Une partie des membres les plus radicaux des groupuscules, en particulier ceux issus de la mouvance néo-fasciste, voire néonazie des années 1980, se représentaient comme des « rebelles blancs ». Il y a donc évidemment un défi à l'État, parce que l'État ce sont « les flics », dans leur vocabulaire qui est presque celui de l'extrême gauche en la matière. L'État, ce sont ceux qui les arrêtent, ceux qui sont « vendus » à certaines forces – que vous qualifierez comme bon vous semble. Il y a un côté romantique à cette représentation mais cela représente effectivement un défi pour l'État. Après une période d'accalmie des années 1980-1990 en termes de violence politique, il y a depuis quelques années un regain manifeste de la volonté d'affronter les forces de l'ordre, sur le modèle des autonomes allemands, lui-même calqué sur celui de l'ultragauche des années 1980-1990. Des radicaux révolutionnaires sont donc prêts à faire le coup de poing, mais ce n'est pas une nouveauté : j'ai évoqué l'Allemagne, j'aurais pu mentionner l'Italie où, pendant les « années de plomb », les années 1960-1970, il existait un courant dit des « nazis maoïstes », l'union des noirs et des rouges pour mettre à bas la République.
Pour ce qui est de l'encadrement, généralement, mais pas toujours, même dans les mouvements attirant des personnes de milieux populaires, le leader a fait des études et il est plutôt issu sinon de la grande bourgeoisie du moins de la classe moyenne. L'un des leaders radicaux les plus connus est Serge Ayoub, chef des skinheads depuis les années 1980 ; son père était membre de l'état-major et sa mère magistrate. Contrairement à ses troupes, ce n'est donc pas franchement un prolétaire. Généralement, le niveau culturel des chefs est assez fort ; ainsi, M. Vardon est-il titulaire de deux masters. On lit beaucoup, chez les ultras ; avec l'ultra-gauche, la droite radicale est sûrement l'un des milieux où l'on trouve le plus grand nombre d'éditeurs.