Intervention de Loïc Prud'homme

Réunion du mardi 22 janvier 2019 à 17h05
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLoïc Prud'homme :

Je vais être assez direct, comme d'habitude.

Sous l'angle climatique, l'avion est le moyen de transport le plus nuisible, alors qu'il bénéficie le plus des aides publiques, directes et indirectes : il émet entre 14 et 40 fois plus de CO2 que le train par kilomètre parcouru et par personne transportée. Le carburant utilisé pour les vols intérieurs français est totalement exonéré de taxe intérieure sur la consommation de produits énergétiques (TICPE), mais aussi de taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Le kérosène est ainsi le seul carburant d'origine fossile dont la consommation ne fait l'objet d'aucune taxe. L'argent public serait mieux investi s'il allait non pas au financement du secteur de l'aviation, mais à des modes de transport plus compatibles avec la lutte contre le changement climatique et au désenclavement ferroviaire de certaines régions françaises.

Les 335 millions d'euros d'exonération de TICPE pour les vols intérieurs vous paraissent-ils justifiés, alors que le train ne bénéficie pas d'une telle exonération ? Voilà un paradoxe auquel il serait temps de mettre fin. Certains pays taxent déjà les vols intérieurs, comme l'Allemagne, la Suède, la Suisse, les Pays-Bas, les États-Unis, le Brésil et le Japon. C'est au tour de la France de mettre ses objectifs de limitation des émissions de CO2 en cohérence avec sa politique fiscale.

La taxation des billets pourrait, par ailleurs, offrir une alternative pour étendre notre fiscalité aux lignes aériennes internationales sans contrevenir au droit européen, qui restreint la possibilité de taxer les consommations de carburant dans ce domaine.

Il est également important que l'allocation gratuite de quotas de CO2 au secteur de l'aviation prenne fin : elle n'est aucunement justifiée car ce secteur n'est pas, par définition, soumis au risque de « fuite » de carbone.

Enfin, on doit souligner que l'avion est utilisé par des personnes qui disposent de davantage de moyens pour prendre des vacances et voyager d'un bout à l'autre de la planète. Les aides publiques bénéficient donc à des ménages qui en ont moins besoin que d'autres. Dans un souci de fixation des priorités pour l'argent public, une réorientation me paraît indispensable. Au lieu d'accorder des aides à des catégories de ménages qui n'en ont pas besoin, comme le Gouvernement semble en avoir pris l'habitude, il serait plus judicieux d'utiliser des recettes supplémentaires pour financer le développement d'alternatives de mobilité durables et accessibles à toutes et tous. La majorité y est sourde, mais c'est bien ce que réclament les citoyens dans la rue depuis des semaines. Il n'est plus défendable de prolonger l'inégalité de traitement qui avantage le secteur aérien par rapport au transport ferroviaire – il est, lui, soumis à des taxes pour sa consommation énergétique et il se trouve en concurrence avec l'avion sur certaines liaisons en France.

Ce ne sont donc pas vraiment des questions que j'ai à vous poser : j'ai plutôt pour envie et pour ambition de mettre en exergue la dissonance cognitive de nos dirigeants, qui se gargarisent de la lutte contre le changement climatique mais continuent à soutenir béatement le transport aérien.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.