La première lecture de cette proposition de loi visant à prévenir les violences lors des manifestations et à sanctionner leurs auteurs laisse au groupe UDI, Agir et indépendants comme un goût amer. Notre groupe est favorable à l'idée de ce texte, qui était de créer un cadre nécessaire aux forces de l'ordre pour effectuer leurs missions, tout en permettant à tous ceux qui le souhaitent de manifester en toute sécurité. L'intervention du procureur concernant les fouilles, la prévision d'une évaluation annuelle du Parlement ou encore l'action récursoire de l'État selon les modalités de la responsabilité civile de droit commun sont des éléments allant dans le bon sens. Cependant, le juste équilibre entre maintien de l'ordre public et respect des libertés ne semble pas encore trouvé.
Tout d'abord, l'article 2 fait désormais reposer les interdictions administratives de manifester sur des agissements, des actes violents pouvant potentiellement démontrer la dangerosité d'un individu pour l'ordre public. Mais ces éléments de fait n'auront pu être appréciés par aucun juge. Alors qui pourra les jauger, les mesurer, les faire entrer dans la case de l'interdiction ou dans celle de la liberté ? Qui évaluera la menace et la dangerosité ?
Ensuite, malgré maintes demandes, aucune information n'a encore été communiquée sur ce qui est tour à tour appelé « pointage » ou « convocation ». Il faudrait pourtant des certitudes sur ce point car, du fait de la portée d'une telle mesure, celle-ci ne peut être laissée à la libre appréciation du préfet. La perpétuelle référence au hooliganisme est erronée, dans la mesure où l'accès à un match de football n'est pas un droit constitutionnel, contrairement au droit de manifester. La possibilité pour le préfet d'interdire à une personne de participer à toute manifestation sur tout le territoire national pendant une durée d'un mois interpelle également. Enfin, concernant le délit de dissimulation du visage, les inquiétudes perdurent. En pratique, il sera toujours aussi difficile de caractériser cette infraction. De plus, sa constitutionnalité pose toujours question. Nous sommes très perplexes sur l'applicabilité de ce texte.
Je voudrais également revenir sur la manière dont notre assemblée a travaillé sur ce texte. Plutôt que d'écrire un projet de loi avec une véritable concertation et une étude d'impact, le Gouvernement a utilisé une proposition de loi de nos collègues sénateurs, qu'il n'avait d'ailleurs pas soutenue initialement. Résultat : un travail en commission bâclé, Mme la rapporteure déposant des amendements de suppression de l'article 1er quelques heures avant leur examen. Puis, en séance, elle a déposé des amendements réécrivant certains articles quelques minutes avant la fin de l'heure du dépôt des amendements. Enfin, le Gouvernement a déposé des sous-amendements quelques heures avant la discussion en séance. Nous l'avons déjà dit sur de nombreux textes : c'est un manque de respect pour notre travail législatif.
Comme ceux défendus par d'autres groupes, nos amendements n'avaient pas pour but de dénaturer ce texte, mais au contraire de le rendre efficace. Il serait utile à l'avenir de travailler ce type de texte en liaison avec les différents groupes de notre assemblée. La difficulté n'est pas d'interdire à des personnes violentes de se rendre dans des manifestations, mais de mettre en place des mesures si peu claires que nous ne pouvons réellement savoir qui sera concerné, leur application dépendant des appréciations de chacun.
Au sein du groupe UDI, Agir et indépendants, nous souhaitons tous soutenir les projets qui condamnent toute forme de violence. Cependant, l'avis n'est pas toujours unanime quant à la manière dont ce message doit être envoyé. C'est pourquoi, si un grand nombre d'entre nous voteront ce texte, d'autres souhaitent et espèrent que la navette parlementaire permettra d'aboutir à un résultat plus équilibré.