La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Ma question s'adresse à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Madame la ministre, vous avez présenté ce matin en Conseil des ministres le projet de loi relatif à l'organisation et à la transformation du système de santé. En cette période d'incertitude, il convient de rappeler l'attachement de nos concitoyens à l'hôpital public, qui bénéficie de 78 % d'opinions favorables selon la dernière étude du CEVIPOF, le Centre de recherches politiques de Sciences Po. Cette cote de confiance est la reconnaissance du travail et de la bienveillance des personnels soignants.
Il est néanmoins impossible de dissimuler les graves difficultés que rencontrent de nombreux établissements – sans parler des inquiétudes de nos concitoyens, qui réclament une santé non seulement de qualité, mais également de proximité.
À ce propos, nous nous interrogeons sur l'absence du thème de la santé dans le grand débat, ainsi que sur certaines dispositions de votre texte. Le recours aux ordonnances : en ces temps d'antiparlementarisme, vous oubliez qu'entre vous et nos concitoyens, il y a le Parlement.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur plusieurs bancs du groupe LR.
L'absence de reconnaissance des élus locaux et des usagers pénalise un domaine où chacun a pourtant son mot à dire. La logique comptable et technocratique reste au coeur du raisonnement.
Après avoir rejeté la proposition des députés socialistes de créer un conventionnement territorial, vous ne répondez pas aux défis immédiats liés à la pénurie de médecins. Il s'agit pourtant du point crucial de toute réforme de santé.
Sous couvert de mutualisation et de sécurité sanitaire, vous fermez des hôpitaux et des services, alors que, nous le savons, les problèmes sont liés au manque de médecins et à leur turn-over.
Madame la ministre, que cache la redéfinition des hôpitaux de proximité ? Un habillage sémantique ?
Des menaces sur les services d'urgence ? La transformation de petits centres hospitaliers en hôpitaux de proximité ?
Applaudissements sur quelques bancs des groupes SOC et FI.
En quoi votre réforme de la santé constituera-t-elle un progrès pour les Français ? Quelle garantie pour les territoires ruraux qu'ils bénéficieront d'un égal accès aux soins ?
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe LR.
Madame la députée, il y a aujourd'hui urgence à répondre à l'anxiété qui ne cesse de croître dans les territoires pour l'accès à des soins de qualité et de proximité. Le projet de loi que j'ai présenté ce matin en Conseil des ministres répond à ces difficultés.
Il répond aux difficultés des citoyens, à celles ressenties par les professionnels de santé, ainsi qu'à celles des élus, qui peinent à répondre aux demandes.
Ce projet de loi vise à ramener de la proximité et de la qualité dans notre système de santé.
Pour cela, nous disposons de plusieurs briques. Le projet de loi n'en est qu'une. La transformation globale du système de santé passera aussi par une voie conventionnelle, par une voie réglementaire et par une voie financière.
Dans le projet de loi, nous avons décidé de mieux structurer les soins de proximité. En particulier, nous souhaitons réinvestir ces petits hôpitaux locaux, qui manquent aujourd'hui d'attractivité, sont souvent en déficit financier…
… et, surtout, rencontrent des difficultés humaines, notamment pour recruter des personnels. Nous souhaitons redéfinir les missions de proximité de ces hôpitaux, en liaison avec les élus…
… et avec les citoyens, et réinvestir financièrement ces hôpitaux pour ce qui concerne les plateaux techniques de première nécessité, comme les plateaux de biologie ou de radiologie.
À côté de cette action en faveur des hôpitaux de proximité, nous réinvestissons la médecine libérale de proximité, en permettant à tous les professionnels de santé – médecins, infirmiers, sages-femmes, kinésithérapeutes, pharmaciens – de s'organiser en communautés professionnelles territoriales, de façon à répondre aux besoins des territoires et à rendre un service public de proximité en matière d'accès à un médecin traitant, de permanence des soins, d'accès à la prévention.
Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LR et FI.
La transformation du système de santé ne se limite pas au projet de loi, mais les hôpitaux de proximité comme les communautés professionnelles territoriales de santé en sont deux piliers essentiels, qui sont absolument indispensables si l'on veut offrir une médecine de proximité et de qualité à tous nos concitoyens.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Monsieur le Premier ministre, à Jouy-sur-Morin, en Seine-et-Marne, nous assistons à la mort programmée d'une filière industrielle française. Arjowiggins Security était, jusqu'à une période récente, un leader mondial et une référence ; ses ouvriers possèdent un savoir-faire et une technicité reconnus dans le monde entier. L'État, via BpiFrance, la Banque publique d'investissement, a injecté, tenez-vous bien, 250 millions d'euros, depuis cinq ans, dans l'entreprise Sequana.
Comment, dans ces conditions, a-t-on pu laisser cette entreprise aux mains d'un fonds voyou, avec la bénédiction des services de Bercy ? Ce fonds aurait été jusqu'à détourner les sommes versées par les salariés pour leur mutuelle de santé !
Face à une telle entreprise de destruction d'une force industrielle, nous n'avons pas le droit de nous taire, monsieur le Premier ministre. Avec les salariés, nous sommes convaincus qu'un avenir existe pour une filière papetière, notamment dans le domaine fiduciaire. C'est aussi une question de souveraineté nationale. Allons-nous cesser de fabriquer en France le papier nécessaire à nos cartes grises, à nos cartes d'identité, à nos passeports ?
J'ai échangé, et continue de le faire, avec les ministres de l'économie et du travail. Mais il est maintenant de votre responsabilité, monsieur le Premier ministre, de prendre le sujet à bras-le-corps. Les 240 salariés et leurs familles sont aujourd'hui sur le carreau, sans aucune perspective.
J'ai cru comprendre que, ces derniers jours, vous n'étiez avare ni de déplacements, ni de débats. Je vous demande donc de venir en personne, sur place, sur le site de l'usine, à la rencontre de ses 240 salariés
Applaudissements sur les bancs du groupe LR, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe SOC et parmi certains députés non inscrits
et d'élaborer avec eux, avec les services de l'État, une stratégie industrielle.
Vous montreriez ainsi à ces salariés, dont le comportement a été exemplaire, que l'État et vous-même les considèrent.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur quelques bancs du groupe SOC.
Vous avez appelé mon attention, monsieur le président Jacob, sur la situation du site d'Arjowiggins Security à Jouy-sur-Morin, qui a été placé en liquidation judiciaire le 30 janvier dernier. Vous avez rappelé la qualité de la production, l'engagement des salariés pour soutenir leur « boîte » et les efforts qu'ils ont même consentis pour maintenir l'activité : je n'y reviens pas, mais j'en ai conscience.
Je vous rejoins aussi sur l'autre aspect de votre question : cette production, qui concerne l'ensemble des papiers sécurisés, est donc en lien étroit avec une partie de la souveraineté française.
Arjowiggins Security, ancienne filiale du groupe papetier Sequana, emploie 265 salariés, dont environ 220 – vous avez dit 240 – sur le site de production de Jouy-sur-Morin. Vous le savez, elle fut cédée en avril 2018 par Sequana au groupe Blue Motion Technologies Holding, détenu par un fonds germano-suisse, Parter Capital Group.
Dans ce cadre, le repreneur s'était engagé, devant le tribunal, à limiter les suppressions d'emplois et à soutenir Arjowiggins Security dans ses efforts de modernisation et de recherche de nouveaux marchés. Il s'est également engagé à subvenir aux besoins de financement des opérations par le biais d'instruments bancaires divers, notamment des garanties. Ce sont ainsi 7 millions d'euros qui devaient être levés.
Or, quelques mois à peine après la reprise, il apparaît que Blue Motion Technologies Holding n'a proposé aucun plan industriel crédible, refusant de débourser le moindre euro pour redresser une situation financière très dégradée. Vous avez souligné les efforts consentis par l'État et l'attention prêtée, y compris par les membres du Gouvernement, à l'avenir de ce site industriel auquel nous sommes attachés.
Nous devons la vérité à votre assemblée, ne nous voilons pas la face : la situation de l'entreprise, s'agissant en particulier de l'avenir des salariés, est extrêmement délicate. Si vous m'interrogez à son sujet dans votre enceinte, au reste, c'est bien parce que vous avez conscience qu'elle l'est.
Il nous faut donc procéder à des vérifications et réfléchir dans le détail, avec les ministres compétents, qui ont évidemment toute ma confiance, et l'ensemble des administrations et des opérateurs de l'État, qui peuvent venir en soutien à ces opérations, à la meilleure solution au regard des sombres perspectives auxquelles l'entreprise doit faire face.
Je prends votre invitation au mot, monsieur le président Jacob, et m'engage à faire en sorte que l'État soit totalement mobilisé – il l'est déjà, d'ailleurs, vous ne l'avez pas nié – pour trouver, quelles que soient les circonstances, la meilleure solution. Je vais m'y employer personnellement.
Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes LaREM, MODEM et LR.
Monsieur le ministre chargé de la ville et du logement, des jeunes majeurs, des femmes, des familles, des seniors mais aussi des travailleurs pauvres : tels sont les multiples visages des SDF – sans domicile fixe – en France. Ces derniers vivent dans la rue toute l'année, et pas seulement en hiver. Nous savons aussi que de nombreux SDF n'appellent plus le 115.
La dernière enquête de l'INSEE à leur sujet date de 2012 ; il est donc urgent de la renouveler. Nous avons besoin de données précises pour répondre à cette détresse. Il convient aussi d'étendre les Nuits de la solidarité, afin de savoir et non d'ignorer. Il est temps également de dénoncer certaines pratiques intolérables, comme l'installation de mobilier urbain et de dispositifs anti-SDF. C'est ce que fait la Fondation Abbé Pierre, qui en vient à décerner des prix pour sensibiliser l'opinion à ces comportements honteux. Il est temps de rendre visibles nos invisibles, sur tous les territoires.
Le plan « logement d'abord », lancé il y un an dans vingt-quatre territoires, a déjà donné des résultats concrets dans certaines villes, parmi lesquelles Clermont-Ferrand, Toulouse, Lille, Strasbourg et Metz, souvent grâce à un tissu associatif engagé, comme à Grenoble. Cependant, quelques territoires sont encore à la traîne, et je le regrette.
Durant l'année 2018, 70 000 SDF ont trouvé un logement. Ce sont de premières victoires, mais le combat est loin d'être gagné. N'oublions pas que le logement doit être un point de départ et non une finalité.
L'État ne peut pas tout. Il convient de réunir toutes les énergies et d'arrêter le travail en silo. J'ai pu le constater : dès lors que les acteurs oeuvrent ensemble, les avancées sont réelles.
Monsieur le ministre, comment accélérer le plan « logement d'abord » dans les territoires qui s'y sont engagés ? Est-il prévu de généraliser ce plan à tout le pays ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Je tiens d'abord à vous remercier, monsieur Démoulin, pour votre implication personnelle en ce domaine, sur lequel nous avons beaucoup travaillé ensemble, avec certains de vos collègues. Dans votre propre territoire comme sur les bancs de cette assemblée, vous vous êtes employé à trouver des solutions nouvelles pour apporter un soutien aux personnes qui en ont besoin, notamment celles et ceux qui sont dans la rue.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Votre question comporte plusieurs points. Le premier a trait aux Nuits de la solidarité, qui sont très utiles. Je tiens, là encore, à remercier vivement l'ensemble des bénévoles qui y ont participé, notamment à Paris, où ils étaient 2 000. Je le dis à toutes les communes qui souhaitent organiser cet événement : mon ministère est là, comme nos équipes sur le terrain, pour les y aider.
Le plan « logement d'abord » avait été annoncé par le Président de la République en septembre 2017 à Toulouse. Il traduit une politique essentielle, porteuse de solutions de long terme pour celles et ceux qui sont dans la détresse. Avoir un abri, avoir l'adresse d'un centre d'hébergement d'urgence, ce n'est pas suffisant pour se réinsérer durablement.
Mettre en avant le « logement d'abord », posséder les clés d'un chez soi, c'est cela qui permet de trouver un travail plus facilement, de se réinsérer dans la société ; c'est donc cela qu'il nous faut viser, avec beaucoup de détermination.
Vous l'avez rappelé, en 2018, on a dénombré près de 70 000 personnes en situation de détresse. Elles vivaient soit dans la rue, soit dans les centres d'hébergement d'urgence, soit dans des abris de fortune. Grâce à cette politique du logement d'abord, elles ont pu obtenir une adresse, avoir un véritable chez-soi, que ce soit dans le logement social, l'intermédiation locative ou les pensions de famille.
Soyez assuré que nous continuerons à promouvoir cette politique, avec beaucoup d'humilité et de détermination.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe MODEM.
Monsieur le secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé, nous vous avons déjà alerté à propos des difficultés rencontrées par les départements dans l'exercice de leurs missions relatives à l'aide sociale à l'enfance – ASE. Je connais votre volonté sincère de leur faciliter l'accomplissement de ces missions et d'intervenir à leurs côtés. Mais je me dois aussi d'appeler votre attention sur un autre aspect du problème, en rapport avec la situation des mineurs non accompagnés – MNA – , dont la prise en charge vient télescoper celle des mineurs relevant de l'ASE.
Le nombre toujours croissant de MNA met sous tension tous nos dispositifs d'accueil et de prise en charge. Cette embolisation permanente des services pénalise les départements dans l'exécution de leurs missions. Les structures sont saturées, le personnel débordé, et les prévisions d'arrivées inquiètent. Nous ne pouvons pas indéfiniment tirer sur la corde en poussant ainsi au paroxysme nos dispositifs d'accueil.
La clé de répartition actuelle des MNA génère en outre des inégalités entre les départements. Elle ne tient compte ni de la santé financière du département, ni de son activité de protection de l'enfance, ni de ses capacités réelles de prise en charge et d'accueil. Le seul ratio démographique utilisé repose sur la jeunesse au sein des départements : plus ceux-ci recensent de jeunes, plus ils doivent accueillir de MNA.
Ces derniers ont aussi des besoins différents de ceux des autres enfants accueillis dans le cadre de la protection de l'enfance. Particulièrement vulnérables, ils ont vécu des expériences de vie traumatisantes liées aux événements endurés dans le pays d'origine ou pendant le parcours migratoire. Souvent, ils ne parlent pas notre langue et présentent également des problèmes de santé.
Dans la mesure de leurs moyens, les départements tentent de leur garantir des conditions de dignité et de sécurité suffisantes, mais pour combien de temps encore ?
Le rapport de la mission de réflexion sur le sujet qui associait l'Inspection générale des affaires sociales et l'Assemblée des départements de France a mis en avant ces difficultés en février 2018.
La question migratoire relève avant tout de la responsabilité de l'État et implique donc sa participation. Dès lors, face à cette situation, quelles sont vos propositions pour accompagner les départements s'agissant des moyens financiers, humains et d'hébergement à mobiliser ?
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-Agir.
La parole est à M. le secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé.
Merci, monsieur le député, de votre question, qui me donne l'occasion de dire que le Gouvernement a bien entendu les difficultés des territoires, particulièrement des départements.
La présence croissante des mineurs non accompagnés dans les territoires au cours des dernières années crée évidemment des tensions entre les départements – qui connaissent des situations différentes – comme au sein même de chaque département, du fait des conséquences du phénomène sur le système global de la protection de l'enfance.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Voilà pourquoi Mme la garde des sceaux et moi-même assumons pleinement les responsabilités de l'État en la matière, qu'il s'agisse des MNA ou de la protection de l'enfance en général.
L'appui aux conseils départementaux pour la mise à l'abri et l'évaluation des personnes se présentant comme mineures a été renforcé depuis le début de l'année par une compensation plus juste des dépenses engagées, …
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
… sur le fondement d'un forfait revu de 500 euros par jeune évalué et de 90 euros par jour de mise à l'abri pendant quatorze jours. Au total, ce sont 75 millions d'euros qui ont été engagés dès le projet de loi de finances pour 2019.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
En outre, le Gouvernement continue de soutenir les départements en assumant également une partie des dépenses supplémentaires qui leur échoient au titre du droit commun de la protection de l'enfance : une fois les intéressés reconnus mineurs, ils doivent être pris en charge dans ce cadre car, avant d'être des étrangers, ce sont d'abord des enfants.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM. – Mme Marie-George Buffet, Mme Elsa Faucillon et Mme Cécile Untermaier applaudissent également.
Au total, ce sont plus de 175 millions que l'État a ainsi engagés pour aider nos départements. Il s'agit d'un dispositif exceptionnel qui a été renforcé pour la deuxième année consécutive.
Dernier aspect : afin d'éviter le nomadisme administratif et de « désengorger » – pardonnez-moi l'expression – le système dont vous signalez la saturation, un fichier d'évaluation de la minorité a été créé. Permettez-moi de le réaffirmer ici, ce fichier est aussi un moyen de protéger les mineurs en consacrant une fois pour toutes leur minorité dès que celle-ci est établie et en les faisant ainsi bénéficier du système de protection de l'enfance.
Soyez convaincu, monsieur le député, avec l'ensemble des élus locaux, que l'État est aux côtés des départements…
… et le restera, en poursuivant la concertation avec eux.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Monsieur le Premier ministre, ma question porte sur la désertification de la province – étymologiquement, le « pays vaincu » – en matière de services publics. Le « désert français » n'est pas simplement une référence bibliographique : c'est le quotidien de ceux qui ne vivent pas retranchés dans les métropoles dominantes et connectées.
Dans les territoires ruraux, dans la montagne, l'État s'en va, une Europe plus sociale et plus juste se fait encore attendre, et l'on arrache aux collectivités les moyens de combler le vide. Car votre gouvernement, qui n'était girondin que dans le slogan, ne recentralise pas seulement les compétences, au mépris de la Constitution : il rapatrie aussi les moyens, au mépris du consentement à l'impôt de ceux qui sont assignés à résidence dans ce qui n'est désormais plus qu'une périphérie. Les trésoreries menacent de fermer, chez moi, à Levie, à Sartène, dans des zones touchées par la fracture numérique où la numérisation des services publics se révèle être une belle ironie. Voilà la semence ; les gilets jaunes en sont la moisson, et un grand millésime s'annonce.
L'État ne peut pas tout, mais il devrait se garder de mener avec nostalgie une recentralisation dont il n'a plus les moyens depuis la fin des Trente Glorieuses, de la croissance forte et du plein-emploi, surtout dans un monde fini où les ressources sont déjà épuisées.
La loi montagne votée en 2016 instaurait pourtant bien un moratoire sur la fermeture des services publics de l'État, mais la loi semble ne plus être qu'un chiffon de papier. Tout cela crée une colère funeste, déjà à l'oeuvre chez nos concitoyens européens.
M. Jean Lassalle applaudit.
Monsieur le Premier ministre, êtes-vous encore capable de maintenir les services publics dans les territoires afin d'empêcher que l'avenir électoral soit, pour l'Europe, pour la démocratie et pour les libertés, sous votre patronage et celui du Président de la République, une « étrange défaite » ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LT. – M. Jean Lassalle applaudit également.
La parole est à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Monsieur le député, j'entends et je sais que nos concitoyens attendent des services publics plus accessibles dans l'ensemble du territoire, notamment en Corse.
La réponse à cette attente légitime ne consiste pas nécessairement à geler la situation actuelle. Notre préoccupation est d'apporter une solution concrète et adaptée à ce que vit chaque territoire, en s'appuyant sur le diagnostic établi par les élus dans le cadre d'un dialogue nourri avec les services de l'État.
Dans le cas de la Corse, nous savons que le territoire est très hétérogène. Quelques zones connaissent des difficultés particulières ; j'en ai vu moi-même un exemple la dernière fois que je me suis rendue sur l'île, à Cristinacce, et j'ai pu constater les besoins croissants des territoires et de leurs habitants.
Vous avez parlé de la montagne. Depuis la loi du 22 janvier 2002, l'aménagement et la gestion des zones de montagne en Corse sont confiés à la collectivité de Corse.
Néanmoins, l'État se mobilise pleinement en faveur des territoires ruraux corses, pour y réintroduire les services publics au plus près des habitants et accompagner la collectivité.
En matière d'accès aux services en Corse, dix-huit projets de maison de services au public sont identifiés, huit contrats de ruralité ont été signés et des efforts financiers très significatifs ont été consentis, notamment dans le numérique, avec un programme exceptionnel de 28 millions d'euros, sans oublier le programme exceptionnel d'investissement pour la Corse, doté quant à lui de 21 millions.
Je terminerai par un sujet très sensible dans l'ensemble du territoire français : l'accès aux soins. Je rappelle à ce propos la construction du nouvel hôpital d'Ajaccio, prise en charge à 100 % par l'État, et l'investissement que nous venons de faire dans la clinique de Porto-Vecchio, pour le maintien des services de santé dans le sud de la Corse.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.
Monsieur le Premier ministre, depuis bientôt trois mois notre pays connaît un grand moment de mobilisation sociale. Vous avez fait le choix de ne pas répondre à l'essentiel des revendications.
Vous avez préféré organiser un « grand débat national » dont la finalité et la méthode sont très contestables puisque seul le Président décidera de ce qu'il faudra en retenir. Certaines de ces réunions se transforment en meetings pro République en marche, aux frais du contribuable.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI et sur de nombreux bancs du groupe LR. – Protestations sur les bancs du groupe LaREM.
La ministre Buzyn nous l'a démontré le 3 février à Trappes en appelant, à cette occasion, à voter pour la liste gouvernementale.
Parmi les autres aspects les plus regrettables de ce prétendu débat, je tiens à souligner la surmédiatisation de la parole présidentielle. Depuis le 15 janvier, le Président de la République s'est exprimé au cours de six réunions pour un temps de parole équivalent à trente-quatre heures.
Si l'on excepte le week-end, car on a besoin de repos, cela représente deux heures de macronisme quotidien.
Brouhaha continu
… c'est essentiellement le Président qui la prend et, devrais-je dire, qui la confisque.
Par un effet de système, les chaînes d'information en continu ont fait le choix de diffuser ce flot de paroles et le Président apparaît donc sur tous les écrans jusqu'à saturation. Même si les audiences s'effondrent, nous avons écrit au Conseil supérieur de l'audiovisuel, pour savoir quel contrôle il comptait exercer afin de garantir le pluralisme politique. Il nous a répondu aujourd'hui en nous assurant que le verbe présidentiel serait bien ajouté au temps de parole de l'exécutif.
Persiste toutefois un problème majeur. Les élections européennes ont lieu dans trois mois. Compte tenu du temps qu'il faut au CSA pour publier ses rapports – ils sont trimestriels – , il apparaît évident que toutes les inégalités de temps de parole ne pourront être corrigées avant le scrutin. Nous demandons donc que les interventions du Président de la République, au cours des prochains débats, se fassent hors caméra, faute de quoi il faudra intégrer ce temps de parole dans les comptes de campagne.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI. – Protestations sur les bancs du groupe LaREM.
Certes, l'opération de communication sera moins efficace mais le pluralisme sera garanti.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI et sur plusieurs bancs du groupe LR. – MM. Gilbert Collard, Sébastien Chenu et Ludovic Pajot applaudissent également. – Protestations sur de nombreux bancs du groupe LaREM.
Il vous sera fait grâce, monsieur Corbière, des quelques secondes de votre intervention qui ont dépassé les deux minutes imparties.
Sourires.
Le grand débat national est un succès populaire : plus de 6 000 réunions sont organisées partout en France.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Huées sur les bancs du groupe LR.
Chaque citoyen français peut participer à ce débat et il n'y a donc aucune raison pour que le Président de la République ne le puisse pas. Il y fait preuve d'une grande qualité d'écoute, montre de la considération pour ses interlocuteurs et apporte un grand nombre de réponses aux interpellations de nos compatriotes.
Cela vous dérange, mais je suis certain que pour un grand nombre de Français, c'est la preuve de l'implication du Président de la République et ils y sont très sensibles.
Applaudissements sur de bancs du groupe LaREM.
Le temps de parole des responsables politiques est encadré par la loi et l'équilibre du temps de parole en fonction des sensibilités politiques est contrôlé par le CSA selon des règles très précises et transparentes. Hors périodes électorales, le temps de parole accordé à l'exécutif, y compris au Président de la République dans ses prises de paroles dans le débat politique national, est de un tiers ; les deux tiers restants se répartissant en fonction des différents partis politiques. Le contrôle de ces temps de parole est réalisé par le CSA tous les trois mois, sur le fondement des données fournies par les différents médias audiovisuels, d'une façon, je le répète, totalement transparente, avec un accès en open data qui permet un contrôle par les citoyens, donc par vous.
Soyez rassurés, nous sommes dans un État de droit et la prise de parole politique est équilibrée.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur les bancs des groupes FI et LR.
Madame la ministre des solidarités et de la santé, dans ma circonscription du Loiret, il faut au moins neuf mois pour obtenir un rendez-vous chez un ophtalmologue ou un rhumatologue ; il faut passer des journées au téléphone pour essayer de trouver un médecin traitant qui puisse prendre un nouveau patient.
Cette réalité, nous la connaissons tous et, vous l'avez dit, il y a urgence. Le retard accumulé ces dernières décennies pour répondre au vieillissement de la population, à l'augmentation du nombre de maladies chroniques, au burn out de l'hôpital et aux difficultés d'accès aux soins, est considérable. Le système de santé est à bout de souffle.
Il faut entendre tous ces professionnels de santé qui souhaitent de meilleures conditions de travail pour mieux soigner leurs patients, se demandant où est l'humain, où est le patient ?
Face à ce diagnostic, le projet de loi sur la santé, que vous avez présenté ce matin en conseil des ministres, est très attendu.
Il se donne l'ambition de transformer notre système de santé avec la réforme des études médicales pour que les nouveaux médecins aient des profils plus diversifiés, qu'ils soient mieux formés aux relations humaines, capables de s'adapter aux nouvelles réalités, notamment technologiques, et aux besoins des territoires.
Ce projet de loi, c'est aussi une nouvelle organisation des soins, avec plus de coordination et de coopération au service des patients. Enfin, la suppression du numerus clausus, tant attendue, permettra une augmentation réelle du nombre de médecins.
Certains sur ces bancs disent à propos de ce projet : c'est trop tard ! c'est trop technique ! c'est trop flou ! Mais la situation actuelle n'est-elle pas le résultat du manque de vision et de courage politique de ces dernières années ?
Il est vrai, madame la ministre, que la suppression du numerus clausus ne portera ses fruits que dans dix ans. Comment dès lors pouvons-nous répondre, à travers ce projet de loi, aux besoins immédiats de nos concitoyens en matière d'accès aux soins ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Je tiens avant tout à saluer votre engagement dans les travaux préparatoires à la transformation du système de santé. En effet, avec Thomas Mesnier, vous avez participé à de nombreux groupes de travail, à de nombreuses concertations, à de nombreuses consultations.
Vous avez raison : nous héritons de décennies de mauvaises décisions.
Tous les gouvernements, de gauche comme de droite, ont pris les mauvaises décisions.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur divers bancs de l'opposition.
De 1991 à 2000, moins de 4 000 médecins ont été formés chaque année ! Vous n'avez pas anticipé les besoins, le vieillissement de la population, l'émergence des maladies chroniques… Tout cela n'a pas été pris en considération, pas plus que l'évolution des pratiques professionnelles.
J'en connais un parmi vous qui a travaillé auprès de Marisol Touraine, et je le dis gentiment.
Certains membres du Gouvernement ont été membres du cabinet de Marisol Touraine !
Nous sommes par conséquent obligés de transformer radicalement nos organisations pour répondre au désarroi de nos concitoyens.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LaREM.
Je sais que ce projet de loi est attendu. Je rappelle qu'il n'est qu'une brique de la transformation en faveur de l'accès aux soins. Notre objectif est de dépasser la simple méthode unique d'incitation à l'installation. Nous proposons un changement de paradigme avec la réforme des études de santé. En effet, nous en aurons les résultats dans une dizaine d'années mais le plan « ma santé 2022 » s'attaque aussi au temps médical accessible : nous allons redonner du temps aux médecins grâce aux assistants médicaux, grâce aux délégations de tâches, grâce aux infirmières de pratique avancée. Nous souhaitons un plus grand décloisonnement entre les professionnels afin qu'ils coordonnent leur action autour des parcours de soins des malades chroniques. Nous voulons que l'exercice isolé devienne l'exception. Nous voulons renforcer la coopération.
Brouhaha.
Nous voulons que le numérique soit un outil pour tous.
La ligne fixée par le Président de la République en septembre dernier est claire : nous allons restructurer les soins de proximité en faveur d'un meilleur accès aux soins.
Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes LaREM et MODEM.
Projet de loi santé
Madame la ministre des solidarités et de la santé, j'associe à ma question mes collègues Jean-Pierre Door, Jean-Carles Grelier, et Gilles Lurton. Ce matin, vous avez présenté votre projet de loi relatif à la transformation du système de santé dans un contexte d'urgence pour l'hôpital français en grande souffrance.
Il y a en effet urgence pour les personnels de santé dont les conditions de travail se dégradent de jour en jour. Aides-soignants et infirmières débordés et excédés, services d'urgence saturés, manque d'effectifs et de moyens matériels : le bilan est plus que préoccupant.
Il y a aussi urgence quand l'accès aux soins devient un enjeu majeur et que les déserts médicaux se multiplient, cristallisant l'angoisse, voire la détresse, de nos concitoyens qui s'expriment chaque jour à ce sujet dans les débats en cours.
Il y a urgence, enfin, en raison de la dette très inquiétante, voire dramatique, des hôpitaux publics français.
Madame la ministre, quelle que soit votre volonté, votre projet de loi ne porte pas l'ambition que nous attendions. Il présente divers écueils sans apporter de remède à la souffrance de l'hôpital. Pourquoi vouloir réformer à tout prix par ordonnances, et priver le Parlement d'un débat essentiel pour l'avenir de notre système de santé ?
Votre réforme ne répond que trop peu au besoin impératif de faire émerger un nouveau modèle d'offre de soins, mieux organisé et adapté, au plus près du terrain. Que sera la nouvelle carte hospitalière ? Que sera l'avenir des hôpitaux de proximité dans le cadre de projets territoriaux de santé où chacun doit trouver sa juste place ?
Pourquoi n'avoir pas davantage privilégié, avec les associations d'élus, une approche par les territoires, moins uniformisée et administrée. Pourquoi n'avez-vous pas organisé une vraie concertation avec l'ensemble des acteurs de la santé ? Elle aurait permis de faire émerger des réponses que votre projet de loi n'apporte pas ? Est-il trop tard, madame la ministre, pour décider d'une thérapie adaptée et efficace ? Nous serions alors à vos côtés pour sauver nos hôpitaux !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Monsieur Perrut, je crois qu'il y a une incompréhension, car tout, dans le projet de loi dont vous parlez, vient des territoires.
Quand on n'est pas d'accord avec vous, c'est qu'on n'a rien compris ! Mais les personnels ne comprennent pas non plus !
Ainsi, les projets territoriaux de santé qui figurent dans le texte seront définis avec les élus. Nous avons négocié avec les fédérations hospitalières et avec les syndicats médicaux une nouvelle responsabilité : la responsabilité territoriale qu'assumeront les communautés professionnelles territoriales de santé. Elles s'engageront à déployer des missions qu'attendent nos concitoyens : permanence des soins, accès à des soins non programmés, à un médecin traitant, à des équipes mobiles, par exemple pour les soins palliatifs, ou à la prévention.
Cette responsabilité des communautés professionnelles territoriales sera définie en fonction des besoins de chaque territoire. C'est exactement le sens du projet de loi. Je pense, en conséquence, monsieur le député, que vous serez très heureux de voter ces mesures avec nous.
Il est vrai que, lorsque nous sommes arrivés aux affaires, le secteur était confronté à de très grandes difficultés. Aujourd'hui, nous assumons de supprimer le numerus clausus, même si cette mesure n'a qu'un effet à long terme. Nous avons décidé de graduer les soins, c'est-à-dire de renforcer des hôpitaux de proximité, qui seront la voie d'entrée dans le système de santé, et de disposer d'hôpitaux de recours dotés de plateaux techniques de haute technicité, car, aujourd'hui, en réalité, notre médecine est une médecine à deux vitesses.
C'est cela que je ne veux plus : avoir d'un côté des concitoyens qui ne sont pas certains de la qualité d'une médecine de proximité à l'abandon, et, de l'autre, ceux qui ont la capacité de voyager et d'avoir accès à des médecines de recours.
Tout le plan de transformation que je propose aujourd'hui vise à ramener de la qualité en proximité pour tous les citoyens du territoire.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
Madame la ministre des solidarités et de la santé, vous avez présenté ce matin, en conseil des ministres, le projet de loi relatif à l'organisation et à la transformation de notre système de santé. Les progrès contenus dans ce texte sont notables, en particulier s'agissant des facilités d'accès aux soins, des formations, de la lutte contre les déserts médicaux, et de l'amélioration des conditions de travail pour le personnel soignant qui a autant besoin de revalorisation que de reconnaissance.
Nous ne pouvons cependant ignorer l'état dans lequel se trouvent certains hôpitaux. Je peux citer l'exemple du centre hospitalier régional et universitaire de Nancy-Brabois, dans ma circonscription, qui a opéré des coupes drastiques dans les budgets de personnels et de fonctionnement afin de réduire un déficit qui s'élevait, en 2013, à de plus 400 millions.
Le rapport de l'IGAS, l'inspection générale des affaires sociales, présenté avant-hier, révèle des chiffres qui interpellent. De 2014 à 2017, 400 postes ont été supprimés, 285 lits et 11 salles d'opération ont été fermés, et 40 services ont été réorganisés. La situation est d'autant plus inquiétante qu'un document stratégique détaillant les mutations complémentaires à engager dans les dix prochaines années est attendu, et qu'il a pour objectif sous-jacent de résorber encore plus le déficit qui absorbe toutes les économies que le CHRU peut dégager.
Comme l'a souligné le directeur général de l'agence régionale de santé, l'ARS, il ne s'agit plus de réinventer le système de santé, mais bien de regrouper les moyens, de rationaliser les coûts, et d'opérer davantage en ambulatoire. Une suppression supplémentaire de 70 lits et de 90 postes est d'ores et déjà prévue. Mais le rapport de l'IGAS va plus loin et évoque une réduction de 150 à 200 lits d'ici à deux ans.
Si nous pouvons concevoir l'intérêt financier de cette évolution, nous ne pouvons en ignorer les répercussions sur la qualité des soins et sur les personnels qui travaillent tous les jours au CHRU, enchaînant astreintes et nuits au service de notre santé.
Madame la ministre, pouvez-vous rassurer les élus locaux et le personnel soignant en garantissant le soutien de l'État, pour que le CHRU de Nancy-Brabois demeure une structure pérenne ?
Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM.
Monsieur le député, les préconisations du rapport de l'inspection générale des affaires sociales concernant le CHRU de Nancy ont été établies en tenant compte des besoins et des caractéristiques de la population. Comme vous le savez, la qualité des soins dispensés dans un établissement ne s'évalue pas en y comptant le nombre de lits.
Ce rapport a été présenté au conseil de surveillance de votre hôpital, lundi 11 février. Le CHRU joue effectivement un rôle déterminant dans l'offre de soins pour la population du territoire lorrain. Accentuer les coopérations avec les établissements voisins sous l'égide de l'agence régionale de santé permettra de mieux structurer les filières dans une logique de gradation des soins, réaffirmée par le projet de loi que j'ai présenté ce matin.
Je partage votre inquiétude, ainsi que celle exprimée par la députée Carole Grandjean, en ce qui concerne la situation du centre de Nancy. Bien qu'incontestables, les actions menées ces dernières années pour améliorer la trajectoire financière du CHRU ont été insuffisantes. Il est donc indispensable que l'établissement se dote d'une véritable stratégie indiquant les transformations à conduire dans les dix prochaines années, en cohérence avec les évolutions démographiques et l'offre de soins sur son territoire.
Toutes ces évolutions vont être présentées avant la fin de l'année devant le comité qui évalue les investissements hospitaliers. Cette évolution est essentielle pour que le CHRU continue à dispenser ces soins d'excellence, conformément à sa mission. L'agence régionale de santé Grand-Est, ainsi que le ministère des solidarités et de la santé resteront extrêmement vigilants à l'égard de la situation de ce CHRU, et ils seront sensibles aux efforts réalisés par la communauté pour permettre que cet établissement revienne à une trajectoire financière durable.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères.
La France, avec sa place au Conseil de sécurité de l'ONU et avec son puissant réseau diplomatique, pourrait contribuer à renforcer la paix et les liens entre les peuples. Mais, au lieu de cela, l'armée française est intervenue la semaine dernière au Tchad pour des raisons parfaitement contestables, réactivant les pires moments de la Françafrique et déchirant l'hypocrite discours de Ouagadougou où Emmanuel Macron en appelait à un tournant des relations franco-africaines. En protégeant le président Idriss Déby, qu'elle a elle-même mis au pouvoir il y a près de trente ans, la France poursuit son travail colonial : point de soutien à l'opposition, point de larmes sur les horribles conditions de vie des Tchadiens ni sur les pénuries alimentaires, ni sur les atrocités du régime, ses violations des droits de l'homme. Pourquoi s'en soucier puisque le président est un ami ?
Pareil à Djibouti où la France préfère laisser les opposants se faire persécuter parce que c'est un régime qui abrite sa plus importante base militaire du continent.
Quant au Cameroun ou encore au Congo-Kinshasa, notre pays continue de reconnaître les dictateurs malgré des résultats électoraux très contestés.
Dernier exemple en date : le Venezuela, qui cherche un chemin différent, subit aujourd'hui les foudres de pays et d'entreprises opportunistes, toujours prêts à se jeter sur un gigantesque gâteau pétrolier. Ce ministère préfère écouter ceux qui mettent les peuples à genoux pour se poser ensuite en sauveur plutôt que d'écouter réellement le peuple. Sans aucune légitimité, l'Élysée a donc décidé de jeter par-dessus bord le peu d'indépendance qu'il nous restait vis-à-vis de la Maison blanche. Cela démontre qu'aucun pays n'a le droit de dévier de la tutelle néolibérale ; à l'inverse, les plus dociles restent en place éternellement. Une France aux ordres n'a pas d'avenir sur l'échiquier international.
L'heure est venue pour le président Macron d'entendre les attentes du peuple français et de s'appuyer enfin sur ses représentants pour changer la donne. Les députés communistes le demandent. Qu'attend le ministre des affaires étrangères pour agir ?
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI.
Monsieur le député, notre politique étrangère est définie par la défense de nos intérêts et par la promotion de nos valeurs.
Rires sur les bancs du groupe GDR.
Défendre nos intérêts commence par le fait de veiller sur notre sécurité en luttant contre les djihadistes au Sahel et au Moyen-Orient.
Cette lutte, la France ne la mène pas seule car contre le terrorisme, on ne vainc jamais sans alliés. Ceux-ci ont pour nom les États-Unis, le Royaume-Uni mais aussi la Turquie ou encore le Tchad. Sachons nous en souvenir.
Mais défendre nos intérêts, c'est aussi promouvoir nos valeurs. C'est ce que nous faisons en préservant l'accord nucléaire avec l'Iran en dépit de l'attitude américaine, en faisant vivre l'accord de Paris sur le climat malgré le retrait des États-Unis et en dénonçant la tragédie vénézuélienne, un pays riche dont les habitants ne peuvent plus subvenir à leurs besoins les plus élémentaires, …
… d'où fuient des millions de réfugiés et pour lequel l'aide humanitaire est bloquée à l'extérieur des frontières.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe FI.
Défendre nos valeurs, c'est aussi respecter l'Afrique, ses choix, ne pas décider à sa place mais se tenir à son côté. Lorsque le chef de l'État tchadien nous appelle à l'aide pour faire face à une intrusion armée depuis la Libye : oui, nous répondons présents.
Enfin, défendre nos valeurs, c'est s'exprimer sur les droits de l'homme partout où ils sont menacés, sans arrogance mais sans faiblesse.
C'est la singularité de la France et aussi sa grandeur.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe MODEM. – Exclamations sur les bancs des groupes FI et GDR.
Monsieur le ministre de l'économie et des finances, avec une augmentation de 6,8 % des ventes de voiture au niveau mondial, le groupe Peugeot enregistre des résultats records et affiche sa grande forme. Nous devrions tous nous en réjouir pour l'emploi et pour l'activité économique de nos territoires. Vous imaginez alors mon indignation lorsque j'apprends par voie de presse, mercredi dernier, que Peugeot s'apprête à transférer, donc à supprimer dans ma circonscription, l'entière activité de son site d'Hérimoncourt, berceau historique de la marque. Cette commune de 3 700 habitants va perdre sa principale activité économique. Peugeot nous parle de rationalisation des coûts, moi je vois l'abandon des citoyens et d'un bassin industriel historique. Les 200 salariés du site sont concernés. J'insiste sur les effets négatifs pour cette commune, pour la vie économique et sociale de ce territoire et pour les salariés, même si Peugeot propose d'affecter le personnel dans d'autres entités. Monsieur le ministre, ma colère est exacerbée par le fait que cette décision a été prise sans aucune concertation avec les organisations syndicales et les élus.
Aucune sollicitation ne nous a été adressée pour accompagner une reconfiguration du site. Et pourtant les dirigeants du groupe ont toujours pu compter sur notre aide, en témoigne le projet de l'usine du futur à Sochaux. Cette liquidation programmée est un coup de massue pour les salariés et pour les élus, un désastre économique et social pour la commune, et une relation de confiance mutuelle mise à mal.
À l'heure du grand débat national, où nous appelons à la consultation citoyenne et à une évolution de notre système de décision, une telle annonce du président Tavares n'est pas acceptable. M. le ministre, votre engagement pour la sauvegarde des territoires et de l'emploi n'est plus à démontrer, et je crois qu'il n'est pas trop tard pour trouver des solutions permettant de pérenniser l'activité à Hérimoncourt. C'est pourquoi je souhaite savoir quels moyens vous comptez mettre en oeuvre pour préserver ce site.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et LT.
Je me suis battu pour le site d'Ascoval, je me bats pour le site de Blanquefort, à Bordeaux,
« Ah ! » sur les bancs du groupe FI
et je me battrai également pour le site d'Hérimoncourt afin qu'une activité industrielle y soit préservée, monsieur le député.
Par pitié, cessez de vous battre puisque le résultat est toujours le même : la fermeture !
S'agissant de l'activité de recyclage, Peugeot a pris une décision qui est une bonne décision pour la France : celle de la développer sur un site français, à Vesoul, et de multiplier par trois son chiffre d'affaires dans cette activité au cours des cinq années à venir. Peugeot aurait pu choisir un autre site ailleurs dans le monde, mais le groupe a choisi Vesoul, en France, pour son activité de recyclage. Celle-ci permet d'économiser 50 % d'énergie et 80 % de matières premières. Je crois donc que c'est une bonne nouvelle pour le bassin d'emplois que vous représentez car c'est de la création de valeur et d'emplois, une conséquence aussi de la politique industrielle de compétitivité que vous défendez au sein de la majorité et que nous menons.
Il reste le cas spécifique du site d'Hérimoncourt. C'est le site historique de Peugeot, là qu'est née sa grande aventure. Je ne peux pas imaginer un instant que Peugeot ne garde pas une activité industrielle sur le site d'Hérimoncourt.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et SOC. – M. Patrick Mignola applaudit également.
C'est son histoire, comme les emplois, qui sont en jeu.
Je peux donc vous annoncer que vous recevrez, dans quelques heures ou quelques jours, un courrier du président de PSA, Carlos Tavares, qui vous invitera à discuter, ainsi que tous les élus de la région, de l'avenir industriel du site d'Hérimoncourt pour y maintenir des emplois industriels.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.
Monsieur le ministre de l'éducation nationale, vous avez entrepris, avec la majorité, de travailler à la réduction des inégalités dans notre système scolaire.
Nombre des mesures que nous avons discutées dans cet hémicycle sont aujourd'hui largement soutenues par les Français et portent déjà leurs fruits. La réduction du nombre d'élèves par classe dans les réseaux d'éducation prioritaire, l'abaissement à trois ans de l'âge de l'instruction obligatoire, la revalorisation du métier d'enseignant, la réforme du lycée qui doit conduire à un enrichissement des enseignements et à une meilleure orientation des lycéens vers les études supérieures, …
… toutes ces mesures concourent au combat que nous menons contre le déterminisme social dans le but de donner à tous les élèves les mêmes chances de réussite. C'est l'école qui fonde la République, et c'est par l'éducation que peut se réaliser la promesse républicaine.
Toutefois, entre le travail mené pour l'école élémentaire et maternelle et la réforme du lycée, il ne faut pas perdre de vue les besoins du collège qui constitue un cycle difficile tout autant qu'essentiel.
Des actions ont été menées, notamment via le dispositif « Devoirs faits », mais elles sont jugées insuffisantes par nombre de personnels enseignants et encadrants de ces établissements.
Si des effets sont attendus les prochaines années avec l'arrivée au collège de nouvelles générations passées par le renforcement du dispositif à l'école primaire, celui-ci ne saurait suffire à résoudre les difficultés actuelles telles que l'absence prolongée de professeurs, les retards d'apprentissage, la pénibilité de l'enseignement et les classes parfois surchargées. Nous savons tous combien ces conditions peuvent être difficiles à supporter !
Monsieur le ministre, quelles réponses est-il possible d'apporter aux personnels, parents et élèves qui craignent que les réformes entreprises oublient le collège ?
Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM.
La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.
Le collège est extrêmement important car il constitue le maillon central de notre système. Ainsi que vous l'avez rappelé, le travail réalisé pour l'école primaire l'est aussi pour le collège, si bien que la meilleure maîtrise des savoirs fondamentaux et la hausse du niveau des élèves à la sortie du CM2 seront la première des mesures en faveur du collège.
Il nous faut bien entendu faire plus. Voyons d'abord ce que nous avons fait, avant d'envisager ce que nous allons faire.
Nous avons rétabli les classes bilangues, ce qui a constitué un effort très important, …
… notamment en faveur de la justice sociale, puisque nous les avons rétablies en priorité dans les collèges les plus défavorisés. Ce sont 35 000 élèves supplémentaires qui, depuis deux ans, bénéficient des classes bilangues.
Nous avons aussi remis en place un véritable enseignement du latin et du grec que suivent 40 000 élèves de plus. Là encore, l'objectif d'élévation du niveau général accompagne l'objectif de justice sociale : j'étais récemment dans un collège du Bourget, où les élèves issus de milieux très défavorisés apprenaient le latin et le grec avec bonheur.
Nous avons donc déjà beaucoup fait en vue de rétablir l'attractivité du collège.
Le dispositif « Devoirs faits » est une mesure vectrice qui va permettre la personnalisation des parcours et l'évolution des relations entre les professeurs et les élèves mais aussi entre les parents et les professeurs. Il constitue aujourd'hui une mesure de justice sociale essentielle en même temps qu'une mesure d'élévation du niveau général.
La loi pour une école de la confiance va également avoir plusieurs effets sur le collège. L'une de ses mesures consiste à développer l'école des savoirs fondamentaux. Cette mesure était attendue depuis de nombreuses années car elle permettra d'établir un lien beaucoup plus fort entre le collège et l'école.
Enfin, une série de mesures prises dans le domaine social et périscolaire a pour but de modifier les réalités sociales du collège. Je pense particulièrement aux mesures pour les « cités éducatives » décidées avec Julien Denormandie, mais aussi à tout ce que nous allons faire pour aller à la racine des inégalités et remplir ce double objectif de justice sociale et d'élévation du niveau général.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
Ma question s'adresse à madame la ministre des armées.
Madame la ministre, l'armée française occupe une place particulière dans les collectivités du Pacifique. Cette place se traduit notamment par l'existence d'un service militaire adapté, essence même de la République dans nos territoires.
Les Polynésiens tiennent au service militaire adapté, le SMA, qui est un rituel de passage vers l'âge adulte marquant toute une génération à vie. Il est le moyen de transmettre les valeurs de la République, d'acquérir les fondamentaux scolaires et de développer de la rigueur dans le travail. Il est aussi et surtout un fabuleux outil d'insertion socioprofessionnelle pour nos jeunes en difficultés et non diplômés : en Polynésie, le SMA justifie chaque année d'un taux d'insertion professionnelle de 79 % parmi les 650 volontaires.
Les engagés originaires des départements d'outre-mer bénéficient d'une indemnité d'installation dans l'Hexagone. Cette indemnité permet notamment au soldat d'être accompagné de sa famille lors de son affectation, car lorsqu'un soldat est recruté, c'est toute la famille qui s'engage. Or les engagés originaires du Pacifique ne peuvent prétendre à cette indemnité, alors même qu'un grand nombre de jeunes s'engagent pour la République dans nos territoires : ils étaient 457 en 2017 et plus de 500 en 2018 en Polynésie.
Cette situation crée entre les soldats une inégalité de traitement fondée sur leur territoire d'origine.
Madame la ministre, j'ai comme vous la conviction qu'il n'y a pas de soldat fort sans famille heureuse. Toutefois, aucune mesure du plan famille présenté le 31 octobre dernier à Balard ne met fin à cette discrimination.
La nouvelle politique de rémunération des militaires offre une nouvelle opportunité, puisqu'elle doit engager une réflexion en vue de parvenir à une meilleure lisibilité du système de primes allouées aux militaires.
Madame la ministre, allez-vous profiter de cette réflexion pour mettre fin à cette discrimination entre les soldats wallisiens, calédoniens, polynésiens, et les soldats venant d'autres territoires ?
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et UDI-Agir.
La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès de la ministre des armées.
Madame la députée, je vous remercie d'avoir parlé du service militaire adapté qui est effectivement un très beau dispositif d'insertion au service de la jeunesse de nos outre-mer. Nous devons nous féliciter de son existence.
Vous m'interrogez sur l'indemnité d'installation à l'acronyme un peu barbare – INSMET – qui est versée aux militaires originaires d'un département d'outre-mer pour compenser leurs frais lorsqu'ils partent en métropole suite à leur engagement ou à une mutation dans l'intérêt du service. Ce dispositif n'est pas propre aux militaires puisque des dispositions équivalentes existent pour les fonctionnaires des départements d'outre-mer affectés pour la première fois en métropole.
Comme vous le soulignez, ces dispositions ne sont pas applicables aux fonctionnaires et aux militaires originaires de Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française. Cette situation est le prolongement de la différenciation des régimes de rémunération appliqués aux agents publics, quel que soit leur statut, en service dans les départements d'outre-mer, d'une part, et en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie, d'autre part.
Si une évolution du dispositif indemnitaire devait être envisagée, elle ne pourrait s'inscrire que dans une révision générale des régimes indemnitaires des militaires. Elle pourrait, ainsi que vous l'avez suggéré, prendre place dans le cadre de la nouvelle politique de rémunération des militaires que le ministère des armées entend mettre en oeuvre avec la loi de programmation militaire.
Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-Agir, LaREM et MODEM.
Monsieur le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, nous examinons le projet de loi pour une école de la confiance. Plus que jamais, l'évaluation est au coeur de nos politiques éducatives.
Nous pouvons nous féliciter de l'évaluation des acquis en CP-CE1, comme nous pouvons nous féliciter de l'évaluation à venir des établissements : c'est fondamental et nous sommes en train de le faire !
Lors de nos travaux menés au sein du Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques sur l'organisation de la fonction d'évaluation dans le système éducatif, nous l'avons bien senti auprès des acteurs rencontrés, et toutes les études, comme tous les rapports, le confirment : l'évaluation fait peur, elle paralyse, renvoie à l'échec, l'échec définitif, l'échec qui condamne.
Il ne peut donc y avoir d'école de la confiance sans confiance dans l'évaluation.
M. Jean Lassalle applaudit.
Il ne peut y avoir d'école de la confiance sans évaluation qui porte la réussite de tous : celle des élèves, des enseignants, des agents et des établissements.
C'est pourquoi l'évaluation en classe doit être formative et positive. Nous l'avons votée en commission : c'est un pas en avant pour la réussite des élèves.
C'est pourquoi l'évaluation des établissements, sur laquelle nous sommes tellement en retard, devrait être précédée d'une autoévaluation et reposer notamment sur des critères de bien-être ou de coopération entre les acteurs. C'est le modèle européen, alors avançons !
C'est pourquoi, enfin, il faudrait mettre en cohérence l'architecture nationale de l'évaluation en faisant du nouveau Conseil d'évaluation de l'école un réel coordinateur des évaluations.
Disposer d'une instance faîtière a été défendu par tous les acteurs comme étant nécessaire, structurant et incontournable. L'inscrire dans la loi, c'est la rendre effective.
Sans régulation, sans efficacité, sans association des acteurs aux évaluations, on peut craindre que les conditions de l'avènement d'une école de la confiance ne soient pas totalement réunies.
Monsieur le ministre, au-delà des mesures déjà prises, comment entendez-vous concrètement faire que nous puissions enfin changer de paradigme en matière d'évaluation ?
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.
Je vous remercie de cette question qui est de la plus haute importance : il est vrai que l'évaluation est, d'ailleurs dans la société tout entière, un sujet essentiel.
Il est exact que nous avons tous vécu et que nous vivons encore le contraste qui peut exister entre une évaluation qui fait peur, dont on craint le résultat, et une évaluation qui fait envie et qui, parce que l'on est pressé d'en connaître le résultat, crée du désir : un tel mécanisme marche, par exemple, pour les élections.
Cette évaluation est évidemment au coeur de la vie scolaire : il faut l'assumer. Il faut l'assumer dans des termes que vous avez parfaitement utilisés, c'est-à-dire comme quelque chose qui fait levier, qui fait progresser, que l'on est heureux d'apprendre – même si son résultat nous informe d'une difficulté ou d'un échec – , et qui nous sert de point de départ pour avancer et pour évoluer.
Nous le savons tous – vous l'avez parfaitement dit – : la France doit progresser, psychologiquement encore plus que techniquement, sur ce sujet.
Nous sommes à mon sens en train d'évoluer tant psychologiquement que techniquement. D'abord, l'intitulé même du projet de loi l'indique : en parlant d'école de la confiance, nous parlons bien de cette idée clé pour le cercle vertueux de l'évaluation.
Nous avons mené des évaluations, que vous avez mentionnées, qui vont dans ce sens : les évaluations de début et de mi-CP, de début de CE1, de début de sixième, de début de seconde sont notamment faites pour être des évaluations levier. Elles ne conditionnent en effet aucun passage et n'ont rien qui fasse peur : elles ne sont là que pour fournir une aide personnalisée permettant de progresser.
Sourires.
L'évaluation du système doit obéir à la même logique : c'est ce que nous sommes en train de façonner ensemble au travers de la discussion de ce projet de loi.
Nous devons en effet aboutir – vous l'avez rappelé – à un Conseil d'évaluation qui ré-englobera toutes nos capacités d'évaluation.
Il permettra à toute école, comme à tout établissement de France, de bénéficier tous les cinq ans, à partir d'une autoévaluation, d'une évaluation qui lui permettra de se sentir aidé et soutenu pour la compléter, et surtout de se sentir aidé et soutenu, à partir de celle-ci, en vue d'accomplir le projet éducatif de progrès que chacun formulera pour aller de l'avant.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe MODEM.
L'ambition européenne se veut celle d'une large terre, d'une terre renouvelée de territoires urbains et ruraux unis en principe par une cohésion résultant d'un développement harmonieux.
Au travers de ses programmes, l'Europe s'adresse, en passant par les régions, aux territoires ruraux.
Or c'est avec stupéfaction que nous constatons qu'en France, depuis quelques années, des projets de développement rural autorisés par l'Union européenne se trouvent mis en échec par des tracasseries administratives, voire par des blocages qui sont de la seule responsabilité nationale.
Nous renonçons purement et simplement à des recettes. La mise en place des grandes régions a été coûteuse, et ses gains en matière tant d'efficacité que d'ingénierie se font attendre.
La France accuse un retard important pour le versement des 700 millions d'euros de fonds européens du programme LEADER – Liaison entre action de développement de l'économie rurale – 2014-2020 qui sont destinés à des projets indispensables en milieu rural. À ce jour, 4 % seulement de ces fonds ont été versés.
Pour bon nombre de ces territoires exposés à l'éloignement des services publics, à la déprise économique, à une agriculture en difficulté et à des besoins impérieux de mobilité et de développement, ces aides ne sont pas un luxe.
Il serait inconcevable de nous asseoir sur de telles ressources financières. Comment croire à notre capacité à avancer au sein de l'Union européenne si nous éprouvons des difficultés chroniques à coordonner l'instruction et le versement des fonds européens ?
Comment, dans ces conditions, être surpris de voir les arguments en faveur d'une bonne et économe gestion de l'argent public peiner à convaincre dans l'opinion ?
Ces engagements non tenus constituent une bombe à retardement placée entre les mains des détracteurs de l'Europe.
Les engagements ont un sens, et ils n'ont pas moins de valeur quand ils portent sur des fonds européens destinés à la ruralité et à l'agriculture.
Faire perdurer ces retards ne fait en outre qu'accentuer la fracture territoriale.
Monsieur le ministre, pourriez-vous nous apporter des éclaircissements concernant cette situation, ses causes, et surtout la manière dont elle est prise en main par l'exécutif ainsi que par les administrations concernées ?
Dans quelles perspectives l'est-elle ? Serait-ce celle d'un gâchis ou celle d'un sauvetage dans les temps que notre ruralité appelle de tous ses voeux ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM – M. Fabrice Brun applaudit également.
Votre question porte sur le programme LEADER ainsi que sur la mauvaise consommation des crédits européens, dont la France est souvent responsable.
Nous parlons ici d'une enveloppe importante, vous l'avez rappelé je crois, de 700 millions d'euros pour la période 2014-2020 destinée à des projets en milieu rural.
Le Gouvernement partage votre avis : la situation politique que nous traversons nous rappelle combien ces territoires ont besoin que ces fonds de soutien à des initiatives locales soient déployés au plus vite, et combien l'Europe – c'est parfois oublié – contribue, à travers ses programmes, à réduire les fractures territoriales.
Le programme LEADER, que je connais bien, est un programme très ancien dans le déploiement des fonds structurels européens.
La particularité de cette enveloppe est qu'elle est mise en oeuvre par des groupes d'action locale placés sous la responsabilité des conseils régionaux, cette organisation s'inspirant d'ailleurs de l'exemple alsacien.
Sourires.
Je savais que j'allais faire réagir les députés alsaciens.
C'est dire si cette politique est particulièrement décentralisée : c'est sans doute l'une des plus décentralisées.
Depuis 2014, sa mise en oeuvre relève en effet des conseils régionaux, qui ont sélectionné 340 groupes d'action locale, les fameux GAL, qui ont en charge la sélection et l'instruction des projets.
Depuis 2018, constatant une défaillance dans la consommation de ces crédits, l'État a donc renforcé sa mobilisation – en tant que facilitateur – afin d'appuyer l'action des régions dans le cadre d'un plan de sauvetage de LEADER.
Le Gouvernement a ainsi oeuvré à la mise en place d'outils informatiques complémentaires ainsi que d'un groupe d'échanges entre les régions et l'Agence de services et de paiement, afin de favoriser la diffusion des bonnes pratiques dans les régions les plus performantes en termes de consommation de crédits.
Enfin, l'État a, dès le mois d'avril 2018, déployé un programme de formation et d'accompagnement des personnels en chargé en région de l'instruction des dossiers.
Je regrette néanmoins que toutes les régions n'aient pas souhaité y participer. Aujourd'hui, le retard accumulé dépend des conseils régionaux : il faut donc que chacun prenne ses responsabilités.
Nous prenons les nôtres.
Par ailleurs, il faudra sans doute tirer de cette situation des conclusions dans la mise en oeuvre de la politique agricole commune et plus particulièrement du deuxième pilier qui va être négocié dans les mois qui viennent.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. Sylvain Waserman.
Hier soir, l'Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s'arrêtant à l'amendement no 908 portant article additionnel après l'article 1er.
Il vise à rappeler que la priorité de l'enseignement scolaire doit concerner les fondamentaux que sont la lecture, l'écriture, la compréhension et le calcul.
Il est destiné à rappeler les bases de l'enseignement, en reprenant les éléments énoncés par M. Cinieri.
La parole est à Mme Anne-Christine Lang, rapporteure de la commission des affaires culturelles et de l'éducation, pour donner l'avis de la commission.
Le socle commun de connaissances et de compétences, mentionné à l'article L. 122-1-1 du code de l'éducation, vise à garantir l'acquisition des fondamentaux par tous les élèves. L'amendement étant satisfait, j'émets un avis défavorable.
La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, pour donner l'avis du Gouvernement.
Sur le fond, il n'y a aucune ambiguïté : j'ai rappelé encore récemment l'importance d'apprendre aux enfants à lire, écrire, compter et respecter autrui. L'amendement est donc satisfait. Quant aux précisions relatives à la méthode, qui figurent à la fin des amendements et avec lesquelles je pourrais être d'accord, elles ne relèvent pas du domaine de la loi. Avis défavorable.
Monsieur le ministre, vous ne pouvez pas nous répondre : « Circulez, il n'y a rien à voir ! », alors que 25 % des élèves sortent du primaire avec des lacunes et que 15 % sont en grande difficulté ! Il faut tout de même s'interroger sur cette situation et revenir à l'acquisition réelle des fondamentaux. Vous prétendez que tout va très bien. Ce n'est pas le cas, c'est pourquoi nous maintenons l'amendement.
Il s'agit d'une proposition visant à susciter un véritable engouement national pour l'organisation des Jeux olympiques de 2024. Des classes olympiques ont déjà été créées sur la base du volontariat dans certains établissements. Je propose de généraliser ce dispositif pour créer un élan autour des Jeux.
Nous souhaitons que chaque établissement dispose d'au moins une classe participant au dispositif jusqu'en 2024, afin d'inciter notre jeunesse à s'intéresser aux Jeux, notamment à connaître les valeurs de l'olympisme.
La parole est à Mme Béatrice Descamps, pour soutenir le sous-amendement no 1145 .
Je comprends l'amendement de M. Minot, dont je partage l'objectif, mais je propose que le dispositif, difficilement applicable aux écoles élémentaires, soit limité aux collèges. Pourquoi ne pas utiliser les activités périscolaires, qui ont lieu notamment le mercredi, pour mettre en place un projet similaire ?
Avis défavorable au sous-amendement. Les classes olympiques existent déjà dans les collèges. D'autre part, le périscolaire et le Plan mercredi ne relèvent pas directement de la loi.
Je comprends l'esprit dans lequel est rédigé l'amendement, mais les classes olympiques existent déjà. Elles fonctionnent bien, ce dont nous nous réjouissons. Nous avons constaté l'engouement suscité par la semaine olympique et paralympique – qui s'est déroulée du 4 au 9 février – et par les Jeux.
Rendre le dispositif obligatoire me semble très lourd. Une telle initiative repose sur une adhésion, un enthousiasme, une envie de faire. La laisser s'organiser sur la base du volontariat constitue une garantie que les enseignants y adhèrent. Il serait en effet regrettable que ceux-ci la vivent comme une contrainte. J'émets par conséquent un avis défavorable.
Même avis.
L'amendement est intéressant. Quelle en est la faisabilité ? Une semaine olympique et paralympique vient d'être organisée dans l'ensemble du territoire. Dans les départements, il existe à présent des référents auprès de chaque directeur académique des services de l'éducation nationale. Près de 1 000 établissements ont reçu le label « génération 2024 ». Reste à vérifier que la dynamique est à l'oeuvre partout. Tel est le sens de la mission que Thierry Terret effectue auprès du ministre.
Dans l'académie de Lyon, qui recouvre trois départements, on a isolé écoles, collèges et lycées dans trois compartiments. Je ne suis pas certain que ce soit la meilleure formule. À mon sens, mieux vaudrait que, dans chaque académie, le travail s'effectue à la fois à l'école, au collège et au lycée, sans qu'on se répartisse a priori les rôles.
Quoi qu'il en soit, la dynamique que M. Minot appelle de ses voeux est lancée. On peut sans doute y apporter quelques améliorations, mais le Parlement doit l'encourager.
Le sous-amendement no 1145 n'est pas adopté.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Non, mon cher collègue, le résultat du scrutin ne fait pas de doute. De ma place, je bénéficie d'une vue panoramique qui permet de distinguer clairement la majorité.
L'amendement no 208 n'est pas adopté.
Tout à l'heure, nos collègues de la majorité n'avaient pas levé la main !
La parole est à M. Jean-Louis Masson, pour soutenir l'amendement no 121 .
L'enseignement moral et civique, tel qu'il est enseigné en France, ne transmet qu'une connaissance abstraite des règles et des institutions de la République. La plupart des établissements scolaires ne donnent pas l'occasion aux élèves d'une rencontre et d'un échange avec des élus, des représentants des corps, de la police, de la gendarmerie, de l'armée, des magistrats et des ordres nationaux.
Or un temps de dialogue entre les élèves et les représentants de ces institutions nous semble essentiel. Ce serait pour les jeunes un vecteur de la construction du sentiment d'appartenance à la République.
C'est pourquoi il vous est proposé par cet amendement d'instaurer une semaine de la citoyenneté dans les écoles primaires et dans les établissements secondaires, publics ou privés sous contrat. Durant cette semaine, les établissements recevront en fonction de leur disponibilité des élus de la République, des représentants des grands corps de la sécurité civile, des policiers, des militaires, des gendarmes, des magistrats ou des membres des associations représentant les ordres nationaux.
À cette occasion, ceux-ci pourront présenter leurs fonctions, leur engagement ou leur métier au cours d'une intervention dont le contenu serait adapté à l'âge et à la maturité des élèves, en lien avec l'enseignement moral et civique, et après concertation préalable avec le professeur. On créerait ainsi une relation entre les élèves, les collégiens ou les lycéens, et tout ce qui fait fonctionner la République.
La disposition que vous proposez s'insère mal dans le code, puisqu'elle vise à compléter un article concernant l'enseignement artistique dans les écoles maternelles, ce qui n'est pas le sujet. Par ailleurs, des semaines citoyennes existent déjà ; il faut laisser les enseignants les organiser comme ils le souhaitent et inviter qui ils veulent, y compris des élus, ce qui arrive assez souvent. Avis défavorable.
Je voudrais faire une remarque qui concerne plusieurs des sujets qui viennent d'être évoqués. On ne peut être qu'en accord avec les motivations d'un tel amendement : l'éducation à la citoyenneté est évidemment essentielle, comme est fondamental ce qui a été dit précédemment sur le sport – les deux sujets n'étant pas sans lien. Les amendements portant article additionnel après l'article 1er constituent autant de propositions sur lesquelles on peut souhaiter que l'école se mobilise davantage. Néanmoins, il faut éviter une inflation excessive du volume du code de l'éducation et des obligations très formalisées qu'il pourrait imposer. Sur ce point comme sur d'autres, j'approuve pleinement la philosophie de l'amendement mais ne peux y être favorable. Comme l'a rappelé Mme la rapporteure, la disposition que vous proposez est déjà appliquée : il existe une semaine de l'engagement au lycée. D'une certaine façon, il faut assurer toute l'année l'éducation à la citoyenneté. Enfin, à la lumière de cet amendement, j'ajoute qu'on pourrait envisager de mettre en oeuvre cette mesure indépendamment de son inscription dans le code de l'éducation, à laquelle – tout en étant en accord avec l'esprit et le fond de la proposition – je suis défavorable.
Nous partageons également cet avis. De nombreuses interventions ont heureusement lieu dans les écoles, par exemple sur le thème de la mémoire. Des élus se rendent dans les classes, ce qui, vous le soulignez, intéresse beaucoup les élèves. Mais il n'y a pas lieu, à mon sens, d'inscrire cette mesure dans la loi.
L'amendement no 121 n'est pas adopté.
Cet amendement de notre collègue Julien Aubert a trait au contenu de l'éducation affective et sexuelle prévue par le code de l'éducation, et à l'âge auquel les enfants doivent la recevoir. Tous les parents sont fondés à se demander ce que les enfants doivent savoir et à quel moment ils doivent l'apprendre. Les enfants se posent d'ailleurs énormément de questions, parfois même à un âge avancé. Cet amendement vise à déterminer le niveau de la scolarité auquel doivent être dispensés ces enseignements. Il y a un âge pour tout et il faut prendre en compte la maturité, le recul des élèves. Nous avons déjà eu ces échanges en commission, qui se sont révélés quelque peu tumultueux. Nous sommes tous attachés à l'égalité entre les hommes et les femmes, au respect dû à chaque personne. S'il faut éviter que les enfants tiennent des propos ou adoptent des comportements inappropriés, il ne faut pas non plus leur tenir des discours inadaptés à leur âge, ce qui risquerait de les choquer. Il faut aussi éviter la politisation des formations. L'école doit être à même de dispenser ces enseignements. Les questions sensibles doivent être présentées dans le cadre de l'enseignement secondaire et, en tout état de cause, ces sujets ne doivent pas être abordés dès la petite enfance.
Monsieur le député, vous demandez que la sensibilisation à l'égalité entre les femmes et les hommes n'intervienne plus à l'école primaire et soit réservée à l'enseignement secondaire. Ce n'est pas notre avis. Nous pensons, au contraire, qu'elle doit être dispensée à tous les âges, dans le respect, évidemment, de chaque enfant, de son âge et de sa sensibilité – ce à quoi chacun est très attentif.
Vous demandez également que cette éducation soit dispensée exclusivement par les enseignants, et non par des associations. Dans la mesure où peu d'associations interviennent sur ces sujets, le risque de propagande que vous évoquez est faible. Néanmoins, il est très important d'être vigilant à l'égard des associations intervenant à l'école. Je fais confiance aux autorités académiques et aux chefs d'établissement pour faire preuve du discernement nécessaire dans le choix des associations intervenant dans les établissements scolaires – je ne m'étends par sur les explications, qui sont évidentes.
Monsieur le député, nous avons effectivement eu ce débat en commission. Votre intervention concerne deux sujets : d'une part, l'égalité entre hommes et femmes, d'autre part, l'éducation sexuelle. Dans ces deux domaines, les actions menées à l'école primaire revêtent une grande importance. On ne peut qu'être d'accord avec vous sur le fait qu'à chaque âge correspond un type de message – cela va de soi. Toutefois, nous savons que le sujet de l'égalité entre hommes et femmes doit être traité le plus tôt possible, dans la mesure où les représentations des enfants sont en jeu. Par exemple, si l'on veut plus de mixité dans les métiers quasi exclusivement masculins, ou, à l'inverse, presque entièrement féminins, la question de la représentation est très importante. C'est d'ailleurs une expérience que je fais régulièrement dans les classes. Encore une fois, le message doit être adapté à chacun.
Il en va de même de l'éducation à la sexualité. À l'école primaire, il s'agit surtout de diffuser des messages sur le respect de son propre corps, la protection qu'on doit mettre en oeuvre. Il faut prévenir un certain nombre de problèmes. Malheureusement, comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire dans l'hémicycle – je profite de ce débat pour vous y sensibiliser à nouveau – , plusieurs enquêtes nous montrent que, dès l'âge de l'école primaire, avant même le collège, donc, un pourcentage important d'enfants ont vu des sites pornographiques. C'est un vrai fléau, contre lequel nous devons agir. Parler de ces sujets pour éviter que l'initiation aux enjeux de la sexualité se fasse de manière totalement sauvage est évidemment important. Là encore, le message doit être adapté. C'est, encore une fois, un enjeu relatif au respect du corps. Ensuite, à l'âge du collège et du lycée, comme cela se passe depuis de nombreuses années, un enseignement est dispensé, adapté aux adolescents. Cela soulève des enjeux en termes de santé et d'éducation. J'ai apporté des précisions à ce sujet dans une circulaire de septembre, et je ne pense pas qu'il faille faire évoluer le code de l'éducation en la matière. Donc avis défavorable.
Étant particulièrement sensible à cette question, je voudrais rebondir sur ce que vous avez dit, Mme la rapporteure, concernant l'information et l'éducation sexuelle, qui doivent être dispensées dans le respect de la personnalité des enfants. Je suis absolument d'accord avec vous mais je me demande comment cela peut être fait lorsque le message est délivré par des associations qui, par définition, ne connaissent pas les élèves. Par ailleurs, je vous rappelle, monsieur le ministre, que vos services ont été dans l'obligation de rappeler, il y a quelque temps, un ouvrage présenté sous la forme d'une bande dessinée, ayant trait à l'éducation sexuelle, qui était parfaitement déplacé pour les plus jeunes. Un effort de vigilance est donc nécessaire.
Malheureusement, il y a des trous dans la raquette, et des enfants, comme des familles – ce que je comprends parfaitement – peuvent se sentir heurtés dans leur sensibilité. J'en appelle à tous pour qu'un effort particulier de vigilance soit entrepris et que le recours aux associations – lesquelles, encore une fois, ne connaissent pas les enfants – soit le plus limité possible.
L'amendement no 885 n'est pas adopté.
À la fin du CM2, on constate que 25 % des élèves ont des acquis fragiles et que 15 % souffrent de vraies lacunes dans les matières fondamentales. Il est donc proposé, par cet amendement, de supprimer l'enseignement obligatoire d'une langue vivante en CP pour recentrer cette année décisive sur la lecture, l'écriture et le calcul. Cela n'empêcherait évidemment en rien les enseignants d'enseigner des comptines ou de proposer des petits jeux en anglais à leurs élèves.
Cet amendement nous invite à nous interroger sur les mauvais résultats constatés à la sortie du primaire, en particulier sur les lacunes de certains enfants.
L'enseignement d'une langue vivante est, bien sûr, l'un des éléments importants du socle commun à la fin de l'école primaire, mais il faut s'interroger sur l'opportunité de commencer cet apprentissage au début de ce cycle, alors même que les acquis fondamentaux ne sont pas assurés. On a envie, naturellement, que tout aille bien, que tous les enfants soient bons en maths, en français, en sport, en art et maîtrisent une langue. Sur le papier, c'est très bien, mais on constate des lacunes à la sortie du primaire, que les élèves vont traîner pendant des années dans le secondaire et ensuite durant toute leur vie professionnelle. On ne peut donc pas y rester insensible. La question est de savoir si l'on ne doit pas recentrer les apprentissages sur les vraies priorités, à savoir apprendre à lire, à écrire, à compter et à parler. D'autres options pourront naturellement être proposées par la suite, mais il faut établir des priorités. À tout vouloir, on obtient ce résultat, dont notre pays ne peut se satisfaire.
J'émettrai un avis défavorable. Contre toute logique, on pourrait penser que, si on dégage du temps – une heure trente est actuellement consacrée à l'apprentissage des langues étrangères à l'école primaire – , on pourra se consacrer davantage à l'enseignement des fondamentaux, comme vous l'appelez de vos voeux. Or, cela ne fonctionne pas comme cela : les savoirs et les apprentissages se nourrissent mutuellement. C'est aussi en apprenant une langue étrangère qu'on apprend à découvrir sa langue maternelle : c'est ce que font la plupart des pays européens. Avis défavorable.
Je suis en accord profond, en même temps qu'en parfait désaccord avec ce que vous avez dit. J'approuve évidemment sans réserve l'objectif consistant à ce que les savoirs fondamentaux soient bien ancrés à la fin du CM2. Je pense que vous m'accorderez que beaucoup a été fait en ce domaine depuis dix-huit mois – je ne vais pas revenir sur l'ensemble des mesures, mais on a une approche très concrète des problèmes. Je citerai, par exemple, les évaluations de CP et de CE1, ou les recommandations pédagogiques, dont une partie ont des conséquences sur les temps d'enseignement : le temps consacré aux savoirs fondamentaux est à présent très important.
Cela étant, je partage le désaccord qui vient d'être exprimé par Mme la rapporteure. Il est parfaitement démontré que l'apprentissage d'une langue étrangère, non seulement ne nuit pas à la consolidation de l'apprentissage de sa propre langue mais, encore, la sert. Il a même été mis en évidence, récemment, qu'à partir de 11 ans, on a plus de mal à apprendre une langue étrangère. Cela nous interroge sur ce que nous faisons depuis des décennies, à savoir commencer l'apprentissage d'une langue étrangère juste après 11 ans. La maîtrise d'une langue vivante étrangère constitue donc une priorité pédagogique à l'âge de l'école primaire ; elle est de nature à permettre l'acquisition d'une deuxième langue vivante au collège. Ce sont des sujets sur lesquels je m'exprimerai bientôt. Mme Chantal Manès et M. Alex Taylor m'ont remis, il y a quelques mois, un rapport à ce sujet – qui va donner lieu, sous peu, à un plan d'action – qui contient tous les développements permettant de répondre à votre question. Je vous invite à le lire, car il est très convaincant sur la stratégie à mener et sur les soubassements scientifiques de cette stratégie. Avis défavorable.
Comme nous l'avions dit en commission, nous sommes favorables à l'apprentissage des langues étrangères dès la maternelle. Nous ne sommes donc évidemment pas favorables à cet amendement.
En accord avec mon collègue Dino Cinieri, nous retirons nos amendements, qui avaient pour objet d'appeler votre attention. On ne peut pas dire que l'apprentissage d'une langue vivante permet d'obtenir de meilleurs résultats dans l'acquisition des fondamentaux car, si tel était le cas, notre système éducatif ne se caractériserait pas par ces mauvais résultats. Ceci dit, je prends note des conclusions des études récentes. Il pourrait en effet être envisagé de faire débuter l'apprentissage des langues un peu plus tôt. Nous tenons compte de ces éléments et retirons nos amendements, mais le débat reste ouvert.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 979 .
Mon amendement porte sur les enseignements de langue et de culture d'origine – les fameux ELCO. Monsieur le ministre, j'ai eu plusieurs fois l'occasion de vous interroger sur ce dispositif afin d'en savoir un peu plus sur son avenir. En novembre dernier, j'ai reçu de vos services une réponse qui m'a quelque peu étonnée. Pour mémoire, les ELCO ont été créés en 1977 afin de permettre aux enfants de travailleurs immigrés de conserver un lien avec leur pays d'origine. Il s'agissait de faciliter leur retour – tel était bien l'objectif du dispositif à l'époque.
Aujourd'hui, les enseignants intervenant dans ce dispositif donnent majoritairement des cours à des enfants de nationalité française ou à des enfants étrangers dont le retour dans le pays d'origine n'est absolument pas prévu. Vous conviendrez donc que l'on s'est quelque peu éloigné du but initial. C'est d'autant plus regrettable qu'au lieu de faciliter l'insertion des familles, ce dispositif participe à une communautarisation dont vous connaissez les conséquences dramatiques pour l'équilibre de notre société. Alors que le sujet est très sérieux, il m'a été répondu que les ELCO ne constituaient pas un problème, dans la mesure où, depuis 1990, ils sont accessibles à tous les élèves, quelle que soit leur nationalité ou leur origine.
En réalité, les élèves sont répartis en fonction du pays avec lequel ils entretiennent un lien familial, et non en fonction de la langue étudiée. C'est pourquoi je demande la suppression de ce dispositif, dont il a pourtant été demandé le renouvellement aux communes en octobre dernier. Et, contrairement aux engagements pris, les enseignements – par exemple aux enfants d'origine marocaine, algérienne et tunisienne – n'ont pas du tout été regroupés, sur fond de querelles de prérogatives nationales.
Pour terminer rapidement mon propos, le maire de Garges-lès-Gonesse a fait part, lors de la réunion du Club des maires de la rénovation urbaine à laquelle j'ai participé à la mi-journée, d'une initiative qui me semble très intéressante. Quand les mamans d'origine maghrébine qui parlent mal ou pas du tout le français déposent leurs enfants à l'école le matin, il est dispensé à celles qui le souhaitent un enseignement du français. Cela me paraît un peu plus constructif pour l'insertion sociale de ces familles d'origine immigrée.
Vous souhaitez interdire aux élèves de suivre un enseignement linguistique en lien avec leur culture d'origine. Ce n'est évidemment pas possible, puisque cela reviendrait à introduire une discrimination dans le choix des enseignements en fonction de l'origine, ce qui constituerait une pratique inadmissible. On voit bien, au-delà de la question des ELCO dont on peut éventuellement débattre, que vous revenez sans cesse sur cette question de l'enseignement de l'arabe, pour dire les choses comme elles sont.
Protestations sur les bancs du groupe LR.
C'est quand même le fond de cette pensée ! Je me permets donc de dénoncer à nouveau la campagne de fake news orchestrée par vous-même et par d'autres députés sur la question de l'enseignement de l'arabe, campagne laissant croire que le ministre voulait imposer partout cet enseignement.
Mme Cécile Muschotti applaudit.
Je profite de la discussion de cet amendement sur les ELCO pour vous rappeler à votre responsabilité concernant l'enseignement de l'ensemble des langues d'origine, et de l'arabe en particulier. Mon avis est défavorable.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.
Plusieurs sujets coexistent dans votre intervention. D'un côté, il y a l'enseignement des langues dès l'école primaire. D'une certaine manière, cela nous renvoie au précédent article. Nous devons l'encourager, et dans le cadre scolaire et dans le cadre périscolaire. Bien entendu, le cadre périscolaire ne saurait favoriser des développements communautaristes que nous ne souhaitons pas. Je reconnais tout à fait que les ELCO ont pu contribuer à ce phénomène – non pas tous, mais en partie. Nous devons lutter contre cela, comme je vous l'ai déjà dit.
Tout un travail est entrepris pour élaborer de nouveaux critères d'organisation des ELCO, de manière à ce que, conformément au premier de ses principes, la République française soit en situation de contrôler parfaitement ce qui s'y passe, et notamment la nature des intervenants. Cette tâche débouchera sur une profonde transformation du dispositif. Cela nécessite un travail diplomatique, dans la mesure où ces dispositifs ont été établis au départ de manière diplomatique, par le biais de conventions internationales. Les évolutions ne peuvent donc pas s'opérer en un jour.
Mais l'horizon fixé est parfaitement clair : c'est celui d'une maîtrise par l'État de ce qui se passe dans ces dispositifs. Nous les ferons évoluer dans les prochains mois. Cela ne relève pas du code de l'éducation, mais de conventions internationales, puis d'évolutions réglementaires auxquelles nous procéderons.
Dans le même temps, il est nécessaire d'encourager l'apprentissage des langues étrangères. Comme l'a dit Mme la rapporteure, nous ne cherchons pas à généraliser telle ou telle langue d'origine – elles sont d'ailleurs nombreuses – mais à encourager une langue vivante 1 – LV1 – dès l'école primaire. Cet enseignement doit bien entendu se dérouler dans le cadre scolaire, mais également dans le cadre périscolaire, et dans un cadre républicain.
Merci à Mme la rapporteure d'avoir rappelé que cette question ne devait pas constituer un objet de polémique, ce qui est très important, mais au contraire poursuivre des objectifs très clairs : un cadre républicain et un développement linguistique – tout cela et rien que cela.
Je voudrais revenir sur la question soulevée par cet amendement. Vous dites, monsieur le ministre, qu'il ne faut pas en faire un objet de polémique. Mais les termes choisis par Mme la rapporteure, de facto, veulent en faire un objet de polémique !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – M. Christophe Naegelen applaudit aussi.
C'est une erreur majeure ! Chacun connaît les problèmes qu'occasionnent les ELCO. Il faut avoir le courage de dire les choses : ce dispositif a été conçu il y a un demi-siècle et n'est aujourd'hui plus adapté. Ayons le courage de le reconnaître ! Il faut avoir le courage de dire l'horizon républicain, comme M. le ministre vient de le faire, et j'y souscris ; mais dire les choses ne suffit pas.
Monsieur le ministre, vous savez très bien que ce problème est pendant depuis des années et qu'il faudra, à un moment ou à un autre, s'y attaquer. Ce ne sera pas facile, parce que le dispositif est prévu par des accords internationaux : le bras de fer sera inévitable. Le problème est en effet que ces enseignements sont assurés par des enseignants étrangers, désignés, choisis, recrutés et rémunérés par les pays d'origine pour délivrer des enseignements dont nous n'avons pas, loin s'en faut, la totale maîtrise des contenus.
J'ai connu beaucoup d'enseignants d'ELCO : pas un seul ne maîtrisait la langue française. Quand je dis pas un seul, ce n'est pas un seul ! Selon moi, s'orienter vers des dispositifs innovants est nécessaire. J'ai moi-même mis en place spontanément, dans ma ville, un dispositif qui ne relève pas de la politique de la ville : nous gardons dans les lieux scolaires les mamans d'origine étrangère qui amènent leurs enfants à l'école et nous leur dispensons un enseignement de la langue du quotidien.
L'objectif républicain, c'est l'intégration par la langue ! Ce discours doit être tenu pour les enfants, pour les parents et pour les pays émissaires des ELCO. Il faut s'orienter vers cela et pouvoir le dire sereinement, sans être diabolisé !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur plusieurs bancs du groupe UDI-Agir.
Effectivement, madame la rapporteure, je n'ai parlé que des ELCO et rien que des ELCO ! Je crois que la mauvaise foi de vos propos vous décrédibilise complètement sur ce sujet.
Jamais je n'ai dissuadé l'encouragement à l'apprentissage des langues étrangères, jamais ! J'ai évoqué les langues arabes, parce que des engagements avaient été pris par vous-même, monsieur le ministre, dans cet hémicycle, il y a un peu plus d'un an. Après des questions sur les ELCO de M. Julien Aubert et de moi-même, vous vous étiez engagés à supprimer le dispositif. Vous aviez annoncé que, pour diminuer les problématiques communautaires, il avait été décidé que les enseignements des langues marocaine, algérienne et tunisienne allaient être regroupés pour constituer un seul enseignement de la langue arabe. C'est la raison pour laquelle j'ai pris cet exemple.
Or l'engagement n'a pas été tenu, puisqu'au mois d'octobre, il a été demandé aux communes, comme c'est le cas à Béziers, d'organiser à nouveau les ELCO cette année. On nous dira ensuite qu'il ne faut pas établir de statistiques ethniques, mais on nous demande de les organiser dans telle école pour les élèves d'origine marocaine, dans telle autre école pour les élèves d'origine algérienne, et dans telle autre école pour les élèves d'origine tunisienne. Comment fait-on quand on n'a pas le droit de savoir de quel pays proviennent les élèves ? Expliquez-moi comment nous sommes censés organiser un enseignement pour ces enfants – ce qui me semble-t-il est contestable. Je préférerais organiser un enseignement de la langue française, mais nous sommes censés mettre sur pied un enseignement de l'arabe, et non des langues communautaires d'origine du pays.
Ce débat est intéressant. En ce qui nous concerne, nous n'avons jamais milité pour le choc culturel. Nous militons plutôt pour l'infusion culturelle, considérant que les langues étrangères sont des cultures et des richesses. Plus ces langues étrangères sont diffusées, mieux ça vaut ! Il n'est pas incompatible de cultiver, de développer, d'apprendre ces langues, et de faire en sorte, dans le même temps, que l'on soit fiers de la langue française, qu'on l'apprenne et qu'on la maîtrise correctement. Il est un peu dommage de diaboliser ce débat, en considérant qu'il y a ceux d'un camp et ceux d'un autre. Selon moi, les identités, les cultures et l'enseignement de toutes les langues doivent être respectés.
J'avais prévu de parler peu, prenant en compte le travail qui nous attend. Mais je ne peux pas ne pas répondre à ce qui vient d'être dit. Je vais répondre, précisément, à ce que vous avez dit, mesdames les députées. Mais je suis, d'emblée, dans une situation assez paradoxale. Vous avez rappelé que ce dispositif avait été élaboré il y a plusieurs décennies par d'autres gouvernements, lesquels nous ont placés dans une situation difficile. Aucun gouvernement précédent n'a eu le courage d'en finir avec cela. C'est ce gouvernement qui fera ce qu'il faut, avec des impératifs diplomatiques et sociaux complexes !
Nous sommes en train de prendre le sujet à bras-le-corps. Il est très paradoxal de s'entendre reprocher de ne pas agir alors même qu'on hérite d'une situation à laquelle on est justement en train d'apporter une solution.
Je vous accorde bien volontiers que nous n'apporterons pas cette solution du jour au lendemain. Pour autant, nous n'avons pas été inactifs. Il est vrai que cela ne se voit pas forcément. Je me dois donc d'apporter quelques précisions à la représentation nationale, ce que je fais maintenant.
D'abord, nous avons réuni les programmes, quelles que soient les nationalités concernées par les ELCO, autrement dit les trois pays du Maghreb : désormais, il existe un programme commun de langue arabe pour les trois pays. Cela prépare les décisions futures, dont je peux vous donner les grandes lignes. J'ai commencé à le faire, tout à l'heure, à propos du contrôle par la France des enseignements, ce qui signifie le contrôle des intervenants. Cela aboutira en réalité à une forme de transmutation des ELCO dans les temps à venir. Nous avons encore des discussions à mener avec les États d'origine. Comme l'a dit Mme Genevard, celles-ci ne seront pas forcément simples. Elles ont d'ailleurs déjà commencé. Elles aboutiront à un résultat qui, pour moi, est impératif : nous devons contrôler ce qui se passe dans notre pays.
Pour le reste, je crois que nous partageons tous les grands principes que vous avez évoqués. Ils ont été rappelés par Mme la rapporteure, comme ils auraient pu l'être par l'ensemble des membres de cette assemblée. L'exemple de Garges-lès-Gonesse est très intéressant. Nous devons encourager toutes les initiatives du type Maison des parents, qui aboutissent à faire, le plus possible, apprendre la langue française aux parents. Cela contribue au développement de la relation parents-école, qui constitue pour nous une priorité.
De même, notre priorité reste – je rejoins M. Breton sur ce point – les savoirs fondamentaux, et donc le français, pour tous les élèves, quelle que soit leur origine. Cette priorité n'est pas antinomique avec l'apprentissage d'une langue étrangère, notamment quand cette langue étrangère est celle du pays dont viennent les parents de l'élève. Je ne dis pas que c'est ce que vous faites, mais ma requête est que nous ne nous disputions pas sur ce sujet.
Celui-ci requiert du doigté, de la constance et de l'unité : nous devons avoir le même point de repère, celui du contrôle par l'État des ELCO, y compris de l'évolution du dispositif. Je vous garantis de nouveau que nous ne resterons pas immobiles, le processus ayant déjà commencé.
L'amendement no 979 n'est pas adopté.
Le Gouvernement a annoncé un objectif : former 80 % de la population française aux gestes de premier secours à l'horizon de 2022. Défendant cette position depuis dix-sept ans dans l'hémicycle, je trouve cet objectif excellent. Un ancien député de Tourcoing, M. Delnatte, l'a défendu tout au long de ses six mandats. Je pense que le Gouvernement va prendre ce sujet à bras-le-corps. Si la victime est secourue dans un temps très court, ses chances de survie augmentent. Il est donc important de former la population aux gestes de premier secours.
Quoi de mieux que de passer par l'éducation nationale, qui forme des classes d'âge complètes, pour atteindre cet objectif ? J'ai donc déposé un amendement visant à inclure l'enseignement de ces gestes de premier secours dans les programmes d'enseignement des premier et second degrés.
La parole est à Mme Laurianne Rossi, pour soutenir l'amendement no 439 .
L'amendement de mon collègue Cesarini, que nous sommes plusieurs à avoir cosigné, poursuit le même objectif : faire en sorte que chaque élève quitte le système scolaire en étant titulaire du certificat de prévention et de secours civiques du premier niveau, PSC1. Cette formation civique permet à ceux qui l'ont suivie de dispenser les premiers secours. Aujourd'hui, l'apprentissage de ces compétences n'est pas obligatoire et le suivi de la formation ne donne pas toujours lieu à la délivrance d'un diplôme.
L'amendement vise à rendre obligatoire cette formation, afin que chaque élève connaisse, dès le plus jeune âge, les premiers réflexes à avoir et que le nombre de vies sauvées augmente. Cet amendement s'inscrit dans l'objectif, rappelé à l'instant, de former 80 % de la population aux gestes de premier secours. Aujourd'hui, seulement 29 % de la population est formée. Quoi de plus naturel que de commencer par l'école et d'enseigner ces premiers gestes et ces réflexes profondément citoyens aux plus jeunes générations ?
La sensibilisation aux gestes de premier secours existe déjà dans la scolarité obligatoire. Les textes réglementaires prévoient qu'une attestation est délivrée aux élèves ayant reçu cette formation. Il s'agit d'un certificat de compétences de citoyen de sécurité civile, qui atteste de l'aptitude à prévoir les risques et à réaliser les gestes élémentaires de secours aux personnes en situation de détresse physique. C'est une composante du livret scolaire unique. Mon avis est défavorable.
Je tiens à saluer votre engagement à tous deux sur ce sujet très important. De grands progrès ont été accomplis ces dernières années, comme Mme la rapporteure vient de le rappeler.
Nous avons commencé le déploiement d'un plan destiné à former tous les élèves de France aux premiers secours d'ici à 2022. Bien entendu, il ne s'agit pas d'une certification, mais celle-ci est prévue dans le cadre du service national universel – SNU – , qui concernera toute une classe d'âge, celle de la seconde.
Nous nous dirigeons donc vers l'universalité de cette formation et encourageons d'ores et déjà des opérations d'avant-garde, comme les « classes Croix-Rouge » – j'ai récemment signé la convention avec la Croix-Rouge pour les développer.
La formation se fait graduellement : dès l'école primaire, à l'âge de dix ans, pour les premiers secours, puis au collège, avec certains élèves qui vont plus loin dans l'apprentissage des secours, dans les « classes Croix-Rouge » ou dans des opérations avec les pompiers, et enfin dans le SNU. C'est donc une stratégie d'ensemble qui est déployée.
Nous ne pouvons qu'être d'accord avec l'inspiration de ces deux amendements, mais nous sommes en train d'aller là où vous le souhaitez. Mon avis est défavorable.
Monsieur le ministre, donnez au moins un avis de sagesse sur ces amendements ! Ils sont bons. Le dispositif que vous décrivez existe en effet, mais pour ceux qui connaissent la réalité de l'éducation nationale, l'attestation correspond à une formation légère et ne sert pas à grand-chose. L'amendement de Mme Rossi vise à délivrer un diplôme correspondant à une qualification et pouvant être utile. Nous le soutenons, car il va dans le bon sens.
Cet amendement renforce l'importance de la maîtrise des premiers gestes de secours par le plus grand nombre de citoyens possible. Ces gestes peuvent sauver des vies. Je ne crois pas que nous puissions nous satisfaire, même si un premier apprentissage est dispensé, des attestations délivrées actuellement dans l'éducation nationale.
Nous soutiendrons cet amendement sur lequel nous pourrions tous nous retrouver.
Soixante députés ont cosigné l'amendement présenté par Mme Rossi, qui préconise d'inculquer dès le plus jeune âge non seulement des gestes élémentaires de premier secours, mais des réflexes de citoyen.
En effet, en apprenant dès l'enseignement élémentaire que l'autre, le voisin, le camarade avec qui on s'est peut-être disputé à la récréation, peut être secouru, protégé, sauvé même, on entre dans une démarche très vertueuse pour la relation aux autres.
En délivrant le diplôme PSC1, on valorise et on déclenche des réflexes de citoyen.
Cet amendement me semble extrêmement important. J'étais formatrice de premiers secours lorsque j'étais enseignante, et nous manquions cruellement de professeurs formateurs. Plutôt que de passer par la Croix-Rouge ou le Secours populaire, il faudrait utiliser les formations existantes et les inscrire dans la formation initiale des enseignants, de manière à ce qu'une réelle sensibilisation soit assurée dans les établissements du primaire par les enseignants, formés et formateurs, et non par la Mutuelle d'assurance des instituteurs de France, la MAIF, même si elle le fait très bien.
Presque de bon sens, cet amendement va dans la même direction que la politique déjà mise en place. Il suffit juste de donner un petit coup de pouce, en intégrant ces gestes à la formation de tous les enseignants, afin que l'éducation nationale s'approprie cette formation, essentielle pour le citoyen et dans la vie quotidienne. Lorsque quelqu'un s'effondre d'une crise cardiaque, agir dans les deux minutes assure 90 % de survie.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Nous n'avons pas déposé d'amendements similaires, car nous envisagions d'intégrer cette formation au SNU, initiative très importante que nous saluons. Mais après avoir écouté les députés appartenant à différents groupes, nous soutiendrons ces amendements.
Dispenser plus tôt la formation aux gestes de premier secours pourrait être intéressant pour la santé de nos enfants et celle de nos concitoyens. Il s'agit également d'un geste civique, qu'il serait important d'intégrer aux cours d'instruction civique.
Nous sommes à peu près tous d'accord pour reconnaître que cette formation rejoint les savoirs fondamentaux. Une nouvelle fois, les lycées professionnels sont avant-gardistes, car des formations diplômantes, dispensées par de vrais formateurs, existent dans la plupart d'entre eux depuis plusieurs années. Après avoir été sensibilisé plus jeune, il est possible de mettre ces gestes en pratique entre 15 et 18 ans.
Le groupe Les Républicains est également sensible à ce sujet important. Nous avons bien entendu les explications de M. le ministre sur la montée en puissance du dispositif de formation aux gestes de premier secours dans les écoles, les collèges et les lycées. Des services départementaux d'incendie et de secours – SDIS – et des chefs d'établissement prennent des initiatives, témoignant que beaucoup est déjà fait.
Nous soutiendrons cet amendement visant à délivrer une attestation, comme il en existe pour la sécurité routière.
Nous partageons tout ce qui a été dit sur la nécessité de suivre une formation aux premiers secours. Les témoignages apportés sont d'ailleurs extrêmement éloquents. Nous partageons aussi la préoccupation exprimée et nous souhaitons que tous les élèves et tous les jeunes soient formés aux premiers secours.
Cependant, il y a objectivement un problème de faisabilité : sait-on former au lycée, alors que les enseignants sont déjà extrêmement sollicités sur les temps scolaire et périscolaire par des opérations de sensibilisation à divers sujets fondamentaux ?
Les établissements disposent d'assez peu de temps libre dans la journée pour assurer des formations complémentaires. Tout en répétant que nous attachons une importance considérable à ce sujet, il me semble que la proposition faite par le ministre de former l'ensemble d'une classe d'âge dans le cadre du SNU – ce que l'on sait faire, parce que l'on dispose de plus de temps et de personnes – répond à cette préoccupation commune.
J'ai déposé un amendement identique au projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, afin que le compte personnel de formation puisse financer cet apprentissage. On m'a répondu que ce n'était pas possible, mais que le sujet était important. On me fait toujours la même réponse ! Cela fait dix-sept ans que l'on me dit que le sujet est important et que l'on va le prendre à bras-le-corps, mais cela fait dix-sept ans qu'on ne le fait pas !
Tous les groupes approuvent l'idée de dispenser cette formation dès le plus jeune âge, afin que les enfants connaissent les rudiments des premiers secours. Que vous vouliez poursuivre cette formation avec d'autres dispositifs est une très bonne chose, mais commençons par la classe d'âge scolarisée dans les premier et second degrés. Tout le monde est d'accord sur ce point dans cet hémicycle. Pour ne pas être battu, monsieur le ministre, changez d'avis !
M. Christophe Naegelen applaudit.
Nous pourrions raisonner de cette façon sur beaucoup de sujets, monsieur le député, et, à la fin, nous aurions le code de l'éducation du paradis, mais il faudrait trouver la personne capable d'installer le paradis.
Nous ne pouvons pas toujours tout faire tout de suite. Je suis dans le rôle ingrat, puisque j'approuve bien entendu tout ce qui a été dit. Nous souhaitons que tous les élèves reçoivent une formation au secourisme : on ne peut d'ailleurs pas me soupçonner de ne pas y être favorable, puisque j'ai installé les formations les plus volontaristes dans ce domaine lorsque j'étais recteur de l'académie de Créteil.
Oui, il faut aller vers la généralisation de la formation au secourisme, mais, comme je l'ai dit, peut-être pas assez clairement, nous sommes engagés dans un plan de ce type. Celui-ci a pour horizon 2022, car nous sommes obligés de faire preuve d'un certain réalisme en matière de formation des formateurs. La dernière phrase fixant à la rentrée 2019 l'obligation d'enseigner les gestes élémentaires de premier secours est l'élément dissuasif de votre amendement.
Effectivement, ce pourrait être une solution. Notre plan se fixe l'horizon 2022 pour arriver au même objectif. Il serait toujours possible d'en accélérer le déploiement, mais je ne souhaite pas inscrire dans le code de l'éducation une disposition que nous ne serions pas capables de mettre en oeuvre, quand bien même nous sommes convaincus par l'objectif.
Ce ne sont pas des phrases en l'air : nous avons entamé ce processus, qui suivra les trois temps que je viens d'indiquer.
À cet égard, le SNU revêt une importance toute particulière, car il constitue un moment pleinement adapté à cette formation. L'amendement comporte donc un risque de désorganisation du processus tel qu'il est enclenché.
Je prends bien sûr note de votre impatience – au bon sens du terme – , monsieur Vercamer. Elle est légitime. Elle devrait pouvoir se travailler.
Toutefois, je suis mal à l'aise à l'idée d'accepter l'amendement tel quel, en raison du délai qu'il fixe. Il convient de procéder à une réelle instruction, centrée sur les dates d'entrée en vigueur des dispositions proposées, afin de déterminer dans quelle mesure nous pouvons vous donner partiellement satisfaction.
Je maintiens mon avis défavorable, assorti des explications qui précèdent. Je veux bien prendre l'engagement devant vous, mesdames et messieurs les députés, de procéder à la généralisation proposée au cours du quinquennat. Cette position est réaliste. Bien entendu, l'adopter n'enlève rien à l'impératif catégorique qui sous-tend les deux amendements.
La parole est à Mme Béatrice Piron, pour soutenir l'amendement no 338 .
Comme chacun ici, je suis très impliquée dans la promotion de la formation aux gestes qui sauvent et aux premiers secours. Toutefois, l'objet de mon amendement est un peu différent.
Tout d'abord, je tiens à saluer les progrès réalisés par l'éducation nationale depuis 2016, ainsi que les actions qu'elle a entreprises. Citons notamment le programme APS – Apprendre à porter secours – proposé à l'école primaire et le module « Gestes qui sauvent », initialement créé par les sapeurs-pompiers après les attentats de 2015 et désormais proposé par l'éducation nationale.
L'an dernier, plus de 400 000 élèves de troisième ont reçu cette formation. Nous nous approchons à grands pas de l'objectif clairement défini à l'article L. 312-13-1 du code de l'éducation, qui dispose que « tout élève bénéficie [… ] d'une sensibilisation à la prévention des risques et aux missions des services de secours ainsi que d'un apprentissage des gestes élémentaires de premier secours. » Ce point est essentiel.
Dans chaque académie, des enseignants ainsi que des infirmiers sont d'ores et déjà formés à cet effet et capables de dispenser cette formation. J'ai moi-même trouvé, sur le site internet du ministère, le guide pédagogique intitulé « Les gestes qui sauvent ». Très bien fait, il indique que les enseignants peuvent la dispenser s'ils sont titulaires d'un certificat prévention et secours civiques de niveau 1 – PSC1 – datant de moins de trois mois et s'ils ont été formés à cet effet.
Le premier objectif de l'article L. 312-13-1 du code de l'éducation est bien de faire en sorte que chaque jeune bénéficie d'une initiation en la matière. Toutefois, cet article comporte une seconde phrase selon laquelle « cette formation ne peut être assurée que par des organismes habilités ou des associations agréées ».
Or certains enseignants et certains personnels de l'éducation nationale dispensent d'ores et déjà cette formation. Il n'est pas obligatoire de recourir à des organismes habilités ou à des associations agréées pour ce faire. Le module « Gestes qui sauvent » donne lieu à la délivrance d'une attestation distincte du certificat PSC1, lequel sera obtenu ultérieurement dans le cadre du SNU.
Cet amendement vise à élargir un peu le champ de l'article L. 312-13-1 du code de l'éducation, afin de conférer à l'éducation nationale la capacité de former elle-même bien plus d'élèves de troisième qu'elle n'en forme à l'heure actuelle. Telle quelle, sa rédaction impose de recourir à des organismes extérieurs, ce qui induit des dépenses inutiles.
Cet amendement a été repoussé en commission, car il nous semblait important de veiller à ce que les organismes dispensant la formation aux premiers secours soient habilités à le faire. Nous tenions à être certains qu'elle soit dispensée par des gens compétents. Nous tenions également à nous assurer de la qualité de la formation des formateurs.
À l'issue de nos échanges – notamment après avoir entendu le témoignage de Mme Rilhac, qui laisse penser qu'il existe des formations de qualité destinées aux enseignants, lesquels pourraient donc former eux-mêmes les élèves aux premiers secours, ce qui était initialement notre préoccupation – , j'émets un avis favorable à l'amendement.
J'émets un avis favorable, exactement pour les mêmes raisons, que je ne développerai donc pas davantage. Nous devons suivre la direction que j'ai eu l'occasion de préciser lors de l'examen des deux amendements précédents.
Que chacun soit persuadé que la direction est prise. L'objectif est de réussir la formation de toute une génération en la matière d'ici la fin du quinquennat. Cet amendement permet d'accentuer l'évolution en ce sens.
Mme Monique Limon applaudit.
L'amendement no 338 est adopté.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
La parole est à Mme Frédérique Meunier, pour soutenir l'amendement no 118 .
Notre collègue Pauget en est le premier signataire. Au moment où notre pays voit certains de ses enfants se détourner des valeurs de liberté, d'égalité et de fraternité qui fondent notre République, il est essentiel et urgent de les réaffirmer au sein de l'école – soit, pour les plus jeunes, dès l'enseignement du premier degré.
L'école doit être le lieu où se forme le sentiment d'appartenance à notre communauté nationale et à la République française. Le socle commun de connaissances est fondateur. Il doit prendre une part plus importante dans notre système éducatif par le biais de mesures simples, efficaces et rapidement applicables, permettant la transmission à nos enfants – dès le plus jeune âge – de l'attachement aux symboles républicains fondant notre démocratie.
Ainsi, l'étude de la laïcité, qui se trouve au coeur de notre tradition républicaine, doit s'inscrire dans le cadre de l'acquisition d'un savoir fondamental et renforcer l'adhésion aux valeurs républicaines. Elle doit prendre une part plus importante dans l'enseignement civique et moral.
Il convient donc de l'inscrire précisément dans les programmes scolaires du premier degré. Une telle mesure permettrait d'améliorer l'observation par les élèves des règles de vie en société ainsi que l'acceptation des principes clairement définis par la loi à ce sujet. Elle contribuerait ainsi à sauvegarder la spécificité du modèle républicain français.
Nous avons eu l'occasion, hier et avant-hier, d'aborder le sujet – en effet essentiel – de l'appartenance à la communauté nationale et de dire toute l'importance que nous attachons au drapeau français, à la devise républicaine et à l'hymne national. Avis défavorable.
À mes yeux, l'amendement est satisfait. La question de la laïcité est omniprésente dans les recommandations pédagogiques. Elle a même été nettement réaffirmée récemment. Avis défavorable.
L'amendement no 118 n'est pas adopté.
Il m'a été inspiré par de nombreuses familles, dont les parents estiment qu'ils doivent être les premiers éducateurs de leurs enfants et qu'il convient, à ce titre, d'exclure l'éducation affective et sexuelle de l'enseignement moral et civique.
Je partage l'avis unanime selon lequel nos débats doivent être les plus apaisés et les plus consensuels possibles et fuir toute polémique inutile. Toutefois, il est des sujets à propos desquels on ne peut pas laisser passer l'occasion de réaffirmer certains principes.
M. Stéphane Testé applaudit.
Cet amendement, qui vise tout bonnement à supprimer l'éducation sexuelle à l'école, m'a laissée pantoise, tout comme les propos tenus en commission tendant à établir un lien entre l'éducation sexuelle dispensée à l'école et l'augmentation du nombre d'agressions à caractère sexuel.
Contrairement à vous, monsieur Cinieri, je pense que l'éducation sexuelle doit être dispensée tout au long de la scolarité, dans le respect de l'âge et de la maturité des enfants, afin de leur apprendre à connaître leur corps ainsi que celui de l'autre et à respecter autrui.
J'ajoute qu'à l'heure où les relations entre garçons et filles semblent s'être beaucoup dégradées dans de nombreux établissements scolaires – souvent au détriment des filles, il faut le dire – , où la lutte contre le harcèlement à l'école est une priorité et où la pornographie inondant les smartphones de nos enfants – de plus en plus jeunes – constitue bien souvent leur première approche de la sexualité, il est plus que jamais urgent de renforcer l'éducation sexuelle à l'école, dans le respect de l'autre – notamment des filles – ainsi que l'égalité des sexes.
Avis très défavorable.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM, MODEM et SOC. – M. Bertrand Pancher applaudit également.
Monsieur Cinieri, j'ai donné tous les arguments tout à l'heure. Je lance un appel à la raison, non seulement sur le fond mais aussi sur l'horloge. Avis défavorable.
Je serai bref. Cette intervention est symbolique, car le débat est d'importance.
Comme vous l'avez indiqué, madame la rapporteure, à l'heure de la marchandisation des corps, devant la facilité avec laquelle la pornographie s'introduit dans la vie des jeunes et la banalisation des violences sexuelles, il est plus que jamais nécessaire d'aborder ces sujets si intimes dans le cadre de l'éducation nationale, qui est précisément le lieu où ils peuvent l'être avec l'apport de la science et un regard laïc. Cet enseignement doit donc être dispensé. Le maintenir est une bonne chose.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
L'amendement no 74 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Elsa Faucillon, pour soutenir l'amendement no 1068 .
C'est bien volontiers que je défends cet amendement déposé par notre collègue Gabriel Serville. Sensible au rappel de l'horloge, je me contenterai d'indiquer que Mme la rapporteure, en refusant l'amendement qui vient d'être présenté, l'a on ne peut mieux défendu.
Il vise à compléter les dispositions du code de l'éducation relatives aux séances annuelles d'information et d'éducation à la sexualité et à la vie affective en prévoyant expressément que celles-ci incluent l'éducation à l'égalité des sexes et à la lutte contre les discriminations sexuelles et genrées.
Je n'en dis pas plus. Les arguments que vous avez développés, madame la rapporteure, au sujet de la dégradation des relations entre garçons et filles et de l'importance prise par le numérique, qui fait que les enfants sont confrontés à cette question même si les parents ne souhaitent pas l'aborder à la maison, démontrent qu'elle relève bien des missions de l'école. Ce point me semble essentiel.
Je partage vos préoccupations, chère collègue, comme j'ai eu l'occasion de le rappeler. Toutefois, votre amendement est satisfait par l'article L. 312-17-1 du code de l'éducation, dont la première phrase dispose : « Une information consacrée à l'égalité entre les hommes et les femmes, à la lutte contre les préjugés sexistes et à la lutte contre les violences faites aux femmes et les violences commises au sein du couple est dispensée à tous les stades de la scolarité ». Avis défavorable.
Même avis.
Le débat me semble intéressant. Informer les élèves au sujet de l'égalité entre garçons et filles et de la lutte contre les discriminations est une chose, établir un lien entre elles et la vie affective et sexuelle en est une autre.
Je ne pense pas que l'amendement soit satisfait par les dispositions que vous venez d'évoquer, madame la rapporteure. Il ne porte pas uniquement sur l'égalité entre les filles et les garçons : il permet, par exemple, de lutter contre l'homophobie. L'évocation de la vie sexuelle et de la division genrée excède le cadre de l'information civique.
L'amendement no 1068 n'est pas adopté.
J'ai tenu à le déposer à nouveau afin d'évoquer en séance publique la nécessité, pour nos jeunes, de bénéficier d'un sommeil de qualité et en quantité suffisante. Les professeurs de l'enseignement primaire et les directeurs d'école affirment souvent que le nombre d'enfants arrivant fatigués à l'école augmente.
Entre trois et six ans, l'essentiel du sommeil – nous aborderons ce sujet lors de l'examen de l'article 2 – est certes nocturne, mais il comporte encore une part diurne. Les enfants de cet âge ont besoin d'une durée quotidienne de sommeil comprise entre onze et treize heures. De six à douze ans, cette durée est comprise entre neuf et onze heures.
L'amendement vise à instaurer la délivrance régulière d'une information aux élèves, aux parents, aux enseignants et aux éducateurs au sujet du rôle fondamental d'un sommeil de qualité sur les performances physiques et intellectuelles des jeunes.
Mme Émilie Bonnivard et M. Maxime Minot applaudissent.
Je ne répéterai pas les propos que vient de tenir notre collègue Reiss et me contenterai d'évoquer le manque de sommeil de nos jeunes élèves et étudiants. Bien souvent, il découle d'un usage non maîtrisé des écrans, notamment ceux des ordinateurs, des tablettes numériques et des smartphones. Il importe de sensibiliser les parents au problème.
C'est un sujet très légitime, très important ; vous avez raison de l'aborder. Mais, comme je l'ai dit depuis le début de nos débats, on ne peut pas surcharger le code de l'éducation.
Permettez-moi en outre de faire remarquer – avec un brin de malice – que je vois là quelque contradiction avec vos propos d'hier sur le fait que l'école ne doit pas s'immiscer dans la vie des familles. Le sommeil, c'est typiquement quelque chose qui se passe à la maison, mais aussi typiquement un sujet dont l'école doit parler et qui entraînera des conséquences sur la vie des foyers. Je dis cela pour vous faire sourire – et accompagner mon avis défavorable.
Sourires.
Nous proposons de modifier la rédaction de l'article L. 321-3 du code de l'éducation qui dispose, aujourd'hui, que la formation primaire dispensée dans les écoles élémentaires « assure conjointement avec la famille » l'éducation morale des enfants ; nous préférerions écrire qu'elle « accompagne les familles » dans cette éducation. Ces termes exprimeraient mieux la place que nous souhaitons voir réserver aux familles par rapport à celle qu'occupe l'éducation nationale.
Le renforcement de la famille, cellule de base de la société aujourd'hui fragilisée, doit constituer une priorité de nos actions et de nos propos.
L'article L. 321-3 du code de l'éducation dispose en effet que « la formation primaire dispensée dans les écoles élémentaires [… ] assure conjointement avec la famille l'éducation morale ». Il y a là une confusion. Les parents doivent au contraire être les premiers éducateurs de leurs enfants : c'est un principe auquel vous ne souscrivez pas, mais auquel nous sommes très attachés. C'est pourquoi nous proposons d'écrire que la formation primaire « accompagne » les familles dans l'éducation morale des enfants.
Le système d'enseignement a toute sa place, mais il doit intervenir dans un second temps, et dans le respect de ce qui est dit en famille. Bien sûr, dans certains cas, les familles ne jouent pas leur rôle, et l'État doit les remplacer ; mais c'est exceptionnel.
Avis défavorable à ces amendements dont nous avons déjà longuement débattu.
Même avis.
Il existe déjà, depuis de nombreuses années, des dispositifs d'accompagnement à la fonction parentale, notamment dans les quartiers prioritaires ; ils visent à épauler les familles dans leur mission éducative. Inutile d'en rajouter.
Défendre cet amendement de Patrick Hetzel, dont l'expertise en matière d'éducation est reconnue, est pour moi un honneur.
Les conditions d'attribution du diplôme national du brevet ne doivent pas être renvoyées à un décret : il revient au Parlement d'exprimer clairement les objectifs que la nation fixe à son système éducatif.
J'ajoute aux propos de mon collègue que ce dessaisissement du Parlement au profit du ministère de l'éducation nationale pourrait être interprété comme un encouragement pour ce ministère à se replier sur lui-même.
Avis défavorable. Vous souhaitez supprimer un alinéa de l'article relatif au diplôme national du brevet, mais vous ne proposez rien pour le remplacer.
La parole est à M. Alexis Corbière, pour soutenir l'amendement no 327 .
Cet amendement tend à intégrer aux enseignements scolaires l'éducation à la nutrition et à l'alimentation.
Nous sommes d'accord sur l'importance de l'enjeu – il n'est que de rappeler l'aggravation des problèmes de surpoids. L'éducation à l'alimentation est indispensable ; souvent, nos enfants pensent que les poissons sont carrés et couverts de chapelure.
Sourires.
Ne riez pas : sans efforts de la part des parents, le rapport à l'alimentation peut devenir problématique, et c'est la santé des enfants qui est en jeu.
Profitons donc des années d'éducation pour dispenser cet enseignement de base.
Je souscris absolument à tout ce que vous avez dit, mais l'amendement est satisfait. Avis défavorable.
Avis défavorable : c'est encore une fois un sujet essentiel, mais le raisonnement sera le même que celui qui a été tenu sur d'autres sujets essentiels.
Nous sommes d'accord sur la direction dans laquelle nous devons aller. Je souligne que nous utilisons de plus en plus souvent l'expression « éducation artistique, culturelle et sensorielle », afin d'y inclure le goût et la nutrition. Cette idée est déjà à la base de programmes comme la Semaine du goût, par exemple.
C'est un sujet qui concerne aussi les collectivités territoriales ; je sais que vous vous préoccupez beaucoup des cantines, tant sur le plan social que sur le plan de la qualité des repas.
Madame la rapporteure, on ne peut pas dire que cet amendement soit satisfait ; les dispositions en ce sens n'existent que pour les activités périscolaires.
Monsieur le ministre, il ne s'agit pas seulement ici d'éduquer au goût, mais plus largement à l'alimentation, qui est le premier de nos médicaments. Les initiatives comme la Semaine du goût sont sporadiques ; elles dépendent du bon vouloir des équipes éducatives, mais aussi des moyens qui leur sont alloués, qui ne sont pas identiques sur tout le territoire.
Par endroits, on peut d'ailleurs craindre que la faiblesse des ressources accordées n'ouvre la porte à des lobbies qui disposeraient, eux, de moyens importants ; certains pourraient dévoyer ces initiatives afin de servir des intérêts particuliers qui ne seraient pas ceux de nos enfants.
Nous devons donc en parler sérieusement ; l'éducation à l'alimentation doit faire partie des programmes scolaires, peut-être dans le cadre plus vaste de l'éducation à la santé. C'est un enjeu majeur dans tous les pays où l'alimentation est devenue industrielle ; nos enfants sont touchés par l'épidémie de surpoids et d'obésité, puisque 17 % d'entre eux sont en surpoids et 4 % obèses. Cette situation, qui s'accompagne d'une déferlante de maladies chroniques, est le résultat de la déconstruction de nos savoirs historiques sur la bonne façon de se nourrir.
M. Michel Larive applaudit.
L'amendement no 327 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 1002 .
On ne peut pas baisser les bras devant la violence à l'école. J'ai bien entendu vos réponses sur un prochain rapport, mais je vous avoue mon incompréhension. Au-delà de la gravité des actes commis, cette violence empêche une immense majorité des élèves de travailler dans des conditions sereines ; elle instaure un climat délétère dans les salles de classe. Il est urgent d'y remédier !
Selon les chiffres donnés par le journal Le Parisien, 442 incidents graves ont été recensés en 2017. Cela va de l'insulte aux coups ; dans 80 % des cas, il s'agit de violences verbales, mais ces dernières ne doivent en aucun cas être minimisées. À l'époque, monsieur le ministre, vous aviez réagi avec force en affirmant qu'il fallait sanctionner sévèrement les auteurs de ces actes.
Pourtant, le hashtag « pas de vague » a révélé que non seulement les chiffres diffusés par la presse étaient largement sous-estimés, mais que de surcroît beaucoup d'actes très graves étaient passés sous silence, y compris par les chefs d'établissement, afin de maintenir une certaine illusion de calme ou de bonne réputation de ces endroits. On ne peut donc qu'estimer désolant que ce projet de loi ne propose rien pour sanctionner sévèrement les violences commises à l'égard du personnel des établissements scolaires.
Soutenir les enseignants dans ces moments difficiles est primordial pour établir cette relation de confiance que vous appelez de vos voeux.
L'actualité vient encore, malheureusement, nous montrer l'urgence de traiter ce sujet. J'ai déjà mentionné dans cet hémicycle l'exemple d'un adolescent de 15 ans dont le père a roué de coups un enseignant, et qui pose tellement de problèmes dans son lycée que plusieurs élèves ont déjà quitté l'établissement pour cette raison. Sa punition ? Deux jours d'exclusion. C'est totalement inadapté.
Il faut changer de façon de faire, et vite. Je propose donc de punir d'une amende les élèves – ou leurs responsables légaux – qui se rendent coupables d'injures ou d'agressions verbales à l'encontre des professeurs. La punition par l'argent n'est pas la première à laquelle on a envie de recourir, mais elle marquerait les élèves et pourrait les faire un peu réfléchir.
Avis défavorable, pour la raison que vous avez vous-même évoquée, madame la députée : un rapport, confié notamment à la rectrice Béatrice Gille, à Mme Lebrun, maire de Morlaix, et à notre collègue Stéphane Testé, se penchera très prochainement sur la question des sanctions pour absentéisme ou en raison de violences scolaires. Personne ne sous-estime la gravité de ce sujet, que le Gouvernement a choisi de prendre à bras-le-corps.
Avis défavorable. Madame la députée, je ne retire rien de ce que j'ai dit ; nous voulons traiter le problème de façon sérieuse et complète, sur la base du rapport qui nous sera remis dans les jours à venir.
Nous devons envisager ensemble trois enjeux : la sécurité des abords des établissements ; la responsabilisation des familles ; l'ouverture de structures destinées aux polyexclus. L'exemple que vous avez donné pourrait d'ailleurs entrer dans ce dernier cadre.
Ce qui a été annoncé s'accomplira, et des mesures seront prises de façon approfondie et fine. Nous visons la rentrée 2019 : il n'y a aucune raison de se précipiter, mais il faut prendre les décisions indispensables pour devenir enfin efficaces. Nul ne sous-estime le fléau que vous dénoncez ; au contraire, nous voulons l'identifier pour montrer que la République est forte partout, y compris à l'école.
L'amendement no 1002 n'est pas adopté.
Il s'agit d'un amendement de ma collègue Marine Brenier, qui propose que les élus locaux ou nationaux aient la possibilité de participer aux cours d'instruction civique du deuxième cycle.
L'instruction civique concerne désormais les élèves dès le CP, et il serait intéressant d'impliquer les élus dans cette éducation : ils pourraient évoquer leur rôle et leurs responsabilités, mais aussi présenter le fonctionnement des institutions et ainsi transmettre leur savoir aux futurs citoyens.
Les programmes et l'organisation du système scolaire dépendant avant tout du ministère de l'éducation nationale, il est seulement envisagé ici de proposer des interventions bénévoles.
La parole est à Mme Béatrice Descamps, pour soutenir le sous-amendement no 1146 .
Ce sous-amendement propose d'élargir les possibilités d'intervention à tous les niveaux scolaires : école élémentaire, collège et lycée.
Même avis.
Ne connaissant pas cette possibilité, nombre d'enseignants et de directeurs d'établissement se demandent si cette participation ne leur sera pas reprochée. C'est pour cette raison que j'ai déposé ce sous-amendement.
Le sous-amendement no 1146 n'est pas adopté.
L'amendement no 403 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Nicole Sanquer, pour soutenir l'amendement no 521 .
En déposant cet amendement, ma collègue Laure de La Raudière rappelle que nous vivons une époque totalement inédite, où chaque citoyen connecté peut entrer en contact avec le monde entier, soit pour exprimer ses idées, soit pour entreprendre une activité économique. Parce que le numérique réinvente la société, l'éducation ne saurait échapper à cette transformation en profondeur.
Le présent amendement vise à introduire les humanités numériques dans l'enseignement au collège, en consacrant au moins la moitié du temps du cours de technologie à l'acquisition du socle de connaissances nouvelles que tous nos enfants doivent absolument maîtriser pour être des citoyens responsables de cette nouvelle société.
Avis défavorable. Cet amendement est déjà satisfait, notamment par l'article L. 312-15 du code de l'éducation.
Même avis.
L'amendement no 521 est retiré.
Permettez-moi tout d'abord, monsieur le ministre, de vous dire combien nous apprécions votre volonté de remettre les apprentissages fondamentaux au coeur de l'école de la République. Si, de temps en temps, nous sommes conduits à vous secouer un peu, il nous faut aussi reconnaître quand les choses vont dans le bon sens. Il est capital que nos enfants sachent lire, écrire, compter et respecter les autres.
Puisque cet article traite de l'inclusion des élèves en situation de handicap, je voudrais évoquer quelques exemples concrets.
J'ai rencontré cette semaine les parents d'élèves et le maire de la commune de Lalevade-d'Ardèche, un département que vous connaissez désormais bien.
L'école de cette commune, qui compte quatre classes, s'est vu retirer un poste, car ses effectifs se trouvent en dessous du seuil décidé par le directeur académique des services de l'éducation nationale. Pour quatre ou cinq élèves qui manqueront à la rentrée prochaine, vous prenez une décision qui touchera d'abord les élèves les plus fragiles. je veux parler des neuf enfants en situation de handicap notifiés par la maison départementale des personnes handicapées. Telle est la réalité du terrain.
La qualité de l'enseignement risque aussi d'être affectée par cette décision, qui fragilisera l'organisation de l'aide aux devoirs et remettra en cause la passerelle avec la crèche, un dispositif qui fonctionne bien dans cette petite commune d'un peu plus de 1 000 habitants. Nous sommes ici bien loin des froides statistiques départementales et nationales.
De même, à Lablachère, la suppression d'un poste d'enseignant est envisagée, alors que la commune vient de financer l'extension et la rénovation de l'école sans aide de l'État.
Faute de moyens, le réseau d'aides spécialisées aux élèves en difficulté – RASED – ne peut offrir aucun accompagnement aux 107 enfants en difficulté de ce secteur des Cévennes ardéchoises.
Alors, parlons d'inclusion dans ce projet de loi, et faisons des élèves les plus fragiles, souffrant de handicaps ou de difficultés scolaires avérées, une priorité de la Nation.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
La parole est à Mme Jacqueline Dubois, pour soutenir l'amendement no 832 .
Il a pour objectif de moderniser le langage utilisé dans le code de l'éducation, en tenant compte des observations du Conseil national consultatif des personnes handicapées, qui nous incitent à abandonner le terme « inclusion » au profit de l'adjectif « inclusif », comme dans les expressions « environnement inclusif » ou « société inclusive ».
Même avis.
Vous avez évolué sur ce sujet, madame la députée. Il y a quelques mois, vous aviez contesté les termes « inclusion » et « inclusif ». Vous aviez d'ailleurs pris un exemple épouvantable en citant l'acception du terme en joaillerie, où « inclusion » est synonyme d'impureté dans une pierre.
Il est assez simple de remplacer un mot par un autre – personne ne verra d'inconvénient à ce que nous préférions « inclusif » à « inclusion » ou « intégration » – mais ce n'est là qu'un millimètre du chemin que nous avons à parcourir dans ce domaine. Nous ne nous en tirerons pas à si bon compte : se donner bonne conscience en remplaçant un mot par un autre ne suffit pas.
Reconnaissons sans polémique aucune combien ces discussions sont futiles. Nous allons passer plusieurs minutes à choisir entre ces différents termes, et j'y contribue, mais franchement, les familles qui nous regardent attendent autre chose que des discussions accessoires et sémantiques ! Pensez-vous qu'elles nous trouveront à la hauteur ?
Vous pourrez choisir le terme que vous voudrez, nom ou adjectif qualificatif, cela ne changera rien à la réalité. Ces discussions sont même symptomatiques d'une manière très superficielle d'aborder le sujet. Car en dépit de cette petite victoire, nous n'aurons rien réglé à la situation dramatique des nombreuses personnes concernées.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.
Lundi matin, alors que j'assistais à la restitution de la concertation « Ensemble pour l'école inclusive », ma voisine, mère d'enfant en situation de handicap et présidente d'une association de familles, a témoigné de sa satisfaction devant les conclusions de la concertation, les propositions du Gouvernement et les progrès accomplis.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
L'amendement no 832 est adopté et l'article 1er bis est ainsi rédigé.
La parole est à Mme Nicole Sanquer, pour soutenir l'amendement no 443 .
Près de 100 000 jeunes sont en décrochage scolaire chaque année. Même si le système éducatif français fait mieux que ses voisins européens dans ce domaine, nous ne pouvons nous satisfaire de ce résultat.
Pour poursuivre la lutte contre le décrochage scolaire, cet amendement vise à inscrire dans la loi un statut du décrocheur scolaire permettant d'identifier celui-ci. Ce statut, ainsi que la transmission de coordonnées au ministère de l'éducation nationale, permettront d'aller plus loin.
Ce dispositif ne vise pas à stigmatiser ces personnes, mais à les identifier afin de leur offrir des solutions adaptées.
À titre d'exemple, le statut du décrocheur est inscrit dans la loi du pays relative à la charte de l'éducation de la Polynésie française. Toutes les personnes recensées peuvent bénéficier d'une carte de transport afin de suivre la formation proposée, ainsi que d'un repas par jour de formation.
Avis défavorable.
Le décrochage scolaire ne concerne malheureusement pas uniquement les enfants de plus de seize ans.
Par ailleurs, nous avons instauré en octobre 2010 un système de partage d'informations entre les principaux acteurs de la formation initiale et ceux de l'insertion professionnelle et sociale des jeunes. Il s'agit d'appuyer les plateformes locales de suivi et d'appui aux décrocheurs, qui reçoivent les informations utiles aux actions d'accompagnement de ces jeunes vers l'emploi ou la reprise d'une formation, en lien avec les missions locales et les établissements scolaires, de façon à favoriser le raccrochage scolaire.
L'amendement no 443 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Loïc Prud'homme, pour soutenir l'amendement no 351 .
Il traite du contrôle continu dans la délivrance des examens nationaux, qui soulève deux problèmes majeurs.
Tout d'abord, du fait de l'absence d'anonymat des résultats scolaires, les élèves sont soumis aux appréciations plus ou moins bonnes de leurs professeurs tout au long de leur cursus. Qui n'a pas subi les foudres d'un enseignant centré sur son savoir, qui n'appréciait pas ses résultats, son humour ou d'autres qualités peu reconnues par les professeurs ?
Sourires.
Je vois que vous n'êtes pas dénué d'humour, monsieur le ministre !
Par ailleurs, les résultats peuvent être dénaturés puisque ce gouvernement, comme les précédents, instaure une compétition entre les établissements. Les équipes pourront être tentées, parfois inconsciemment, d'augmenter leurs résultats afin que leur établissement demeure compétitif – un terme que vous appréciez beaucoup – par rapport à ses voisins avec lesquels il est en concurrence.
Le contrôle continu nous semble donc poser problème sous ces deux aspects ; il questionne une des notions fondamentales de l'école de la République, celle d'égalité.
Avis défavorable. Ce projet de loi ne traite ni des diplômes, ni des modalités de contrôle des acquis des élèves, qui ne relèvent d'ailleurs pas directement du domaine de la loi.
Le nouveau baccalauréat tiendra compte à la fois d'épreuves terminales, de résultats en cours de formation et du livret scolaire, de façon à obtenir une vision de l'élève la plus globale possible, sans faire tout reposer sur les épreuves terminales.
Alors que le contrôle continu provoque un réel émoi dans l'enseignement général, il ne suscite étrangement pas la même indignation dans l'enseignement professionnel, qui l'applique depuis des décennies…
Avis défavorable. Ces débats ont eu lieu dans le cadre de la réforme du baccalauréat avec les différentes organisations syndicales et lycéennes.
Outre les arguments de Mme la rapporteure, je voudrais rappeler que malgré ce que l'on en dit, la réforme du baccalauréat et les évolutions du lycée n'accentuent pas les inégalités. Elles viennent combattre à la racine des inégalités qui existent bel et bien.
Les mêmes arguments avaient été invoqués pour les enseignements de spécialité. Chacun peut aujourd'hui constater que nous les avons implantés de façon volontariste dans les lycées les plus défavorisés.
La note de contrôle continu, qui représentera 40 % de la note finale, sera composée à hauteur de 30 % des notes obtenues à des épreuves anonymisées portant sur des sujets nationaux. Contrairement à ce que vous avez dit, pour la première fois, un travail est réalisé afin d'objectiver la notation entre les établissements.
Par ailleurs, c'est sur la base de ce contrôle continu subjectif dont vous donniez une description humoristique à l'instant que les élèves de terminale postulent pour une formation supérieure sélective, qui représente une part très importante de l'enseignement supérieur.
Le problème peut exister, je ne le nie pas. Cependant, les règles du jeu que nous élaborons permettront d'objectiver davantage, tout en favorisant la continuité de l'enseignement et en évitant le bachotage : tout ne se jouera pas sur quelques jours d'examen.
Donner au travail continu un rôle important va dans le sens de l'intérêt des élèves.
Je pourrais citer de nombreux éléments à l'appui de mon propos, mais j'essaie d'être synthétique : notre intention est évidemment de combattre les inégalités. Dans ce domaine, le fait d'agiter des épouvantails contribue à accentuer les inégalités. Vos discours sont une partie de la question, pour ne pas dire du problème.
Je vous donne un seul exemple avant de m'arrêter – on pourrait parler des heures de ce sujet. L'année dernière, vous et votre parti n'avez cessé de dire que Parcoursup allait accentuer les inégalités et que les lycéens des académies de Créteil et de Versailles accéderaient plus difficilement aux établissements d'enseignement supérieur de Paris. Puisque le dispositif n'avait pas encore été éprouvé, on pouvait vous croire.
Désormais, nous connaissons les résultats de Parcoursup et il apparaît que les lycéens des académies de Créteil et de Versailles sont plus nombreux que l'année précédente à avoir pu accéder à des établissements d'enseignement supérieur à Paris.
Applaudissement sur les bancs du groupe LaREM.
J'ai rencontré récemment les proviseurs de Seine-Saint-Denis. À force de mettre dans leur tête que la réforme allait accentuer les inégalités, les élèves ont fini par le croire même si les chiffres disent le contraire. C'est cette autocensure qui accentue les inégalités.
Il n'y a pas d'un côté un gouvernement qui prend ses responsabilités et de l'autre, une opposition qui peut dire ce qui lui passe par la tête, si vous me permettez l'expression. Nous portons tous une responsabilité. Je vous demande aujourd'hui de reconnaître, compte tenu des données dont nous disposons, que vos affirmations de l'année dernière n'étaient pas exactes, faute de quoi vos discours participent au creusement des inégalités là où notre action permet de les combattre.
Applaudissement sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
Monsieur le ministre, les discours, je ne les crée pas, je relaie ceux des enseignants – de certains, je le reconnais – que vous dites avoir consultés, de même que les syndicats, pour préparer ce projet de loi.
Je l'ai rappelé, l'ensemble des syndicats réunis au sein du Conseil supérieur de l'éducation ont rejeté votre projet de loi. Je me contente de relayer des informations…
… je n'ai pas la prétention d'être une pédagogue.
Les professeurs redoutent une évaluation perpétuelle qui, loin d'apporter aux élèves une détente, accentuera la pression qui pèse sur eux.
Les contraintes seront également lourdes pour les enseignants, qui s'interrogent : à quel moment pourront-ils faire cours, puisqu'ils devront constamment évaluer les élèves ?
Enfin, une autre crainte concerne l'évaluation elle-même, qui pourrait être propre à chaque établissement afin de compenser les inégalités de niveaux entre établissements.
Je ne connais pas les chiffres que vous mentionnez, mais il est indiscutable que les jeunes, dans certains quartiers de la région parisienne, ont eu le sentiment d'être moins bien accueillis que par le passé dans les grands lycées parisiens. Il est possible que nombre d'entre eux aient été découragés par la longueur de la procédure et l'absence de réponse à leurs demandes et que, par conséquent, ils n'apparaissent pas dans les statistiques.
Vous êtes parfaitement conscients du problème, puisque vous avez modifié le dispositif : ainsi, l'année prochaine, les trois académies de la région parisienne n'en feront qu'une. Dès lors que vous apportez un remède, c'est que vous reconnaissez l'existence d'un problème.
Je suis tout à fait disposé à débattre de ce sujet, mais pas maintenant. Notre échange est très significatif. Il me donne l'occasion de souligner l'importance de l'autocensure. Vous savez combien l'état d'esprit compte en la matière. C'est la raison pour laquelle j'appelle à la responsabilité dans les discours. Les mots, qu'ils soient les vôtres ou les miens, jouent un rôle majeur. Si vous ancrez dans l'esprit des élèves que les réformes accentuent les inégalités, même lorsque ce n'est pas le cas, ils s'en persuadent et in fine, vous bridez leurs ambitions. C'est un fait.
Les chiffres de Parcoursup sont à la disposition de tous : le nombre d'élèves issus des académies de Créteil et de Versailles et admis dans des établissements dans Paris a augmenté de 65 % par rapport à l'année dernière. C'est considérable.
L'exemple que vous donnez, madame Pau-Langevin, est très intéressant à plusieurs égards. D'abord, nous avons toujours dit que le dispositif avait vocation à progresser perpétuellement – c'est vrai cette année et cela le sera certainement les années suivantes. Nous apportons des modifications en nous appuyant sur ce que nous constatons – cela me paraît être de bonne politique.
Ensuite, la mesure que vous évoquez est historique. L'idée de faire des trois académies une seule n'est pas née avec Parcoursup, elle répond à un problème d'organisation générale largement antérieur. Sa concrétisation à l'occasion de Parcoursup constitue un progrès social considérable.
C'est une raison supplémentaire pour ne pas répandre dans les académies de Créteil et de Versailles l'idée d'une relégation. C'est tout le contraire. J'aime à le répéter – je l'ai fait dans le débat sur l'action de l'État dans l'exercice de ses missions régaliennes en Seine-Saint-Denis : le taux d'accès à l'enseignement supérieur des élèves de Seine-Saint-Denis est supérieur à la moyenne nationale, notamment du fait de la présence de deux universités.
Réjouissons-nous ! Partageons cet optimisme avec les élèves de Seine-Saint-Denis plutôt que de répéter à longueur de journée que les choses vont de mal en pis ! Je lance donc un appel. Il ne s'agit nullement pour moi de contredire votre légitime envie d'aller plus loin sur ces questions, mais je regrette que vous ayez tant de mal à reconnaître les progrès sociaux que permettent certaines politiques publiques, progrès dont vous vous réclamez pourtant.
Deux orateurs s'étant exprimés, je ne donne plus la parole sur cet amendement.
L'amendement no 351 n'est pas adopté.
L'enseignement religieux est interdit à l'école publique sur l'ensemble du territoire, sauf en Alsace-Moselle, où une heure par semaine d'enseignement religieux est imposée. Pour s'y soustraire, il faut en faire la demande au rectorat. Si l'enfant est à l'école primaire, il doit suivre à la place une heure d'enseignement moral.
Nombreux sont ceux qui demandent à ne plus suivre ce cours. En Moselle, seuls 59 % des écoliers, 20 % des collégiens et 1,5 % des lycéens sont inscrits, et ces proportions baissent. Du CP au CM2, l'enseignement religieux prive les écoliers de 180 heures de cours. Certains parents reçoivent des courriers émanant de responsables religieux les incitant à ne pas dispenser leurs enfants d'enseignement religieux, nous apprend l'Observatoire de la laïcité.
Nous sommes fermement opposés à l'enseignement religieux obligatoire dans toutes les écoles d'Alsace-Moselle. Le droit local ne devrait pas être au-dessus de certains principes fondamentaux de notre République tels que la laïcité.
Avis défavorable. Le Conseil constitutionnel a fait du respect du droit local applicable dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle un principe fondamental reconnu par les lois de la République dans sa décision du 5 août 2011, en réponse à une question prioritaire de constitutionnalité. Il a également reconnu la conformité à la Constitution de la loi du 18 germinal an X dans sa décision du 21 février 2013.
Je ne crois pas que le régime concordataire, qui est profondément enraciné dans l'histoire de l'Alsace-Moselle, doive être remis en cause dans ce texte.
Même avis.
Ce n'est pas la première fois, ni sans doute la dernière, que La France insoumise tire à boulets rouges sur le droit local et le régime concordataire, auxquels les Alsaciens-Mosellans, dans leur très grande majorité, sont très attachés.
Le régime concordataire en Alsace-Moselle est évidemment antérieur à la loi de 1905 concernant la séparation des églises et de l'État. Mme la rapporteure l'a rappelé, celui-ci a été jugé conforme à la Constitution. J'ajoute que la laïcité en Alsace-Moselle fonctionne très bien, que ce soit à l'école ou dans la société.
Ensuite, le droit national s'est inspiré à plusieurs reprises de mesures de droit local – je pense aux faillites civiles ou aux complémentaires santé.
Enfin, les religions en Alsace-Moselle savent faire bloc dans des circonstances parfois dramatiques, comme lors de l'attentat de Strasbourg en décembre dernier.
Pour toutes ces raisons, nous nous opposons à cet amendement ainsi qu'à l'amendement no 330 qui suit.
Je tenais à réagir en tant que député alsacien. J'ai fait toute ma scolarité à l'école publique et je n'ai pas le souvenir de cours d'éducation religieuse – c'est la preuve que cela ne m'a pas marqué !
Votre position est théorique, elle ne correspond pas à la pratique. J'invite M. Larive à venir en Alsace – je l'accueillerai avec plaisir – afin qu'il constate le respect de chacun dans la vie de la cité.
Pour appuyer les dires de Frédéric Reiss, je rappelle que la charte de la laïcité s'impose dans toutes les écoles – elle y est même affichée. La loi de 2004 encadrant le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics s'applique également. L'Alsace-Moselle pourrait même être une source d'inspiration pour ce qui est du vivre-ensemble.
Je note que certaines régions de France, qui ne sont pas concernées par le concordat, comptent un nombre bien plus important d'écoles religieuses que l'Alsace-Moselle. Cela prête à sourire.
J'entends vos arguments, mais vous vous trompez d'amendement : il est question ici des heures d'enseignement religieux. Je vous parlerai du concordat dans l'amendement suivant.
Je partage ce que vous venez de dire, chers collègues. J'accepte qu'il y ait des cours d'éducation religieuse, mais dans les écoles privées. Dans ce cas, il n'y a aucun problème. En revanche, imposer de tels cours dans l'école de la République relève d'un choix politique. La laïcité interdit l'enseignement de la religion dans les écoles publiques. Telle est la position de La France insoumise et de tous ceux qui sont attachés à la laïcité sur l'ensemble du territoire français.
L'uniformité porte en germe le totalitarisme. Cela ne m'étonne donc pas qu'une telle position soit défendue par certains bancs de cet hémicycle.
Exclamations sur les bancs du groupe FI.
La richesse de notre pays, c'est la diversité, les cultures et l'histoire des territoires.
Dès lors que ce système ne pose aucune difficulté – nos collègues viennent de nous le confirmer – , pourquoi le remettre en cause ?
Tout le monde considère que l'enseignement des religions a sa place, puisque celles-ci sont un élément de notre culture. Sur ce sujet, il ne faut avoir aucune arrière-pensée, il ne faut s'interdire aucun débat.
Il est particulièrement choquant de vouloir revenir sur les règles actuelles.
L'amendement no 329 n'est pas adopté.
Sourires.
Depuis près d'un siècle, une aberration juridique persiste au sein de l'État français : le concordat, qui lie l'État au Vatican et rend le premier tributaire du second. Cet état de fait est impensable dans un État laïc. La disparité régionale qui en résulte fragilise le lien de confiance des citoyens et des citoyennes envers l'école.
La laïcité est la condition de la liberté de conscience de chacun, de l'égalité et de la fraternité entre tous les citoyens. Nous proposons d'étendre le bénéfice de la loi de 1905 à tout le territoire de la République, en abrogeant le concordat en Alsace-Moselle et les divers statuts spécifiques en vigueur dans les outre-mer.
Nous voulons aboutir enfin à une réelle séparation entre l'Église et l'État et couper les subventions aux cultes, qui pèsent sur les contribuables français. Ce serait une source d'économie pour le Gouvernement.
Même avis : défavorable.
Dans l'exposé sommaire de son amendement, le groupe La France insoumise fait allusion aux outre-mer. Or ils ne relèvent pas du concordat et ne sont pas concernés non plus par des atteintes à la laïcité. Il existe une situation spécifique en Guyane, qui tient non pas à des accords particuliers, mais à la présence du bagne. Celui-ci était une forme de guillotine sèche : les condamnés y mouraient comme des mouches. C'est pourquoi on a estimé qu'il fallait leur apporter le secours de la religion. En vertu d'une ordonnance de Charles X, l'État s'est mis à payer les curés en Guyane, pour qu'ils assistent les bagnards. Le bagne ayant été supprimé il y a quelque temps, cette survivance ne présente guère d'intérêt. L'Église de Guyane est elle-même consciente, me semble-t-il, que ce régime devra sans doute évoluer un jour.
J'apporte une précision concernant l'origine du concordat : c'est Napoléon Bonaparte qui l'a mis en place. Par ailleurs, le Vatican n'agit pas sur l'État, c'est plutôt l'inverse : c'est l'État qui contrôle les enseignants.
En revanche, je soulève de nouveau le problème, évoqué hier soir dans cet hémicycle, de certaines écoles privées où l'on met les enfants pour qu'ils respectent une religion, mais où ceux-ci s'enferment dans un carcan idéologique. Peut-être y a-t-il une expérimentation à envisager, une réflexion à mener sur le vivre-ensemble et le respect de chacun, le respect de l'autre. Ce n'est parce que je crois en quelque chose que je suis nécessairement différent de toi ; je ne dois pas m'enfermer.
Sourires.
Je n'ai pas dit que les DOM-TOM relevaient du concordat, simplement qu'il y existait un régime similaire. J'ai appelé de mes voeux l'unicité de la loi sur tout le territoire français, dont les DOM-TOM font encore partie aujourd'hui.
Vous avez parlé de « totalitarisme », monsieur Pancher. Or le concordat, M. Thiébaut vient de le rappeler, est l'héritage du totalitarisme napoléonien. De quel côté le totalitarisme se trouve-t-il donc ? Êtes-vous sûr que c'est du nôtre ? Posez-vous la question, et nous en reparlerons.
Vous avez pu constater que personne ne s'est énervé. Nous pouvons donc passer au vote dans la sérénité.
L'amendement no 330 n'est pas adopté.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-huit heures vingt, est reprise à dix-huit heures trente.
Chers collègues, il y a trente orateurs inscrits sur l'article 2. L'inscription sur un article étant de droit, chacun pourra s'exprimer. Suivront l'examen de dix amendements tendant à supprimer l'article, puis celui des amendements sur l'article. En conséquence, je demanderai à chaque orateur de bien vouloir respecter scrupuleusement son temps de parole de deux minutes – c'est la moindre des choses. En outre, il ne pourra bien évidemment pas y avoir de prises de parole à l'envi sur chaque amendement.
Je passe maintenant la parole à la première oratrice inscrite sur l'article : Mme Émilie Guerel.
Ancienne professeure devenue députée, c'est mon combat pour la justice sociale et l'égalité qui me conduit à défendre aujourd'hui l'article 2 du présent projet de loi, article qui prévoit l'abaissement de l'âge de l'instruction obligatoire de 6 à 3 ans.
On le sait, la petite enfance est une phase-clé du développement du cerveau et de l'apprentissage de l'enfant, qui façonne son développement cognitif, social et émotionnel. Toutes les études le montrent, il est important d'entrer dans le langage dès le plus jeune âge. L'apprentissage d'un vocabulaire précis et des structures de la langue est un levier majeur pour réduire la première des inégalités : celle devant la langue. C'est malheureusement dans les milieux les plus défavorisés que se rencontrent le plus grand nombre d'enfants qui, faute d'avoir fréquenté l'école maternelle, souffrent de graves retards de langage, qui entraîneront par la suite des retards dans les autres apprentissages.
Je tiens à souligner que bien que 98,9 % des enfants soient déjà scolarisés dès l'âge de 3 ans aujourd'hui, cette moyenne masque des taux de scolarisation différents suivant les territoires et les milieux sociaux, ainsi qu'une assiduité irrégulière des élèves durant la journée. Surtout, cela laisse de côté 26 000 élèves en âge d'être scolarisés.
L'obligation d'instruction à 3 ans installera donc sur tout le territoire national l'obligation d'assiduité scolaire des enfants issus de tous les milieux, et cela afin de lutter contre les inégalités sociales héritées de la naissance. C'est pourquoi je voterai pour cette mesure emblématique, qui fera de la France le pays qui positionne l'âge de l'instruction obligatoire le plus tôt dans la vie.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
En France, l'instruction est obligatoire pour tous les enfants à partir de 6 ans et jusqu'à 16 ans. L'article 2, qui prévoit l'abaissement à l'âge de 3 ans de l'instruction avec un caractère obligatoire, pose plusieurs problèmes.
Nous le savons tous : à l'âge de 3 ans, tous les enfants n'ont pas la même maturité. Certains sont propres, d'autres, non ; certains ont besoin de faire la sieste, d'autres, non. Le sommeil est essentiel pour la construction de l'enfant. Ne l'oublions pas : l'école est un lieu du vivre ensemble, un lieu d'acquisition des apprentissages et de transmission du savoir. L'allongement de la durée de l'instruction n'est pas synonyme de réussite – on le constate d'ailleurs dans le classement du Programme international pour le suivi des acquis des élèves, le PISA : la France y fait office de mauvais élève.
Le deuxième problème concerne la formation des personnels. Le recrutement de profils adaptés aux postes est un enjeu. Le travail auprès des enfants demande un certain savoir-être, de réelles compétences et une formation de l'ensemble des personnels pour que ceux-ci puissent s'adapter aux divers publics. Le statut des agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles, les ATSEM, doit être valorisé, celui des directeurs aussi. Le métier d'enseignant doit retrouver toutes ses lettres de noblesse ; il doit être reconnu à sa juste valeur.
La France est un pays de liberté. Cessons d'inscrire des obligations dans tous les textes de loi !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.
Monsieur le ministre, nous sommes favorables au principe de la scolarisation à 3 ans que vous proposez dans cet article. Nous avions d'ailleurs déposé une proposition de loi sur le sujet il y a quelques années.
En revanche, nous sommes dans l'incertitude concernant la scolarisation des moins de 3 ans, qui avait été érigée au rang de priorité par la loi de refondation de l'école de la République en 2013. De nombreuses études soulignent de manière convergente les bienfaits de la scolarisation précoce, qui permet une meilleure acquisition du langage, une meilleure sociabilité et un meilleur développement psychomoteur, en particulier lorsque les enfants sont issus de milieux culturels défavorisés. Je citerai par exemple le rapport de l'Inspection générale de l'éducation nationale sur la scolarisation en petite section de maternelle de mai 2017, rapport qui préconisait notamment de fixer à l'échelon académique des objectifs clairs en matière de scolarisation des moins de 3 ans, ou bien le rapport de Sylviane Giampino sur le développement du jeune enfant.
C'est pourquoi, monsieur le ministre, nous ne comprenons pas que votre texte ne dise rien de la préscolarisation. Nous aimerions savoir ce que vous comptez faire pour pérenniser cette mesure qui vise à lutter contre les inégalités sociales et à assurer la réussite de tous les élèves.
« L'égalité a un organe, l'instruction gratuite et obligatoire. » Cent soixante ans après, ces quelques mots de Victor Hugo résonnent à la fois comme une évidence et comme une ambition constante. Une évidence, puisque le diagnostic, que nous connaissons tous, affirme un lien entre, d'une part, la scolarisation au sein d'un établissement préélémentaire, d'autre part, la rapidité d'acquisition du langage. Une évidence encore, puisque notre système scolaire, plus qu'aucun autre, fait que le niveau socioéconomique des parents conditionne grandement l'avenir des enfants.
Pour lutter contre ces inégalités de destins, nous avons posé, depuis le début de la législature, plusieurs jalons importants ; je pense notamment à l'augmentation du nombre d'enseignants dans les classes de CP et CE1 des réseaux d'éducation prioritaire ou au dispositif « Devoirs faits », dans l'optique d'accompagner plus fortement les élèves dans leur apprentissage.
Nous décidons aujourd'hui, avec l'abaissement à 3 ans de l'âge de l'instruction obligatoire, de poursuivre cette dynamique, afin que tous les enfants de notre pays aient les mêmes chances de réussir dès le plus jeune âge. Combattre les inégalités à la racine est assurément une exigence, une nécessité absolue, qui s'inscrit plus largement dans la continuité de cette belle promesse républicaine faite par Jules Ferry et perpétuée par tant d'autres.
Soyons donc fiers de contribuer ensemble à faire de l'école le ciment de nos priorités, afin de bâtir demain une société où l'égalité ne sera pas un vain mot.
Le Président de la République, à l'occasion des Assises de l'école maternelle, le 27 mars 2018, avait annoncé l'abaissement de l'âge de l'instruction obligatoire à 3 ans à compter de la rentrée 2019.
Abaisser l'âge de l'instruction obligatoire est inédit depuis 1882. En inscrivant dans la loi l'obligation d'instruction à partir de 3 ans, nous voulons affirmer le caractère fondamental de la scolarité avant 6 ans. Les recherches en sciences cognitives et cérébrales ont renouvelé notre approche de l'apprentissage. Les premières années de la vie de l'enfant sont cruciales pour son développement. Le laps de temps entre 3 et 5 ans s'avère le plus redoutable pour la cristallisation des inégalités de langage. Voilà donc une mesure d'autant plus juste que les enfants qui en tireront le plus grand bénéfice sont souvent issus de familles fragiles. Lorsque des enfants sont confrontés à la précarité, à la violence, à l'absence de culture à la maison, seule l'école permet de les en extirper.
L'école maternelle est aussi un lieu d'épanouissement de l'enfant, un lieu où il construit de nouvelles expériences, un lieu de brassage culturel. Le chemin de l'école est une issue pour retrouver la confiance et le sentiment de sécurité indispensables au processus d'apprentissage. C'est une avancée qui bénéficiera à tous les enfants, français, étrangers, enfants en situation de handicap, et cela sur tout le territoire national : les élèves de Mayotte et de la Guyane vont enfin pouvoir profiter de l'école dès 3 ans.
Chers collègues, c'est pour l'égalité des chances que nous accordons autant d'importance à la petite enfance. Après le dédoublement des classes de CP et CE1 dans les réseaux d'éducation prioritaire – REP et REP+ – , il s'agit de faire de l'école de la République le lieu de l'égalité réelle, celle qui lutte contre le déterminisme social en assurant à chacun la maîtrise des savoirs fondamentaux.
Allonger la durée de l'instruction obligatoire, publique, laïque et gratuite est une mesure que nous soutenons et que nous avions d'ailleurs défendue au cours de la campagne électorale. Nous sommes même favorables à ce que cette instruction publique, laïque et obligatoire se fasse de 3 à 18 ans, parce qu'il nous semble, pour les raisons qui ont déjà été exposées, qu'il faut donner aux enfants, depuis le très jeune âge jusqu'à 18 ans, tous les outils de socialisation, d'instruction et d'éducation que fournit l'éducation nationale.
Néanmoins, si nous percevons positivement cet article, nous voudrions que le Gouvernement et la majorité fassent preuve d'une plus grande cohérence, notamment s'agissant des moyens, en particulier humains, qui seront accordés pour assurer l'éducation et l'accompagnement des enfants scolarisés. Or, malheureusement, ce que nous constatons sur le terrain – et je pense que je ne suis pas la seule à être interpellée par des parents, des enseignants ou des équipes éducatives à ce sujet – , c'est la fermeture de classes, y compris dans le préélémentaire. Par exemple, dans ma circonscription du XIXe arrondissement de Paris, une classe de l'école préélémentaire de la rue de Palestine va fermer, ce qui signifie, très concrètement, qu'il y aura une classe en moins à la rentrée prochaine et que les élèves seront répartis dans les autres classes, ce qui compliquera les choses pour les enfants et rendra le travail d'accompagnement plus difficile pour les professeurs, car cela ne permettra pas que les enfants les plus en difficulté bénéficient d'un accompagnement et cela annulera, d'une certaine manière, les effets positifs – que nous souhaitons – de l'allongement de la durée de l'instruction. Et cela, c'est une réalité durant tout le parcours scolaire.
Nous aurons l'occasion de revenir, je pense, sur les autres problèmes que l'on rencontre, mais je voulais d'ores et déjà signaler cette réalité, afin que vos propositions soient cohérentes, y compris pour ce qui concerne les moyens.
L'article 2 abaisse l'âge du début de l'obligation d'instruction de 6 à 3 ans. Ce faisant, il consacre l'importance pédagogique de l'école maternelle dans le système éducatif français. En effet, de nombreuses études ont montré que les apprentissages fondamentaux s'acquièrent dès le plus jeune âge.
En outre, l'article souligne le rôle décisif que joue l'enseignement préélémentaire dans la réduction des inégalités, notamment la première d'entre elles, l'inégalité devant le langage. Cette mesure, associée aux efforts réalisés en faveur des CP et des CE1, constituera un levier puissant d'amélioration du niveau global des élèves. Ses effets se feront sentir rapidement.
Le groupe du Mouvement démocrate et apparentés soutient donc cette disposition, considérant qu'elle permettra de lutter à la fois contre la baisse du niveau scolaire et contre l'échec scolaire, en s'attaquant aux inégalités dans l'instruction qui peuvent apparaître dès la petite enfance. La société dans son ensemble bénéficierait du recul de l'exclusion que ces inégalités peuvent entraîner.
Avec cet article 2, nous en arrivons à votre proposition de rendre la scolarisation obligatoire dès l'âge de 3 ans, contre 6 ans actuellement. Vous justifiez ce choix en citant Jules Ferry, qui appelait en 1870 à « faire disparaître la dernière, la plus redoutable des inégalités qui viennent de la naissance, l'inégalité d'éducation. C'est le problème du siècle et nous devons nous y attacher. »
Pour ce qui nous concerne, nous maintenons que l'immense majorité des élèves sont aujourd'hui scolarisés dès 3 ans, ce qui limite considérablement la portée de cet article. Avons-nous besoin d'une loi et de passer par la contrainte pour scolariser à peine 2 % des enfants ? Ne pourrions-nous pas miser plutôt sur la confiance ? D'ailleurs, vous utilisez ce dernier mot comme si vous doutiez – à raison, à mon avis – que la population puisse avoir confiance en vous.
Cette proposition, si elle ne me choque pas particulièrement, puisque, pour ma part, j'ai toujours été favorable à une scolarisation avant l'âge de 3 ans à chaque fois que c'est possible, soulève plusieurs questions. D'abord, celle de l'assiduité : en effet, en première année de maternelle, certains enseignants demandent aux parents qui le peuvent de garder leur enfant chez eux l'après-midi. Cette possibilité est-elle envisagée dans le cadre de ce texte ? Ensuite, de la nouvelle obligation d'assiduité découleront nécessairement des dépenses supplémentaires pour les communes, qui ont la charge des établissements scolaires du premier degré, notamment pour ce qui concerne les lieux de repos où les enfants pourront faire la sieste. Dans certaines écoles, il faudra envisager d'agrandir les locaux. Les communes auront-elles une compensation financière ? Enfin, du point de vue financier encore, rien n'a été prévu s'agissant des effets de l'abaissement de l'âge de la scolarité obligatoire sur les critères de versement de l'allocation de rentrée scolaire – en tout cas, cela n'a pas été pris en considération dans la loi de financement de la sécurité sociale.
Le groupe Socialistes et apparentés est favorable au principe, affirmé par l'article 2, d'une instruction obligatoire dès l'âge de 3 ans. On le sait, l'apprentissage le plus tôt possible du langage et du vocabulaire est un levier majeur de réduction des inégalités. C'est un outil de justice sociale et de réussite de tous les élèves.
À 4 ans, un enfant issu d'un milieu social défavorisé a entendu 30 millions de mots de moins qu'un enfant issu d'un milieu favorisé.
Toutefois, un certain nombre de questions se posent, et nous profitons de cette discussion sur l'article pour les formuler. Nous reviendrons, à l'article 4, sur la compensation financière versée aux collectivités territoriales au titre de la contribution des communes au financement de l'enseignement privé sous contrat, le forfait maternelle.
La mesure dont nous parlons pose aussi la question des moyens, compte tenu des effectifs d'enseignants et d'encadrement nécessaires à la prise en charge des 26 000 élèves supplémentaires, dont, surtout, 3 500 dès 2019 dans le département de la Guyane et 3 800 dans celui de Mayotte. Vous nous avez indiqué, monsieur le ministre, que ces efforts seront étalés : pouvez-vous nous préciser quels sont les effectifs prévus, notamment dans ces deux départements, et selon quel calendrier ?
Ma dernière question porte sur une conséquence mal perçue dans l'étude d'impact, je veux parler des répercussions sur les services administratifs des académies. Il est question des contrôles supplémentaires, auprès des familles, pour les enfants de 3 à 5 ans qui ne sont pas concernés pour le moment – on parle de 5 000 à 8 000 contrôles supplémentaires pour les services académiques – , mais l'étude d'impact reste muette sur le contrôle de l'assiduité scolaire, lequel incombe, au sein des services académiques, à la division de la vie de l'élève. Pour ce service, le surcroît de travail sera sensible, …
… puisqu'il faudra signaler les absences excédant quatre demi-journées dans le mois. Ce surcroît de travail a-t-il été mesuré, et des effectifs supplémentaires sont-ils prévus pour l'assumer ?
L'article 2 porte sur l'obligation d'instruction dès l'âge de 3 ans. Cette obligation, qui répond à l'urgence de traiter les inégalités dès la racine, doit permettre aux enfants les plus en difficulté de ne pas voir se creuser un écart de niveau dès les premières années d'école, écart qui, on le sait, va croissant année après année.
Je rappelle que 80 % des décrocheurs qui quittent l'école à 16 ans sans savoir bien lire, écrire et compter étaient déjà en difficulté au CP. C'est donc collectivement, au-delà de tout clivage politique, que nous devons défendre l'égalité scolaire.
Plusieurs études scientifiques ont mis en évidence les effets positifs d'une scolarité dès 3 ans chez les élèves issus de milieux sociaux défavorisés. L'étude PISA – programme international pour le suivi des acquis des élèves – de 2012 démontre d'ailleurs que la fréquentation d'un établissement avant l'école élémentaire permet une meilleure performance des élèves, et les projets « Parler Bambin » et « 1001mots », lancés par Florent de Bodman, soulignent qu'un enfant défavorisé a entendu 30 millions de mots de moins qu'un enfant de famille aisée.
Il n'est plus admissible de laisser s'installer durablement un déterminisme social qui ne donnerait pas à tous les enfants de la République les mêmes chances au départ. L'immersion langagière est donc un enjeu fondamental, le langage étant à la fois le produit et la source des apprentissages.
Beaucoup plus qu'un symbole, cette mesure permettra aussi d'endiguer l'écart entre les territoires : je pense notamment aux DOM-TOM, où les enfants sont nettement moins scolarisés qu'en métropole. En effet, si la scolarisation des 3 ans frise en moyenne les 99 % en France métropolitaine, elle chute, respectivement, à 85 % et à 82 % à Mayotte et en Guyane.
L'article 2 introduit dans la loi une mesure juste pour lutter contre les inégalités sociales et territoriales, tout en élevant le niveau général de l'école.
Nous soutenons cet article qui rend obligatoire l'instruction de 3 à 16 ans. Pour compléter les propos de ma collègue Danièle Obono, j'aimerais parler de mon territoire, La Réunion. Le taux d'illettrisme et d'analphabétisme y est très élevé, et beaucoup de nos enfants sortent de l'école sans savoir lire et écrire correctement. C'est un véritable handicap social, que ce soit pour trouver un emploi ou pour assurer les démarches administratives qui permettent de demander et d'obtenir des droits.
De fait, le non-recours aux droits est largement plus élevé en outre-mer que dans l'Hexagone. Il n'est pas très compliqué d'y voir un lien avec l'illettrisme, même si celui-ci n'est pas le seul facteur. Alors oui, rendre l'instruction obligatoire de 3 à 16 ans, c'est renforcer un outil d'intégration.
Cependant, le cadre doit être bien établi. Les moyens financiers et humains doivent être assurés, les établissements rénovés et adaptés aux conditions climatiques des territoires ultramarins. L'État, en un mot, doit tout mettre en oeuvre pour la réussite de nos enfants, et s'abstenir de « pondre » des lois qui donneraient de faux espoirs.
Je prendrai aussi l'exemple du département de Mayotte, où les établissements sont saturés. Le manque de moyens humains est criant ; l'État doit y pourvoir et permettre la construction, dans ce territoire, d'un nombre suffisant d'établissements pour accueillir tous les enfants : c'est là une priorité, si nous voulons que cette loi soit réellement mise en oeuvre, faute de quoi, à Mayotte, elle ne servira à rien.
Pour toutes ces raisons, nous voterons cet article, tout en soulignant la nécessité de l'assortir de moyens.
L'article 2 concerne la mesure phare du projet de loi, l'instruction obligatoire dès 3 ans. Vous nous affirmez, monsieur le ministre, que l'école de la confiance doit poursuivre deux objectifs : l'élévation du niveau général et la justice sociale. Nous ne pouvons bien entendu qu'y souscrire.
Pourtant, si nous comprenons l'objectif poursuivi à travers l'abaissement de l'âge de l'instruction obligatoire, à savoir la réduction des inégalités sociales et territoriales, la simple obligation ne suffit pas. L'allongement de la scolarité pose en effet au moins deux questions. D'abord, elle fait craindre une inégalité entre les communes. J'anticipe, mais, aux termes de la compensation financière versée aux communes, prévue à l'article 4, l'État attribuera à chacune d'elles les ressources correspondant à l'augmentation des dépenses obligatoires qu'elle a consenties. Mais cela ne concernera que le différentiel entre l'année scolaire 2019-2020 et l'année précédente. En d'autres termes, les communes ne seront pas traitées sur un pied d'égalité. Mais je n'y insiste pas à ce stade.
Ensuite, ce n'est pas tant le caractère obligatoire qui pose problème que le contenu de cette obligation. Or le texte ne dit rien à ce sujet. En effet, en maternelle, le taux de présence l'après-midi est faible, et cette partie de la journée est souvent réservée à la sieste. La véritable question est donc de savoir ce que l'on enseigne aux enfants. Que feront-ils ? Sur quoi seront-ils évalués, dès lors que votre « école de la confiance » place l'évaluation au coeur de l'enseignement ?
Vous nous l'avez dit vous-même en commission, monsieur le ministre, cette obligation nous impose de réfléchir au contenu de l'enseignement en maternelle. Il faut prendre cette question au sérieux, et nous nous y pencherons tous avec intérêt.
Applaudissements sur les bancs du groupe LT.
L'abaissement de l'âge de la scolarité obligatoire à 3 ans est la mesure phare du projet de loi. Si l'on peut considérer qu'elle va dans le bon sens en ce qu'elle consacre un allongement du tronc commun, favorisant ainsi l'égalité des chances, ce jugement doit être relativisé dès lors que 97 % des enfants de 3 ans sont d'ores et déjà scolarisés.
On peut aussi s'interroger sur les efforts qui l'accompagneront pour renforcer les enseignements de l'école maternelle. La question des contenus et des moyens associés à ces écoles n'est pas abordée. Or le constat est clair : en CP, 23 % des élèves ont, en début d'année, des difficultés à reconnaître les lettres et leur son, et 8 % ont du mal à reconnaître les nombres qu'on leur dicte.
Pour aller au bout de la démarche, il conviendrait de commencer l'enseignement de l'écriture et de la lecture à l'école maternelle. Les neurosciences montrent en effet que le développement cérébral de la zone du langage atteint son maximum entre 3 et 6 ans. Il importe donc, pour l'acquisition des compétences langagières, de stimuler très fortement les jeunes enfants lorsqu'ils sont en maternelle : ce serait déterminant pour leur réussite dès les premières années du primaire.
Vous entendez, monsieur le ministre, abaisser à 3 ans l'âge de l'instruction obligatoire. Pour quels effets ? D'ores et déjà, en l'absence d'obligation légale, 97 % des enfants de cet âge vont à l'école, et cette proportion atteint presque 100 % chez les 4 ans.
Si l'on peut admettre la portée symbolique d'une telle obligation, on doit aussi en mesurer les conséquences pratiques. Par exemple, comment assurer la prise en charge des enfants qui ne sont pas encore propres ? Surtout, il convient de prendre en compte l'intérêt de l'enfant lui-même. À 3 ans, les enfants peuvent être fatigués, auquel cas certains parents préfèrent, l'après-midi, les garder à la maison pour une sieste plus longue.
La coercition que vous voulez imposer ici montre que vous ne faites pas confiance aux parents. À l'heure du grand débat, je vous invite à une plus grande écoute de certaines vérités de bon sens. Les parents sont les premiers éducateurs de leurs enfants. À cet égard, il serait bon de respecter la liberté de choix des parents et de vous fier à leur discernement, à la connaissance qu'ils ont des besoins physiologiques de leurs tout petits.
Alors que vous voulez donner plus d'autonomie aux établissements et faciliter des expérimentations en matière d'organisation du temps scolaire, j'ai du mal à comprendre la cohérence de cette rigidité qui, en même temps, impose, de façon uniforme et systématique, la présence des tout petits à l'école. Concrètement, puisque la règle, très stricte, se réfère à l'année civile, des enfants de 2 ans et demi seront mélangés avec d'autres de 3 ans et demi, alors que la différence est considérable à cet âge. Une entrée progressive, pour les enfants nés en fin d'année civile, devrait être permise.
L'entrée à l'école des tout petits, monsieur le ministre, doit être une réussite, et cela passe par une adaptation. Celle-ci, d'ailleurs, n'est pas contradictoire avec l'assiduité, du moment qu'elle est régulière. Si nous voulons une école de la confiance, mes chers collègues, considérons l'intérêt des enfants.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Si l'instruction dès 3 ans concerne déjà 97 % des enfants en France, l'obligation prévue permettra de lutter contre les inégalités et facilitera l'intégration, en maternelle, des enfants dont les familles sont les plus éloignées de l'école.
Cet article a aussi le mérite de reconnaître les missions des personnels qui interviennent à l'école maternelle et l'importance des compétences qui peuvent y être acquises : je pense à celles du langage, bien sûr, en particulier à l'enrichissement du vocabulaire, mais aussi aux compétences créatives et artistiques et au développement de la motricité.
Toutefois, cette mesure peut soulever quelques questions, s'agissant de l'accompagnement des enfants handicapés, de la priorité donnée à la scolarisation dès 2 ans dans les banlieues, des capacités des communes à subvenir aux besoins supplémentaires ainsi créés – nous y reviendrons avec l'article 4 – ou encore de la méconnaissance, parfois, des élus quant au nombre d'enfants âgés de 3 ans au sein de leur commune.
Cela dit, nous abordons bien entendu favorablement cet article, en espérant être rassurés sur les questions que nous nous posons encore à son sujet.
Applaudissements sur les bancs du groupe LT.
Même si je ne suis pas membre de la commission compétente sur les questions d'éducation, l'importance du sujet me conduit, comme chacun d'entre nous – et c'est heureux – , à y porter de l'intérêt. L'article 2, c'est vrai, interroge quant à son utilité, au regard des 97 % d'enfants de 3 à 6 ans d'ores et déjà scolarisés, mais aussi de l'absence de réponse sur des questions aussi essentielles que le handicap à l'école. L'accueil en milieu scolaire des enfants de plus de 6 ans qui souffrent d'un handicap révèle déjà des insuffisances. Qu'en sera-t-il demain avec l'obligation prévue par cet article ?
Quid également de l'ARS, l'allocation de rentrée scolaire, légalement liée à la scolarisation obligatoire ? Quid des relations financières avec les communes, s'agissant notamment des écoles privées sous contrat ? Sur les compensations annoncées, quelles seront les garanties ? De tout cela, nous reparlerons à l'article 4.
Mais peut-être, monsieur le ministre, cet article est-il plus politique qu'il n'y paraît ? N'est-il pas un gage donné à la gauche, un geste en sa faveur ? Chacun s'en souvient ici, semblable proposition a déjà circulé, sans succès, sous l'ère hollandaise… Ou peut-être entendez-vous, cent quarante ans après Jules Ferry, inscrire vos pas dans les siens pour entrer, demain – le plus tard possible, je vous le souhaite – , dans le temple de la gloire ?
Les députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine défendent de longue date l'instruction obligatoire à 3 ans ; nous avions d'ailleurs déposé une proposition de loi en ce sens en décembre 2017. Nous pensons en effet que cette scolarisation précoce constitue un moyen efficace de lutter contre les inégalités scolaires et contre les inégalités tout court. Nous affirmons également que l'école maternelle est une école à part entière ; dotée de fonctions propres, elle n'en représente pas moins une étape importante. Nous croyons enfin que le taux élevé d'enfants scolarisés dès à présent à cet âge ne constitue pas une objection à l'inscription de la mesure dans la loi.
En revanche, nous pensons que la mise en oeuvre de l'obligation doit s'accompagner d'une défense réaffirmée de l'école publique à l'heure où explose le nombre d'ouvertures d'écoles maternelles privées, pour lesquelles la mesure peut et va représenter une aubaine. Nous souhaitons donc non seulement un engagement de principe mais l'engagement de moyens dans l'école publique, et nous déplorons l'absence à ce stade, dans le projet de loi, d'un dispositif permettant de consacrer des moyens financiers supplémentaires à l'école maternelle publique plutôt qu'aux écoles privées au fronton desquelles ne figure pas la devise « Liberté, égalité, fraternité ».
Il nous semble également nécessaire de veiller à ce que cette avancée ne pèse pas trop lourdement sur les finances locales de nos communes. Nous souhaiterions donc que la loi garantisse encore plus clairement une compensation totale et pérenne – mais nous pourrons y revenir.
Nous voudrions également que le texte, allant plus loin, permette la scolarisation des enfants dès l'âge de deux ans, pour faire de cette possibilité, en net recul depuis le moment où elle a été offerte, un vrai droit dès lors que les parents le demandent.
L'abaissement à 3 ans de l'âge du début de l'obligation d'instruction, prévu à l'article 2, est la mesure-phare du texte. Il me semble pourtant qu'au cours de la période allant de 3 à 6 ans il faut, une fois encore, laisser aux familles la possibilité de décider. C'est leur liberté de choix qui est en jeu, ainsi que la relation entre sphère familiale et sphère étatique, condition de la confiance.
Une telle disposition, lorsqu'elle implique une scolarisation à plein temps, ne tient aucun compte du rythme d'évolution des enfants. Elle les soumet à des règles d'assiduité qui n'entrent aujourd'hui en vigueur qu'en CP. Or de nombreux parents choisissent actuellement, pendant la première ou les deux premières années d'école de leurs enfants, de ne les y envoyer que le matin afin de leur éviter trop de fatigue lorsqu'ils sont petits. Là encore, ce devrait être aux parents, les mieux à même de juger des besoins de leurs enfants, de décider de ces questions.
Par ailleurs, la scolarisation dès l'âge de 3 ans demandera beaucoup plus d'encadrement, particulièrement l'après-midi : davantage d'ATSEM, car plus d'enfants à la cantine ; plus de dortoirs aussi, ce qui n'est pas sans poser de gros problèmes à certaines écoles dont les locaux, parfaitement dimensionnés pour le nombre actuel d'élèves – sachant qu'une bonne partie d'entre eux n'y font pas la sieste – , ne le seront plus si l'ensemble des enfants reste toute la journée à l'école.
Je souhaite également aborder la question des surcoûts liés au forfait que les communes versent aux écoles privées ou résultant d'éventuelles créations de classes. À Béziers, nous estimons à pas moins de soixante le nombre d'enfants supplémentaires qui pourraient être accueillis en petite section dès l'an prochain du fait de la mesure ; ce n'est pas anodin.
S'il était vraiment démontré que les pays les mieux placés dans le classement PISA ont mis en oeuvre ce genre de dispositions et que nous nous contentions de leur emboîter le pas, pourquoi pas ? Mais c'est tout l'inverse. Vous l'avez dit vous-même, mes chers collègues : 98,9 % des enfants bénéficient déjà de l'instruction à 3 ans. Il me semble donc qu'il vaudrait mieux orienter nos efforts dans d'autres directions, par exemple la baisse des effectifs dans les classes.
Nous voici à l'épisode 2 de la série « Najat Vallaud-Belkacem en rêvait, Jean-Michel Blanquer le fait ».
Sourires.
Nous avons assisté hier soir au premier épisode : la suppression des mots « père » et « mère » à l'école au profit des mots « parent 1 » et « parent 2 », qui va provoquer de très vives réactions – les appels à la désobéissance civique face à cette mesure funeste se font déjà entendre.
Le deuxième épisode a donc lieu ce soir, avec l'abaissement de 6 à 3 ans de l'âge de l'instruction obligatoire. Annoncée par Najat Vallaud-Belkacem lorsqu'elle était ministre de l'éducation nationale, la mesure n'avait pu être mise en oeuvre, mais elle avait été reprise dans les programmes de Benoît Hamon – on comprend donc le soutien que lui apporte le groupe socialiste – et de Jean-Luc Mélenchon – on comprend cette fois le soutien du groupe de La France insoumise. Il s'agit bien d'une mesure d'inspiration socialiste.
L'examen des amendements nous donnera l'occasion d'en aborder les inconvénients : les dépenses supplémentaires pour les communes, les questions d'encadrement et de contrôle de l'assiduité, la fin de la liberté pour les familles de récupérer les enfants pour la sieste de l'après-midi, etc. Mais, à ce stade, c'est sur la conception de l'école impliquée par la mesure que nous devons nous interroger.
Personnellement, je ne suis pas défavorable à l'abaissement de l'âge de l'instruction obligatoire, mais à 5 ans et non à 3. Car l'obligation d'instruction à trois ans nie le fait que les parents sont les premiers éducateurs et soumet les enfants au contrôle de l'État en les soustrayant aux familles – en les en « émancipant », pour reprendre le terme employé par M. le ministre et Mme la rapporteure, comme si leur famille était une malédiction !
J'ai demandé en commission pourquoi 3 ans et non 2 ans ou 1an. L'amendement no 696 du groupe Socialistes – mais on a vu que les socialistes sont toujours précurseurs en la matière ! –...
... vise d'ailleurs à instaurer un « continuum éducatif de la naissance à six ans ». Il est clair que c'est cette volonté qui sous-tend la mesure.
Cela a été dit, nous souscrivons à l'instauration de l'instruction obligatoire à trois ans, pour toutes les raisons qui ont été exposées.
J'aimerais revenir sur l'inquiétude exprimée par Danièle Obono concernant les moyens associés à cette mesure et, plus généralement, sur la situation en maternelle.
Sur le terrain, en effet, on nous décrit – et nous voyons – des fermetures d'écoles maternelles qui entraînent des transferts et, le cas échéant, des classes surchargées dès ce stade précoce. Vous savez pourtant, monsieur le ministre, combien il est important d'avoir des classes réduites, puisque vous avez proposé en primaire le fameux dédoublement de classes dont nous nous félicitons. C'est d'autant plus important en maternelle, pour les raisons invoquées tout à l'heure par M. Bazin : la nécessité d'un accompagnement des élèves, d'une proximité avec eux, bref d'un accueil bienveillant. En outre, un nombre croissant de jeunes élèves sont de plus en plus agités : une trentaine d'enfants de 3 ans en proie à l'agitation, ou même une classe de trente dans laquelle cinq enfants sont agités, nécessite vraiment un accompagnement.
Vous nous parlez souvent de chiffres, monsieur le ministre ; j'aimerais disposer de ces chiffres. Quel sera donc le nombre de classes et d'élèves par classe en maternelle à la suite de la mesure ?
Par ailleurs, l'amendement no 674 du Gouvernement tend à supprimer de l'article 2 la mention « , de tout sexe, français ou étranger, ». Pouvez-vous nous dire pourquoi ?
Je veux dire ici ma satisfaction que le présent projet de loi rende l'instruction obligatoire dès 3 ans. Certes, la quasi-totalité des enfants bénéficient déjà d'une instruction dès cet âge ; pour certains, il s'agit donc uniquement d'un symbole. Pour moi, non : il reste près de 30 000 enfants qui n'ont pas accès à l'instruction avant le CP. Qui sont les 26 000 enfants concernés ? Souvent les plus défavorisés, les plus pauvres ; parfois aussi des enfants en situation de handicap, hospitalisés, vivant dans des campements, mal logés, itinérants, des mineurs isolés et bien d'autres encore. Pour eux, l'instruction obligatoire dès 3 ans sera une chance, une protection, une aubaine.
Mais je veux également faire part des doutes et des craintes que m'inspire aussi cette mesure de progrès. Certes, la loi doit être simple et concise ; vous le savez bien évidemment, monsieur le ministre, vous qui êtes agrégé de droit. Vous avez ainsi déposé un amendement qui tend à supprimer la mention « , des deux sexes, français et étrangers, » qui figure aujourd'hui à l'article L. 131-1 du code de l'éducation. Mais cette suppression, peut-être symbolique, ne pourrait-elle entraîner des conséquences en matière d'accès aux droits ?
M. Michel Larive applaudit.
De fait, les enfants étrangers vivant sur le sol français sont souvent en situation de fragilité. Il semble important d'en tenir compte s'agissant de mineurs, a fortiori lorsqu'ils n'ont que 3 ans, du point de vue des conditions d'opportunité de la mesure et d'accès à l'école.
Monsieur le ministre, réformer l'école, c'est avant tout la transformer pour les enfants. Je fais confiance à votre action et à votre bienveillance lorsqu'il s'agira d'écouter la représentation nationale sur ce point.
M. Michel Larive applaudit.
Monsieur le ministre, l'article 2, qui tend à ramener à l'âge de 3 ans le début de la scolarité obligatoire, est central dans votre projet de loi. Je ne répéterai pas ce que mes collègues ont déjà dit des enjeux de cette scolarisation précoce, préférant pour ma part vous interpeller sur la fin de la scolarisation obligatoire, plus particulièrement sur la formation par l'apprentissage, insuffisamment soutenue par les pouvoirs publics.
Il est désormais reconnu que cette voie mène à la réussite professionnelle. Mais l'on observe encore de nombreux dysfonctionnements dans son développement, et d'abord un problème évident de mise en relation des jeunes, qui cherchent une entreprise, avec les entreprises, qui cherchent à former un jeune. Je ne vous referai pas le coup du boulanger qui peine à recruter un apprenti. Mais je regrette que votre projet de loi passe à côté de l'enjeu fondamental que constitue la formation par alternance.
Monsieur le ministre, vous connaissez l'Ouest français et la Bretagne. En Bretagne, 40 % des enfants sont scolarisés dans l'enseignement catholique privé sous contrat, dont les écoles, comme dans le public, accueillent les enfants dès 3 ans, et même plus tôt. D'ailleurs, il n'est pas tenu compte des enfants de moins de 3 ans lorsqu'il s'agit d'octroyer des moyens ; je vous ai fait parvenir plusieurs courriers à ce sujet.
Ici, le problème est le suivant. Jusqu'à présent, beaucoup de communes, sans en avoir l'obligation, aidaient les écoles privées situées sur leur territoire et leur apportaient une contribution financière. Elles vont désormais y être obligées. Mais, si je comprends bien votre texte, vous n'allouerez de moyens aux communes qu'à proportion de l'effort supplémentaire qu'elles consentiront.
Celles qui ne faisaient rien, désormais obligées de donner, auront une grosse somme ; celles qui donnaient un peu et seront obligées d'augmenter leur contribution auront une petite somme ; celles qui faisaient le maximum n'auront rien. J'espère que vous reviendrez très clairement sur ce point en nous garantissant que nous ne subirons pas une telle injustice. Les maires ne le comprendraient pas !
Je souhaite donc que vous nous rassuriez, monsieur le ministre, en nous indiquant très clairement que les communes qui faisaient déjà un effort seront remboursées comme les autres, à hauteur du nouvel effort exigé par la loi. J'espère qu'il n'y aura plus d'ambiguïté sur ce sujet au moins. J'évoquerai d'autres points à propos des amendements, mais je tenais tout d'abord à signaler cette difficulté – considérable dans plusieurs régions où l'enseignement catholique occupe une place importante.
Non, ensuite.
Mais je répondrai.
Nous en venons donc à une série d'amendements de suppression, nos 28, 142, 279, 294, 316 et 1013.
La parole est à Mme Isabelle Valentin, pour soutenir l'amendement no 28 .
L'article 2 prévoit d'abaisser l'âge de début de l'obligation d'instruction à 3 ans alors que la scolarisation est actuellement obligatoire à partir de 6 ans. Une telle disposition apparaît totalement symbolique tant elle ne paraît pas en phase avec la réalité. Cette modification de l'obligation scolaire entraînera probablement des problèmes d'assiduité accrus, alors que l'absentéisme ou la présence à temps partiel sont actuellement tolérés dans certains établissements.
Par ailleurs, cette mesure ne figurait pas dans le programme du candidat Emmanuel Macron alors qu'elle était défendue avec véhémence par Najat Vallaud-Belkacem en 2016, …
… qu'elle a été reprise par le candidat socialiste Benoît Hamon dans son programme et qu'elle était également prônée par Jean-Luc Mélenchon.
Exclamations sur les bancs des groupes FI, GDR et SOC.
Quand notre collègue Valentin rappelait que cette mesure figurait dans le programme de Benoît Hamon et de Jean-Luc Mélenchon, elle voulait dire qu'il s'agissait donc d'une mesure socialiste.
Sourires et exclamations sur les bancs du groupe SOC.
L'élection présidentielle doit permettre un vrai débat. Certains assument ce qu'ils sont et je pense à notre collègue Juanico auquel il faut reconnaître sa cohérence. Le dispositif en question relève d'une vision socialiste et les socialistes, en tant que tels, l'ont proposé aux Français. Dont acte. Or cette conception de l'école n'est pas la nôtre. Cette mesure ne figurait pas dans le programme d'Emmanuel Macron. Il faut donc assumer le fait qu'elle est d'inspiration socialiste.
Assumez donc, ce n'est pas dramatique, que l'article 2 relève d'une vision socialiste de l'éducation. Si vous le vivez très bien, dont acte, mais les Français doivent le savoir.
Régnait en effet une certaine confusion concernant la personnalité du ministre de l'éducation nationale parce qu'il avait été directeur général de l'enseignement scolaire sous Nicolas Sarkozy – à quoi il répondait que ce n'était pas grave, qu'il n'était qu'un simple fonctionnaire qui, du reste, ne se reconnaissait pas dans la politique du chef de l'État. Il met aujourd'hui ses pas dans ceux de Vincent Peillon et Najat Vallaud-Belkacem, voilà qui a le mérite de la clarté.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LR. – Exclamations sur les bancs des groupes SOC, GDR et FI.
Jean-Michel Blanquer socialiste ! Qu'est-ce qu'il ne faut pas entendre !
Je dois avouer, monsieur le ministre, que j'ai du mal à saisir l'utilité de cet article. Est-il vraiment nécessaire de rendre obligatoire une pratique plus que majoritaire, puisqu'elle concerne plus de 97 % des élèves ? Est-il vraiment nécessaire de légiférer pour imposer ce choix à des parents qui, jusqu'à présent, disposaient d'un plan B pour maintenir les enfants concernés au sein de la cellule familiale – qui doit rester le berceau de l'éducation – , afin que, le moment venu, ils se trouvent dans les meilleures dispositions pour recevoir l'enseignement obligatoire qui leur serait dispensé. Laissons donc à ces parents le droit de préparer leurs enfants à intégrer l'école de la République dans les conditions qui leur paraissent appropriées.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.
J'ai conscience, monsieur le ministre, que la présente série d'amendements vise à supprimer la disposition phare du projet de loi. C'est en effet une annonce du Président de la République aux assises de la maternelle que vous voulez appliquer. Cet article aura sans doute une portée historique, faisant de la France la championne d'Europe en la matière, mais la précocité de la scolarité obligatoire n'est aucunement synonyme de réussite pour une scolarité future.
Aujourd'hui, 98 % des enfants de 3 ans sont déjà scolarisés, presque la totalité des enfants de 4 et 5 ans. L'État ne serait-il pas capable d'offrir une politique de la petite enfance cohérente, ambitieuse, permettant aux jeunes enfants de s'épanouir, et une réelle politique familiale ? On a parlé d'école de la confiance, de respect mutuel ; or, avec cet article, où est la confiance aux familles ?
Nous avons bien conscience que, pour qu'ils réussissent, il faut offrir à nos jeunes le meilleur à l'école élémentaire. Mais l'étude d'impact nous apprend ce que font les autres pays, où l'instruction obligatoire concerne des enfants plus âgés – je pense à l'Estonie – , et il est évident qu'il faut mener une politique préscolaire volontariste, qui permette d'entrer à l'école obligatoire avec un bon bagage, notamment en ce qui concerne la maîtrise de la langue. Sans doute fallait-il se concentrer sur l'école maternelle et assurer un meilleur continuum entre le cycle des apprentissages premiers et le cycle des apprentissages fondamentaux.
À l'heure actuelle, 26 000 élèves sont concernés, mais quelle sera la part d'enfants qui devront être scolarisés au sein de l'école privée ? Il faudra revenir sur ce réel problème, puisque les frais de scolarité nouveaux seront pris en charge par l'État ; les collectivités qui avaient déjà fait un effort seront sans doute pénalisées. Ensuite, comment fait-on avec ceux de ces 26 000 élèves qui sont frappés d'un handicap ? Que fait-on de ceux qui ont besoin d'une scolarisation progressive ?
Plusieurs collègues ont rappelé que, lors de la dernière campagne présidentielle, notre projet était de rendre la scolarité obligatoire à l'âge de 5 ans, ce qui nous semble plus raisonnable.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.
« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe SOC
mais son caractère obligatoire pose plusieurs problèmes. Ce n'est pas pour rien qu'aucun des pays voisins de la France n'a instauré un enseignement obligatoire à temps plein à l'âge de 3 ans.
Cette mesure est un frein à la liberté des parents, qui sont responsables de leurs enfants et sont donc à même de savoir ce qui leur convient le mieux, selon leur âge et leur degré de fatigue.
Les parents connaissent leurs enfants. Pour les enfants, la scolarisation obligatoire implique de se soumettre à des règles d'assiduité qui n'étaient jusqu'ici en vigueur qu'à partir du cours préparatoire. Ainsi, les horaires de classes sont contraignants alors qu'à l'heure actuelle beaucoup de parents choisissent de ne mettre leurs enfants à l'école que le matin, la première année de maternelle, voire la deuxième, afin de leur éviter une fatigue évidente.
D'autre part, la scolarisation obligatoire dès 3 ans demandera plus d'encadrement, en particulier l'après-midi, alors que les effectifs d'enseignants sont souvent insuffisants en maternelle avec des classes avoisinant ou dépassant trente élèves, ce qui est déjà beaucoup, sans parler des postes vacants à Mayotte et en Guyane. Des problèmes de matériel vont aussi se poser : on m'a informé qu'il manquera des lits pour la sieste des plus petits, y compris dans des communes de taille moyenne.
Si l'on considère l'intérêt de l'enfant, alors il ne faut pas obliger tous les enfants de 3 ou 4 ans à aller à l'école toute la journée.
M. Raphaël Schellenberger applaudit.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 1013 .
On compte 97,9 % d'élèves scolarisés à l'âge de 3 ans et ce chiffre frôle 100 % à l'âge de 4 ans. Votre objectif est de rendre l'instruction obligatoire dès 3 ans afin de réduire les inégalités dès le plus jeune âge. Voilà qui semble malheureusement un peu naïf. La plupart des enfants étant déjà scolarisés dès l'âge de 3 ans, on voit mal comment la mesure que vous proposez pourrait lutter contre les inégalités.
J'ai entendu que les enfants bénéficiaires de cette mesure seraient majoritairement issus de milieux défavorisés. En fait, garder un enfant jusqu'à ce qu'il ait 6 ans implique aussi, souvent, que l'un des parents reste au foyer. Cette mesure va donc également concerner des familles très investies dans l'éducation de leurs enfants. Les exemples étrangers montrent que baisser l'âge de l'obligation de l'instruction n'est pas nécessairement synonyme de réussite. On l'a rappelé : dans un pays comme l'Estonie, troisième dans le classement PISA, l'instruction n'est obligatoire qu'à partir de 7 ans.
Certes, c'est bien l'instruction qui est obligatoire et non l'école. Mais cela signifie tout de même que l'État ira contrôler au domicile des parents l'instruction donnée à un enfant de 3 ans. On peut donc se demander quel est l'objectif réel du Gouvernement puisque, dans ce cas, ce n'est certainement pas réduire les inégalités. Je considère, pour ma part, que l'instruction dès l'âge de 3 ans comporte des aspects positifs, mais pas s'il s'agit pour l'État de s'immiscer dans la vie de l'enfant dès son plus jeune âge, ce qui, vous en conviendrez, est plutôt impropre à rétablir le lien de confiance entre l'école et les parents.
Encore une fois, il faut laisser la liberté de choix aux parents, surtout lorsqu'il s'agit de leurs propres enfants.
Je ne vous surprendrai pas si je vous dis que j'émets un avis défavorable sur cette série d'amendements de suppression de l'article qui, on l'a dit, constitue le coeur de ce texte par sa portée symbolique et historique. Il s'inscrit, on l'a dit également, dans la droite ligne de l'oeuvre entamée par Jules Ferry en 1882, poursuivie par Jean Zay en 1936 et par le général de Gaulle en 1959. Cet article est important car il précise que tous les enfants, quels que soient leur milieu social, leur origine, leur situation personnelle, doivent être accueillis au sein de l'école de la République…
… et bénéficier de la qualité de l'enseignement dispensé à l'école maternelle, enseignement qui repose sur le dévouement des enseignants et des ATSEM.
Je ne répéterai pas que de nombreuses études montrent que les inégalités, dans la petite enfance, obèrent les capacités d'apprentissage, notamment celui de la lecture, et c'est pourquoi nous voulons agir dès le plus jeune âge. Cette mesure est donc avant tout une mesure de justice sociale…
… et nous ne doutons pas que les écoles sauront progressivement s'y adapter, comme elles l'ont fait dans tous les pays européens où les enfants sont en collectivité dès l'âge de 1 an ou de 2 ans, pays qui obtiennent les meilleurs résultats dans tous les classements internationaux.
On nous dit qu'un tel dispositif ne sert à rien car il ne concerne que 26 000 enfants : mais 26 000 enfants, ce n'est pas rien.
Enfin, au-delà des efforts concernant l'école maternelle, il faut poursuivre l'amélioration de la prise en charge globale des enfants jusqu'à 6 ans.
Comme vous avez souligné les uns et les autres que l'article 2 était un article central du présent projet de loi, j'ai fait un rêve qui peut-être s'accomplira malgré ce que je viens d'entendre. Ce rêve, c'était l'unanimité de la représentation nationale sur un tel sujet. En effet, loin de s'inscrire dans une quelconque filiation partisane, cet article se situe dans une filiation républicaine. J'ai en effet rappelé que cette mesure constituait un marqueur républicain des plus importants parce que la naissance de la République peut être datée des lois Ferry, moment de l'ancrage de la République dans la société grâce à l'école.
L'emploi, à propos de l'article 2, du mot « symbolique » ne me gêne pas tant il est vrai qu'il importe à une société humaine de se reconnaître dans des symboles. Reste qu'il n'est pas qu'un symbole.
Je dis aux députés de droite qu'ils courent un risque, à voter contre…
Certes, je voulais dire que vous courez un risque à voter contre le principe de l'instruction obligatoire dès l'âge de 3 ans alors même que vous êtes favorables à une telle mesure pour les enfants dès l'âge de 5 ans. Aussi êtes-vous obligés de faire des raisonnements un peu alambiqués…
… pour expliquer que l'instruction obligatoire à 5 ans, c'est très bien, et qu'à 3 ans, c'est liberticide.
Protestations sur les bancs du groupe LR.
Vous expliquez également que rendre l'instruction obligatoire à 3 ans est inutile, et vous proposez l'âge de 5 ans tout en ajoutant qu'à cet âge la totalité des enfants sont scolarisés. Personne n'est jamais à l'abri des contradictions, certes, mais je vous en signale quelques-unes qu'il serait dommage d'avoir à regretter a posteriori – il est donc encore temps d'y réfléchir.
J'y insiste, rendre l'instruction obligatoire à 3 ans n'est pas qu'un symbole, c'est aussi un signal sur l'importance de l'école maternelle. On l'a dit de part et d'autre de l'hémicycle. Et l'un d'entre vous a déclaré avec raison qu'il fallait accorder une attention particulière à la petite enfance. Nous l'avons fortement souligné avec la rapporteure en commission : l'instruction obligatoire dès 3 ans est non seulement la marque d'une politique de la maternelle, mais aussi d'une politique de la petite enfance. La nomination récente d'un secrétaire d'État à la protection de l'enfance va dans ce sens, et nous allons continuer de travailler en faveur de tous les enfants jusqu'à 6 ans.
Lorsque l'on cite le cas de l'Estonie ou de la Finlande, on évoque des pays dans lesquels les structures familiales et publiques accordent une attention à l'enfant dans un continuum de 0 à 7 ans. En la matière, la France doit encore s'améliorer.
On nous objecte que l'article 2 mettrait en place une mesure purement symbolique, parce qu'environ 98 % des enfants vont déjà à l'école maternelle. Il a pourtant été rappelé, à juste titre, que si ce pourcentage de fréquentation est impressionnant, il reste, en valeur brute, que 20 à 30 000 enfants « échappent » à l'école maternelle. Ces 20 à 30 000 enfants comptent beaucoup à mes yeux. On ne saurait les considérer comme quantité négligeable, d'autant qu'ils se concentrent souvent sur certains territoires. Nous devons leur prêter une attention particulière.
La mesure que nous prenons est donc sociale, mais elle est aussi sociétale !
En vous y opposant vous risquez de nouveau de vous retrouver face à vos contradictions. Je parle de mesure sociétale parce que l'on observe, par exemple, dans certains territoires, que les petites filles sont particulièrement victimes de la non-scolarisation.
La mesure n'est donc pas liberticide. Au contraire, nous voulons être extrêmement attentifs aux droits de l'enfant, et nous assurer que tous les enfants bénéficient bien de l'instruction obligatoire.
Le seul fait de parler d'instruction obligatoire est-il liberticide ? Dans ce cas, il aurait fallu utiliser le même qualificatif à toutes les étapes de l'évolution de l'instruction obligatoire. Celle-ci n'est pas synonyme de scolarisation obligatoire. L'instruction en famille reste possible dans le cadre du projet de loi. Nous nous donnons seulement les moyens d'en contrôler le caractère effectif.
Tout récemment, j'ai été amené, avec les autorités déconcentrées, à fermer une école salafiste clandestine à Marseille. Les parents des enfants concernés déclaraient qu'ils pratiquaient l'instruction en famille. Elle servait donc de paravent au viol de la loi de la République. Nous devons absolument nous donner les moyens de contrôler que, pour les enfants, il ne se passe pas n'importe quoi entre 0 et 6 ans. Chacun constate qu'en refusant l'article 2 vous défendez une position qui peut être contradictoire avec celle que vous soutenez s'agissant de problèmes de société que vous soulevez par ailleurs.
Monsieur Juanico, nous nous donnons les moyens de contrôler l'instruction obligatoire à partir de 3 ans lorsqu'elle est dispensée au sein des familles. J'avais pris un engagement en ce sens devant vous, lors des débats parlementaires qui ont abouti au vote de la loi du 13 avril 2018, dite loi Gatel. Dans chaque rectorat, un inspecteur de l'éducation national doit se consacrer à cette tâche, et, selon la taille de l'académie, il doit être épaulé par des équipes dédiées.
La liberté des familles est donc préservée. Il sera toujours possible de dispenser l'instruction à domicile. La République s'assurera seulement qu'elle est effective, et que l'enfant progresse. Si elle ne le fait pas, la très grande majorité des enfants non scolarisés en maternelle entreront en cours préparatoire sans y avoir été correctement préparés.
Cette mesure est symbolique, c'est un signal, je l'assume, mais, au-delà, elle constitue aussi en elle-même une véritable politique publique de l'école maternelle.
Madame Obono, vous évoquiez l'enjeu des moyens nouveaux nécessaires pour mettre en place l'instruction obligatoire dès 3 ans. Je rappelle que nous nous inscrivons dans un contexte démographique particulier : la France compte environ 50 000 enfants de moins tous les ans. Il s'agit d'un véritable problème français sur lequel j'appelle régulièrement l'attention ; nous devrons y consacrer du temps et de l'énergie. Cela dit, faites-le calcul : si nous avons 50 000 enfants en moins, d'un côté, et, de l'autre, 25 000 enfants en plus, le solde reste négatif, et nous ne créons pas d'embouteillage dans les écoles maternelles !
Le contexte démographique nous permet de scolariser les enfants plus jeunes, et notre système est fait pour s'adapter en permanence.
Vous savez très bien que 98 % et 100 % de scolarisation, ce n'est pas du tout la même chose !
Par ailleurs, nous augmentons les moyens de l'école maternelle : plus de 1 000 postes seront créés pour la rentrée prochaine. Dans les départements et les régions particulièrement concernés par l'augmentation de la scolarisation que provoquera l'obligation d'instruction à partir de 3 ans, autrement dit en Guyane et à Mayotte, environ 150 postes seront créés pour la rentrée prochaine – ce qui correspond à peu près aux 3 000 élèves supplémentaires attendus.
Nous assumons donc parfaitement la réalité en mettant en place les moyens humains nécessaires.
S'agissant des moyens, une politique publique de l'école maternelle sera aussi une politique publique d'appui aux communes et aux investissements qu'elles consentent en faveur de l'école maternelle. Il y a d'autres enjeux que les moyens humains, même si ce sujet est essentiel, en particulier ce qui concerne la formation des professeurs de maternelle. Au-delà du fonctionnement, il y a un enjeu d'investissement dans l'école maternelle, au moment où nous engageons une réflexion et une action s'agissant du bâti idéal – par exemple dans le cadre du mouvement de dédoublement des classes de CP et de CE1.
L'engouement pour certaines pédagogies, comme Montessori ou d'autres, va de pair avec l'intérêt pour des matériels dont les écoles privées hors contrat ne doivent pas avoir l'usage exclusif. Nous mènerons une politique d'équipement de l'école publique.
Maintenant, l'école publique se cale sur l'école privée ? On choisit ses références !
Je ne crois pas que ce que je viens de dire soit idéologiquement situé.
C'est un propos républicain, et affirmer le contraire revient à courir un risque politique assez grave que chacun peut assumer. Songez à ce que l'on dit aujourd'hui de ceux qui se sont hier opposés aux trois précédentes étapes de l'abaissement de l'âge de l'instruction obligatoire ! À vous d'assumer de faire partie de ceux qui se seront opposés à la quatrième étape de cette histoire.
Cette mesure s'inscrit dans une droite filiation républicaine. Je comprendrais certaines objections si nous avions voulu obliger tous les enfants à aller à l'école maternelle à partir de 3 ans, mais l'instruction en famille reste possible. Nous nous assurons simplement que tous les enfants, sans exception, bénéficient de l'attention qu'il convient de leur porter à un âge dont nous savons aujourd'hui, bien plus que nos anciens n'en avaient conscience hier, combien il est décisif dans la vie de chacun. Tel est l'enjeu de l'article 2.
Monsieur Le Fur, je m'exprimerai sur d'autres aspects lorsque nous aborderons l'article 4.
Bien sûr, c'est pour cela que j'ai commencé à évoquer l'aide à l'investissement des communes. Je n'ai d'ailleurs pas fait mystère de dispositifs dont nous avons parlé en commission.
En adoptant l'article 2, vous avez la possibilité, en votant à la fois pour un symbole, un signal et une politique publique extrêmement concrète, d'indiquer que l'école maternelle est essentielle dans le pays qui l'a inventée en 1848, date majeure de l'histoire de la République, et que ce pays est capable de la réinventer et de lui donner un élan nouveau pour le XXIe siècle.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
Nous n'avons eu aucune réponse au sujet des enfants de moins de 3 ans !
Je vais donner la parole à un orateur par groupe.
La parole est à Mme Danièle Obono.
Nous assumons le soutien que nous apportons à l'article 2, et nous voterons contre les amendements qui visent à le supprimer. Nous ne croyons pas qu'il faille mettre une étiquette sur cette mesure. Les députés qui l'ont fait auraient pu dire qu'elle venait de la France insoumise plutôt que de seulement la qualifier de socialiste ou de communiste.
Ils auraient aussi pu se contenter de parler d'une proposition progressiste ou républicaine, comme l'a dit M. le ministre.
Elle correspond en tout cas à une avancée, même si nous considérons que l'on aurait dû aller plus loin. Nous soulignons en effet les limites de ce qui est proposé, et nous soutiendrons des amendements visant à les dépasser. En effet, il ne s'agit pas d'organiser la garde d'enfants, comme certains collègues l'ont évoqué, mais de socialiser ces enfants et de leur permettre d'apprendre des savoirs, des savoir-faire et des savoir-être : autrement dit, il s'agit d'éducation au sens large.
Ce problème concerne aussi les familles, mais il ne relève pas seulement de la justice sociale, car tous les enfants sont concernés, quelle que soit la catégorie sociale de laquelle ils sont issus. L'enjeu de justice sociale est cependant réel, car un certain nombre de familles ne peuvent aujourd'hui qu'adopter des solutions par défaut pour faire garder leurs enfants, faute des moyens nécessaires pour financer une ou un aide à domicile ou pour y rester soi-même. Lorsque le service public ne fournit pas les services gratuits dont les familles ont besoin, les plus modestes d'entre elles sont pénalisées.
Nous pensons que l'on peut aller plus loin en développant des services publics gratuits au service des familles.
Nous sommes très favorables à l'instruction obligatoire à partir de 3 ans, et nous voterons contre les amendements de suppression que défendent nos collègues du groupe Les Républicains.
Nous avons des raisons très objectives de soutenir ce qui constitue une bonne mesure. Lorsque j'étais maire de Sarcelles, nous accueillions les enfants dès 3 ans, et même en deçà, en toute petite section. Dans les quartiers populaires en particulier, nous avons pu voir que cette démarche était bénéfique aux enfants, favorisant éducation, sociabilisation et apprentissage.
De plus, elle satisfait tout le monde. Je n'ai jamais rencontré un seul parent, un seul enseignant qui explique qu'un apprentissage si précoce est négatif. Tous les constats attestent d'un effet positif de la mesure.
Je tiens toutefois à préciser, monsieur le ministre, que vous rencontrerez quelques difficultés de mise en oeuvre. Je vous donne un exemple très précis : hier lors d'un conseil d'école, j'ai constaté que, dans une école maternelle récente financée par l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, le dortoir ne comptait que cinquante places alors que quatre-vingts élèves étaient inscrits en toute petite section et en petite section. S'ils doivent être obligatoirement présents dans l'après-midi, on rencontrera des problèmes techniques et pratiques. Il faudra se montrer pragmatique, par exemple en permettant que les parents viennent chercher leur enfant dans la journée.
Je me suis aussi intéressé aux textes régissant les ATSEM. Il est prévu que « toute classe maternelle doit bénéficier des services d'un agent communal occupant l'emploi d'agent spécialisé des écoles maternelles et des classes enfantines ».
Vous voyez bien que c'est du fonctionnement et pas de l'investissement !
Doit-on en conclure que la mairie doit financer un ATSEM dans chaque école maternelle privée ?
Je pense que nous devrions toiletter les textes relatifs aux écoles maternelles, qu'il s'agisse de leurs locaux ou des ATSEM, pour savoir précisément qui fait quoi, qui paie quoi, et qui compense ensuite les dépenses.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Monsieur Blanquer, vous vous êtes érigé en ministre de la morale nationale plutôt qu'en ministre de l'éducation nationale. Vous n'avez opposé que des arguments particulièrement malhonnêtes à la logique cohérente que nous vous avions exposée visant à défendre la liberté, l'instruction, et la responsabilité des parents dans l'éducation.
Vous avez caricaturé notre position. Ce n'est pas parce que nous entendons voter les amendements de suppression de l'article 2 que nous sommes contre l'instruction à partir de 3 ans. Nous nous opposons en revanche à l'obligation de l'instruction à partir de 3 ans, surtout dans les conditions dans lesquelles vous proposez de la mettre en oeuvre.
En effet, vous n'avez pas apporté de réponse à la question du temps partiel de présence des élèves à l'école maternelle. Ce problème aura une influence considérable sur le fonctionnement des écoles et sur les rythmes des enfants. Gageons qu'après avoir fait adopter ce texte, vous viendrez nous en présenter un autre pour aménager les rythmes scolaires en maternelle quand vous aurez constaté qu'il est impossible de demander à tous les enfants d'une classe d'âge de 3 ans d'être présents toute la semaine, durant tous les horaires d'école, pour remplir des classes surchargées !
Vous ne nous avez d'ailleurs pas dit combien il y aurait d'élèves par classe en maternelle. Aujourd'hui, les taux d'encadrement affichés sont particulièrement théoriques. Vous vous fondez sur un ratio de trente élèves par classe, mais vous savez très bien qu'ils ne sont pas tous présents simultanément. Ils viennent à temps partiel dans le respect de leur rythme quotidien. Demain, il faudra mettre en oeuvre des moyens supplémentaires qu'il est nécessaire de quantifier.
Vous ne nous avez pas davantage apporté de réponse s'agissant des moyens que les collectivités locales devront consacrer à leurs dépenses de fonctionnement pour que des ATSEM supplémentaires accompagnent les instituteurs de maternelle – ce sera indispensable, car certains enfants entreront à l'école sans être propres.
Enfin, monsieur le ministre, vous caricaturez : vous n'avez pas besoin d'instaurer une obligation d'instruction à 3 ans pour lutter contre les écoles illégales, ni pour intégrer dans le texte l'obligation éducative des parents.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Le groupe Socialistes et apparentés est évidemment très favorable à la scolarisation dès l'âge de 3 ans. Cela s'inscrit, vous l'avez dit, monsieur le ministre, dans la filiation républicaine ; et puis c'est dans les gènes socialistes, nos collègues de droite l'ont rappelé.
« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe LR.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Je rejoins ce que disait François Pupponi concernant la mise en oeuvre du dispositif, car j'ai peur qu'il y ait des problèmes d'investissement, de places dans les dortoirs et un manque d'ATSEM. Vous devrez être très attentif aux difficultés qui ne sont certes que d'ordre matériel, mais qui sont bien réelles.
D'autre part, un problème se posera pour les enfants habitant dans un village sans maternelle et qui devront emprunter un moyen de transport. Nous n'avons pas connaissance d'analyses approfondies des raisons pour lesquelles des parents préfèrent ne pas scolariser leurs enfants de 3 ans, mais la situation que je viens d'évoquer doit être l'une d'elles.
Faire quitter la maison à un si jeune enfant à sept heures du matin pour une heure de trajet !
En effet, certaines familles peuvent répugner à mettre un enfant de 3 ans dans un car : il faut le comprendre et trouver des solutions, et, en tout cas, maintenir autant que possible les maternelles dans nos villages. C'est un véritable enjeu et des exceptions doivent être prévues pour permettre une scolarisation dans de bonnes conditions.
La question du financement se pose également quand l'enfant est scolarisé dans le privé, et pas forcément dans son village : comment seront compensés ces nouveaux frais ? La compensation sera-t-elle forfaitaire ou calculée au coût réel ? Je connais des différences assez considérables entre les compensations existantes, certaines se basant sur une scolarisation à 300 euros, d'autres allant jusqu'à 800 euros – et cela peut provoquer des conflits entre les villages.
Quoi qu'il en soit, notre groupe ne votera évidemment pas ces amendements de suppression.
Rappel au règlement
Mon rappel au règlement se fonde sur l'article 58, alinéa 1, monsieur le président, car il porte sur la tenue de nos débats.
Nous examinons des amendements de suppression déposés par cinq députés du groupe LR, mais vous avez décidé, monsieur le président, de ne donner la parole qu'à un orateur par groupe, ce qui nous empêche d'exprimer tout ce que nous voulons dire. Comme nous en sommes encore au début d'un marathon qui pourrait nous mener jusqu'à vendredi, voire un peu loin, je souligne dès maintenant que l'attribution du temps de parole aux groupes n'est pas très équitable.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Sourires.
Je voudrais rappeler que vingt-trois orateurs se sont exprimés sur cet article. Je ne permets pour le moment qu'un seul orateur par groupe, car j'estime l'Assemblée suffisamment éclairée pour que chacun de ses membres sache s'il doit voter les amendements de suppression.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LaREM.
Article 2
M. Reiss vient de parler d'équité : cela tombe bien puisque c'est l'objectif de l'instruction obligatoire à partir de trois ans. Ne nous en éloignons pas : il s'agit d'intégrer 26 000 enfants supplémentaires dans le système éducatif de la République. Je ne pense pas que la France ait à le regretter.
On arrive au bout d'un processus commencé il y a plus d'un siècle et qui va permettre de tenir véritablement la promesse républicaine d'une école qui s'occupe de tous les enfants dans tous les territoires. Vous savez très bien, chers collègues LR, qu'il s'agit d'une mesure qui vise à plus d'équité territoriale en allant chercher des enfants éloignés du système scolaire, dans des familles vulnérables et sans forcément les moyens de faciliter l'acquisition des éléments essentiels de l'instruction. Je rappelle que 80 % des adolescents de seize ans qui quittent le système éducatif ont déjà éprouvé des difficultés en CP. La question mérite qu'on y réponde, et la première des réponses, c'est de mettre les moyens pour l'école primaire. C'est ce que fait, ici, M. le ministre, et nous nous joignons à lui.
Certains arguments sont étonnants : parfois nous sommes qualifiés de trop à gauche, parfois de trop à droite ; j'ai donc la conviction que, en votant contre les amendements de suppression, nous serons dans la bonne voie, là où il faut.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Le groupe UDI, Agir et indépendants est favorable à l'instruction à trois ans pour tendre à l'égalité des chances. Il y aura certes des difficultés, mais notre devoir est de trouver des solutions ensemble, à travers les amendements qui vont suivre. Nous voterons donc contre les amendements de suppression.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LaREM.
Le groupe MODEM votera bien sûr contre ces amendements. On voit bien que les enfants qui ne sont pas à l'école à trois ans sont pour la plupart issus des quartiers prioritaires.
« Mais non ! » sur les bancs du groupe LR.
Ces enfants ont besoin de plus d'égalité et d'une éducation renforcée. Nous ne pouvons que soutenir cette intéressante mesure.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
L'obligation de scolarisation à partir de trois ans est une mesure que notre groupe défend depuis très longtemps et nous voterons donc bien sûr contre ces amendements de suppression.
Mêmes mouvements.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 108
Nombre de suffrages exprimés 107
Majorité absolue 54
Pour l'adoption 10
Contre 97
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Mme Nadia Essayan applaudit également.
La parole est à Mme Isabelle Valentin, pour soutenir l'amendement no 871 .
Monsieur le ministre, j'ai toujours beaucoup de mal à comprendre le caractère obligatoire de l'instruction à 3 ans. Le développement du jeune enfant doit intégrer différentes dimensions, à savoir physique, affective, cognitive, sociale et émotionnelle. Le jeune enfant a besoin de temps pour se construire. Dès lors, cessons de lui imposer des rythmes infernaux.
De plus, à 3 ans, tous n'ont pas la même maturité : certains sont prêts à assurer de grosses journées à l'école, d'autres ont besoin de sieste, et, vous le savez, le sommeil est essentiel chez l'enfant. Je rappelle que certains enfants de 3 ans arrivent à l'école à sept heures trente et en repartent à dix-huit heures trente, soit onze heures de présence et beaucoup de fatigue. Monsieur le ministre, voulez-vous par cet article, au nom de l'égalité des chances, généraliser ces onze heures de présence à l'école pour tous les enfants ? Cet amendement propose donc que l'instruction soit obligatoire seulement à partir de l'âge de 5 ans.
Puis-je considérer que vous avez également soutenu l'amendement no 1028 , madame Valentin ?
La parole est à Mme Béatrice Descamps, pour soutenir le sous-amendement no 1127 .
Le sous-amendement no 1127 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement no 516 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Je suis saisi de plusieurs amendements, nos 674 , 200 , 523 et 1105 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 674 et 200 sont identiques, de même que les amendements nos 523 et 1105 .
Sur les amendements identiques nos 674 et 200 , je suis saisi par le groupe Socialistes et apparentés d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. le ministre, pour soutenir l'amendement no 674 .
Cet amendement propose de revenir à la rédaction initiale de l'article 2 pour des raisons de sobriété et d'efficacité juridiques. En effet, dans la lignée des précédentes lois sur l'instruction obligatoire, l'objectif est d'affirmer clairement que chaque enfant est concerné. Et à mes yeux, les mots : « chaque enfant », sont très importants parce qu'ils disent bien ce qu'ils veulent dire : il n'y a pas de considération de nationalité ou de sexe, ni quelque autre considération, car cela nous obligerait à une sorte de casuistique. Chaque enfant, c'est chaque enfant, il ne s'agit pas de prêter le flanc au risque de catégoriser les enfants en question.
Je relisais les grands textes qui nous surplombent en matière de droit à l'éducation : je pense au préambule de la Constitution de 1946, qui « garantit l'égal accès de l'enfant et de l'adulte à l'instruction », au protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme qui, dans son article 2, dispose que « nul ne peut se voir refuser le droit à l'instruction », à la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 qui, dans son article 26, réussit un monument de concision – « Toute personne a droit à l'éducation » – , ou encore à la Convention des droits de l'enfant, dont l'article 28 prévoit que « les États parties [… ] rendent l'enseignement primaire obligatoire et gratuit pour tous ». Je suis heureux de rappeler ces textes qui, nationaux ou internationaux, entourent, eux aussi, notre droit à l'éducation.
Le point commun à ces formulations juridiques, c'est leur sobriété et leur concision, le fait qu'elles évoquent l'enfant en tant qu'être humain, et que cela ne souffre aucune exception. C'est pourquoi, malgré le fait que je partage les intentions de la commission, je pense que la formulation qu'elle a proposée serait contre-productive. Je propose donc que l'on revienne à la rédaction suivante de l'article 2 : « L'instruction est obligatoire pour chaque enfant dès l'âge de trois ans et jusqu'à l'âge de seize ans. »
Monsieur le ministre, vous constatez que nous pouvons être d'accord, puisque j'ai rédigé le même amendement que vous. Nous n'avons en effet pas envie d'une loi bavarde. Vous l'avez précisément dit : chaque enfant, c'est chaque enfant, pas besoin d'en rajouter. L'ajout effectué en commission était inutile. Je vous invite en conséquence à retirer votre amendement au profit du mien.
Sourires.
Je voudrais simplement donner lecture à tous les collègues du début de la rédaction adoptée en commission : « L'instruction est obligatoire pour chaque enfant, de tout sexe, français ou étranger [… ] » J'ai vu, monsieur le ministre, que cela ne vous plaisait pas non plus et je retire mon amendement au profit du vôtre.
Sourires.
L'amendement no 523 est retiré.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l'amendement no 1105 .
Il s'agit d'un amendement de repli puisqu'il ne propose de supprimer que la mention : « de tout sexe », sachant qu'elle n'apporte évidemment rien à l'article.
Monsieur le ministre, vous avez rappelé en commission qu'il fallait veiller à respecter une forme juridique concise. La formule « chaque enfant » concerne aussi bien les filles que les garçons, nul besoin de le préciser.
Vous avez également attiré l'attention sur le risque de catégorisation inutile lié à ce type de rédaction. On ne peut énumérer dans la loi toutes les catégories auxquelles pourraient appartenir les enfants. Je comprends que certains craignent d'éventuelles inégalités entre les filles et les garçons à l'école maternelle, et c'est pourquoi je me permets de défendre tout de même mon amendement. Vous avez d'ailleurs déclaré qu'il est important que la République rappelle qu'il faut aller à l'école maternelle alors même que certains ont la conviction que les petites filles pourraient y aller moins que les petits garçons.
Je m'interroge sur la cible d'un tel propos, mais je crois qu'il faut être réaliste et voir les choses en face : la scolarisation des petites filles ne sera pas mise en danger par la suppression de cette mention. Les chiffres montrent que les résultats des filles ne sont pas moins satisfaisants que ceux des garçons. Bien au contraire, selon votre ministère, elles sont plus nombreuses à maîtriser les compétences de base du français à la fin du CE1 et ont un niveau équivalent en maths à la même période – les filles sont d'ailleurs plus nombreuses à obtenir une mention au bac. Ce genre d'artifice législatif est donc incapable de lutter contre les inégalités.
Il serait plus profitable de se concentrer sur des problèmes ayant des enjeux réels, comme le harcèlement scolaire ou la scolarisation des enfants handicapés qui concernent d'ailleurs tous les enfants, filles comme garçons.
J'émets un avis favorable sur l'amendement du Gouvernement, et défavorable sur les deux autres.
Je regrette que cet amendement de suppression ait été déposé. Lorsque nous avions voté cette rédaction en commission, nous avions tenu compte non seulement du droit et des grands principes, mais aussi de la réalité.
S'agissant du droit, la formulation que vous avez citée – « Nul ne peut se voir refuser le droit à l'instruction » – est peut-être beaucoup plus contraignante que la formulation « Tout enfant a droit à l'instruction ».
Pourquoi avons-nous demandé que soient apportées ces précisions concernant le sexe et le fait d'être français ou étranger ? Parce que l'expérience montre que, très souvent, des parents considèrent que l'instruction des petites filles est moins importante que celle des garçons ; et, s'agissant des enfants français ou étrangers, parce que nous avons régulièrement des bagarres avec des élus ne voulant pas inscrire des enfants à l'école au motif qu'ils ne sont pas de la commune, que leurs parents habitent dans des squats ou des hôtels sociaux, ou sont des Roms vivant dans des bidonvilles.
C'est parce que nous avons passé des heures et des jours à nous battre pour faire comprendre que tout enfant a le droit d'être scolarisé que nous voudrions qu'il soit indiqué clairement dans la loi qu'un enfant ne doit pas être pénalisé par la situation administrative de ses parents, que ceux-ci soient français ou étrangers, qu'ils aient des papiers ou qu'ils soient en situation irrégulière. Que chaque enfant puisse aller à l'école est un principe fondamental, et c'est pour pouvoir plus facilement argumenter dans les discussions que nous avons avec certains élus qu'il importe que la loi apporte ces précisions.
Vous n'ignorez pas que les DASEN, les directeurs académiques des services de l'éducation nationale, doivent parfois intervenir pour imposer la scolarisation des enfants. Il serait plus clair et plus efficace d'affirmer que la nationalité, le sexe et la situation administrative des parents n'ont rien à voir avec le droit à l'éducation, que chacun doit respecter. Je regrette que ces précisions ne soient finalement pas apportées au texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.
Comme l'a indiqué Mme Pau-Langevin, dans certains départements d'outre-mer – je ne parle pas de territoires d'outre-mer – , des enfants ont du mal à être scolarisés parce qu'ils sont étrangers. Lorsqu'en octobre dernier j'ai visité le département de Mayotte avec deux de mes collègues ici présentes, j'ai ainsi pu constater que certains maires contournaient la loi pour ne pas inscrire des enfants à l'école.
Nous devons garder à l'esprit que ces difficultés existent. Or les enfants n'ont pas à souffrir du fait que leurs parents sont dans l'illégalité.
Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM.
Nous sommes déçus que, sur ce sujet, le Gouvernement et la majorité fassent un pas en avant pour en faire aussitôt trois en arrière.
L'adoption de l'amendement que nous avions présenté tenait compte de la réalité, comme l'ont expliqué mes collègues, et notamment parce qu'aujourd'hui la scolarisation de tous les enfants n'est pas garantie. Les motifs spécieux invoqués concernent, on l'a rappelé, la domiciliation des parents et leur situation administrative. La loi doit aussi prendre en compte ces faits et corriger les manques.
Notre amendement partait aussi d'une réalité historique : si les grands principes que vous avez cités ont cours depuis des siècles, ils n'ont pas toujours concerné toutes les catégories de personnes. Il a été nécessaire de préciser, y compris pour les grandes déclarations des droits de l'homme, qu'il fallait inclure les femmes et les personnes à qui étaient niés ces droits qui, dans l'esprit universaliste, étaient censés concerner toute l'humanité. Pourtant, on considérait qu'une partie de la population – les femmes, mais aussi les personnes noires et les personnes colonisées – n'y avaient pas droit.
On sait que les principes généraux peuvent donc être interprétés de manière très restrictive. C'est pourquoi la précision que nous proposions n'était pas bavarde mais offrait au contraire la garantie que ce droit concerne tout le monde.
Nous regrettons donc que vous fassiez ce pas en arrière et opériez une convergence avec nos collègues dont l'amendement emporte un choix politique.
Je ne vais pas refaire le débat : effectivement, « chaque enfant, c'est chaque enfant ». En revanche, je souhaite revenir sur l'avis de Mme la rapporteure. Mon amendement est, à la virgule près, identique à celui du Gouvernement. En conséquence, je ne comprends pas pourquoi l'amendement du Gouvernement a reçu un avis favorable, et le mien un avis défavorable. C'est là le comble du sectarisme !
Je voudrais que l'on m'explique cette différence.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR et parmi les députés non inscrits.
Techniquement, l'avis sur des amendements identiques ne peut qu'être le même.
Protestations sur les bancs du groupe LR.
Il vous a échappé qu'il y a deux séries d'amendements identiques. La première concerne un amendement du Gouvernement et le vôtre…
La deuxième série d'amendements identiques, qui est différente, a quant à elle reçu un avis défavorable. Je le précise afin de lever tout malentendu qui pourrait froisser les uns ou les autres.
La parole est à M. Stéphane Peu.
George Pau-Langevin ayant formulé l'essentiel des arguments que je souhaitais développer, je ne vais pas les répéter. L'amendement du Gouvernement ne change rien d'un point de vue juridique mais, d'après ce que je sais de certaines situations survenues dans notre pays et dans mon département en particulier, il peut constituer sinon un empêchement, du moins une limitation à l'accès au droit d'être scolarisé.
Il est préférable d'écrire noir sur blanc ce qui, parfois, va sans dire mais qui va mieux en le disant : l'école est obligatoire pour les jeunes garçons et les jeunes filles ainsi que pour les enfants français et étrangers, quelle que soit la situation de leurs parents.
De plus, une loi sur l'école ne doit pas se priver de faire un peu de pédagogie car il y a dans les familles, dans la société et parfois même chez des élus locaux, des gens qui, profitant de l'imprécision de la loi, pourraient la contourner et empêcher, ou en tout cas ne pas garantir, le droit à l'éducation pour tous, garçons et filles, Français et étrangers. Telle est en effet l'école de la République.
Donc avec cette loi pour l'école nous devons, plus encore que pour les autres lois, faire preuve d'un peu de pédagogie.
Je ne peux pas laisser dire que les élus mahorais contournent la loi.
Si, à Mayotte, des enfants étrangers ne sont pas scolarisés, c'est en raison de difficultés particulières. Il faut en effet savoir qu'à Mayotte les élèves peuvent être inscrits dans les écoles du mois de mars jusqu'à la fin de l'année scolaire. Par conséquent, il arrive que des enfants ne soient pas scolarisés parce qu'ils sont arrivés en milieu d'année ou parce qu'ils n'ont pas d'adresse.
Il est donc faux de dire que les élus contournent la loi. Les enfants sont scolarisés à Mayotte comme partout en France.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Je constate avec intérêt que nous partageons sur tous les bancs le même objectif, celui de faire en sorte que personne ne soit exclu ou oublié.
Chacun d'entre nous propose une interprétation différente et légitime. Je soutiendrai celle du ministre car, s'il faut nous montrer vigilants sur les effets pratiques et veiller à ce que la loi s'applique effectivement, il peut être dangereux d'établir une liste…
Il s'agit seulement de précisions concernant le sexe et la nationalité !
… à partir de catégories, ainsi que nous l'avons vu hier à propos des mentions « père » et « mère » dans les dossiers scolaires. Des catégories peuvent notamment être oubliées. Plutôt que de faire une liste, il est plus important que nous nous assurions que rien n'a été omis.
Telle est la manière dont je vois les choses. Nous devons en tout cas nous féliciter que, dans ce débat, nous ayons tous le même objectif, que nul ne soit exclu.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Il faut en effet souligner ce point très important, qui réalise à moitié le rêve que j'avais initialement formulé, qu'aucune voix discordante ne s'est élevée pour contester le fait que chaque enfant doive aller à l'école.
Dans une occasion comme celle-ci, il vaut la peine d'analyser pourquoi il importe que chaque enfant aille à l'école. La première des raisons, qui est à elle seule suffisante, est qu'il s'agit d'un droit qui se trouve d'ailleurs affirmé dans les conventions européennes et internationales qui nous lient. Nous avons reconnu ce droit fondamental depuis fort longtemps et il est aujourd'hui en quelque sorte réaffirmé, « resolennisé ».
Il est de surcroît de l'intérêt de notre société que tous les enfants soient scolarisés. L'enjeu est du même ordre que pour l'instruction obligatoire, notre société n'ayant aucun intérêt à ce que certains enfants n'aillent pas à l'école à partir de 3 ans.
Avec ce droit à l'école pour tous les enfants, on rejoint donc les fondamentaux de notre société et de notre école. Il est intéressant de constater à ce propos que l'ensemble de la représentation nationale est au diapason sur ce sujet, alors que l'on rencontre parfois des gens que ce droit offusque.
Peut-être ai-je avec vous, madame la députée Pau-Langevin, une divergence de nature théorique, mais j'assume le caractère universaliste de mon argument. Oui, ce droit est valable pour chaque être humain, et un être humain est un être humain. Nous devons éviter les catégorisations car, lorsque le droit et la pratique ont atteint un certain degré de maturité, ne pas entrer dans des catégorisations est, me semble-t-il, un signe de force.
J'ajoute que nous sommes, nous aussi, pragmatiques. Nous savons que les problèmes que vous avez évoqués existent bel et bien. Aussi l'amendement no 1149 que le groupe La République en marche présentera ensuite prévoit-il une nouvelle disposition autorisant le DASEN, sur délégation du préfet, à inscrire l'enfant en cas de problème avec la municipalité.
J'annonce à l'avance que je suis favorable à cet amendement très pragmatique qui s'appuie sur le fait que le préfet a déjà un droit en la matière. Que le DASEN puisse procéder à l'inscription de l'enfant est plus direct et plus pratique.
Nous voulons faire preuve d'une grande efficacité en la matière. Notre souci est donc d'ordre pratique, et vous avez eu raison d'insister sur ce point, madame la députée. Il nous faut voir comment le droit s'exerce effectivement école par école.
Nous ne nous payons pas de mots, si je puis dire. Les débats parlementaires ont par ailleurs leur valeur, car ils permettront, plus tard, d'interpréter le sens de ce que nous décidons.
La nouvelle rédaction de l'article 2 affirme très clairement que chaque enfant, quels que soient bien entendu sa nationalité ou son sexe, a le droit d'aller à l'école, et il est accompagné de mesures qui vont renforcer l'effectivité de ce droit.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 83
Nombre de suffrages exprimés 82
Majorité absolue 42
Pour l'adoption 74
Contre 8
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi pour une école de la confiance.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures quinze.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Serge Ezdra