matin des amendements auxquels vous vous déclarez défavorables ce soir !
Je préfère dénoncer votre attitude et l'expliquer à ceux qui nous regardent peut-être sur leur écran de télévision. Les 80 000 AESH et les parents des enfants en situation de handicap sont en train de découvrir l'hypocrisie avec laquelle vous menez ce débat.
Je le répète, c'est cela qui se passera, à l'article 1er comme à l'article 2. J'en prends le pari. Vous dites partout que ce texte est formidable et qu'il faut en débattre, mais vous êtes en train de le vider de son sens et de son contenu, pour pouvoir l'adopter quand il n'y aura plus rien dedans ! Je le dénonce dès maintenant.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion de la proposition de loi pour une école vraiment inclusive ;
Discussion de la proposition de loi portant création d'un fonds d'indemnisation des victimes des produits phytopharmaceutiques ;
Discussion de la proposition de loi tendant à la création d'un fonds d'indemnisation des victimes du chlordécone et du paraquat en Guadeloupe et en Martinique.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures quinze.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Serge Ezdra