Madame la présidente, Mes chers collègues, la communication que nous vous présentons a pour objet de faire le point sur l'entrée en vigueur de l'AECG, mieux connu sous son acronyme anglais, le CETA. Cet accord de libre-échange a fait l'objet de plusieurs années de négociations entre l'Union européenne et le Canada, avant son entrée en vigueur provisoire le 21 septembre dernier. À la demande du gouvernement, Mme Schubert, experte dans l'économie de l'environnement et des ressources naturelles, a présenté un rapport sur la mise en application du CETA et ses conséquences. Ce rapport a été remis au Premier Ministre le 7 septembre dernier. Il comporte des éléments positifs, ainsi que certaines réserves, notamment sur les volets environnementaux. Celles-ci ont déjà largement fait l'objet de prises en considération lors des négociations antérieures. Il convient en effet d'appréhender le CETA de manière plus générale, comme l'aboutissement d'un travail conduit par la Commission européenne, en vertu du mandat qui lui a été confié par les États membres.
Aussi, avant d'évoquer avec vous les points qui demeurent en suspens, j'aimerais revenir sur l'intérêt que porte la signature d'accords de libre-échange, pour l'Union européenne aujourd'hui.
L'échec des négociations conduites par l'OMC dans le cadre du cycle de Doha, depuis 2001, a conduit de nombreux États à négocier des accords commerciaux. La politique bilatérale que mène actuellement l'Union européenne dans le domaine commercial – qui demeure une compétence exclusive selon la lettre des traités – n'est rien moins que le constat d'un échec : celui des enceintes multilatérales comme celle de l'OMC. Dès lors se sont multipliées, pour l'Union européenne comme pour les États-Unis, les tentatives de signer des accords bilatéraux entre grands acteurs du commerce. Il ne s'agit de rien de moins que de définir les normes internationales que le commerce du XXIe siècle sera amené à suivre.
Les accords de libre-échange que prépare, négocie et signe la Commission ne sont toutefois plus les mêmes qu'autrefois. Depuis l'accord entre l'Union européenne et la Corée du Sud, en 2011, nous sommes entrés dans l'ère des accords dits de nouvelle génération. Ils traitent certes, de manière très classique, de l'abaissement des droits de douane, mais aussi de la coordination des réglementations ou encore des règles visant à assurer un développement durable des économies, ce qui dépasse largement le champ traditionnel du commerce. Pourquoi la Commission européenne agit-elle ainsi ? Tout simplement, là encore, pour contribuer au droit commercial international. Avant d'aborder le CETA proprement dit, il me semble important de souligner l'activité de la Commission européenne dans cette matière, puisque d'autres accords sont en cours de négociation, avec le MERCOSUR et bientôt avec l'Australie et la Nouvelle-Zélande.
Pour ce qui est du CETA proprement dit, notre communication s'inscrit dans un calendrier très particulier. La partie provisoire de l'accord est entrée en vigueur le 21 septembre dernier. L'accord a été approuvé par le Parlement européen, le 15 février 2017. Il a donc, de fait, déjà fait l'objet d'une validation démocratique.
En vertu de la définition d'un accord « mixte », l'entrée en vigueur provisoire du traité concerne le domaine de compétence exclusive de la Commission européenne. C'est le démantèlement presque complet des droits de douane qui est entré en vigueur, et on peut donc estimer que c'est la quasi-totalité du traité qui s'applique.
En raison de la mixité de l'accord, il revient aux États membres de l'Union européenne de le ratifier selon leurs propres procédures constitutionnelles. Cette étape de ratification a déjà débuté et, en l'état, sept pays ont déjà donné leur approbation. Il n'existe pas de délai particulier pour cette ratification, si ce n'est que sans elle, les dispositions qui relèvent de la compétence partagée entre États membres et Commission ne peuvent entrer en vigueur.
Les éléments qui relèvent précisément des compétences partagées par les États membres sont les suivants :
- les dispositions relatives à l'investissement, et plus précisément aux investissements de portefeuille, ainsi qu'à l'instauration d'un mécanisme de règlement des différends entre États et investisseurs ;
- les articles 27.3 et 27.4 relatifs aux procédures administratives judiciaires internes.
Je souhaite enfin vous rappeler quelques éléments quant aux conclusions du rapport de Mme Schubert. En premier lieu, le Président de la République a tenu un engagement démocratique, celui de faire progresser le débat public sur cette question, grâce à une commission d'experts indépendants.
Ce rapport d'experts répond par ailleurs à de nombreuses inquiétudes, en particulier sur la question des réglementations futures en matière environnementale et sanitaire. La synthèse du rapport le dit expressément : « La capacité des États à réglementer dans le domaine de l'environnement et de la santé est préservée par principe ». En conséquence, le principe de précaution est protégé, même s'il n'est pas explicitement repris tel quel. Le Conseil constitutionnel ne dit pas autre chose dans sa décision du 30 juillet 2017.
De plus, le gouvernement a établi un plan d'action afin de discuter à l'échelle européenne de la manière dont on peut, par exemple, négocier des accords climatiques, en parallèle des accords de libre-échange. C'est dans le même esprit que la France sera particulièrement attentive à l'impact cumulé des accords de libre-échange sur certaines filières agricoles qui pourraient être fragilisées.
Enfin, le rapport explique que le CETA est un accord dit « vivant », susceptible d'évoluer dans le temps. C'est pourquoi la France s'engage à s'assurer, au sein de l'Union européenne et en liaison avec le Canada, d'une mise en oeuvre de l'accord parfaitement conforme aux standards européens dans les domaines de la santé et de l'environnement, grâce à des garde-fous. Ainsi, les processus, comités et juridictions établis par le CETA doivent être compatibles avec les meilleurs standards, en matière d'impartialité, de transparence et d'association de la société civile. Il faudra également veiller à ce que les processus, comités et juridictions établis par le CETA soient compatibles avec les meilleurs standards en matière d'impartialité, de transparence et d'association de la société civile.
C'est donc avec un plan d'action concret et opérationnel que nous prendrons pleinement en compte les conclusions du rapport Schubert.