Mesdames, messieurs les députés, je tiens à vous dire le plaisir que j'ai à vous retrouver pour cette présentation des orientations budgétaires de l'État pour les territoires d'outre-mer, devant la délégation ainsi constituée. Je voudrais également vous demander, par avance, de m'excuser de ne pouvoir honorer votre invitation à partager un moment de convivialité ce soir, puisque, comme je vous l'ai dit en aparté, je devrai rejoindre vers dix-huit heures quinze les Champs-Élysées pour la commémoration annuelle organisée en l'hommage des douaniers morts pour la France. Je ne peux me permettre d'y arriver en retard, vous l'imaginez bien.
Mon propos sera centré sur les aspects budgétaires et la préparation du projet de loi de finances, ce qui n'exclut évidemment pas la possibilité de discuter sur les sujets que vous avez évoqués : les propositions formulées par vos collègues, Philippe Vigier et Philippe Gomès, ou celles que vous défendez en matière de réduction des délais de paiement des collectivités. C'est un sujet sur lequel le ministère de l'action et des comptes publics travaille main dans la main avec Annick Girardin, ministre des outre-mer. Nous partageons la même volonté d'améliorer les choses et de revoir l'organisation des délais de paiement, afin que les entreprises soient mieux accompagnées. Par précaution, si vous me permettez, je resterai centré sur des aspects budgétaires, notamment pour ne pas prendre le risque d'introduire une confusion dans le dialogue singulier qu'entretient votre délégation avec ma collègue, Annick Girardin, du fait des responsabilités et du périmètre de son ministère.
Sur les questions budgétaires et fiscales, puisque la loi de finances est aussi l'occasion d'évoquer et de revoir les questions de fiscalité, je dirai quelques mots sur les lignes de force qui vont caractériser le projet de loi de finances pour 2019. Le Gouvernement souhaite mener une politique ambitieuse de développement des outre-mer et, plus précisément, de soutien efficace aux conditions de vie, à la compétitivité des entreprises et des territoires et à l'emploi. Alors que nous sommes dans un contexte budgétaire particulièrement contraint, comme vous le savez toutes et tous, nous avons fait le choix d'augmenter les crédits de la mission outre-mer de près de 10 millions d'euros en 2019, à structure constante par rapport à la loi de finances 2018.
À structure courante, nous souhaitons mobiliser 170 millions d'euros de moyens nouveaux pour 2019, notamment issus de la suppression de la TVA non perçue récupérable et de la réforme de l'abattement d'impôt sur le revenu dans les départements d'outre-mer. Ces mesures de rebudgétisation des dépenses fiscales doivent permettent de concrétiser les engagements du Gouvernement, pris au moment des assises de l'outre-mer, et, ainsi, de cibler l'action de l'État en faveur du soutien à l'économie ultramarine et aux infrastructures locales.
Le budget comprendra d'autres mesures fiscales, puisque nous souhaitons rationaliser les régimes zonés, afin d'améliorer le niveau de productivité des entreprises et d'entraîner des effets positifs sur la compétitivité et l'emploi, avec notamment la création de zones franches d'activité nouvelle génération.
Dans le soutien apporté par l'État aux conditions de vie en outre-mer, les politiques publiques fondamentales sont aussi maintenues à un niveau élevé d'engagement, puisque la politique du logement, qui se traduit par des actions de développement et de rénovation du logement social, ainsi que de résorption de l'habitat insalubre, sera dotée de près de 225 millions d'euros, un montant stable par rapport aux années précédentes. Par ailleurs, pour accompagner les jeunes ultramarins qui souhaitent accéder à une offre de formation dans l'hexagone, et assurer la continuité territoriale, les crédits de l'agence d'outre-mer pour la mobilité seront maintenus à près de 40 millions d'euros et la dotation globale d'autonomie pour la Polynésie française sera versée pour un montant de plus de 150 millions d'euros.
Je veux aussi souligner la bascule du CICE en allégements de cotisations sociales et la refonte du régime d'exonération spécifique de l'outre-mer, dit LODEOM, qui accroîtront la lisibilité des dispositifs de soutien à la compétitivité et l'emploi en outre-mer, notamment en passant d'un dispositif à six barèmes à un dispositif à deux barèmes. En plus de ces crédits d'intervention, il convient de souligner que les crédits de masse salariale et les emplois à la charge du ministère des outre-mer sont en hausse pour 2019. L'objectif de cet accroissement exceptionnel des dépenses de personnel et du plafond d'emploi est de garantir le succès du service militaire adapté, qui est pour nous un dispositif central de l'insertion des jeunes ultramarins les plus vulnérables.
Par ailleurs, avant d'entrer dans le détail de ces mesures, je voulais souligner le fait que les dispositions du projet de loi de finances pour 2019 traduisent évidemment l'engagement du Président de la République d'apporter l'aide nécessaire aux opérations de reconstruction à la suite de l'ouragan Irma.
Les crédits de la mission outre-mer seront en augmentation pour 2019. Le Gouvernement a fait le choix d'augmenter les crédits de la mission outre-mer de près de 10 millions d'euros en 2019, à structure constante par rapport à la loi de finances pour 2018, et de nouveaux moyens seront consacrés, en priorité, au financement d'investissements structurants et de l'économie outre-mer. Pour concrétiser les engagements pris par le Gouvernement et le Président de la République, pendant les assises des outre-mer, 170 millions d'euros de moyens pour 2019 seront mobilisés sur ces investissements structurants.
Ces 170 millions d'euros seront financés par des mesures d'économies chiffrées à la même hauteur – principalement les réformes de la TVA non perçue récupérable et l'abattement d'impôt sur le revenu dans les départements d'outre-mer. Ce dernier dispositif, dont bénéficient les contribuables domiciliés dans les départements d'outre-mer, sera revu et devrait générer à terme 70 millions d'euros d'économies. Cette réduction d'impôt, créée en 1960, avait pour objectif de tenir compte du coût de la vie dans les départements d'outre-mer et de faciliter le recrutement de cadres et de techniciens ; or, cela a été constaté et rappelé à l'occasion des débats récents, le dispositif bénéficie aujourd'hui aux 10 % des foyers fiscaux les plus aisés et non pas aux foyers les plus modestes, et vient limiter la progressivité de l'impôt.
Ce dispositif ne réduit pas les inégalités de revenus, plus marquées dans les DOM qu'en métropole. Son caractère inégalitaire a été souligné dans les travaux du Livre bleu outre-mer en 2018. Nous souhaitons donc mobiliser cet abattement pour abonder le fonds exceptionnel d'investissement et recentrer l'avantage fiscal autour des foyers les plus modestes. La modulation des paramètres consisterait à réduire les plafonds afin de répondre à un impératif de justice fiscale.
Quant à la TVA non perçue récupérable, c'est une dépense fiscale qui, très concrètement, permet aux professionnels ultramarins situés en bout de chaîne de facturer la TVA et de la récupérer sur l'ensemble de la valeur du bien acquis sans avoir à l'acquitter en amont. Cependant, il ressort d'un rapport de l'IGF de 2011 que ce dispositif est inefficace par rapport aux objectifs de réduction des coûts de transport et de stockage, peu traçable, mal piloté, peu ciblé sur les investissements utiles pour les territoires. Il n'a pas d'impact sur les prix ni sur l'économie outre-mer. C'est la raison pour laquelle nous proposons de supprimer cette dépense fiscale pour 100 millions d'euros et d'allouer aux outre-mer des crédits d'intervention d'un montant équivalent.
Ces économies dégagées permettront de financer des travaux d'investissement et des travaux de soutien au financement de l'économie. Les crédits du fonds exceptionnel d'investissement passeront en 2019 de 40 millions à 110 millions d'euros. L'objectif du fonds est d'apporter une aide financière de l'État aux personnes publiques qui réalisent, dans les départements et collectivités d'outre-mer, des investissements portant sur des équipements publics collectifs, lorsque ces investissements participent de manière déterminante au développement économique, social, environnemental et énergétique local, en complément des opérations arrêtées dans le cadre des contrats de projets et de développement.
Les investissements du fonds exceptionnel concerneront les domaines suivants : adduction d'eau potable et assainissement ; traitement et gestion des déchets ; désenclavement du territoire ; prévention des risques naturels ; équipements publics de proximité dans le domaine sanitaire et social ; énergies renouvelables et développement durable ; infrastructures d'accueil des entreprises ou encore constructions scolaires.
Par ailleurs, 50 millions d'euros seront alloués à des instruments de soutien au financement de l'économie, avec d'abord un fonds de garantie doté de 10 millions d'euros, pour répondre aux besoins de trésorerie des PME. Actuellement, le dispositif « Avance Plus » de Bpifrance permet de répondre aux besoins de trésorerie des PME qui détiennent des créances sur les acteurs publics, dans un volume annuel d'autorisations de 300 millions d'euros par an, au profit de plus de 500 entreprises. La création de ce nouveau fonds garanti, doté par l'État de 10 millions d'euros, permettra à Bpifrance d'aligner l'offre, dans les outre-mer, sur celle en vigueur dans l'Hexagone.
Les critères d'attribution du prêt de développement outre-mer (PDOM) de Bpifrance seront élargis à hauteur de 2 millions d'euros, afin d'étendre les critères d'attribution du prêt aux différents acteurs. Des subventions d'investissement supplémentaires, à hauteur de 15 millions d'euros seront mises à disposition, dans le cadre d'appels à projets dédiés à l'outre-mer. La gestion opérationnelle de ce dispositif sera confiée à Bpifrance et à la Caisse des dépôts et des consignations, en fonction des thématiques et des cibles envisagées.
Il faut souligner qu'une contribution au cofinancement de fonds régionaux sera instaurée, à hauteur de 3 millions d'euros. Il s'agit d'abonder le fonds régional adaptation-biodiversité dans le Pacifique de l'AFD, qui a pour but de fédérer et fluidifier les ressources financières sur les enjeux d'adaptation et de biodiversité de quinze petits États insulaires en développement et de trois petits territoires d'outre-mer du Pacifique.
Ensuite, 10 millions d'euros seront consacrés au renforcement des outils de capital-investissement gérés pour l'ensemble des géographies par une société de gestion indépendante. Un soutien spécifique sera apporté au microcrédit, le ministère des outre-mer proposant d'en soutenir le développement dans les territoires où sa présence doit être renforcée, notamment en Guyane, à Saint-Martin à Mayotte et en Polynésie française. Ce soutien est en cohérence avec les initiatives prises par le Gouvernement pour faciliter l'accès à ces outils.
Le ministère des outre-mer augmentera sa contribution au financement des contrats signés entre l'État et les collectivités en outre-mer d'environ 20 millions d'euros. Je pourrai revenir, si vous le souhaitez, sur le périmètre financier de ces contrats.
Je veux aussi souligner que l'action du Gouvernement se portera en soutien des zones les moins dynamiques des outre-mer, avec la mise en place de zones franches d'activité dites nouvelles génération. En remplaçant les actuels régimes fiscaux zonés par un dispositif zoné de nouvelle génération plus efficace, nous serons évidemment plus pertinents pour développer ces territoires. Le maquis actuel des multiples régimes zonés en outre-mer – zone de revitalisation rurale, zone franche d'activité, zone franche urbaine, territoire entrepreneur, quartier prioritaire de la ville – est source de grande complexité. Ces aides fiscales poursuivent des objectifs différents, sans être véritablement coordonnées ; les exonérations diffèrent et rendent les régimes illisibles pour les entreprises. Aussi le Gouvernement souhaite-t-il miser sur le dispositif des zones franches d'activité nouvelle génération, qui a démontré son efficacité pour améliorer la rentabilité des entreprises concernées, mais en le ciblant davantage et en renforçant les taux d'exonération, tout particulièrement dans les secteurs prioritaires exposés à la concurrence internationale. Cette simplification de la législation fiscale rendra, nous le souhaitons, le dispositif plus lisible pour les entreprises. L'évaluation du coût de la mesure a permis de constater qu'une large majorité d'entreprises sont gagnantes, avec la réforme envisagée.
La loi de finances sera également l'occasion de plusieurs ajustements fiscaux visant à favoriser les investissements productifs. Le Gouvernement apportera des ajustements utiles au schéma de défiscalisation et de crédits d'impôt pour les investissements productifs dans les outre-mer. De nouvelles règles anti-abus permettront de lutter contre des pratiques ou des situations non conformes aux objectifs poursuivis, notamment la captation des bénéfices par les intermédiaires de défiscalisation au détriment des acteurs économiques. Les obligations d'inscription et de déclaration des intermédiaires en défiscalisation seront renforcées pour mieux protéger les investisseurs utiles et les exploitants.
Pour finir, je veux souligner que l'effort de l'État en outre-mer est soutenu par l'ensemble des missions du budget général, comme le montre notamment la reconstruction de Saint-Martin. En plus des crédits budgétaires portés par la mission outre-mer, plus de 18 milliards d'euros bénéficient chaque année aux territoires ultramarins. Le document de politique transversale outre-mer donne une vision des dépenses réalisées outre-mer par quatre-vingt-huit programmes relevant de vingt-neuf missions, auxquelles s'ajoutent les prélèvements sur recettes et la contribution du Centre national pour le développement du sport.
De plus, l'État, par le biais de nombreux ministères, tient ses engagements. Dans le cas de la reconstruction de Saint-Martin, suite à l'ouragan Irma, le fonctionnement courant des services de la collectivité de Saint-Martin a été assuré grâce à la mobilisation d'instruments budgétaires de l'État. Il a assuré, sur l'année 2017, la compensation du dégrèvement des taxes foncières à hauteur de 12,1 millions d'euros ; ensuite, le solde des dotations de l'année 2017 a été versé de manière anticipée à hauteur de 10,4 millions d'euros ; enfin, l'État s'est engagé à verser une dotation exceptionnelle de fonctionnement à la collectivité entre 2017 et 2020, conditionnée à l'analyse de sa trajectoire financière.
Ce sont 50 millions d'euros qui ont été inscrits, à ce titre, en loi de finances rectificative de 2017 et reportés sur 2018. Le comité interministériel à la reconstruction a acté, pas plus tard qu'il y a quelques jours, le soutien de l'État au financement des investissements relevant de la compétence des collectivités. Au-delà de la reconstruction de sa propre préfecture, pour environ 15 millions d'euros, l'État s'est engagé à concéder à la collectivité un droit de tirage exclusif sur les 46 millions d'euros du Fonds de solidarité de l'Union européenne pour 2018.
Ainsi, la participation directe de l'État et de ses opérateurs représentera un tiers des investissements estimés pour la reconstruction de Saint-Martin, soit 66,4 millions d'euros, dont une partie doit être inscrite dans le budget de l'État pour 2019. Cela montre aussi la pluralité des acteurs étatiques concernés.
Vous pourrez retrouver, monsieur le président, messieurs, mesdames les députés, tous ces éléments dans la mission outre-mer, qui sera présentée avec le projet de loi de finances en Conseil des ministres lundi puis, immédiatement après, en commission des finances.