Intervention de Benjamin Smith

Réunion du mardi 22 janvier 2019 à 17h05
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Benjamin Smith, directeur général d'Air France-KLM :

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je vous remercie de nous avoir donné l'opportunité d'intervenir devant votre commission. C'est un honneur et un privilège de pouvoir m'exprimer devant vous. Je vais faire ma présentation en français, et je vous remercie de me permettre de répondre ensuite en anglais aux questions de la commission.

En préalable, je tiens à remercier l'État, qui occupe une place importante au sein du conseil d'administration d'Air France-KLM, de m'avoir fait confiance pour prendre la direction opérationnelle du groupe. Notre groupe franco-néerlandais est un groupe magnifique, bâti autour de deux marques prestigieuses – Air France et KLM. Vous pouvez compter sur mon expérience et mon engagement total pour qu'Air France-KLM redevienne leader en Europe ; nous avons tous les atouts.

Le conseil d'administration m'a confié trois principales missions : trouver une solution au conflit social au sein d'Air France et nommer un directeur général, dans le cadre d'un dialogue social renouvelé et apaisé ; diriger et développer le groupe Air France-KLM au bénéfice de toutes ses marques autour de valeurs partagées avec tous les salariés du groupe – confiance, respect et transparence ; mettre en place une gouvernance qui permettra d'améliorer l'efficacité et la rentabilité du groupe et d'accélérer son potentiel de développement.

S'agissant de mon premier objectif, des étapes majeures ont été franchies depuis mon arrivée. Il s'agit d'abord de la résolution du conflit salarial qui avait donné lieu au référendum du mois de mai 2018 : le 19 octobre, nous sommes parvenus à un accord salarial pour l'ensemble des catégories de personnel. Cet accord a été approuvé par la très grande majorité des syndicats de la compagnie. Le 10 janvier, nous avons conclu un accord avec les personnels navigants commerciaux. La négociation avec les pilotes se poursuit dans une atmosphère très positive.

La nomination de Mme Anne Rigail, une femme aux compétences remarquables, nous permet de clore positivement cette première étape. Anne a tout mon soutien ; je sais que je peux compter sur elle pour développer le groupe à mes côtés.

Concernant le groupe Air France-KLM, la gouvernance doit favoriser au maximum les synergies entre les différentes compagnies. Chacune a ses atouts, qui doivent être utilisés collectivement pour lutter contre la concurrence. Je crois dans la puissance des marques : nous devons mieux valoriser celle d'Air France. Certaines marques du groupe portent des promesses qui ne sont pas bien comprises par nos clients. C'est pourquoi j'ai décidé de lancer un projet visant à l'abandon de la marque Joon et à l'intégration de ses salariés au sein d'Air France, dans des conditions qui permettent de préserver la compétitivité du groupe.

Après un été 2018 très difficile, la performance opérationnelle de Hop ! – dont le rôle au service des territoires est très important – s'améliore. Nous réduisons le nombre de types d'avions, nous optimisons la maintenance et diminuons nos coûts. Nous étudions la marque et le produit pour nous assurer qu'ils sont bien positionnés sur le marché. Là aussi, je souhaite simplifier notre offre et garantir une meilleure compréhension aux yeux de nos clients.

Le modèle d'Air France-KLM est aussi sa force : il est construit autour de marques globales puissantes et de plateformes de correspondance très bien connectées au coeur de l'Europe. Le potentiel d'attraction touristique et économique de Paris constitue un atout incontestable et Amsterdam a développé une des plateformes de correspondance les plus efficaces au monde. L'aéroport de Paris-Orly est une base idéale pour la desserte des régions françaises et pour le développement de notre compagnie à bas coûts Transavia. Cette dernière est très appréciée de nos clients, ses résultats économiques sont remarquables et nous permettent de combattre très efficacement nos concurrents sur le marché du low cost. Au sein du groupe, Transavia est aujourd'hui bien implantée aux Pays-Bas et en France.

Air France et KLM sont complémentaires et ne pourraient survivre l'une sans l'autre dans un paysage aérien en consolidation. En France, comme aux Pays-Bas, nous célébrons tous avec fierté les histoires de nos deux grandes marques et mon ambition est de les développer. Air France-KLM est le troisième groupe aérien en Europe derrière International Airlines Group (IAG) – comprenant British Airways, Iberia, Level, Vueling et Aer Lingus – et derrière Lufthansa group – comprenant Lufthansa, Austrian Airlines, Swiss, Eurowings et Brussels Airlines.

Mon objectif est que le groupe redevienne numéro un en Europe et une des compagnies les plus puissantes dans le monde. Je suis convaincu que nous pouvons réussir.

La première étape consiste à développer une vision partagée de l'avenir du groupe avec tous nos partenaires. À Air France, cela repose sur le développement d'une nouvelle culture, bâtie sur le respect mutuel et une confiance forte entre les salariés d'Air France et la direction. Une bonne relation, ainsi que le soutien et l'engagement des salariés, sont nécessaires pour réussir, car ces derniers représentent la marque Air France.

Cela repose aussi sur la négociation d'un accord équilibré pour les salariés et l'entreprise sur le long terme. Sur cette base et sur la flexibilité qu'ils nous apportent, je construis les prochaines étapes de la stratégie du groupe.

KLM et Schiphol sont des atouts. Le succès d'Air France et de KLM est une nécessité. C'est ensemble, avec un groupe soudé et performant, que nous pourrons dépasser IAG et Lufthansa.

Sur le plan économique et financier, la première partie de l'année 2018 a été difficile pour le groupe en raison des quinze journées de grève entre le 22 février et le 8 mai, qui nous ont coûté 335 millions d'euros. Le groupe Air France-KLM a réalisé un résultat d'exploitation solide sur le trimestre de l'été 2018 et un résultat cumulé de près d'un milliard trois cents millions d'euros sur les neuf premiers mois de l'année. Les résultats 2018 du groupe seront présentés le 20 février prochain.

Enfin, le niveau de marge opérationnelle d'Air France reste très décalé par rapport à celui de KLM, ainsi que celui de ses principaux concurrents, qui affichent dans leur majorité des marges supérieures à 10 %. La réduction de l'écart est prioritaire pour 2019 et les années suivantes.

En matière d'environnement économique, la concurrence va continuer de se renforcer en 2019. C'est le cas avec le long-courrier low cost, symbolisé par la compagnie Norwegian sur les vols transatlantiques. En outre, la concurrence des compagnies du Golfe ne faiblit pas – leur croissance est supérieure à 10 %. À terme, elles constituent un risque majeur pour le développement de l'économie en France et la connectivité de son territoire.

Les compagnies Ryanair, EasyJet, Vueling ou Volotea poursuivent leur développement en France. En 2019, elles vont augmenter leur offre de près de 10 % sur notre territoire, en y basant une dizaine d'avions supplémentaires. Dans le même temps, la croissance d'Air France-KLM ne sera que de quelques points. Nous perdrons donc des parts de marché.

Mais si j'interviens devant vous aujourd'hui, c'est également parce que le développement du groupe Air France-KLM, et plus particulièrement d'Air France, ne peut se faire sans un alignement total entre les autorités publiques et les différents acteurs du transport aérien. C'est exactement ce que les autres grands groupes ont fait pour réussir : avancer avec le soutien de leur gouvernement au bénéfice de l'industrie de leur pays.

93 % des salariés d'Air France sont basés en France, alors que nous générons la moitié de nos revenus hors du territoire. En 2018, Air France a recruté environ 2 800 personnes et autant de salariés en contrat à durée indéterminée (CDI) que le nombre total d'employés d'EasyJet en France. Ryanair n'emploie aucun salarié en France.

Notre compétitivité dépend étroitement de l'environnement réglementaire et des conditions économiques et sociales prévalant en France. Le groupe Air France-KLM a fait, et poursuivra, d'importants efforts d'adaptation, mais ce n'est pas suffisant et le rôle des pouvoirs publics est essentiel au succès de notre industrie en France et à l'attractivité du pays.

Dans ce contexte, je me suis félicité de l'initiative prise par le Gouvernement français d'organiser des Assises du transport aérien afin d'améliorer la compétitivité du secteur. Le marché du transport aérien va poursuivre son développement dans les prochaines années. Il s'agit d'une opportunité formidable pour l'économie et l'emploi en France. Trois types de mesures peuvent permettre aux compagnies françaises de participer enfin à cette croissance.

Tout d'abord, il faut faire diminuer le niveau des taxes et des cotisations sociales en France. Selon l'Association internationale du transport aérien – International Air Transport Association (IATA), la France est le pays d'Europe continentale où le transport aérien est le plus taxé. Il faut baisser le niveau des cotisations sociales, qui constitue un handicap majeur en termes de compétitivité, avec un écart annuel de 500 millions d'euros avec l'Allemagne et de 700 millions d'euros avec les Pays-Bas.

En outre, en France, la sûreté est entièrement à la charge des compagnies aériennes.

Enfin, le coût d'utilisation des infrastructures aéroportuaires et de navigation aérienne doit être maîtrisé et les performances doivent être améliorées. Les redevances aéroportuaires de Paris sont parmi les plus élevées d'Europe, alors que l'aéroport de Roissy figure en trente-septième place au classement Skytrax des meilleurs aéroports mondiaux en termes de qualité de service – Munich, Londres-Heathrow, Francfort et Zürich sont dans les dix premiers.

Une éventuelle privatisation d'Aéroports de Paris ne peut se faire au détriment de la compétitivité de son principal client, Air France. Elle doit également garantir des infrastructures de qualité et une capacité suffisante pour absorber la croissance sur la plateforme Roissy-Charles de Gaulle. Un projet de terminal 4 est en cours de discussion avec Aéroports de Paris.

Le cadre de régulation doit être renforcé et confié à une autorité administrative indépendante. Les recettes des commerces doivent – comme à Amsterdam et dans la plupart des pays du monde – contribuer à diminuer les redevances facturées aux compagnies aériennes.

Enfin, il faut instaurer une concurrence plus équitable avec les compagnies du Golfe qui bénéficient de subventions considérables de la part de leurs États. Il en est de même pour certains transporteurs low cost qui pratiquent du dumping social et bénéficient d'aides illégales de la part des collectivités locales. Je l'ai déjà mentionné, il s'agit d'un risque majeur pour Air France, mais également pour l'économie nationale et ses emplois. La stabilité et la performance d'Air France et de KLM en dépendent.

Les Assises devraient se clôturer dans quelques semaines. Le Gouvernement doit adopter des mesures ambitieuses qui généreront à leur tour des retombées positives tant en termes économiques, que de tourisme et d'emplois.

Je remercie et compte sur certains d'entre vous, notamment Mme Anne-Laure Cattelot et M. Jean-Baptiste Djebbari, qui ont largement contribué aux Assises en tant que responsables de thématiques, pour convaincre le Gouvernement de cette nécessité.

Je finis mon intervention sur la question essentielle de l'environnement. Air France-KLM s'est fixé pour objectif de réduire de 20 % ses émissions de CO2 par passagerkm d'ici 2020 par rapport à 2011. Nous sommes actifs dans tous les domaines et renouvelons notre flotte avec des appareils plus efficaces. Ces mesures ont permis d'économiser 20 000 tonnes de carburant en 2017, représentant environ 60 000 tonnes de CO2.

Air France-KLM est également très actif dans la recherche de carburants alternatifs durables et fait régulièrement des vols test utilisant du biocarburant. Une éventuelle décision de taxation du kérosène pour les vols domestiques porterait directement atteinte à l'objectif de restaurer la compétitivité du transport aérien français. Cela serait injustifié alors que ce dernier participe déjà au système communautaire d'échange de permis d'émissions pour ses vols européens. Il s'est par ailleurs fixé un objectif de croissance neutre en carbone à compter de 2020 dans le cadre de l'accord CORSIA signé au sein de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) en octobre 2016. Le secteur aérien est le premier secteur économique à s'être doté d'un accord mondial pour limiter ses émissions de CO2 et agir concrètement en matière de changement climatique.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je vous remercie pour votre attention, ainsi que pour l'honneur et le privilège de pouvoir m'exprimer devant vous. Nous sommes naturellement à votre disposition pour répondre à toutes vos questions.

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