Intervention de Nicolas Lebourg

Réunion du mercredi 30 janvier 2019 à 11h55
Commission d'enquête sur la lutte contre les groupuscules d'extrême droite en france

Nicolas Lebourg :

Le rapport à la religion est une question délicate. Il y a eu une longue querelle entre les païens et les catholiques mais cette grille de lecture des années 1980 a été complètement dépassée avec les attentats du 11 septembre 2001 : l'idée s'est alors imposée qu'après tout, Thor ou la Croix, c'est toujours l'Europe face à l'islam. Oui, les scouts ont intéressé l'extrême droite et, dans les années 1970, certaines formations scoutes néonazies faisaient curieusement référence aux Vikings. Sur le plan culturel, la question du catholicisme est peu importante dans l'extrême droite française. Le niveau de religiosité au Front national très faible et les groupuscules nationalistes révolutionnaires néofascistes sont pour certains extrêmement matérialistes et certains s'affirment païens ; André-Yves Beck, militant de Nouvelle Résistance, classait l'islam dans la résistance au nouvel ordre mondial et le catholicisme comme l'un des piliers du mondialisme. D'ailleurs, tous les néo-nazis et les anciens Waffen SS expliquaient, des années 1950 aux années 1970 que le catholicisme était, comme le judaïsme, un instrument de l'uniformisation du monde. Peu de sympathie donc pour le catholicisme.

Mais, après le 11 septembre 2001 et les attentats de 2015, on a noté dans la mouvance identitaire, qui vient du paganisme, un retour vers le catholicisme. L'idée qui sous-tend cette évolution est que l'islam, par le biais de l'islamisme, pose un défi planétaire et qu'il faut retourner par fierté identitaire culturelle et de couleur de peau, au catholicisme dans des formes particulières. Il est vrai que beaucoup de cadres sont passés par un catholicisme quelque peu traditionnaliste, mais je ne pense pas que cet angle soit essentiel. Fabrice Robert qui, après la dissolution d'Unité radicale, expliquait aux militants : « Il faut faire peur à l'adversaire, pas à nos grands-mères », avait tout compris de la nécessité de normalisation. Bien entendu, toute personne qui comme vous, madame la présidente, a le sens de l'État, comprend la provocation qu'a été le blocage du col de l'Échelle par Génération identitaire, mais les citoyens « classiques » jugent la chose avec bien plus de légèreté : cette provocation paraît acceptable car elle est faite sans violence, par des gens à visage découvert. Ces dernières années, les identitaires ont voulu rompre avec la culture de l'extrême droite radicale. On ne va pas taper sur des types vêtus d'un flight jacket, le blouson classique de l'extrême droite, d'un foulard dissimulant ses traits et d'une casquette : on agit à visage découvert, on assume, on dit son nom, on a une doudoune bleue, on est sympathique… et cela permet effectivement d'aller beaucoup plus loin, car cela rend la propagande bien plus efficace.

On en revient une nouvelle fois à la gestion des dissolutions. Vardon, au sein d'Unité radicale, était partisan de la modernisation par la rupture avec les thématiques antisémites et antisionistes et avec la référence au totalitarisme et au fascisme ; la dissolution lui a permis de faire avaler cela à son milieu. Pour qu'une dissolution fonctionne, les cadres, à l'intérieur des mouvements considérés, doivent être disposés à comprendre qu'il y a une place à prendre dans le jeu politique où, s'ils acceptent les règles, ils pourront effectivement mener leur entreprise politique. S'il en va autrement, vous les condamnez à rester les chefs d'un groupe violent. Toutes ces questions s'interconnectent donc.

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