Délégation aux outre-mer

Réunion du mercredi 19 septembre 2018 à 18h00

Résumé de la réunion

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La réunion

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Présidence de M. Olivier Serva, président de la délégation.

– Audition de M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics.

L'audition commence à dix-sept heures cinq.

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Mes chers collègues, nous accueillons aujourd'hui M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics, auquel je suis heureux de souhaiter, en votre nom, la bienvenue dans cette assemblée qu'il connaît bien pour en avoir été député. Monsieur le secrétaire d'État, en ce début de session, il m'a paru utile de permettre aux membres de notre délégation d'engager avec vous le dialogue sur les orientations de la politique budgétaire et fiscale du Gouvernement à l'égard des outre-mer.

S'agissant de la politique budgétaire entendue au sens large, comme vous le savez, deux processus d'envergure ont sollicité les responsables de nos territoires : les assises des outre-mer, qui ont évidemment comporté des discussions financières, et, plus spécifiquement, la révision des aides économiques, au premier rang desquelles les dispositifs d'aide fiscale à l'investissement.

À titre personnel, je me suis engagé, depuis que je suis élu local, à résoudre la problématique des délais de paiement des collectivités territoriales auprès des entrepreneurs. J'espère pouvoir aborder sérieusement cette question avec vous, monsieur le secrétaire d'État, dans la perspective du projet de loi de finances pour 2019. Nous avons eu part de signaux sensiblement positifs à ce sujet.

Nous souhaiterions entendre sur ces questions importantes le point de vue du ministère de l'action et des comptes publics. Nous aimerions savoir, en particulier, selon quel rythme et avec quelles orientations il envisage d'accompagner, en termes budgétaires et financiers, l'objectif d'égalité réelle formulé par la loi de février 2017, dont le Gouvernement a dit, au début de la présente législature, reprendre l'esprit.

Par ailleurs, comme vous le savez, la délégation a adopté, le 11 juillet dernier, le rapport de MM. Philippe Gomès et Philippe Vigier sur la défiscalisation. Nous aimerions savoir comment ce rapport et les propositions qu'il contient sont reçus par le ministère de l'action et des comptes publics. La délégation s'est accordée pour estimer qu'en l'absence de mise au point d'un préfinancement adéquat, le passage du système traditionnel au crédit d'impôt ne pouvait raisonnablement être envisagé dans les conditions où il est actuellement prévu. Que compte faire le Gouvernement pour sortir de cette situation ?

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Olivier Dussopt, secrétaire d'État chargé de la fonction publique

Mesdames, messieurs les députés, je tiens à vous dire le plaisir que j'ai à vous retrouver pour cette présentation des orientations budgétaires de l'État pour les territoires d'outre-mer, devant la délégation ainsi constituée. Je voudrais également vous demander, par avance, de m'excuser de ne pouvoir honorer votre invitation à partager un moment de convivialité ce soir, puisque, comme je vous l'ai dit en aparté, je devrai rejoindre vers dix-huit heures quinze les Champs-Élysées pour la commémoration annuelle organisée en l'hommage des douaniers morts pour la France. Je ne peux me permettre d'y arriver en retard, vous l'imaginez bien.

Mon propos sera centré sur les aspects budgétaires et la préparation du projet de loi de finances, ce qui n'exclut évidemment pas la possibilité de discuter sur les sujets que vous avez évoqués : les propositions formulées par vos collègues, Philippe Vigier et Philippe Gomès, ou celles que vous défendez en matière de réduction des délais de paiement des collectivités. C'est un sujet sur lequel le ministère de l'action et des comptes publics travaille main dans la main avec Annick Girardin, ministre des outre-mer. Nous partageons la même volonté d'améliorer les choses et de revoir l'organisation des délais de paiement, afin que les entreprises soient mieux accompagnées. Par précaution, si vous me permettez, je resterai centré sur des aspects budgétaires, notamment pour ne pas prendre le risque d'introduire une confusion dans le dialogue singulier qu'entretient votre délégation avec ma collègue, Annick Girardin, du fait des responsabilités et du périmètre de son ministère.

Sur les questions budgétaires et fiscales, puisque la loi de finances est aussi l'occasion d'évoquer et de revoir les questions de fiscalité, je dirai quelques mots sur les lignes de force qui vont caractériser le projet de loi de finances pour 2019. Le Gouvernement souhaite mener une politique ambitieuse de développement des outre-mer et, plus précisément, de soutien efficace aux conditions de vie, à la compétitivité des entreprises et des territoires et à l'emploi. Alors que nous sommes dans un contexte budgétaire particulièrement contraint, comme vous le savez toutes et tous, nous avons fait le choix d'augmenter les crédits de la mission outre-mer de près de 10 millions d'euros en 2019, à structure constante par rapport à la loi de finances 2018.

À structure courante, nous souhaitons mobiliser 170 millions d'euros de moyens nouveaux pour 2019, notamment issus de la suppression de la TVA non perçue récupérable et de la réforme de l'abattement d'impôt sur le revenu dans les départements d'outre-mer. Ces mesures de rebudgétisation des dépenses fiscales doivent permettent de concrétiser les engagements du Gouvernement, pris au moment des assises de l'outre-mer, et, ainsi, de cibler l'action de l'État en faveur du soutien à l'économie ultramarine et aux infrastructures locales.

Le budget comprendra d'autres mesures fiscales, puisque nous souhaitons rationaliser les régimes zonés, afin d'améliorer le niveau de productivité des entreprises et d'entraîner des effets positifs sur la compétitivité et l'emploi, avec notamment la création de zones franches d'activité nouvelle génération.

Dans le soutien apporté par l'État aux conditions de vie en outre-mer, les politiques publiques fondamentales sont aussi maintenues à un niveau élevé d'engagement, puisque la politique du logement, qui se traduit par des actions de développement et de rénovation du logement social, ainsi que de résorption de l'habitat insalubre, sera dotée de près de 225 millions d'euros, un montant stable par rapport aux années précédentes. Par ailleurs, pour accompagner les jeunes ultramarins qui souhaitent accéder à une offre de formation dans l'hexagone, et assurer la continuité territoriale, les crédits de l'agence d'outre-mer pour la mobilité seront maintenus à près de 40 millions d'euros et la dotation globale d'autonomie pour la Polynésie française sera versée pour un montant de plus de 150 millions d'euros.

Je veux aussi souligner la bascule du CICE en allégements de cotisations sociales et la refonte du régime d'exonération spécifique de l'outre-mer, dit LODEOM, qui accroîtront la lisibilité des dispositifs de soutien à la compétitivité et l'emploi en outre-mer, notamment en passant d'un dispositif à six barèmes à un dispositif à deux barèmes. En plus de ces crédits d'intervention, il convient de souligner que les crédits de masse salariale et les emplois à la charge du ministère des outre-mer sont en hausse pour 2019. L'objectif de cet accroissement exceptionnel des dépenses de personnel et du plafond d'emploi est de garantir le succès du service militaire adapté, qui est pour nous un dispositif central de l'insertion des jeunes ultramarins les plus vulnérables.

Par ailleurs, avant d'entrer dans le détail de ces mesures, je voulais souligner le fait que les dispositions du projet de loi de finances pour 2019 traduisent évidemment l'engagement du Président de la République d'apporter l'aide nécessaire aux opérations de reconstruction à la suite de l'ouragan Irma.

Les crédits de la mission outre-mer seront en augmentation pour 2019. Le Gouvernement a fait le choix d'augmenter les crédits de la mission outre-mer de près de 10 millions d'euros en 2019, à structure constante par rapport à la loi de finances pour 2018, et de nouveaux moyens seront consacrés, en priorité, au financement d'investissements structurants et de l'économie outre-mer. Pour concrétiser les engagements pris par le Gouvernement et le Président de la République, pendant les assises des outre-mer, 170 millions d'euros de moyens pour 2019 seront mobilisés sur ces investissements structurants.

Ces 170 millions d'euros seront financés par des mesures d'économies chiffrées à la même hauteur – principalement les réformes de la TVA non perçue récupérable et l'abattement d'impôt sur le revenu dans les départements d'outre-mer. Ce dernier dispositif, dont bénéficient les contribuables domiciliés dans les départements d'outre-mer, sera revu et devrait générer à terme 70 millions d'euros d'économies. Cette réduction d'impôt, créée en 1960, avait pour objectif de tenir compte du coût de la vie dans les départements d'outre-mer et de faciliter le recrutement de cadres et de techniciens ; or, cela a été constaté et rappelé à l'occasion des débats récents, le dispositif bénéficie aujourd'hui aux 10 % des foyers fiscaux les plus aisés et non pas aux foyers les plus modestes, et vient limiter la progressivité de l'impôt.

Ce dispositif ne réduit pas les inégalités de revenus, plus marquées dans les DOM qu'en métropole. Son caractère inégalitaire a été souligné dans les travaux du Livre bleu outre-mer en 2018. Nous souhaitons donc mobiliser cet abattement pour abonder le fonds exceptionnel d'investissement et recentrer l'avantage fiscal autour des foyers les plus modestes. La modulation des paramètres consisterait à réduire les plafonds afin de répondre à un impératif de justice fiscale.

Quant à la TVA non perçue récupérable, c'est une dépense fiscale qui, très concrètement, permet aux professionnels ultramarins situés en bout de chaîne de facturer la TVA et de la récupérer sur l'ensemble de la valeur du bien acquis sans avoir à l'acquitter en amont. Cependant, il ressort d'un rapport de l'IGF de 2011 que ce dispositif est inefficace par rapport aux objectifs de réduction des coûts de transport et de stockage, peu traçable, mal piloté, peu ciblé sur les investissements utiles pour les territoires. Il n'a pas d'impact sur les prix ni sur l'économie outre-mer. C'est la raison pour laquelle nous proposons de supprimer cette dépense fiscale pour 100 millions d'euros et d'allouer aux outre-mer des crédits d'intervention d'un montant équivalent.

Ces économies dégagées permettront de financer des travaux d'investissement et des travaux de soutien au financement de l'économie. Les crédits du fonds exceptionnel d'investissement passeront en 2019 de 40 millions à 110 millions d'euros. L'objectif du fonds est d'apporter une aide financière de l'État aux personnes publiques qui réalisent, dans les départements et collectivités d'outre-mer, des investissements portant sur des équipements publics collectifs, lorsque ces investissements participent de manière déterminante au développement économique, social, environnemental et énergétique local, en complément des opérations arrêtées dans le cadre des contrats de projets et de développement.

Les investissements du fonds exceptionnel concerneront les domaines suivants : adduction d'eau potable et assainissement ; traitement et gestion des déchets ; désenclavement du territoire ; prévention des risques naturels ; équipements publics de proximité dans le domaine sanitaire et social ; énergies renouvelables et développement durable ; infrastructures d'accueil des entreprises ou encore constructions scolaires.

Par ailleurs, 50 millions d'euros seront alloués à des instruments de soutien au financement de l'économie, avec d'abord un fonds de garantie doté de 10 millions d'euros, pour répondre aux besoins de trésorerie des PME. Actuellement, le dispositif « Avance Plus » de Bpifrance permet de répondre aux besoins de trésorerie des PME qui détiennent des créances sur les acteurs publics, dans un volume annuel d'autorisations de 300 millions d'euros par an, au profit de plus de 500 entreprises. La création de ce nouveau fonds garanti, doté par l'État de 10 millions d'euros, permettra à Bpifrance d'aligner l'offre, dans les outre-mer, sur celle en vigueur dans l'Hexagone.

Les critères d'attribution du prêt de développement outre-mer (PDOM) de Bpifrance seront élargis à hauteur de 2 millions d'euros, afin d'étendre les critères d'attribution du prêt aux différents acteurs. Des subventions d'investissement supplémentaires, à hauteur de 15 millions d'euros seront mises à disposition, dans le cadre d'appels à projets dédiés à l'outre-mer. La gestion opérationnelle de ce dispositif sera confiée à Bpifrance et à la Caisse des dépôts et des consignations, en fonction des thématiques et des cibles envisagées.

Il faut souligner qu'une contribution au cofinancement de fonds régionaux sera instaurée, à hauteur de 3 millions d'euros. Il s'agit d'abonder le fonds régional adaptation-biodiversité dans le Pacifique de l'AFD, qui a pour but de fédérer et fluidifier les ressources financières sur les enjeux d'adaptation et de biodiversité de quinze petits États insulaires en développement et de trois petits territoires d'outre-mer du Pacifique.

Ensuite, 10 millions d'euros seront consacrés au renforcement des outils de capital-investissement gérés pour l'ensemble des géographies par une société de gestion indépendante. Un soutien spécifique sera apporté au microcrédit, le ministère des outre-mer proposant d'en soutenir le développement dans les territoires où sa présence doit être renforcée, notamment en Guyane, à Saint-Martin à Mayotte et en Polynésie française. Ce soutien est en cohérence avec les initiatives prises par le Gouvernement pour faciliter l'accès à ces outils.

Le ministère des outre-mer augmentera sa contribution au financement des contrats signés entre l'État et les collectivités en outre-mer d'environ 20 millions d'euros. Je pourrai revenir, si vous le souhaitez, sur le périmètre financier de ces contrats.

Je veux aussi souligner que l'action du Gouvernement se portera en soutien des zones les moins dynamiques des outre-mer, avec la mise en place de zones franches d'activité dites nouvelles génération. En remplaçant les actuels régimes fiscaux zonés par un dispositif zoné de nouvelle génération plus efficace, nous serons évidemment plus pertinents pour développer ces territoires. Le maquis actuel des multiples régimes zonés en outre-mer – zone de revitalisation rurale, zone franche d'activité, zone franche urbaine, territoire entrepreneur, quartier prioritaire de la ville – est source de grande complexité. Ces aides fiscales poursuivent des objectifs différents, sans être véritablement coordonnées ; les exonérations diffèrent et rendent les régimes illisibles pour les entreprises. Aussi le Gouvernement souhaite-t-il miser sur le dispositif des zones franches d'activité nouvelle génération, qui a démontré son efficacité pour améliorer la rentabilité des entreprises concernées, mais en le ciblant davantage et en renforçant les taux d'exonération, tout particulièrement dans les secteurs prioritaires exposés à la concurrence internationale. Cette simplification de la législation fiscale rendra, nous le souhaitons, le dispositif plus lisible pour les entreprises. L'évaluation du coût de la mesure a permis de constater qu'une large majorité d'entreprises sont gagnantes, avec la réforme envisagée.

La loi de finances sera également l'occasion de plusieurs ajustements fiscaux visant à favoriser les investissements productifs. Le Gouvernement apportera des ajustements utiles au schéma de défiscalisation et de crédits d'impôt pour les investissements productifs dans les outre-mer. De nouvelles règles anti-abus permettront de lutter contre des pratiques ou des situations non conformes aux objectifs poursuivis, notamment la captation des bénéfices par les intermédiaires de défiscalisation au détriment des acteurs économiques. Les obligations d'inscription et de déclaration des intermédiaires en défiscalisation seront renforcées pour mieux protéger les investisseurs utiles et les exploitants.

Pour finir, je veux souligner que l'effort de l'État en outre-mer est soutenu par l'ensemble des missions du budget général, comme le montre notamment la reconstruction de Saint-Martin. En plus des crédits budgétaires portés par la mission outre-mer, plus de 18 milliards d'euros bénéficient chaque année aux territoires ultramarins. Le document de politique transversale outre-mer donne une vision des dépenses réalisées outre-mer par quatre-vingt-huit programmes relevant de vingt-neuf missions, auxquelles s'ajoutent les prélèvements sur recettes et la contribution du Centre national pour le développement du sport.

De plus, l'État, par le biais de nombreux ministères, tient ses engagements. Dans le cas de la reconstruction de Saint-Martin, suite à l'ouragan Irma, le fonctionnement courant des services de la collectivité de Saint-Martin a été assuré grâce à la mobilisation d'instruments budgétaires de l'État. Il a assuré, sur l'année 2017, la compensation du dégrèvement des taxes foncières à hauteur de 12,1 millions d'euros ; ensuite, le solde des dotations de l'année 2017 a été versé de manière anticipée à hauteur de 10,4 millions d'euros ; enfin, l'État s'est engagé à verser une dotation exceptionnelle de fonctionnement à la collectivité entre 2017 et 2020, conditionnée à l'analyse de sa trajectoire financière.

Ce sont 50 millions d'euros qui ont été inscrits, à ce titre, en loi de finances rectificative de 2017 et reportés sur 2018. Le comité interministériel à la reconstruction a acté, pas plus tard qu'il y a quelques jours, le soutien de l'État au financement des investissements relevant de la compétence des collectivités. Au-delà de la reconstruction de sa propre préfecture, pour environ 15 millions d'euros, l'État s'est engagé à concéder à la collectivité un droit de tirage exclusif sur les 46 millions d'euros du Fonds de solidarité de l'Union européenne pour 2018.

Ainsi, la participation directe de l'État et de ses opérateurs représentera un tiers des investissements estimés pour la reconstruction de Saint-Martin, soit 66,4 millions d'euros, dont une partie doit être inscrite dans le budget de l'État pour 2019. Cela montre aussi la pluralité des acteurs étatiques concernés.

Vous pourrez retrouver, monsieur le président, messieurs, mesdames les députés, tous ces éléments dans la mission outre-mer, qui sera présentée avec le projet de loi de finances en Conseil des ministres lundi puis, immédiatement après, en commission des finances.

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Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, pour votre présentation très complète, malgré le temps limité dont vous disposiez.

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Je vous remercie à mon tour, monsieur le secrétaire d'État, pour votre présentation synthétique dont les annonces nous font froid dans le dos… Vous nous avez annoncé, en quelques minutes, que vous nous priviez, dans le cadre de la mission budgétaire, d'environ 170 millions d'euros, anciennement répartis entre l'abattement fiscal outre-mer destiné à accroître l'attractivité du territoire et la TVA non perçue récupérable (NPR) inscrite dans un cadre juridique qui permettait aux entreprises de bénéficier d'une forme de subvention lors d'un investissement. Vous transférez ces montants dans un fonds exceptionnel d'investissement, qui sera inscrit dans la loi de finances pour 2019 et ne vaudra donc pas pour les années suivantes. Vous retirez en fait 170 millions d'euros du budget de l'outre-mer, puisque, par définition, ce fonds est exceptionnel.

Par ailleurs, vous nous avez annoncé que l'ensemble des zones à défiscalisation, les zones franches d'activité (ZFA), les zones franches urbaines (ZFU) et les zones de revitalisation rurale (ZRR), seront supprimées au profit d'une zone franche dont nous ignorons absolument les avantages, l'attractivité et la répartition géographique.

Enfin, vous ne nous dites pas grand-chose du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), dont le taux est à 9 % dans les DOM, ce qui permet une compétitivité du travail très intéressante. Que devient-il ? À quelle hauteur les entreprises seront-elles accompagnées ? Les secteurs ont-ils été ciblés ? Que deviendront les salariés du BTP, sur lesquels vont peser la nette diminution des fonds et la suppression des allocations d'accession sociale ? Les artisans risquent d'être très sévèrement touchés, notamment ceux du second oeuvre dans la construction.

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Monsieur le secrétaire d'État, vous venez d'annoncer la remise en cause de l'abattement fiscal datant de 1960. Avez-vous évalué l'impact négatif de cette mesure sur le pouvoir d'achat des ultramarins et sur l'économie de nos territoires ?

Dans son plan pauvreté, le Président de la République a annoncé la création de 200 000 nouveaux contrats d'insertion par l'activité économique. Quelle proportion en sera attribuée aux outre-mer ?

S'agissant de la diminution des contrats aidés, les différents ministères ont promis de prêter une attention particulière à nos territoires ultramarins, au vu de leur situation spécifique. Cependant, nous avons connu une baisse drastique en 2017 de ces contrats. Sachant le rôle joué par ces emplois, les services rendus à la personne et à la société, notamment dans le domaine de la lutte contre les maladies vectorielles et de l'aide dans les hôpitaux, mais aussi dans les cantines scolaires ou dans les collectivités, pour assurer la protection des scolaires dans les bus, pouvez-vous nous annoncer les orientations prises par le Gouvernement pour 2019 ?

Enfin, l'allocation d'accession à la propriété a été supprimée sans concertation, ce qui a déstabilisé des centaines de familles, notamment à La Réunion, et mis en difficulté plusieurs entreprises. Interpellée à plusieurs reprises dans l'hémicycle, la ministre des outre-mer avait promis des solutions que nous attendons toujours. Avez-vous prévu de rétablir cette allocation dans le budget 2019 ?

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Olivier Dussopt, secrétaire d'État chargé de la fonction publique

Pardonnez le caractère parcellaire de mes réponses : comme je le disais au début de mon intervention, je suis devant vous pour évoquer les aspects budgétaires et la préparation du PLF, sans créer le moindre élément de confusion dans le dialogue singulier entre votre délégation et le ministre des outre-mer. De ce fait, je ne serai pas en mesure de répondre à toutes les questions que vous avez évoquées. Toutefois, je reviendrai sur quatre points.

Monsieur Lorion, le Gouvernement n'a pas la volonté de retirer 170 millions aux outre-mer, mais de réorienter des dispositifs fiscaux qui ont été décrits par les uns et par les autres, depuis longtemps, comme inefficaces ou injustes, et d'en réaffecter les recettes au financement d'outils de soutien à l'économie, d'outils de pouvoir d'achat ou d'outils d'équipement.

Sur les 170 millions d'euros, seulement 40 sont affectés à ce qui est qualifié de fonds exceptionnel de soutien à l'investissement. Certes, le mot « exceptionnel » peut-être interprété comme indiquant un caractère extraordinaire et forcément ponctuel. Mais je suis convaincu qu'il n'y a pas de volonté de mettre fin à ce dispositif à moyen ou long terme, malgré ce qualificatif. La volonté du Gouvernement est vraiment de réaffecter des crédits qui semblent ainsi pouvoir être mieux utilisés.

Sur l'abattement d'impôt sur le revenu, l'ensemble des études et des travaux menés, que ce soit dans un cadre technique ou dans un cadre multipartisan, aboutissent à des conclusions en tout cas extrêmement partagées : outre qu'il présente une forme d'inefficacité, cet abattement profite essentiellement aux ménages les plus aisés, alors que l'objectif de ce dispositif était de soutenir le pouvoir d'achat, notamment des plus fragiles. Nous ne supprimons pas les abattements, nous réduisons les plafonds, ce qui permettra à l'essentiel des ménages d'outre-mer de continuer à en bénéficier : le niveau de revenu des ménages en outre-mer étant généralement plus bas qu'en métropole, l'inscription dans l'impôt est, de ce fait, à un niveau un peu plus bas.

Sur la TVA, un certain nombre de rapports démontrent, là aussi, l'inefficacité du dispositif. Un rapport de 2007, un travail législatif de 2009 et un rapport de 2011 soulignent à quel point ce dispositif n'est pas efficace pour le soutien à l'économie et à la compétitivité. C'est ce qui nous amène à revenir sur ce dispositif pour en affecter les fonds à des instruments de soutien financier.

Enfin, le CICE. Comme dans l'ensemble du territoire, il est transformé en allégement de charges. Cet allégement sera pérenne, ce qui offre une meilleure lisibilité aux entreprises, et il sera renforcé puisque nous avons pris la décision d'aller plus loin et de créer un dispositif CICE + et de renforcer les allégements, notamment au niveau du SMIC, afin de faciliter les embauches.

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Comptez-vous aller jusqu'à un taux de 1,5 % ou 2 % pour permettre un meilleur encadrement dans les entreprises ?

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Olivier Dussopt, secrétaire d'État chargé de la fonction publique

L'allégement de charges sera une mesure générale. L'allégement renforcé concernera plutôt les bas salaires, autour du SMIC, certainement avec un encadrement, mais je ne suis pas en mesure de le préciser à cette heure.

S'agissant de l'affectation aux outre-mer d'une part plus ou moins conséquente des crédits prévus dans le cadre du plan pauvreté, je ne suis pas en capacité de vous répondre, monsieur Ratenon, de même que sur la mise à disposition de contrats aidés. Enfin, la question de l'abattement fiscal rejoint celle des 170 millions d'euros que j'ai évoquée précédemment.

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Je souhaite aborder le sujet de la défiscalisation des investissements ultramarins, à propos duquel j'ai commis un rapport avec mon collègue Philippe Vigier. Nous concluions à la nécessité d'améliorer un certain nombre de mécanismes afin de les rendre plus efficaces, plus rapides et plus pertinents pour nos collectivités.

Je ne rappellerai pas la situation économique dans laquelle se trouve aujourd'hui la majeure partie de nos collectivités, ni le niveau de chômage constaté. Ce dispositif constitue le levier essentiel en matière de développement économique de nos territoires.

Entre 2010 et 2017, la dépense fiscale pour la mise en oeuvre de ces mécanismes est passée de 1,25 milliard à 750 millions. Le dispositif a été mis en oeuvre de manière de plus en plus rigoureuse, et si à un moment donné, l'usage des fonds publics sur un certain nombre d'opérations était critiqué à juste titre, les multiples interventions du législateur et la doctrine de l'administration fiscale ont progressivement mis un terme aux pratiques insuffisamment rigoureuses.

Je souhaite appeler votre attention, comme je l'ai fait ce matin devant le ministre de l'action et des comptes publics à l'occasion d'un entretien à propos du même sujet, sur cinq points particuliers où nous attendons des propositions du Gouvernement ou, à défaut de propositions, un soutien aux amendements que nous déposerons de façon à améliorer les dispositifs existants.

Le premier dispositif en question est le dispositif Pinel, qui favorise le développement du logement intermédiaire dans nos territoires. C'est un dispositif majeur en ce qu'il s'adresse à une catégorie de population qui n'est pas assez pauvre pour bénéficier des logements sociaux et pas assez riche pour accéder au marché privé. Aujourd'hui, les classes moyennes ultramarines rencontrent des difficultés pour se loger faute de loyers adaptés à leurs besoins.

Le collectif Pinel est quasiment inopérant dans la totalité des collectivités ultramarines, à l'exception notable de La Réunion où il conserve une certaine dynamique. Il faut donc revoir les mécanismes liés aux avantages fiscaux consentis, aussi bien pour les collectivités de l'article 73 que pour celle de l'article 74 et la Nouvelle-Calédonie.

En ce qui concerne le crédit d'impôt, dans les collectivités de l'article 73, autrement dit les DOM, les entreprises dont le chiffre d'affaires est inférieur à 20 millions d'euros peuvent continuer à bénéficier de la défiscalisation traditionnellement mise en oeuvre. Au-delà de 20 millions d'euros, c'est le dispositif de crédit d'impôt qui s'applique. Un mécanisme de sortie « en sifflet » avait été imaginé au départ, en faisant descendre ce seuil à 15, 10 et 5 millions ; grâce à un amendement déposé l'an dernier par notre collègue Letchimy, le dispositif a été gelé pour cette année à 20 millions d'euros, car les mécanismes de préfinancement nécessaires de la part des établissements financiers, notamment la BPI, ne sont pas encore en place, et il ressort des auditions que nous avons menées que ces mécanismes ne sont pas près d'être en place. Tant que la garantie n'est pas donnée que les entreprises pourront préfinancer les crédits d'impôt, il est indispensable de maintenir le seuil actuel de 20 millions d'euros. Une disposition particulière devra figurer en ce sens dans le projet de loi de finances.

Un autre sujet important, qui concerne plutôt les collectivités de l'article 74 et la Nouvelle-Calédonie, est la réhabilitation des parcs de logements sociaux. En Nouvelle-Calédonie et en Polynésie, les parcs de logements sociaux ont un certain âge, et le bénéfice de la défiscalisation n'est pas accordé pour leur rénovation dès lors qu'ils ont plus de vingt ans d'âge. C'est une discrimination par rapport aux DOM qui, en toute logique, en bénéficient. On comprend l'intérêt de rénover des cités construites il y a longtemps et qui commencent à se dégrader ; or ce sont souvent des opérations de rénovation lourdes. Il est donc indispensable que le projet de loi de finances corrige cette inéquité, afin que les collectivités de l'article 74 et la Nouvelle-Calédonie bénéficient de ces dispositions pour les opérations de réhabilitation et de rénovation lourdes lorsque le parc a plus de vingt ans.

Le quatrième sujet que je souhaite aborder, monsieur le secrétaire d'État, est celui du schéma de l'impôt sur les sociétés qui existe aujourd'hui pour les collectivités de l'article 74 et la Nouvelle-Calédonie en matière de défiscalisation. Il va mourir tout seul si nous n'agissons pas. Nous bénéficions de l'autonomie fiscale, et l'impôt sur les sociétés suit une trajectoire de réduction significative. Or les montages qui ont été faits reposent sur la base d'un impôt sur les sociétés à 30 %, pas à 25 %. Cela amène les établissements bancaires à ne plus suivre ce type de montage, et il est indispensable que nous ayons un regard bienveillant pour que ces montages continuent d'exister.

Enfin, j'en viens à la déconcentration de l'instruction des procédures de défiscalisation, afin que les dossiers ne prennent plus vingt-deux mois en moyenne pour être traités, comme c'est le cas actuellement selon une étude du cabinet Mazars, qui se fondait sur une trentaine de dossiers en Polynésie et en Nouvelle-Calédonie.

Des procédures de déconcentration existent aujourd'hui, à l'instar de celle qui concerne les programmes de logements sociaux, qui sont instruits localement. Bercy reste compétent sur la base éligible et la garantie des tiers, et les délais sont encadrés – deux fois deux mois. Ces procédures sont en vigueur depuis la loi pour l'égalité réelle en outre-mer (EROM), et le délai d'instruction d'un logement social est passé de dix-huit mois à six mois. Nous voyons que dès que l'administration consent à se réformer, il en résulte des avantages majeurs pour nos collectivités et les opérateurs d'habitat social. Un dispositif équivalent a été appliqué aux DOM pour les investissements d'un montant inférieur à 5 millions d'euros, et là aussi, des améliorations notables des délais de traitement ont été constatées, même si tout n'est pas parfait.

Nous demandons qu'un dispositif équivalent à celui des DOM, ou s'en inspirant, soit mis en place pour la Polynésie et la Nouvelle-Calédonie, pas pour les logements sociaux car nous en bénéficions déjà, mais pour les investissements productifs.

Ces cinq sujets importants conditionnent le développement de nos petits territoires.

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Rappelons que Philippe Gomès est, avec Philippe Vigier, l'auteur d'un rapport qui a récemment été adopté à l'unanimité par la délégation aux outre-mer.

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Je veux m'associer aux inquiétudes qui viennent de s'exprimer. Nous en avons l'habitude dans les outre-mer : quand l'État dit qu'il modernise, en réalité il supprime. Et tout ce qui est conçu ici comme soutien, comme expression de la solidarité nationale, est considéré en outre-mer comme de l'assistanat.

Nous avons des taux de chômage extrêmement élevés. En métropole, quand le chômage frise les 10 %, le Gouvernement vacille. Dans nos collectivités, tant qu'il est en dessous de 25 %, on trouve que c'est très bon… C'est un élément important à intégrer. Lorsque l'on parle du CICE, on ne parle pas de volume, on parle de suppression… On ne retrouvera plus jamais les 170 millions, monsieur le secrétaire d'État, je vous le dis fort de quarante années d'expérience de la vie publique : d'ici à deux ans, ces 170 millions auront tout bonnement disparu…

Il y a donc une inquiétude réelle, et la disponibilité dont vous faites preuve pour échanger avec nous permet d'appeler l'attention sur ces éléments. Il faut qu'un mécanisme vienne verrouiller ces sommes au moins sur la durée du quinquennat, faute de quoi je suis intimement convaincu que ces dispositifs disparaîtront. À chaque fois on regarde combien cela coûte pour l'outre-mer, alors que l'on ne se pose jamais la question lorsque le même mécanisme s'applique en France métropolitaine…

J'en viens à Mayotte. Le niveau des dotations aux collectivités est, au bas mot, de 30 à 40 % inférieur à celui des dotations aux collectivités métropolitaines ou aux autres collectivités relevant de l'article 73, et l'on s'étonne que les difficultés s'accroissent. Une amélioration et un plan de rattrapage sont-ils envisagés afin que nous soyons sur un pied d'égalité ?

Si on analyse le budget et la structure de la loi de finances pour 2017, s'agissant de Mayotte, on se rend compte que si le budget affichait une augmentation, il accusait en réalité une baisse de 7 %, avec des autorisations d'engagement en baisse de 12 %. Cette baisse ne tient pas compte de la situation démographique à Mayotte. Il y a deux chiffres : la population réelle et la population légale. La population légale selon le recensement est de 256 000 habitants, alors que la population réelle dépasse les 400 000 habitants. Les dotations ne tiennent pas compte de ces chiffres, ce qui explique nos énormes difficultés.

Compte tenu des facteurs sociaux qui déstabilisent le territoire, de ces retards, quelles seront les mesures prises pour que les 170 millions d'euros qui viennent d'être présentés comme des mesures de modernisation ne disparaissent pas à court terme, et comment faire pour que Mayotte ne passe plus à la trappe dans l'effort de redressement national ?

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Notre collègue Ratenon me signale, monsieur le secrétaire État, que vous n'avez pas répondu à la question concernant la suppression de l'allocation d'accession à la propriété outre-mer, pour les familles notamment.

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Olivier Dussopt, secrétaire d'État chargé de la fonction publique

L'allocation d'accession à la propriété ne relève pas strictement du champ du ministère de l'action et des comptes publics, mais à ce stade, il n'est pas prévu de la rétablir, dans les territoires d'outre-mer ni ailleurs. Pardonnez cette réponse un peu brutale, mais elle correspond à la réalité des documents budgétaires tels qu'ils sont préparés.

Monsieur Kamardine, vous avez la conviction intime que les 170 millions d'euros réalloués cette année ne seront pas pérennisés. Je n'ai guère d'argument face à une conviction intime, sauf à rappeler l'engagement du Président de la République et du Gouvernement de s'inscrire dans la droite ligne des travaux des assises de l'outre-mer, de tenir les engagements et de permettre aux outre-mer de mettre en oeuvre toutes les mesures. Ce ne sont pas des mesures d'assistanat, pour reprendre le terme que vous avez utilisé pour mieux le dénoncer, mais des mesures de rattrapage, des mesures d'égalité et des mesures de développement. Il y a donc une volonté, un engagement de ce gouvernement à travailler. Vous demandiez que les sommes soient sanctuarisées au moins jusqu'à la fin du quinquennat, autrement dit jusqu'en 2022 ; dans cette logique, je serais plutôt d'avis qu'elles le soient jusqu'en 2027, car je souhaite qu'il y ait un second quinquennat ! En tout cas, je n'ai pas d'autre argument à avancer que notre engagement à travailler avec l'ensemble des territoires d'outre-mer, et de tenir la parole présidentielle et la parole gouvernementale.

S'agissant des questions propres à Mayotte et du niveau des dotations, un travail est actuellement mené par le ministère de l'intérieur et le ministère de l'action publique, sous l'égide du ministère des outre-mer et d'Annick Girardin, pour voir comment corriger un certain nombre d'écarts qui se sont installés et qui ne sont pas acceptables. Le prisme choisi consiste à privilégier tout ce qui permettrait des mesures de rattrapage et de résorption des inégalités en favorisant le financement des investissements structurants. Les décalages en termes de dotation de fonctionnement, ainsi que les effets de l'histoire récente, peuvent aussi se traduire par des déficits structurels d'équipement dans les territoires concernés. C'est tout le travail qui est mené actuellement ; il est extrêmement compliqué du fait du contexte budgétaire et des caractéristiques de chacun des territoires et du fait que nous entrons tout de suite dans des comparaisons. Mais nous continuerons à le mener et nous y associerons l'ensemble des parlementaires.

Monsieur Gomès, je vous remercie pour le rapport que vous avez commis avec M. Vigier et qui a été adopté à l'unanimité de la commission. C'est pour nous une contribution utile. En écho à de nombreuses propositions de ce rapport, nous avons entrepris un chantier de réduction des dépenses fiscales dans l'objectif de rendre la dépense plus efficace, d'éviter les saupoudrages et de veiller à ce qu'il n'y ait pas d'incidences négatives, mais au contraire des incidences positives sur le développement économique ou l'emploi.

C'est la raison pour laquelle, dès le budget 2019, nous proposons de recentrer certains avantages fiscaux. Nous annonçons préférer une rebudgétisation en faveur des crédits d'intervention plutôt que des dépenses fiscales, cela a fait l'objet d'échanges avec d'autres membres de la délégation. À titre d'exemple, nous avons repris la proposition n° 2 sur la TVA non perçue et récupérable, sur la base de l'évaluation faite par l'inspection générale des finances en 2011. Par ailleurs, dans le PLF 2019, 50 millions d'euros seront alloués à des instruments de soutien au financement de l'économie, notamment pour répondre aux besoins de trésorerie des PME pour permettre des subventions d'investissement supplémentaires ou soutenir le microcrédit ; d'autres réflexions sont en cours sur la prorogation de certains dispositifs d'aides fiscales. Vous en avez évoqué plusieurs, nous travaillons actuellement sur ces sujets de manière à pouvoir les évoquer lors du débat sur le PLF. Il faut un temps pour les expertises, mais aussi pour recueillir les avis car en matière de fiscalité, il faut respecter le principe d'égalité et souvent l'avis d'institutions prestigieuses comme le Conseil d'État est précieux. Sachez en tout cas que votre rapport a été pris en considération et que nous considérons qu'il propose des solutions très utiles pour la politique du Gouvernement dans les outre-mer.

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Merci pour cette présentation succincte, mais détaillée, qui dessine le projet de budget 2019.

Ma première question vient en appui de ce qui a été demandé sur la défiscalisation. Êtes-vous prêts à un coefficient de révision par rapport à la baisse du taux de l'impôt sur les sociétés qui va affecter le calcul de l'assiette fiscale, et pose un problème pour les opérations de défiscalisation ? Êtes-vous prêt à une telle révision pour les communautés d'outre-mer ?

Nous nous sommes battus lors de la dernière législature afin de proroger l'aide à l'investissement jusqu'à 2025 pour les communautés d'outre-mer : la date de 2025 figurait déjà dans le PLF pour 2017, c'est déjà acté. Nos soucis portent sur les procédures et la déconcentration de la décision. Nous connaissons les quatre critères selon lesquels vous jugez ces dossiers, mais les travaux de révision des aides à l'investissement seront-ils présentés dans le PLF ? Comment allez-vous présenter la révision de ces outils ? Nous ne souhaitons pas que les mesures tombent comme un couperet au moment de l'étude budgétaire, et notre collègue Gomès m'a appris lors de la présentation de son rapport qu'il n'y avait aucune passerelle entre ce groupe de travail et celui de notre délégation. Au-delà des chiffres et des moyens, nos investisseurs et nos entreprises demandent de la visibilité, et la pérennisation des outils. Il est fondamental qu'ils puissent savoir sur quoi ils pourront véritablement compter au cours des cinq prochaines années, au minimum.

Enfin, puisque vous êtes aussi en charge de la fonction publique, le président de notre délégation va remettre son rapport demain, et vous savez qu'il y a de grosses inquiétudes sur la question de l'indemnité temporaire de retraite (ITR). Pouvez-vous rassurer les fonctionnaires d'État dans nos territoires et leur garantir qu'il n'est pas question, dans le PLF 2019, de revenir sur la majoration octroyée aux fonctionnaires d'État outre-mer ? Est-il possible d'engager des discussions sur la retraite complémentaire, attendue depuis près de dix ans par les fonctionnaires ?

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Je n'ai pas beaucoup de questions, puisque toutes celles qui ont été posées par mes collègues reprennent les préoccupations de tous nos territoires. J'entends souvent dire que les ultramarins ont tendance à pleurer. Depuis un an que je suis députée, je n'ai pas beaucoup vu mes collègues pleurer ; je les ai plutôt entendus décrire des situations réelles et réclamer une égalité de traitement dans les territoires. J'ai bien noté les annonces faites par le secrétaire d'État, je pense que la ministre des outre-mer en fera également ; mais tout un chacun a entendu les déclarations successives du Gouvernement concernant la réduction des effectifs de la fonction publique, qui relève de votre compétence, et ces annonces suscitent l'inquiétude chez nos concitoyens ultramarins. Aucun secteur n'y échappe outre-mer : l'éducation nationale, l'endettement historique de nos hôpitaux, la situation sanitaire critique de nos territoires, l'accès inégal au droit et à la justice, la surpopulation carcérale – vous connaissez les besoins de construction de centres pénitentiaires – sans parler de la santé financière des collectivités, proprement exsangues.

Le secteur privé n'est pas en reste : nos entreprises s'éteignent et sont liquidées en masse, nos hôtels ferment tous les jours. La situation économique inspire le pessimisme, compte tenu des coupes claires que nous avons subies dans tous les secteurs depuis quelque temps : on a évoqué le CICE ou l'aide aux logements sociaux, par exemple.

Monsieur le secrétaire d'État, comment le Gouvernement envisage-t-il de donner à tous les outre-mer une égalité réelle de traitement et de moyens par rapport à la métropole ?

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En abandonnant un peu la neutralité que m'impose le rôle de président, et sachant que je fais partie du groupe La République en Marche, je tiens à vous dire, monsieur le secrétaire d'État, que la révision de l'abattement de 30 % ne passe pas outre-mer : j'ai pu m'en rendre compte sur le terrain au cours de l'été.

Vous avez pu recueillir ici l'avis unanime sur cette question, et je proposerai à la délégation de rencontrer les acteurs économiques pour discuter de certaines propositions alternatives, car il se pourrait qu'il y en ait pour créer ce fonds exceptionnel d'investissement. Il peut y avoir d'autres sources d'économies, à budget constant. Je proposerai une réunion de la délégation sur cette question le 24 octobre.

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Olivier Dussopt, secrétaire d'État chargé de la fonction publique

Je renouvelle mes excuses aux membres de la délégation, car je dois être à dix-huit heures quinze sous l'Arc de Triomphe pour rendre hommage aux douaniers morts pour la France. Ma sortie précipitée ne sera pas causée par la crainte de vos réactions à mes réponses, mais par la volonté de respecter la mémoire des douaniers.

Madame Manin, votre question est avant tout une interpellation, et j'ai apprécié que vous l'inscriviez dans le temps, et pas seulement à l'échelle des douze ou quinze derniers mois. Le Président de la République et le Gouvernement sont déterminés à donner aux outre-mer les moyens de leur développement, les moyens de l'égalité. Comme l'a dit le président au début de la séance, nous nous inscrivons dans la philosophie de la loi sur l'égalité réelle dans les outre-mer et des assises des outre-mer, que nous souhaitons traduire en actes. Sur ces aspects plus transversaux, la ministre des outre-mer aura l'occasion de vous répondre, de débattre, et d'évoquer avec vous l'application concrète des dispositions que j'ai mentionnées aujourd'hui.

En ce qui concerne l'intervention de Mme Sage sur les dispositifs fiscaux, comme je l'ai indiqué à M. Gomès, un travail d'expertise est en cours sur la prorogation mais également sur la question du coefficient de l'impôt sur les sociétés. Les choses ne sont pas prêtes pour être intégrées dans le projet de loi de finances que nous présentons fin septembre, mais nous espérons pouvoir améliorer les dispositions de manière à être plus efficaces et les présenter pendant le débat parlementaire.

C'est la volonté de simplifier qui conduit nos travaux sur les zones franches de nouvelle génération, de manière à aboutir à des dispositifs plus lisibles, éviter la superposition des critères, l'empilement et les complexités qui font que d'un territoire à l'autre, d'une période à l'autre, la lisibilité n'est que trop rarement au rendez-vous. Nous voulons travailler ainsi, en nous appuyant sur les différents travaux qui nous ont été remis, et en mettant à profit un peu de temps pour l'expertise. Je sais votre attachement à ces sujets et vous connaissez ma disponibilité pour avancer ensemble.

Concernant la fonction publique, rien n'est inscrit dans le projet de loi de finances pour 2019 qui tendrait à modifier les différents régimes qui s'appliquent à la fonction publique outre-mer. Qu'il s'agisse des majorations ou de l'IDD, aucune disposition particulière n'est envisagée, dans ce projet de loi, qui tendrait à modifier la situation des fonctionnaires. Nous aurons l'occasion, l'année prochaine, lors de l'examen du projet de loi sur la transformation de la fonction publique, d'évoquer ces questions et d'en débattre. Nous savons que ce débat est incontournable, non seulement sur la pertinence, mais également sur le caractère juste et équitable de ces différents niveaux de majoration et modalités d'accompagnement des fonctionnaires ou leurs familles, qu'il s'agisse des fonctionnaires ultramarins en métropole ou des fonctionnaires métropolitains dans les territoires d'outre-mer. Tout cela est renvoyé au projet de loi sur la fonction publique, l'année prochaine. Le débat est largement ouvert, mais il n'est pas question de prendre qui que ce soit par surprise en prévoyant des mesures dans le projet de loi de finances pour 2019.

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Monsieur le secrétaire d'État, il me reste à vous remercier très chaleureusement, monsieur le secrétaire d'État, pour vos explications franches, directes et synthétiques sur votre vision budgétaire pour les outre-mer lors des mois à venir, et nous souhaitons vous revoir le plus vite possible pour échanger sur ces questions.

L'audition s'achève à dix-huit heures dix.