Intervention de Alice Thourot

Séance en hémicycle du vendredi 1er février 2019 à 9h30
Prévention et sanction des violences lors des manifestations — Après l'article 6 bis

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlice Thourot, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

Je sais que l'amendement vous est cher, monsieur Habib, et que le sujet est important. Il se situe toutefois à la limite de la proposition de loi. Sur le fond, vous proposez d'étendre le champ d'application de la loi du 29 juillet 1881 aux gestes associés à des messages racistes, antisémites et d'appel à la haine, comme les saluts nazis ou les quenelles.

Plusieurs raisons ont conduit la commission à repousser l'amendement. Je tiens à les rappeler, car le sujet est important.

Tout d'abord, réprimer un simple geste soulève des interrogations, compte tenu de l'ambiguïté inhérente à tout geste. Plus généralement, aucun geste n'est incriminé en tant que tel dans le droit français.

Ensuite, pour le faire, il faudrait connaître le contexte de sa commission, savoir s'il est public ou non et déterminer la personne ou le groupe de personnes visées. C'était le cas dans l'affaire Dieudonné.

En vertu des articles 23 et 24 de la loi de 1881, les juridictions peuvent déjà réprimer des gestes susceptibles d'être interprétés comme des provocations à la haine ou à la discrimination raciale, à condition qu'ils aient fait l'objet d'une publicité ou d'une diffusion, et après analyse du contexte de leur commission. C'était le cas, je le rappelle, dans l'affaire Dieudonné.

Aller plus loin n'irait pas sans soulever d'importantes difficultés. Il conviendra en toute hypothèse de caractériser, dans le geste poursuivi, un sens ou une portée qui incitent les tiers destinataires à nourrir envers la personne ou le groupe de personnes visé un sentiment de rejet motivé par la haine, la violence et la discrimination. Ce serait compliqué.

Enfin, sur la forme, l'amendement ne touche qu'aux règles relatives aux complices et non à la définition même des infractions. Peut-être pourrions-nous chercher une occasion de poursuivre la réflexion et la discussion à partir d'un vecteur législatif plus approprié.

Sur cette question, l'équilibre juridique est difficile à trouver. C'est pourquoi je vous suggère de retirer l'amendement. À défaut, j'émettrai un avis défavorable.

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