Intervention de Christophe Castaner

Séance en hémicycle du vendredi 1er février 2019 à 9h30
Prévention et sanction des violences lors des manifestations — Après l'article 6 bis

Christophe Castaner, ministre de l'intérieur :

Monsieur Habib, on mesure, comme l'a souligné la rapporteure, toute la difficulté de vous répondre dans le cadre d'une approche juridique, alors même que les faits que vous évoquez inspirent, à tout le moins, la honte.

J'insiste d'abord sur l'importance de ne pas lier le geste incriminé aux manifestations de gilets jaunes ou aux manifestations en général. Si, dans toute manifestation, il peut y avoir des actes, paroles ou comportements racistes ou antisémites, qui doivent évidemment être dénoncés, on constate hélas très régulièrement que ces gestes, en particulier la quenelle, se multiplient, par exemple à l'entrée de certains spectacles.

J'ai honte aussi quand je vois que des gilets jaunes sont vendus à la sortie des spectacles de M. Dieudonné M'Bala M'Bala et que je les vois fleurir le samedi dans les rues de Paris.

Je comprends votre colère et votre émotion, mais il nous faut conserver une approche juridique. Selon celle-ci, un geste, fût-il une quenelle, dont la connotation est bien connue, ne peut être pénalement condamné. C'est le lien entre ce geste et une parole, un outil de diffusion, un contexte, qui peut appeler une sanction pénale.

Aujourd'hui, incriminer le seul geste nous placerait dans une situation de fragilité juridique. À l'avenir, tout geste pourrait faire l'objet d'une sanction pénale, y compris celui relevant d'un comportement courant. Je pense en particulier à la jeunesse, qui peut ne pas se rendre compte de la puissance de certains gestes, de leur perception par des victimes de la Shoah, par exemple, mais, plus largement pour les victimes du racisme ordinaire, hélas trop courant.

Je comprends parfaitement la logique de votre amendement mais il me semble que ce serait aller trop loin, juridiquement parlant. Cette disposition fragiliserait tant ceux qui commettent des gestes idiots et condamnables moralement – mais pas nécessairement devant la justice – que les magistrats eux-mêmes, lesquels n'auraient plus la latitude d'appréhender l'ensemble de la question – gestes, mots, diffusion, contexte – et de prononcer une sanction adaptée. C'est la raison pour laquelle je vous invite à retirer cet amendement. Nous pourrions réfléchir aux moyens d'affirmer ces principes politiquement, comme vous le faites et comme je m'y efforce également, mais sans définir un cadre juridique trop contraint, qui aboutirait à des résultats éloignés des objectifs souhaités.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.