Intervention de Philippe Gomès

Réunion du mercredi 19 septembre 2018 à 18h00
Délégation aux outre-mer

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Gomès :

Je souhaite aborder le sujet de la défiscalisation des investissements ultramarins, à propos duquel j'ai commis un rapport avec mon collègue Philippe Vigier. Nous concluions à la nécessité d'améliorer un certain nombre de mécanismes afin de les rendre plus efficaces, plus rapides et plus pertinents pour nos collectivités.

Je ne rappellerai pas la situation économique dans laquelle se trouve aujourd'hui la majeure partie de nos collectivités, ni le niveau de chômage constaté. Ce dispositif constitue le levier essentiel en matière de développement économique de nos territoires.

Entre 2010 et 2017, la dépense fiscale pour la mise en oeuvre de ces mécanismes est passée de 1,25 milliard à 750 millions. Le dispositif a été mis en oeuvre de manière de plus en plus rigoureuse, et si à un moment donné, l'usage des fonds publics sur un certain nombre d'opérations était critiqué à juste titre, les multiples interventions du législateur et la doctrine de l'administration fiscale ont progressivement mis un terme aux pratiques insuffisamment rigoureuses.

Je souhaite appeler votre attention, comme je l'ai fait ce matin devant le ministre de l'action et des comptes publics à l'occasion d'un entretien à propos du même sujet, sur cinq points particuliers où nous attendons des propositions du Gouvernement ou, à défaut de propositions, un soutien aux amendements que nous déposerons de façon à améliorer les dispositifs existants.

Le premier dispositif en question est le dispositif Pinel, qui favorise le développement du logement intermédiaire dans nos territoires. C'est un dispositif majeur en ce qu'il s'adresse à une catégorie de population qui n'est pas assez pauvre pour bénéficier des logements sociaux et pas assez riche pour accéder au marché privé. Aujourd'hui, les classes moyennes ultramarines rencontrent des difficultés pour se loger faute de loyers adaptés à leurs besoins.

Le collectif Pinel est quasiment inopérant dans la totalité des collectivités ultramarines, à l'exception notable de La Réunion où il conserve une certaine dynamique. Il faut donc revoir les mécanismes liés aux avantages fiscaux consentis, aussi bien pour les collectivités de l'article 73 que pour celle de l'article 74 et la Nouvelle-Calédonie.

En ce qui concerne le crédit d'impôt, dans les collectivités de l'article 73, autrement dit les DOM, les entreprises dont le chiffre d'affaires est inférieur à 20 millions d'euros peuvent continuer à bénéficier de la défiscalisation traditionnellement mise en oeuvre. Au-delà de 20 millions d'euros, c'est le dispositif de crédit d'impôt qui s'applique. Un mécanisme de sortie « en sifflet » avait été imaginé au départ, en faisant descendre ce seuil à 15, 10 et 5 millions ; grâce à un amendement déposé l'an dernier par notre collègue Letchimy, le dispositif a été gelé pour cette année à 20 millions d'euros, car les mécanismes de préfinancement nécessaires de la part des établissements financiers, notamment la BPI, ne sont pas encore en place, et il ressort des auditions que nous avons menées que ces mécanismes ne sont pas près d'être en place. Tant que la garantie n'est pas donnée que les entreprises pourront préfinancer les crédits d'impôt, il est indispensable de maintenir le seuil actuel de 20 millions d'euros. Une disposition particulière devra figurer en ce sens dans le projet de loi de finances.

Un autre sujet important, qui concerne plutôt les collectivités de l'article 74 et la Nouvelle-Calédonie, est la réhabilitation des parcs de logements sociaux. En Nouvelle-Calédonie et en Polynésie, les parcs de logements sociaux ont un certain âge, et le bénéfice de la défiscalisation n'est pas accordé pour leur rénovation dès lors qu'ils ont plus de vingt ans d'âge. C'est une discrimination par rapport aux DOM qui, en toute logique, en bénéficient. On comprend l'intérêt de rénover des cités construites il y a longtemps et qui commencent à se dégrader ; or ce sont souvent des opérations de rénovation lourdes. Il est donc indispensable que le projet de loi de finances corrige cette inéquité, afin que les collectivités de l'article 74 et la Nouvelle-Calédonie bénéficient de ces dispositions pour les opérations de réhabilitation et de rénovation lourdes lorsque le parc a plus de vingt ans.

Le quatrième sujet que je souhaite aborder, monsieur le secrétaire d'État, est celui du schéma de l'impôt sur les sociétés qui existe aujourd'hui pour les collectivités de l'article 74 et la Nouvelle-Calédonie en matière de défiscalisation. Il va mourir tout seul si nous n'agissons pas. Nous bénéficions de l'autonomie fiscale, et l'impôt sur les sociétés suit une trajectoire de réduction significative. Or les montages qui ont été faits reposent sur la base d'un impôt sur les sociétés à 30 %, pas à 25 %. Cela amène les établissements bancaires à ne plus suivre ce type de montage, et il est indispensable que nous ayons un regard bienveillant pour que ces montages continuent d'exister.

Enfin, j'en viens à la déconcentration de l'instruction des procédures de défiscalisation, afin que les dossiers ne prennent plus vingt-deux mois en moyenne pour être traités, comme c'est le cas actuellement selon une étude du cabinet Mazars, qui se fondait sur une trentaine de dossiers en Polynésie et en Nouvelle-Calédonie.

Des procédures de déconcentration existent aujourd'hui, à l'instar de celle qui concerne les programmes de logements sociaux, qui sont instruits localement. Bercy reste compétent sur la base éligible et la garantie des tiers, et les délais sont encadrés – deux fois deux mois. Ces procédures sont en vigueur depuis la loi pour l'égalité réelle en outre-mer (EROM), et le délai d'instruction d'un logement social est passé de dix-huit mois à six mois. Nous voyons que dès que l'administration consent à se réformer, il en résulte des avantages majeurs pour nos collectivités et les opérateurs d'habitat social. Un dispositif équivalent a été appliqué aux DOM pour les investissements d'un montant inférieur à 5 millions d'euros, et là aussi, des améliorations notables des délais de traitement ont été constatées, même si tout n'est pas parfait.

Nous demandons qu'un dispositif équivalent à celui des DOM, ou s'en inspirant, soit mis en place pour la Polynésie et la Nouvelle-Calédonie, pas pour les logements sociaux car nous en bénéficions déjà, mais pour les investissements productifs.

Ces cinq sujets importants conditionnent le développement de nos petits territoires.

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