Nous voici donc appelés à nous prononcer sur ce projet d'Agence nationale de la cohésion des territoires, annoncé par le Président de la République il y a dix-huit mois, devant la Conférence nationale des territoires au Sénat.
Je dirai presque : « Enfin ! ». Car, durant ces dix-huit mois, le Gouvernement et la majorité ont régulièrement renvoyé nombre de nos propositions et critiques au débat sur la création de cette agence. Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2019, par exemple, sur la suppression du Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (FISAC), comme sur tant d'autres sujets, la réponse était assez systématiquement : « Agence nationale de la cohésion des territoires ».
Cela a créé, comme vous le savez, madame la ministre, une attente très forte des parlementaires et des élus locaux quant au futur rôle de cette agence et, surtout, aux moyens dont elle disposera.
Sur la question du commerce et de l'artisanat, le groupe Socialistes et apparentés avait, comme le rapporteur général M. Joël Giraud d'ailleurs, porté un amendement pour proroger le FISAC en 2019, en ouvrant des crédits nouveaux. Celui-ci avait été rejeté par votre majorité, au motif qu'il s'agirait d'une mission de l'ANCT. Cependant la proposition de loi ordinaire, dans son article 2, ne cible précisément que les territoires d'intervention de l'EPARECA, c'est-à-dire les quartiers prioritaires de la politique de la ville et les quartiers du programme national de requalification des quartiers anciens dégradés (PNRQAD), situés dans des grandes villes ou villes moyennes. Pour nos territoires ruraux et de montagne, la promesse ne semble donc pas tenue, alors que les territoires urbains disposeront, eux, du programme « Action coeur de ville » et de la prolongation des moyens de l'EPARECA. Je ne veux évidemment rien enlever aux villes, même si cela va mieux en le disant. Madame la ministre, êtes-vous ouverte à ce que l'agence dispose d'outils « miroirs » de ceux de l'EPARECA pour accompagner les territoires ruraux les plus en difficulté ?
Je souhaiterais également vous interroger sur la mission de soutien aux projets de maintien des services publics, prévue dans ce même article 2. Nos concitoyens expriment depuis plusieurs mois, y compris dans la rue, et depuis quelques jours, dans les réunions du grand débat national, leur désespoir face au départ des services publics de l'État. Certaines communes voient disparaître dans la même année leur trésorerie publique, leur bureau de poste et leur caisse d'allocations familiales. C'est aussi cela qui casse la cohésion des territoires.
Le soutien de l'agence aux projets de maintien des services publics est nécessaire, mais l'État doit d'abord arrêter l'hémorragie de ses propres administrations déconcentrées, dont je conçois qu'elle ne date pas d'hier, par un moratoire sur les fermetures de sites.
Il y a, par ailleurs, quelque chose d'ubuesque à la dynamique actuelle : l'État se retire de certains territoires, forçant des collectivités volontaires à tenter de maintenir les services publics que lui-même n'assure plus, tout en contraignant les dépenses de ces collectivités, dans le cadre des contrats de maîtrise de la dépense publique locale, mais en leur proposant quand même son aide par le biais de l'agence...
Nous devrons vraiment, madame la ministre, remettre ces sujets sur le métier, afin de préciser et de clarifier les missions de l'agence.
Enfin, s'agissant de la gouvernance, je vous ai entendue devant la commission des affaires économiques, et aujourd'hui encore, rappeler votre souhait que l'État et ses opérateurs disposent de la majorité des voix au sein du conseil d'administration. Si vous deviez revenir sur les dispositions adoptées au Sénat, nous souhaitons que le principe d'au moins deux sénateurs et deux députés soit conservé, afin de garantir une représentation des oppositions parlementaires.