Comme vous le voyez, il me semble qu'à ce petit jeu, tout le monde est perdant.
Je suis de ceux qui sont reconnaissants à Jacques Chirac d'avoir permis le vote de la loi du 11 février 2005. Je pourrais également, puisque vous évoquiez le passé, citer les propos de Mme Sophie Cluzel lorsqu'elle était présidente d'une fédération d'associations au service des enfants en situation de handicap et qu'elle faisait le constat que beaucoup avait été fait au cours de la législature précédente.
Je ne vous propose pas de jouer à ce petit jeu-là : je vous propose plutôt qu'au terme de l'examen de cette proposition de loi pour une école vraiment inclusive, il n'y ait que des gagnants.
Pour commencer, j'évoquerai le contexte. Vous le connaissez : plusieurs rentrées scolaires où des familles, des parents et des élèves en situation de handicap ont vécu des moments difficiles, des moments douloureux, des moments emplis d'incertitudes, simplement parce qu'ils rencontraient des difficultés dans la mise en oeuvre de la notification qui leur avait été faite par la maison départementale des personnes handicapées – MDPH – du suivi auquel ils avaient droit.
On estime officiellement entre 10 et 15 % le nombre d'élèves pour lesquels une telle notification n'a pu être mise en oeuvre dès le jour de la rentrée scolaire. Il est d'ailleurs difficile de disposer de chiffres exacts pour ce jour-là car les statistiques sont souvent établies postérieurement. 10 % ou 15 %, ce n'est pas beaucoup, me direz-vous. Mais non, c'est énorme ! Imaginez de tels pourcentages transposés aux 12 millions d'élèves que compte aujourd'hui notre pays : on crierait au scandale. Nous estimons, pour notre part, que c'est un scandale que de ne pas permettre aux élèves en situation de handicap d'être prêts le jour de la rentrée, c'est-à-dire d'avoir à leurs côtés l'accompagnement qui, lorsqu'il a été notifié, leur est dû. C'est ce contexte qui nous a poussés à prendre cette initiative.
J'en viens au texte que nous allons examiner dans quelques instants. Nous ne demandons pas la lune : nous demandons que plusieurs semaines avant le jour de la rentrée, les familles aient la garantie que leur enfant en situation de handicap disposera d'un accompagnement lorsque celui-ci leur a été notifié – cela suppose que la demande ait été faite cinq mois au moins avant la rentrée.
Nous demandons que les accompagnants, dont tout le monde ici salue le travail et considère le rôle comme essentiel, bénéficient d'un véritable statut, d'une formation initiale digne de ce nom ainsi que d'une validation des acquis leur permettant de suivre un parcours de carrière.
Nous demandons que les enseignants bénéficient d'une formation, et ce partout en France, à un niveau suffisant, de façon qu'ils puissent faire face dans d'excellentes conditions à la scolarisation des enfants en situation de handicap.
Nous demandons que l'on tienne compte de la présence – ou non – d'enfants en situation de handicap scolarisés pour le calcul des effectifs. Il est en effet difficile à un certain nombre d'enseignants aux classes déjà surchargées – les témoignages abondent en la matière – de veiller à ce que la scolarisation des enfants en situation de handicap se passe dans d'excellentes conditions.
Nous demandons que l'on puisse revoir les délais d'instruction des demandes par les MDPH, et nous distinguons entre la première demande et les renouvellements. Après avoir auditionné les associations de directeurs de MDPH ainsi que les représentants de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie – CNSA – , nous considérons comme raisonnable un délai de trois mois pour l'instruction d'une première demande et d'un mois pour un renouvellement. Cet objectif nous paraît tout à fait atteignable et cadre parfaitement avec les évolutions et les réflexions en cours. Nous savons la mobilisation des différents acteurs pour y parvenir.
Nous demandons que l'on prévoie, pour les futurs établissements scolaires, qu'il s'agisse d'écoles, de collèges ou de lycées, un avis consultatif des acteurs du monde médico-social afin de rendre en définitive possible ce que vous souhaitez, c'est-à-dire ce virage inclusif qui permette demain d'y accueillir des classes adaptées dans d'excellentes conditions. Il faut anticiper ce virage et se coordonner pour permettre qu'il soit pris de la meilleure façon.
En un mot, nous souhaitons simplement que tout soit fait pour que le jour de la rentrée les solutions nécessaires soient en place.
La proposition de loi qui est soumise à votre examen ne balaie pas l'écosystème tel qu'il existe. C'est un texte charpenté, qui tient compte de l'ensemble des acteurs appelés à agir en faveur de l'inclusion ; je pense aux accompagnants, aux familles, aux enseignants, aux collectivités, à tous ceux qui peuvent jouer un rôle capital en la matière.
Après avoir évoqué le contexte, lourd, puis le texte, pragmatique et constructif, je voudrais, pour terminer, dire quelques mots du prétexte que l'on nous oppose parfois. On nous dit : « On verra plus tard ». Il y a quatre mois, lorsque notre collègue Aurélien Pradié avait proposé à l'examen de notre assemblée un texte de loi portant sur le même sujet, on lui avait déjà servi ce même prétexte. On lui avait assuré qu'un grand projet de loi serait présenté. Or il se trouve qu'à l'examen, le projet de loi dit pour une école de la confiance que vous défendez, monsieur le ministre, fait l'impasse sur le handicap. Le mot ne figure même pas dans le texte !