Intervention de Roch-Olivier Maistre

Réunion du mardi 29 janvier 2019 à 16h15
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Roch-Olivier Maistre :

Monsieur Minot, vous m'avez posé une vaste question, celle du bilan que l'on peut dresser de la loi de 1986 sur l'audiovisuel. Je suis tenté de vous dire qu'avec cette loi, on a changé de monde… En 1986, la mission de l'institution consistait essentiellement à attribuer à des éditeurs des fréquences gratuites du domaine public et à vérifier que lesdits éditeurs respectaient les quelques obligations qu'ils se voyaient assigner en contrepartie – c'est à ce titre que le CSA a été surnommé « le gendarme de l'audiovisuel ». Le Conseil exerce aujourd'hui encore cette fonction et, en dépit des critiques émises par certains d'entre vous, il me semble que nous pouvons être fiers de ce régulateur qui, à l'heure de la maturité – cela fait plus de trente ans qu'il est dans le paysage –, a gagné la confiance des Français, qui ont désormais le réflexe de faire appel à lui : je rappelle que plus de 80 000 saisines lui ont été adressées en 2018, que ce soit pour se plaindre d'une émission ou d'un manque de pluralisme, ou pour tout autre motif.

Aujourd'hui, nous nous apprêtons à changer à nouveau de monde car, avec la directive SMA et la loi sur l'audiovisuel en cours de préparation, le champ de la régulation va s'étendre à de nouveaux acteurs. Si je devais définir l'enjeu essentiel du mandat du futur président du CSA, je dirais qu'il va consister à faire entrer la régulation de plain-pied dans l'ère numérique. Pour cela, il va falloir choisir parmi les nombreuses propositions qui ont été mises sur la table et, une fois les changements inscrits dans les textes, les traduire dans l'organisation et dans le fonctionnement de l'institution. La donne va se trouver bouleversée : comme Frédérique Dumas l'a souligné dans son intervention, le CSA a aujourd'hui pour mission de réguler des acteurs historiques, qui se voient imposer des obligations importantes, notamment en matière de financement, et qui se trouvent pris dans un champ concurrentiel avec des acteurs non moins puissants et de dimension internationale qui, eux, ne sont pas soumis à la régulation et viennent donc déstabiliser l'économie du dispositif – ce qui peut constituer une menace pour le financement de la création française. La correction des asymétries de régulation constitue un enjeu absolument fondamental si l'on veut arriver à préserver notre modèle. Pour résumer mon propos, je dirai que la loi de 1986 est une bonne loi, une loi qui a fait la preuve de son efficacité, puisque l'institution est désormais inscrite dans le paysage et que son autorité est incontestablement reconnue. Cependant, il lui appartient maintenant d'ouvrir une nouvelle page de son histoire, ce qui constitue pour l'institution un challenge aussi difficile que stimulant.

Monsieur Bois, vous m'avez interrogé sur la chronologie des médias. Ce que j'en pense, c'est que si un accord vient d'être signé à ce sujet, l'histoire ne s'arrête pas là… En la matière, le paysage est tellement mouvant, et les conditions d'accès aux images se renouvellent à une telle vitesse, qu'il faut s'attendre à ce que les règles posées aujourd'hui fassent régulièrement l'objet d'adaptations – au fil de ce qu'on pourrait appeler une « chronologie de la chronologie des médias », si je puis dire.

La question qui m'a été posée sur la gouvernance de l'audiovisuel public est double, et elle rejoint celle qui portait sur les modalités de nomination des dirigeants. Il n'appartient pas, bien entendu, au président du CSA de statuer sur des sujets de cette nature. Ce sont des choix éminemment politiques qui peuvent faire l'objet de points de vue différents, et il revient donc au législateur de se prononcer en la matière. Puisque j'ai le privilège de l'âge dans cette salle, me semble-t-il (Sourires), permettez-moi de replacer le sujet dans une certaine perspective historique. Je reste surpris par la singularité française qui existe dans ce domaine : à chaque élection nationale, on remet en question les modalités de nomination des dirigeants de l'audiovisuel public. Il y a un moment où il va falloir que l'on arrive à trouver un dispositif enfin stable dans le temps. J'ajoute que l'on ne se pose pas cette question dans les autres pays.

Il n'y a pas de système absolument parfait ou idéal. Nous parlons d'entreprises pour lesquelles un principe d'indépendance doit être respecté : la lecture que fait le Conseil constitutionnel de la loi de 1986 le conduit à être très vigilant sur l'indépendance des entreprises et de leurs dirigeants, ainsi que sur les modalités de leur nomination. Le système actuel est celui d'une nomination par une autorité indépendante. Il existe un collège composé de personnalités nommées par des autorités différentes, avec un dispositif de renouvellement périodique des membres – ce sont donc des autorités différentes qui peuvent être amenées à faire des nominations. Il en résulte une vraie diversité, et le fait que ce soit une autorité indépendante qui nomme a pu être considéré comme un élément plutôt protecteur en termes d'indépendance.

La critique qui est faite est double, en réalité. Certains considèrent, en effet, que l'institution serait juge et partie : elle nomme les dirigeants des entreprises, puis elle vérifie l'exécution du cahier des charges et du contrat d'objectifs et de moyens afin de s'assurer que les entreprises remplissent bien leurs missions. En cas de difficulté dans ce domaine, le collège du CSA pourrait alors se trouver dans une position compliquée. Est-ce un obstacle insurmontable ? On peut se poser la question. Si l'on retire ce pouvoir au CSA, son président se conformera à la loi : il appliquera les dispositions législatives en vigueur.

J'ajoute qu'on a déjà connu les scénarios alternatifs, en particulier celui d'une nomination par le pouvoir exécutif – quitte à s'entourer de garanties parlementaires, dans le cadre de majorités qualifiées et éventuellement après avis du CSA. Ce dispositif a suscité beaucoup de débats et de suspicions, à l'époque, autour de l'idée d'une reprise en main des entreprises de l'audiovisuel par l'exécutif. Une autre option, évoquée ici ou là, consisterait à aller vers le droit commun des sociétés : ce serait le conseil d'administration des entreprises qui choisirait les dirigeants, à l'instar de ce qui existe dans les entreprises de droit commun, si je puis dire. Cette idée est tout à fait séduisante sur le plan intellectuel, mais elle pose tout de suite une question : comment compose-t-on le conseil d'administration et qui nomme les administrateurs de la société si l'on veut que l'entreprise soit indépendante ? Quelle que soit l'option retenue, et je vous réponds le plus franchement possible, vous voyez bien que le choix ne peut relever que du législateur. Le régulateur prendra acte du dispositif.

La numérotation des chaînes est une des belles missions du CSA, et ce ne sera pas nécessairement la plus facile compte tenu du sort prévu pour France 4 et France Ô – la question de la numérotation se posera alors. La loi a prévu un certain nombre de principes et de garde-fous, et la jurisprudence du Conseil d'État aussi. Il faut bien évidemment prendre en compte le confort du téléspectateur – je pense que c'est un élément crucial. Il n'y a rien de plus terrible, quand on est devant sa télévision, que d'avoir à chercher une chaîne qui n'est pas placée de manière logique par rapport aux autres. Vous comprendrez que je n'aille pas plus loin : cela suppose une instruction du dossier et une délibération du collège.

En ce qui concerne les modes de collaboration entre autorités de régulation, Mme Dumas a souligné à juste titre que l'on peut tout fait imaginer des formules de délibération collective – même si je n'en ai pas parlé tout à l'heure, j'avais ce scénario en tête. Une sorte de collège commun pourrait traiter des sujets d'intérêt collectif, sans remettre en cause l'autonomie de chaque institution. C'est une piste intéressante. Ce serait une « conférence des présidents », si je peux employer cette image.

J'en viens aux correctifs à apporter à l'asymétrie liée aux GAFAM, dans un contexte marqué par la mise en oeuvre de la directive SMA et par le fait que de nouveaux acteurs vont entrer dans le périmètre de la régulation – on sera en mesure de leur imposer des obligations dans le pays de destination de leurs activités. Je ne vais pas dévoiler ma stratégie, en effet, mais je crois qu'il faut avoir une approche de politique publique globale. Vous avez cité le CNC : nous avons besoin, en effet, d'une approche prenant en compte cet acteur qui jouera un rôle très important. Il y a aussi les différents acteurs de la chaîne, que vous connaissez très bien, des auteurs aux distributeurs en passant par les producteurs et les diffuseurs. Il faut imaginer un scénario global et construire un chemin. Vous avez eu raison de dire que ce sera un des beaux chantiers des six prochaines années.

Vous m'avez interrogé sur la suspicion qui pèserait sur le CSA, monsieur Berta. Je n'ai pas cette perception, pour ma part, et vous n'en serez peut-être pas surpris. Je crois qu'il y a des signes de confiance à l'égard de cette institution, notamment l'explosion du nombre de saisines qui a eu lieu l'an dernier. Il me semble que le mode de désignation des membres du collège, par des autorités différentes, permet quand même de préserver l'autonomie et l'indépendance du conseil. C'est la même question que pour la nomination des dirigeants de l'audiovisuel public : quel scénario alternatif pourrait-on imaginer ? Serait-il préférable que les membres du CSA soient désignés au sein des grands corps de l'État ? Ils sont très critiqués, eux aussi, y compris au sein du Parlement, sous l'angle de leur « entre-soi ». Je n'ai pas votre lecture un peu sombre de la situation, si je puis me permettre. Je crois qu'il y a vraiment des signes de force du côté du CSA. L'indépendance et l'exemplarité ne se proclament pas : elles se prouvent, elles se démontrent. Je le dis modestement, mais j'appréhende la fonction dans cette logique. Le CSA est une autorité indépendante : à nous de faire vivre cette indépendance, de la démontrer, de la prouver. C'est ainsi que l'on répond à la question de la confiance, selon moi.

Le traitement des Gilets jaunes a suscité beaucoup de débats, y compris dans les rédactions des chaînes d'information en continu. Face à ce phénomène très inédit par sa forme, sa nature et son caractère insaisissable, dans la mesure où il n'y a pas de représentants institutionnels comme c'est le cas pour la vie politique « normale », le fonctionnement même des chaînes peut avoir un effet de loupe : certains ont eu le sentiment que, tout à coup, il n'y avait plus que ce type d'informations.

Il ne faut jamais perdre de vue, et j'y veillerai, que la loi de 1986 est fondamentalement une loi de liberté – elle est d'ailleurs intitulée « loi relative à la liberté de communication ». Dans ce domaine, l'une des premières libertés est éditoriale. Les éditeurs autorisés, dans le cadre des conventions qu'ils ont conclues, ont la responsabilité de leur ligne éditoriale. C'est à eux de l'assumer, et le régulateur n'a aucunement vocation à s'immiscer dans la ligne éditoriale d'une entreprise. On imagine bien comment serait perçue une intervention du régulateur. Il n'a aucun titre pour agir.

Le législateur, dans sa sagesse, a néanmoins posé un certain nombre de garde-fous en 1986 et dans les lois ultérieures, en demandant au CSA de les faire respecter : le respect du pluralisme et de la diversité des expressions, la représentation de toutes les composantes de la société, ainsi que la protection de la jeunesse et de l'ordre public – c'est explicitement mentionné dans la loi. Ces principes se déclinent dans les conventions conclues entre le CSA et les éditeurs – je précise d'ailleurs qu'on peut les trouver sur le site internet du CSA. Beaucoup de clauses de nature déontologique s'appliquent, et il appartient au CSA de s'assurer de leur respect, toujours a posteriori et non a priori. En cas de transgression, il est de la responsabilité du CSA d'utiliser les dispositions que le législateur lui a confiées, en adoptant des mises en garde, des mises en demeure et, le cas échéant, des sanctions.

Dans la situation actuelle, je crois que le CSA s'est saisi de quelques épisodes. Il me semble que le fait de réunir les acteurs concernés serait une initiative heureuse. J'ai évoqué tout à l'heure l'esprit de responsabilité des acteurs dans lequel j'appréhende mes fonctions : le fait de mettre autour de la table l'ensemble des acteurs, sans trop tarder, afin qu'ils puissent simplement échanger sous le regard du régulateur, qui se trouve à équidistance des uns et des autres, constituerait probablement une réponse appropriée à des phénomènes aussi inhabituels et circonstanciels. J'insiste beaucoup sur la dimension de liberté de la loi de 1986 : il faut faire très attention en la matière.

Vous savez que le Gouvernement a confié à l'ancien président-directeur général de l'Agence France-Presse, Emmanuel Hoog, une mission relative à la déontologie de la presse dont les conclusions devraient être connues dans quelques jours. Nous verrons alors quelles sont les propositions. S'agira-t-il de créer un nouvel organisme, un conseil de déontologie ? Attendons de voir ce qu'il en est. Si un organisme de ce type doit voir le jour, il sera important de regarder quelle sera son articulation avec le CSA et ses attributions. Je pense que les questions de déontologie sont avant tout un sujet de responsabilité qui doit trouver une réponse dans les entreprises et les rédactions.

Je crois avoir déjà répondu à la question relative aux dirigeants de l'audiovisuel public que Mme Bazin-Malgras m'a posée.

Mme Bannier m'a interrogé, d'une certaine manière, sur la relation entre le CSA et les Français. Je crois avoir répondu un peu à cette question dans mon propos liminaire lorsque j'ai évoqué l'idée d'une régulation participative. Je pense que le CSA doit être à l'écoute des Français. Ils regardent beaucoup la télévision, ils écoutent beaucoup la radio aussi, et ils ont des choses à dire, chacun ayant son point de vue, bien entendu. Il faut que l'institution soit ouverte et à l'écoute. Nous ne sommes pas dans une démocratie directe, en l'espèce, mais une bonne régulation consiste à entendre non seulement ce que disent les acteurs économiques en présence mais aussi les Français. Le législateur a confié au CSA un rôle en matière d'éducation aux médias, et il existe une série d'initiatives en la matière. Je crois qu'il faudrait aller plus vite, plus fort et plus loin dans le domaine, car c'est de nature à contribuer à la confiance.

La question de la désinformation a déjà été évoquée tout à l'heure, au sujet de la loi de décembre 2018. Nous allons mettre ce texte en oeuvre et nous verrons ce que cela donnera. Il faudra faire un bilan et tirer des enseignements, mais nous avons d'abord à appliquer la loi.

J'ai été très sensible à la question de M. Gérard sur l'outre-mer. Je crois que c'est un vrai sujet. Il y a tout de même des obligations pesant sur les chaînes publiques, qui figurent dans les cahiers des charges et les contrats d'objectifs et de moyens. Malgré le raffinement qui a eu lieu dans ce domaine au fil des années, force est de constater que le résultat n'est pas au rendez-vous. La situation n'est pas satisfaisante : les outre-mer doivent être présents dans l'ensemble des compartiments de l'offre de service public. Cela va de la météo – il existe maintenant une réponse dans ce domaine – à l'information, à la fiction et aussi au fait d'avoir des émissions de prime time consacrées à l'outre-mer. Il n'est pas normal qu'il y ait une sous-représentation. Cela fait partie des réflexions sur la réforme de l'audiovisuel public, comme vous le savez. La présidente de France Télévisions, qui a été entendue il y a peu de temps par la délégation sénatoriale aux outre-mer, a eu l'occasion de le souligner. C'est vraiment un sujet sur lequel il faut réaliser des progrès, telle est ma conviction. Outre-mer 1ère est un dispositif qui fonctionne bien, et France info devrait bientôt être présente outre-mer. Il est essentiel que l'outre-mer ait toute sa place au sein de l'offre de service public, dans sa globalité. C'est pour moi un élément qui doit être tangible : je pense qu'il faudrait se donner, dans le cadre des cahiers des charges et des contrats d'objectifs et de moyens, des indicateurs concrets pour suivre la question de près. Je rappelle que le CSA fait des comptes rendus annuels sur l'exécution des cahiers des charges et des contrats d'objectifs et de moyens des sociétés nationales.

M. Reiss m'a interrogé sur la création d'un ombudsman européen : c'est une belle ambition, mais elle dépasse un peu ma modeste condition. Vous avez compris qu'une bonne partie des débats qui vont nous animer dans le cadre de la nouvelle régulation à l'ère du numérique se passera, par définition, au niveau européen. Je veux être positif et confiant : je trouve que la situation bouge, car les opinions publiques évoluent en Europe. Les préoccupations qui sont les nôtres, et que l'on retrouve déjà en grande partie dans notre législation, existent aussi dans les autres pays. Je suis frappé de constater que dans le débat sur la taxation des géants d'internet, même si l'on n'est pas encore arrivé au bout du chemin, les choses ont quand même bougé assez radicalement en peu de temps. Je préfère avoir cette lecture confiante de l'avenir. Par ailleurs, la dimension européenne est bien sûr tout à fait centrale.

Mme Petit a évoqué la question de la diversité. Je me suis exprimé au sujet de France Ô et des réponses qu'il faut apporter en ce qui concerne le service public. Plus globalement, j'ai été très frappé par le dernier baromètre de la diversité qui a été publié par le CSA. Des années que j'ai passées à la Présidence de la République, j'ai notamment gardé le souvenir, personnel, d'un Président de la République qui a réuni pour la première fois les patrons de toutes les entreprises de l'audiovisuel afin de les mettre au pied du mur sur ce thème, en leur disant qu'il était scandaleux que les présentateurs, la fiction et l'ensemble du dispositif donnent une image aussi biaisée de la réalité de la société française. C'était il y a déjà longtemps, au début des années 2000. Nous sommes en 2019, mais quand je regarde le baromètre de la diversité, je me dis qu'il y a encore beaucoup de chemin à parcourir. C'est un enjeu de cohésion sociale. Le législateur, dans les obligations qu'il fait peser sur le CSA, lui demande de regarder les initiatives qu'il peut prendre, ou en tout cas d'accompagner les actions susceptibles de contribuer à la cohésion sociale. Le sujet dont nous parlons est à l'évidence majeur sur ce plan. C'est une question centrale dans les débats qui traversent la société française depuis quelques semaines, et même quelques mois. Il faudra donc être très attentif.

Je ne reviens pas sur la régulation à l'ère du numérique, car je pense avoir traité ce sujet à plusieurs reprises. Ce sera, je l'ai dit, l'un des enjeux les plus importants pour le CSA dans les six années qui viennent.

Le pluralisme est un principe tout à fait essentiel pour le CSA, singulièrement dans la période qui va s'ouvrir, puisque nous allons entrer dans une période électorale. Vous savez que les règles en vigueur depuis de nombreuses années, dites des « trois tiers » – un tiers du temps de parole pour l'exécutif, un tiers pour la majorité et un autre tiers pour l'opposition –, ont été revues par le CSA après les élections de 2017, à l'issue d'une concertation assez élargie : une nouvelle délibération, datant de novembre 2017, est entrée en vigueur au mois de janvier suivant. Hors période électorale, ce qui est encore le cas à l'heure actuelle, la règle est qu'un tiers du temps est réservé à l'exécutif – c'est-à-dire le Président de la République, ses collaborateurs et le Gouvernement, étant entendu que l'on comptabilise les interventions du Président de la République quand il intervient dans le « débat politique national », et non dans le cadre de son action de chef d'État – et que le reste du temps doit être réparti entre les autres formations politiques, en fonction de leur représentativité, laquelle est appréciée par le CSA selon une série de critères. Cette délibération est publique, et on peut la trouver sur le site internet du CSA. Les chaînes ont l'obligation de déclarer au CSA les temps de parole dans l'ensemble de leurs programmes. Le CSA procède lui-même à des vérifications, par ses propres services, et il communique aux autorités politiques, à l'Assemblée nationale, au Sénat et aux partis politiques des informations sur les temps de parole. Les chaînes doivent assurer le pluralisme par un équilibre entre les interventions. On regardera ainsi quelle est la comptabilisation des temps de parole au premier trimestre 2019 et comment les chaînes ont suivi leur obligation de respecter la diversité des points de vue.

Mme Brugnera m'a enfin interrogé sur la manière dont on pourrait redonner de la confiance. Je pense qu'on ne l'a pas perdue à l'égard du CSA – pardonnez-moi ce plaidoyer pro domo. C'est une mise en question des médias eux-mêmes. Même s'il faut avoir une lecture assez subtile du document publié par La Croix, il est vrai qu'il y a un climat de suspicion générale. Le CSA doit veiller à ce que les acteurs ayant conclu des conventions avec lui respectent les règles auxquelles ils sont soumis. Je ferai en sorte que ce soit le cas, non pas de façon tatillonne, mais en souhaitant vraiment que l'on joue la carte de la responsabilité des acteurs et que l'on aille dans le sens de la corégulation. Cela dit, le régulateur a une responsabilité à exercer dans certaines circonstances. Je reviens sur la notion de courage : il y a des moments où il faut savoir utiliser les armes dont on dispose. Quand j'étais Médiateur du cinéma – c'est une autorité qui a un petit pouvoir d'injonction, le Médiateur pouvant imposer une solution aux parties, à un moment donné –, j'ai utilisé ce pouvoir à plusieurs reprises, à chaque fois que cela me paraissait nécessaire. Le CSA a également des pouvoirs, et il est normal qu'il utilise les armes qui sont les siennes en cas d'infractions sérieuses à des principes législatifs fondamentaux.

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