Monsieur le Premier ministre, ma question porte sur la désertification de la province – étymologiquement, le « pays vaincu » – en matière de services publics. Le « désert français » n'est pas simplement une référence bibliographique : c'est le quotidien de ceux qui ne vivent pas retranchés dans les métropoles dominantes et connectées.
Dans les territoires ruraux, dans la montagne, l'État s'en va, une Europe plus sociale et plus juste se fait encore attendre, et l'on arrache aux collectivités les moyens de combler le vide. Car votre gouvernement, qui n'était girondin que dans le slogan, ne recentralise pas seulement les compétences, au mépris de la Constitution : il rapatrie aussi les moyens, au mépris du consentement à l'impôt de ceux qui sont assignés à résidence dans ce qui n'est désormais plus qu'une périphérie. Les trésoreries menacent de fermer, chez moi, à Levie, à Sartène, dans des zones touchées par la fracture numérique où la numérisation des services publics se révèle être une belle ironie. Voilà la semence ; les gilets jaunes en sont la moisson, et un grand millésime s'annonce.
L'État ne peut pas tout, mais il devrait se garder de mener avec nostalgie une recentralisation dont il n'a plus les moyens depuis la fin des Trente Glorieuses, de la croissance forte et du plein-emploi, surtout dans un monde fini où les ressources sont déjà épuisées.
La loi montagne votée en 2016 instaurait pourtant bien un moratoire sur la fermeture des services publics de l'État, mais la loi semble ne plus être qu'un chiffon de papier. Tout cela crée une colère funeste, déjà à l'oeuvre chez nos concitoyens européens.