Intervention de Philippe Berta

Séance en hémicycle du mercredi 6 février 2019 à 15h00
Débat sur l'école dans la société du numérique

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Berta :

Les jeunes de treize à dix-neuf ans passent en moyenne quinze heures et onze minutes par semaine sur internet, les enfants de sept à douze ans, six heures dix, et ceux de un à six ans quatre heures trente-sept, d'après une enquête Ipsos réalisée en 2017. Et nous ne parlons là que du seul internet. C'est dire l'importance prise par le numérique dans la vie de nos enfants, et donc, par ricochet, dans leurs apprentissages et dans le temps scolaire.

Le numérique est un formidable vecteur d'apprentissage, parce qu'il permet un accès direct et rapide à un champ de connaissances infini, parce qu'il se décline en sites internet et applications dédiés au soutien scolaire, parce qu'il ouvre des espaces de dialogue et de confrontation d'idées. À une condition : celle de savoir bien l'utiliser.

C'est à cet égard que nous avons une responsabilité historique dont il est urgent de se saisir : celle de faire du numérique un outil utile, au service de l'épanouissement des enfants, et non un piège qui pourrait nuire tout à la fois à leur santé et au développement de leur esprit critique.

Le premier des risques, parce qu'il touche au fondement même de la santé des enfants, est la dépendance aux écrans. Une exposition excessive aux écrans peut entraîner des conséquences néfastes sur le développement du cerveau, sur l'apprentissage des compétences fondamentales, sur la concentration ou encore sur l'équilibre psychologique des enfants.

La proposition de loi relative à l'encadrement de l'utilisation du téléphone portable dans les établissements d'enseignement scolaire, adoptée en juillet dernier, est une première réponse face à ce risque. En inversant la logique, en posant le principe d'une interdiction, ce texte concourt à sortir du tout écran et à remettre le virtuel à sa place d'outil au service du réel – en l'occurrence, au service de l'apprentissage scolaire.

Il est maintenant urgent d'aller plus loin, car le numérique ne s'arrête pas à la porte de l'école, et de mener une véritable politique de sensibilisation des parents et des enfants aux risques de la dépendance aux écrans. Je ne vise pas ici le seul numérique, mais l'ensemble des écrans, dont la télévision.

Si je parle d'urgence, c'est parce que les nombreux exemples – chacun de nous en connaît dans son entourage – de consommation excessive d'écrans entraînant des problèmes en cascade de santé, de sociabilité et de réussite scolaire pourraient bien se démultiplier et devenir un enjeu majeur de santé publique si nous négligeons de traiter aujourd'hui la question.

Le second risque pour nos enfants, tout aussi essentiel, est celui d'une altération des frontières entre le vrai et le faux, entre le fiable et le manipulé. À cet égard, la loi relative à la lutte contre la manipulation de l'information, promulguée en décembre dernier, contient des dispositions relatives à l'éducation aux médias et à l'information dont la qualité de mise en oeuvre sera primordiale.

La lutte contre les fausses informations passe par une sensibilisation à ces enjeux des publics les plus jeunes, qui sont aussi les plus facilement influencés. Il convient d'agir pour leur donner la capacité de juger de la fiabilité d'une information. Car faire usage d'esprit critique ne se décrète pas : cela s'apprend. Nous savons tous qu'il ne peut y avoir de démocratie sans organes d'information libres ni sans journalistes et reporters, professions qu'il faut valoriser aux yeux des plus jeunes.

L'école dans la société du numérique, c'est une école aux possibilités décuplées, qui dispose d'une abondance d'outils jamais égalée dans l'histoire, qui peut se réinventer pédagogiquement, qui recèle bien des atouts pour maintenir et renouveler l'intérêt de ses élèves.

C'est aussi une école qui détient de nouvelles responsabilités, ou, du moins, dont les responsabilités s'exercent différemment. Développer l'esprit critique a toujours été l'une des missions essentielles de l'école ; à présent, il faut la réinventer pour prendre en considération les nouveaux supports, les nouvelles pratiques de la société du numérique, mais aussi les dérives qu'entraîne un état de dépendance.

Beaucoup d'enseignants ne nous ont pas attendus pour cela : ils expérimentent, ils innovent, ils intègrent cette dimension dans leurs cours. Nous nous devons de les soutenir, car le numérique n'est pas seulement une technologie de plus : avec lui, la société change de paradigme et doit apprendre à distinguer les outils des objectifs, les acteurs de confiance des leurres, dans un monde en perpétuelle évolution.

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