Intervention de Stéphane Lardy

Réunion du mardi 29 janvier 2019 à 16h15
Commission des affaires sociales

Stéphane Lardy, directeur général par intérim de France Compétences :

Merci, madame la présidente. Mesdames et messieurs les députés, tout d'abord, permettez-moi de vous remercier pour cette audition. Même si elle relève d'une exigence de la loi, j'ai ainsi l'occasion de faire le point avec vous sur les premiers pas de ce nouvel établissement qu'est France Compétences.

Mon intervention s'articulera autour de trois axes principaux : premièrement, un rappel des missions de France Compétences, telles que définies par la loi et par le décret d'application du 28 décembre 2018 ; deuxièmement, une description de sa gouvernance et de son fonctionnement interne ; troisièmement, une vue générale sur les chantiers qui attendent France Compétences lors du premier semestre 2019.

Concernant les missions de France Compétences, l'article 36 de la loi du 5 septembre 2018 définit l'organisme comme une institution nationale publique chargée de la régulation et du financement de la formation professionnelle et de l'apprentissage. La loi a été complétée par un décret d'application en date du 28 décembre 2018. Il s'agit donc d'un établissement public à caractère administratif, doté de la personnalité morale et de l'autonomie financière, placé sous la tutelle du ministre en charge de la formation professionnelle.

France Compétences a quatre missions principales : financer et distribuer, réguler et contrôler, observer et évaluer, informer et rendre compte.

La première mission consiste donc à répartir et verser les fonds en matière d'apprentissage et de formation professionnelle aux différents acteurs et institutions : aux futurs opérateurs de compétences (OPCO) pour les fonds de l'alternance et l'aide aux très petites entreprises (TPE) et aux petites et moyennes entreprises (PME) ; aux commissions paritaires interprofessionnelles régionales (CPIR), qui se substituent aux fonds de gestion des congés individuels de formation (FONGECIF), pour le financement et la gestion du compte personnel de formation (CPF) de transition professionnelle et du CPF des salariés démissionnaires ; à l'État pour le financement du plan d'investissement dans les compétences (PIC) ; à la Caisse des dépôts et consignations (CDC) pour le CPF ; aux prestataires choisis par appel d'offres pour la mise en oeuvre du Conseil en évolution professionnelle (CEP) pour les actifs occupés ; aux régions dans le cadre de la dotation régionale sur l'apprentissage à partir de 2020 ; à l'Agence de services et de paiement (ASP) pour l'aide au permis de conduire de 500 euros.

France Compétences gardera, en outre, une partie des contributions, afin d'assurer la péréquation des fonds de l'alternance. En effet, si une branche professionnelle n'a pas suffisamment de fonds au sein de son OPCO pour assurer le financement des contrats d'apprentissage ou de professionnalisation, ce dernier pourra demander une ressource complémentaire auprès de France Compétences.

Je vous rappelle qu'à partir de 2021 les unions pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) collecteront les contributions pour la formation professionnelle et l'apprentissage et France Compétences assurera un rôle de répartiteur. Les contributions attendues avoisineront 10 milliards d'euros. Pour les années 2019 et 2020, les textes réglementaires, notamment le décret du 28 décembre 2018, fixent les modalités transitoires de collecte et de répartition des enveloppes budgétaires. Par exemple, France Compétences doit verser à l'État, avant le 31 octobre 2019, une dotation de 1,532 milliard d'euros pour le PIC.

La deuxième mission, essentielle, de régulation globale du système vise à s'assurer du bon fonctionnement de ce dernier. À cette fin, France Compétences aura plusieurs outils à sa disposition.

France Compétences a pour mission de réguler les coûts et les règles de prise en charge des formations, d'en assurer le suivi et d'émettre des recommandations sur leurs évolutions. Ainsi, France Compétences devra faire des recommandations sur les niveaux de prise en charge fixés par les branches, dans une logique de convergence des coûts ; par exemple, nous savons que, potentiellement, 137 valeurs seront émises par les branches sur le BTS management des unités commerciales. Il reviendra donc à France Compétences de les analyser et de proposer des niveaux de prise en charge qui assureront une convergence des prix.

Comme vous le savez, la notion de recommandation, dans la loi, est très large. Ainsi, France Compétences pourra émettre des recommandations sur la qualité des actions de formation, sur leurs effets sur le niveau de qualification des actifs, sur l'égalité d'accès femmeshommes ou sur l'accès des personnes en situation de handicap. Ces recommandations seront publiques et transmises aux pouvoirs publics. France Compétences pourra aussi exercer une sorte de droit d'alerte, puisque l'établissement pourra signaler tout dysfonctionnement identifié, dans le cadre de ses missions en matière de formation professionnelle, aux services de contrôle de l'État.

La régulation consiste aussi à s'assurer que les certifications professionnelles répondent aux besoins de l'économie. C'est pourquoi l'ancienne Commission nationale de la certification professionnelle (CNCP) intègre France Compétences. Réguler, c'est également organiser le CEP et animer l'activité des acteurs retenus dans le cadre de l'appel d'offres. Il s'agira en outre de coordonner les acteurs du CPF de transition professionnelle, notamment en organisant un système informatique commun à l'ensemble des CPIR et en harmonisant les règles de prise en charge des dossiers de CPF de transition professionnelle sur l'ensemble du territoire. De plus, nous suivrons la mise en oeuvre des contrats de plan régional de développement des formations et de l'orientation professionnelles (CPRDFOP). Les régions, comme le veut la loi, doivent en effet faire remonter les données relatives aux CPRDFOP à France Compétences. Enfin, le décret du 28 décembre crée la fonction de médiation. C'est l'un des cas où France Compétences sera en contact direct avec le bénéficiaire final, puisqu'il sera chargé de répondre aux réclamations individuelles des usagers du CEP et du CPF de transition professionnelle.

La troisième grande mission de France Compétences est l'observation et l'évaluation. Elle consiste tout d'abord à évaluer la qualité des actions de formation. Nous suivrons les résultats en matière d'accès à l'emploi et de qualification, ainsi que l'articulation orientationformation au regard de l'égal accès de tous les actifs. Il s'agit ensuite de consolider et rendre publics les travaux des observatoires prospectifs des métiers et des qualifications des branches professionnelles. Comme je le disais précédemment, toute cette fonction d'évaluation pourra et devra faire l'objet de recommandations publiques.

Enfin, l'ensemble de ces missions et interventions fait l'objet d'une publicité. Cette quatrième grande mission de France Compétences s'inscrit dans une logique de meilleure transparence de l'ensemble du système. Cette mission consiste à publier les recommandations, à rédiger et diffuser le rapport annuel sur l'usage des fonds auprès du Parlement et du ministère du travail, ainsi que le rapport annuel relevant de l'activité du médiateur, et à publier des synthèses d'études et de travaux sur la formation professionnelle et l'alternance.

Je souhaiterais maintenant faire un point sur l'état de la gouvernance de France Compétences. Comme le veut la loi, cette gouvernance est quadripartite. Elle inclut des représentants de l'État, des représentants des organisations syndicales et des organisations professionnelles représentatives au niveau national et interprofessionnel, des représentants des régions et deux personnalités qualifiées.

Ces deux dernières sont nommées par arrêté du ministère du travail. Il s'agit en l'occurrence de M. Jérôme Tixier, ancien directeur des ressources humaines de L'Oréal, et de Mme Geneviève Manarinno, vice-présidente du conseil départemental du Nord sur les questions de l'autonomie des personnes âgées et personnes en situation de handicap. Elle est également élue municipale à Valenciennes.

Je précise que la loi et le décret disposent que le président est choisi parmi les personnalités qualifiées, que l'une d'entre elles doit détenir un mandat électif local et que sa nomination doit avoir recueillie l'avis du secrétariat d'État chargé des personnes handicapées, ce qui est effectivement le cas pour Mme Manarinno. M. Tixier a été désigné comme président par le décret du 14 janvier 2019.

En outre, le décret du 28 décembre 2018 dispose que, chaque année, le président du conseil d'administration présente l'activité de l'établissement ainsi que ses perspectives de travail à une assemblée composée des membres du conseil d'administration, de douze représentants de l'État, de représentants des organisations professionnelles représentatives au plan national et multiprofessionnel, de représentants des organisations syndicales de salariés intéressées, de représentants des trois réseaux consulaires et d'un représentant de la Conférence des présidents d'université (CPU).

Le point suivant porte sur l'organisation interne de France Compétences, qui rassemble l'ancien CNEFOP, l'ancienne CNCP et l'ancien Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP), ce qui implique une fusion d'une partie des missions et le rassemblement des personnels. Ayant été nommé préfigurateur fin octobre, mon principal travail a été d'organiser le passage matériel et juridique du personnel, pour que nous soyons prêts au 1er janvier 2019.

L'établissement ayant repris les anciens locaux du FPSPP, sis au 11 rue Scribe à Paris, il a fallu effectuer des travaux de réaménagement afin d'accueillir les anciens salariés du CNEFOP et de la CNCP, qui se trouvaient physiquement à Montparnasse. Les personnels se sont installés dans leurs nouveaux locaux le 11 janvier 2019.

France Compétences étant soumis à un plafond d'emploi de 70 équivalents temps plein travaillé (ETPT), l'organisme compte à ce jour 67 collaborateurs, nombre correspondant aux effectifs physiques, dont : le directeur général par intérim, trois recrutements externes, 43 anciens salariés du FPSPP, seize anciens salariés de la CNCP et quatre du CNEFOP.

Cinq directions métiers ont été créées dans l'organigramme fonctionnel : une direction chargée de la certification, qui aura pour mission d'organiser l'enregistrement des titres au registre national et au répertoire spécifique ; une direction de la politique de financement, qui sera chargée d'assurer la répartition des fonds auprès des différents acteurs et institutions et exercera un dialogue de gestion auprès des OPCO ; une direction de la régulation, qui émettra des recommandations sur les prises en charge des contrats en alternance et mettra en place un observatoire des coûts sur l'ensemble du champ de la formation professionnelle ; une direction des territoires et des partenariats, qui sera chargée de construire l'appel d'offres pour le CEP des actifs occupés, suivra les CPIR dans leur mission portant sur le CPF de transition et le CPF des salariés démissionnaires et construira des partenariats avec les régions afin d'assurer un suivi qualitatif des CPRDFOP ; enfin, une direction de l'évaluation et de l'observation, qui aura pour mission de travailler sur les évaluations, qui permettront notamment à France Compétences d'émettre des recommandations aux pouvoirs publics.

Le dernier point de mon intervention porte sur les premières décisions de l'établissement et sur les principaux chantiers de l'année 2019. L'installation du conseil d'administration a eu lieu le 17 janvier 2019. Nous avons travaillé sur le règlement intérieur et la charte de déontologie, auxquels sont soumis l'ensemble des membres du conseil d'administration, ainsi que le personnel de l'institution. Un avis a été donné sur la nomination du directeur général, un budget de fonctionnement transitoire a été voté, ainsi qu'une délibération permettant au directeur général par intérim de signer la convention financière et de gestion avec l'ASP, pour le versement de l'aide au permis de conduire de 500 euros. Nous avons prévu un conseil d'administration tous les mois pour le premier semestre, car des échéances importantes nous attendent.

Je souhaite évoquer un point particulier sur la certification. Le cadre juridique de la mission de certification professionnelle de France Compétences, fixé par l'article 31 de la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, est précisé par le décret du 18 décembre 2018 relatif à la procédure d'enregistrement au registre national des certifications professionnelles (RNCP) et au répertoire spécifique. Ce décret fixe la composition et le fonctionnement de la commission ; elle est composée de huit membres issus des organisations interprofessionnelles, de huit membres issus des ministères et de deux issus des régions. Le décret détermine aussi les critères d'enregistrement, notamment l'impact du projet de certification en matière d'accès ou de retour à l'emploi pour les actifs et sa valeur d'usage pour les acteurs économiques, ainsi que la procédure de contrôle en cours d'enregistrement des organismes certificateurs.

Par ailleurs, un arrêté du 4 janvier 2019 détaille les informations permettant l'enregistrement d'une certification professionnelle ou d'une certification ou habilitation dans les répertoires nationaux. Cet arrêté fixe le principe d'une téléprocédure pour les demandes d'enregistrement aux répertoires. Conformément aux exigences de la réglementation, elle sera prête pour la première semaine de février. Cette téléprocédure permettra une meilleure traçabilité et une meilleure réactivité de la procédure de demande d'enregistrement, qui jusqu'à présent se faisait par dossier papier.

Un nouveau site public des répertoires est prévu pour le mois d'avril, afin d'améliorer la lisibilité de l'offre de certification pour les entreprises, les actifs et les professionnels du secteur de la formation professionnelle. Consécutivement, des travaux d'optimisation des systèmes d'information des répertoires s'échelonneront sur l'ensemble de l'année 2019, notamment pour créer une interface avec le système d'information du CPF.

Enfin, la désignation des membres de la commission de certification professionnelle de France Compétences par les ministères et les organisations membres est en cours depuis le mois de janvier. Nous espérons une publication des arrêtés en février. Une première réunion d'installation de la commission devrait intervenir début mars, pour partager les évolutions portées par la loi et ses textes d'application, adopter le règlement intérieur, qui est spécifique à la commission de certification, et informer quant aux modalités d'instruction, par les services de France Compétences, des demandes d'enregistrement soumises pour avis à la commission.

Concernant nos prochaines échéances, je vous rappelle que le conseil d'administration se réunira tous les mois ; le décret exige au minimum six réunions par an. Ce quota sera rapidement rempli. Le prochain conseil d'administration du 14 février nous donnera l'occasion de fixer la répartition des enveloppes pour 2019. La phase actuelle est transitoire, avant que l'URSSAF ne collecte en 2021 l'ensemble des contributions. Le conseil d'administration de France Compétences doit émettre avant le 15 mars des recommandations sur les niveaux de prise en charge des contrats d'apprentissage fixés par les commissions paritaires nationales de l'emploi (CPNE) ou les comités paritaires de branche (CPB). Le calendrier est le suivant : les CPNE et les CPB doivent envoyer aux OPCO, avant le 1er février, l'ensemble de leurs niveaux de prise en charge, en fonction des diplômes de leur sphère d'activité. Puis les OPCO doivent envoyer à France Compétences les préconisations des branches, que nous allons analyser. Nous devrons ensuite informer les branches si nous sommes d'accord avec les coûts liés à tel ou tel diplôme, par exemple 7 000 euros pour tel ou tel CAP. Si nos analyses sont divergentes, nous émettrons des recommandations, dans une logique de convergence des coûts, en demandant à la branche de se conformer aux recommandations fixées par le conseil d'administration de France Compétences. Ces recommandations doivent être émises avant le 15 mars prochain.

Au mois d'avril, nous devons lancer l'appel d'offres pour le choix des opérateurs régionaux pour le CEP des actifs occupés. Le choix des prestataires doit être réalisé en octobre, afin de leur permettre de se déployer sur le territoire et d'être prêts au 1er janvier 2020.

Les échéances qui nous attendent sont rapides et importantes. Elles sont issues des textes légaux et réglementaires. D'autres sujets nous occuperont, au sein du conseil d'administration, au cours de l'année 2019.

Je tenais également à signaler que, dans le cadre de ma mission de préfiguration et au cours de mes trois premières semaines en tant que directeur général par intérim de France Compétences, j'ai rencontré des équipes, issues des anciens CNEFOP, CNCP et FPSPP, extrêmement motivées par ce nouveau défi et porteuses de grandes compétences professionnelles. Elles souhaitent que ce nouvel opérateur réussisse et sont très investies dans leur nouvelle mission. Je ne sais pas si, par nature, un directeur général par intérim peut être optimiste, mais je constate que les équipes sont motivées par cette nouvelle aventure, au sein d'un opérateur très jeune, qui n'a été créé que le 1er janvier dernier. Le travail réalisé jusqu'à présent est assez remarquable, au regard de ce laps de temps très réduit et des contingences temporelles qui s'imposent à nous.

Voilà, madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, les premières étapes de la création de France Compétences. Je vous remercie pour votre attention, et suis à votre écoute pour répondre à toutes vos questions.

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