Le verbe gouvernemental et macronien est orwellien – « la guerre, c'est la paix » – , je le sais, mais là, très franchement, force est de constater que vous avez augmenté les taxes et les impôts pour ceux dont la coupe est pleine, tout en faisant beaucoup de cadeaux en matière d'optimisation fiscale et aux plus riches, à ceux qui ont déjà le plus. Certes, vous l'avez fait avec un argument, ce fameux « ruissellement » ; mais nulle part, à l'échelle internationale, on n'observe un tel ruissellement : lorsque l'on donne aux plus riches, ils se gavent ; lorsque vous rendez la loi favorable aux grands groupes, ils en profitent. Si donc on est attaché aux valeurs républicaines, la loi doit être contraignante pour empêcher les mécanismes du capitalisme féroce, financiarisé à outrance, et mettre fin à des pratiques indescriptibles.
Un évadé fiscal, très concrètement, c'est une personne qui va dans un hôpital pour casser les appareils et brûler les lits. C'est quelqu'un qui met à sac les biens collectifs et les services publics, et à qui l'on confie ensuite les clés de l'Union européenne en lui laissant la présidence de la Commission. Derrière les jeux d'écriture et les transactions virtuelles, c'est très concrètement ce démantèlement qui est à l'oeuvre.
Tout cela paraît très macroéconomique, les chiffres sont si considérables qu'ils n'ont même plus de sens, mais cela a des conséquences sur la vie des gens. Personne, sans doute, ne connaît précisément le montant « trou de la sécu », mais il avoisine probablement les 2 milliards d'euros. Ici, nous parlons de dizaines de milliards ! On invoque le « trou de la sécu » pour empêcher les gens de se soigner au nom des efforts nécessaires, tandis qu'ici, c'est tout juste si on ne s'excuse pas en signalant qu'il y a peut-être un petit problème. Il faut avoir la main un peu plus ferme.
Cet après-midi, monsieur le secrétaire d'État, j'irai soutenir les 200 salariés d'Arjowiggins – peut-être connaissez-vous cette entreprise de Seine-et-Marne ? – qui, mis sur le carreau, paient les pots cassés du jeu financier des grands groupes. Ceux-ci ne voient jamais les gens, comme chez Bic : ils jouent, achètent et revendent, pratiquent l'évasion et l'optimisation. Et derrière, des gens se retrouvent sur le carreau, sans protection, et des activités utiles sont abandonnées, faute d'une stratégie industrielle de la France. Ceux qui peuvent acheter et vendre des usines le font à leur guise, sans jamais se soucier ni des salariés, ni du développement de l'outil de production.
Je veux aussi rappeler la phrase d'un salarié de Bic, qui a beaucoup résonné dans mon esprit : « Le pire, c'est qu'ils sont dans leur bon droit. » C'est bien tout le problème : il n'y a pas assez de règles, de lois qui permettraient d'empêcher ces mécanismes que, bien au contraire, la loi autorise.
Face à cette inquiétude, il nous faut adopter une grande vigilance à l'égard des dispositifs fiscaux de nos partenaires, a fortiori lorsque ces derniers sont européens. Or, contre les sociétés écrans, je le crains, nous n'avons droit, avec ce texte, qu'à un écran de fumée. C'est pourquoi je vous demande, mes chers collègues, de faire preuve d'une grande exigence. Nous avons rarement l'occasion de faire entendre notre voix sur ce sujet, pourtant majeur. Je vous invite donc à envoyer un signal fort au Luxembourg, en proposant au Gouvernement d'engager un bras de fer fiscal susceptible de tirer vers le haut, à terme, l'ensemble de la fiscalité européenne. La commission des affaires étrangères, avec la commission des finances saisie pour avis, me paraît être le lieu tout désigné pour en débattre. Je vous demande donc solennellement de renvoyer ce texte en commission, afin de nous donner le temps de convaincre nos collègues de la nécessité de voir plus haut et plus fort.
Le 19/02/2019 à 17:58, ekoDeLaMoure a dit :
En d’autres termes, vous préconisez d’utiliser un canon à eau plutôt qu’un pistolet pour lutter contre la fiscalité débridée des 900 filiales françaises hébergées par ce territoire voyou Luxembourgeois.
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