Mardi 29 janvier 2019
La séance est ouverte à seize heures vingt.
Présidence de Mme Brigitte Bourguignon, présidente
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La commission entend M. Stéphane Lardy, candidat pressenti à la direction générale de France Compétences.
Mesdames et messieurs, avant de passer au point principal de notre ordre du jour, nous devons procéder à plusieurs désignations.
S'agissant du rapporteur de la proposition de loi portant suppression de la prise en compte des revenus du conjoint dans la base de calcul de l'allocation aux adultes handicapés, j'ai reçu la candidature de Mme Marie-George Buffet.
S'agissant du rapporteur de la proposition de loi visant à augmenter le salaire minimum et interprofessionnel de croissance et les salaires en accompagnant les très petites entreprises et petites et moyennes entreprises, j'ai reçu la candidature de M. Stéphane Peu. Monsieur Peu, je vous remercie pour votre présence.
En remplacement de Mme Petit, j'ai reçu la candidature de M. Guillaume Chiche comme référent auprès du Défenseur des droits. En tant que référent auprès de France Compétences, organisme nouveau, j'ai reçu la candidature de M. Boris Vallaud, antérieurement référent auprès du Conseil national de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles (CNEFOP), dont l'activité a été absorbée par France Compétences.
Mesdames et messieurs, quel est votre avis sur ces désignations ? Je constate qu'il n'y a pas d'objection. Ces désignations sont donc approuvées.
Concernant notre point principal à l'ordre du jour, il ne m'est pas nécessaire de vous rappeler, mes chers collègues, les circonstances de la création de France Compétences. Les débats relatifs à la création de cet organisme nous ont longuement occupés lors de l'examen du projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel. Vous devez être impatients de poser des questions à M. Lardy, ce que permet cette audition, prévue à l'article L. 6123-8 du code du travail. Je rappelle que cette audition ne donne pas lieu à vote de notre commission.
Monsieur Lardy, vous avez la parole.
Merci, madame la présidente. Mesdames et messieurs les députés, tout d'abord, permettez-moi de vous remercier pour cette audition. Même si elle relève d'une exigence de la loi, j'ai ainsi l'occasion de faire le point avec vous sur les premiers pas de ce nouvel établissement qu'est France Compétences.
Mon intervention s'articulera autour de trois axes principaux : premièrement, un rappel des missions de France Compétences, telles que définies par la loi et par le décret d'application du 28 décembre 2018 ; deuxièmement, une description de sa gouvernance et de son fonctionnement interne ; troisièmement, une vue générale sur les chantiers qui attendent France Compétences lors du premier semestre 2019.
Concernant les missions de France Compétences, l'article 36 de la loi du 5 septembre 2018 définit l'organisme comme une institution nationale publique chargée de la régulation et du financement de la formation professionnelle et de l'apprentissage. La loi a été complétée par un décret d'application en date du 28 décembre 2018. Il s'agit donc d'un établissement public à caractère administratif, doté de la personnalité morale et de l'autonomie financière, placé sous la tutelle du ministre en charge de la formation professionnelle.
France Compétences a quatre missions principales : financer et distribuer, réguler et contrôler, observer et évaluer, informer et rendre compte.
La première mission consiste donc à répartir et verser les fonds en matière d'apprentissage et de formation professionnelle aux différents acteurs et institutions : aux futurs opérateurs de compétences (OPCO) pour les fonds de l'alternance et l'aide aux très petites entreprises (TPE) et aux petites et moyennes entreprises (PME) ; aux commissions paritaires interprofessionnelles régionales (CPIR), qui se substituent aux fonds de gestion des congés individuels de formation (FONGECIF), pour le financement et la gestion du compte personnel de formation (CPF) de transition professionnelle et du CPF des salariés démissionnaires ; à l'État pour le financement du plan d'investissement dans les compétences (PIC) ; à la Caisse des dépôts et consignations (CDC) pour le CPF ; aux prestataires choisis par appel d'offres pour la mise en oeuvre du Conseil en évolution professionnelle (CEP) pour les actifs occupés ; aux régions dans le cadre de la dotation régionale sur l'apprentissage à partir de 2020 ; à l'Agence de services et de paiement (ASP) pour l'aide au permis de conduire de 500 euros.
France Compétences gardera, en outre, une partie des contributions, afin d'assurer la péréquation des fonds de l'alternance. En effet, si une branche professionnelle n'a pas suffisamment de fonds au sein de son OPCO pour assurer le financement des contrats d'apprentissage ou de professionnalisation, ce dernier pourra demander une ressource complémentaire auprès de France Compétences.
Je vous rappelle qu'à partir de 2021 les unions pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) collecteront les contributions pour la formation professionnelle et l'apprentissage et France Compétences assurera un rôle de répartiteur. Les contributions attendues avoisineront 10 milliards d'euros. Pour les années 2019 et 2020, les textes réglementaires, notamment le décret du 28 décembre 2018, fixent les modalités transitoires de collecte et de répartition des enveloppes budgétaires. Par exemple, France Compétences doit verser à l'État, avant le 31 octobre 2019, une dotation de 1,532 milliard d'euros pour le PIC.
La deuxième mission, essentielle, de régulation globale du système vise à s'assurer du bon fonctionnement de ce dernier. À cette fin, France Compétences aura plusieurs outils à sa disposition.
France Compétences a pour mission de réguler les coûts et les règles de prise en charge des formations, d'en assurer le suivi et d'émettre des recommandations sur leurs évolutions. Ainsi, France Compétences devra faire des recommandations sur les niveaux de prise en charge fixés par les branches, dans une logique de convergence des coûts ; par exemple, nous savons que, potentiellement, 137 valeurs seront émises par les branches sur le BTS management des unités commerciales. Il reviendra donc à France Compétences de les analyser et de proposer des niveaux de prise en charge qui assureront une convergence des prix.
Comme vous le savez, la notion de recommandation, dans la loi, est très large. Ainsi, France Compétences pourra émettre des recommandations sur la qualité des actions de formation, sur leurs effets sur le niveau de qualification des actifs, sur l'égalité d'accès femmeshommes ou sur l'accès des personnes en situation de handicap. Ces recommandations seront publiques et transmises aux pouvoirs publics. France Compétences pourra aussi exercer une sorte de droit d'alerte, puisque l'établissement pourra signaler tout dysfonctionnement identifié, dans le cadre de ses missions en matière de formation professionnelle, aux services de contrôle de l'État.
La régulation consiste aussi à s'assurer que les certifications professionnelles répondent aux besoins de l'économie. C'est pourquoi l'ancienne Commission nationale de la certification professionnelle (CNCP) intègre France Compétences. Réguler, c'est également organiser le CEP et animer l'activité des acteurs retenus dans le cadre de l'appel d'offres. Il s'agira en outre de coordonner les acteurs du CPF de transition professionnelle, notamment en organisant un système informatique commun à l'ensemble des CPIR et en harmonisant les règles de prise en charge des dossiers de CPF de transition professionnelle sur l'ensemble du territoire. De plus, nous suivrons la mise en oeuvre des contrats de plan régional de développement des formations et de l'orientation professionnelles (CPRDFOP). Les régions, comme le veut la loi, doivent en effet faire remonter les données relatives aux CPRDFOP à France Compétences. Enfin, le décret du 28 décembre crée la fonction de médiation. C'est l'un des cas où France Compétences sera en contact direct avec le bénéficiaire final, puisqu'il sera chargé de répondre aux réclamations individuelles des usagers du CEP et du CPF de transition professionnelle.
La troisième grande mission de France Compétences est l'observation et l'évaluation. Elle consiste tout d'abord à évaluer la qualité des actions de formation. Nous suivrons les résultats en matière d'accès à l'emploi et de qualification, ainsi que l'articulation orientationformation au regard de l'égal accès de tous les actifs. Il s'agit ensuite de consolider et rendre publics les travaux des observatoires prospectifs des métiers et des qualifications des branches professionnelles. Comme je le disais précédemment, toute cette fonction d'évaluation pourra et devra faire l'objet de recommandations publiques.
Enfin, l'ensemble de ces missions et interventions fait l'objet d'une publicité. Cette quatrième grande mission de France Compétences s'inscrit dans une logique de meilleure transparence de l'ensemble du système. Cette mission consiste à publier les recommandations, à rédiger et diffuser le rapport annuel sur l'usage des fonds auprès du Parlement et du ministère du travail, ainsi que le rapport annuel relevant de l'activité du médiateur, et à publier des synthèses d'études et de travaux sur la formation professionnelle et l'alternance.
Je souhaiterais maintenant faire un point sur l'état de la gouvernance de France Compétences. Comme le veut la loi, cette gouvernance est quadripartite. Elle inclut des représentants de l'État, des représentants des organisations syndicales et des organisations professionnelles représentatives au niveau national et interprofessionnel, des représentants des régions et deux personnalités qualifiées.
Ces deux dernières sont nommées par arrêté du ministère du travail. Il s'agit en l'occurrence de M. Jérôme Tixier, ancien directeur des ressources humaines de L'Oréal, et de Mme Geneviève Manarinno, vice-présidente du conseil départemental du Nord sur les questions de l'autonomie des personnes âgées et personnes en situation de handicap. Elle est également élue municipale à Valenciennes.
Je précise que la loi et le décret disposent que le président est choisi parmi les personnalités qualifiées, que l'une d'entre elles doit détenir un mandat électif local et que sa nomination doit avoir recueillie l'avis du secrétariat d'État chargé des personnes handicapées, ce qui est effectivement le cas pour Mme Manarinno. M. Tixier a été désigné comme président par le décret du 14 janvier 2019.
En outre, le décret du 28 décembre 2018 dispose que, chaque année, le président du conseil d'administration présente l'activité de l'établissement ainsi que ses perspectives de travail à une assemblée composée des membres du conseil d'administration, de douze représentants de l'État, de représentants des organisations professionnelles représentatives au plan national et multiprofessionnel, de représentants des organisations syndicales de salariés intéressées, de représentants des trois réseaux consulaires et d'un représentant de la Conférence des présidents d'université (CPU).
Le point suivant porte sur l'organisation interne de France Compétences, qui rassemble l'ancien CNEFOP, l'ancienne CNCP et l'ancien Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP), ce qui implique une fusion d'une partie des missions et le rassemblement des personnels. Ayant été nommé préfigurateur fin octobre, mon principal travail a été d'organiser le passage matériel et juridique du personnel, pour que nous soyons prêts au 1er janvier 2019.
L'établissement ayant repris les anciens locaux du FPSPP, sis au 11 rue Scribe à Paris, il a fallu effectuer des travaux de réaménagement afin d'accueillir les anciens salariés du CNEFOP et de la CNCP, qui se trouvaient physiquement à Montparnasse. Les personnels se sont installés dans leurs nouveaux locaux le 11 janvier 2019.
France Compétences étant soumis à un plafond d'emploi de 70 équivalents temps plein travaillé (ETPT), l'organisme compte à ce jour 67 collaborateurs, nombre correspondant aux effectifs physiques, dont : le directeur général par intérim, trois recrutements externes, 43 anciens salariés du FPSPP, seize anciens salariés de la CNCP et quatre du CNEFOP.
Cinq directions métiers ont été créées dans l'organigramme fonctionnel : une direction chargée de la certification, qui aura pour mission d'organiser l'enregistrement des titres au registre national et au répertoire spécifique ; une direction de la politique de financement, qui sera chargée d'assurer la répartition des fonds auprès des différents acteurs et institutions et exercera un dialogue de gestion auprès des OPCO ; une direction de la régulation, qui émettra des recommandations sur les prises en charge des contrats en alternance et mettra en place un observatoire des coûts sur l'ensemble du champ de la formation professionnelle ; une direction des territoires et des partenariats, qui sera chargée de construire l'appel d'offres pour le CEP des actifs occupés, suivra les CPIR dans leur mission portant sur le CPF de transition et le CPF des salariés démissionnaires et construira des partenariats avec les régions afin d'assurer un suivi qualitatif des CPRDFOP ; enfin, une direction de l'évaluation et de l'observation, qui aura pour mission de travailler sur les évaluations, qui permettront notamment à France Compétences d'émettre des recommandations aux pouvoirs publics.
Le dernier point de mon intervention porte sur les premières décisions de l'établissement et sur les principaux chantiers de l'année 2019. L'installation du conseil d'administration a eu lieu le 17 janvier 2019. Nous avons travaillé sur le règlement intérieur et la charte de déontologie, auxquels sont soumis l'ensemble des membres du conseil d'administration, ainsi que le personnel de l'institution. Un avis a été donné sur la nomination du directeur général, un budget de fonctionnement transitoire a été voté, ainsi qu'une délibération permettant au directeur général par intérim de signer la convention financière et de gestion avec l'ASP, pour le versement de l'aide au permis de conduire de 500 euros. Nous avons prévu un conseil d'administration tous les mois pour le premier semestre, car des échéances importantes nous attendent.
Je souhaite évoquer un point particulier sur la certification. Le cadre juridique de la mission de certification professionnelle de France Compétences, fixé par l'article 31 de la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, est précisé par le décret du 18 décembre 2018 relatif à la procédure d'enregistrement au registre national des certifications professionnelles (RNCP) et au répertoire spécifique. Ce décret fixe la composition et le fonctionnement de la commission ; elle est composée de huit membres issus des organisations interprofessionnelles, de huit membres issus des ministères et de deux issus des régions. Le décret détermine aussi les critères d'enregistrement, notamment l'impact du projet de certification en matière d'accès ou de retour à l'emploi pour les actifs et sa valeur d'usage pour les acteurs économiques, ainsi que la procédure de contrôle en cours d'enregistrement des organismes certificateurs.
Par ailleurs, un arrêté du 4 janvier 2019 détaille les informations permettant l'enregistrement d'une certification professionnelle ou d'une certification ou habilitation dans les répertoires nationaux. Cet arrêté fixe le principe d'une téléprocédure pour les demandes d'enregistrement aux répertoires. Conformément aux exigences de la réglementation, elle sera prête pour la première semaine de février. Cette téléprocédure permettra une meilleure traçabilité et une meilleure réactivité de la procédure de demande d'enregistrement, qui jusqu'à présent se faisait par dossier papier.
Un nouveau site public des répertoires est prévu pour le mois d'avril, afin d'améliorer la lisibilité de l'offre de certification pour les entreprises, les actifs et les professionnels du secteur de la formation professionnelle. Consécutivement, des travaux d'optimisation des systèmes d'information des répertoires s'échelonneront sur l'ensemble de l'année 2019, notamment pour créer une interface avec le système d'information du CPF.
Enfin, la désignation des membres de la commission de certification professionnelle de France Compétences par les ministères et les organisations membres est en cours depuis le mois de janvier. Nous espérons une publication des arrêtés en février. Une première réunion d'installation de la commission devrait intervenir début mars, pour partager les évolutions portées par la loi et ses textes d'application, adopter le règlement intérieur, qui est spécifique à la commission de certification, et informer quant aux modalités d'instruction, par les services de France Compétences, des demandes d'enregistrement soumises pour avis à la commission.
Concernant nos prochaines échéances, je vous rappelle que le conseil d'administration se réunira tous les mois ; le décret exige au minimum six réunions par an. Ce quota sera rapidement rempli. Le prochain conseil d'administration du 14 février nous donnera l'occasion de fixer la répartition des enveloppes pour 2019. La phase actuelle est transitoire, avant que l'URSSAF ne collecte en 2021 l'ensemble des contributions. Le conseil d'administration de France Compétences doit émettre avant le 15 mars des recommandations sur les niveaux de prise en charge des contrats d'apprentissage fixés par les commissions paritaires nationales de l'emploi (CPNE) ou les comités paritaires de branche (CPB). Le calendrier est le suivant : les CPNE et les CPB doivent envoyer aux OPCO, avant le 1er février, l'ensemble de leurs niveaux de prise en charge, en fonction des diplômes de leur sphère d'activité. Puis les OPCO doivent envoyer à France Compétences les préconisations des branches, que nous allons analyser. Nous devrons ensuite informer les branches si nous sommes d'accord avec les coûts liés à tel ou tel diplôme, par exemple 7 000 euros pour tel ou tel CAP. Si nos analyses sont divergentes, nous émettrons des recommandations, dans une logique de convergence des coûts, en demandant à la branche de se conformer aux recommandations fixées par le conseil d'administration de France Compétences. Ces recommandations doivent être émises avant le 15 mars prochain.
Au mois d'avril, nous devons lancer l'appel d'offres pour le choix des opérateurs régionaux pour le CEP des actifs occupés. Le choix des prestataires doit être réalisé en octobre, afin de leur permettre de se déployer sur le territoire et d'être prêts au 1er janvier 2020.
Les échéances qui nous attendent sont rapides et importantes. Elles sont issues des textes légaux et réglementaires. D'autres sujets nous occuperont, au sein du conseil d'administration, au cours de l'année 2019.
Je tenais également à signaler que, dans le cadre de ma mission de préfiguration et au cours de mes trois premières semaines en tant que directeur général par intérim de France Compétences, j'ai rencontré des équipes, issues des anciens CNEFOP, CNCP et FPSPP, extrêmement motivées par ce nouveau défi et porteuses de grandes compétences professionnelles. Elles souhaitent que ce nouvel opérateur réussisse et sont très investies dans leur nouvelle mission. Je ne sais pas si, par nature, un directeur général par intérim peut être optimiste, mais je constate que les équipes sont motivées par cette nouvelle aventure, au sein d'un opérateur très jeune, qui n'a été créé que le 1er janvier dernier. Le travail réalisé jusqu'à présent est assez remarquable, au regard de ce laps de temps très réduit et des contingences temporelles qui s'imposent à nous.
Voilà, madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, les premières étapes de la création de France Compétences. Je vous remercie pour votre attention, et suis à votre écoute pour répondre à toutes vos questions.
Monsieur Lardy, je vous remercie pour votre présentation, et donne maintenant la parole à ceux de nos collègues qui souhaitent vous interroger, en commençant par les porte-parole des groupes politiques.
Monsieur le directeur, c'est avec plaisir que nous vous recevons ici. Mon groupe, La République en Marche, souhaiterait vous faire part de ses préoccupations. France Compétences a pour mission d'assurer le financement, la régulation, le contrôle et l'évaluation du système de la formation professionnelle et de l'apprentissage. Elle devient ainsi la seule instance de gouvernance nationale du système de formation professionnelle. Eu égard à la création de cette agence nationale, nos attentes sont claires. Nous souhaitons un système plus efficace et plus transparent pour accompagner les usagers. Quelles sont vos propositions pour mieux réguler la qualité des formations et leur coût, selon un critère de résultats en matière d'accès à l'emploi et de qualification ? Quel regard portez-vous sur les propositions de coût émanant des OPCO ?
En matière de gestion des contributions de l'alternance et de la formation, nous avons voté une simplification radicale, avec un passage à un collecteur au lieu de cinquante-sept, douze gestionnaires au lieu de quarante, une cotisation au lieu de deux, et, pour réguler ce dispositif, la mise en oeuvre de France Compétences au lieu de quatre organismes nationaux. Sur ce point, quels sont vos prochaines échéances concernant la péréquation des fonds de l'alternance auprès des OPCO et des régions ?
Nous avons imaginé un système à la pointe du développement de compétences, à savoir, au sein de France Compétences, un pôle d'expertise de la politique de développement des compétences. Dans quelle mesure l'inscription au RNCP sera-t-elle facilitée pour les usagers et plus lisible ? Un accompagnement est-il prévu pour les organismes de formation qui commenceraient leur activité ? Quant au CEP, qui cristallise les attentes, quels points de vigilance distinguez-vous dans les appels d'offres, pour la sélection des opérateurs ?
Voici quelles sont les préoccupations de mon groupe. Je souhaite un bel avenir à cette instance au service des compétences !
Je veux tout d'abord remercier M. Vercamer, malgré son absence, car c'est grâce à l'un de ses amendements que nous avons le plaisir d'accueillir aujourd'hui M. Lardy, que j'ai le privilège de connaître. Ses compétences en matière de formation et de questions sociales font que ce choix est tout à fait intéressant pour la suite des opérations.
Nous avons néanmoins quelques questions. L'article L. 6123-5 indique que France Compétences est une institution nationale publique dotée d'une personnalité morale et d'une autonomie financière. Cette autonomie soulève une interrogation : 1,5 milliard d'euros ont été prélevés sur le budget de France Compétences avant même la création de cette agence, pour alimenter le PIC. Pouvez-vous nous assurer que l'autonomie de l'institution sera effective, comme la loi le veut ?
Concernant la composition quadripartite du conseil d'administration, le décret du 28 décembre 2018 montre que l'État détient la moitié des voix – voilà, dès le départ, une bizarrerie –, auxquelles s'ajoutent les voix des personnalités qualifiées, qui sont nommées par le ministre. S'ajoute la possibilité de veto du ministre de tutelle. France Compétences ne met-elle pas à mal le quadripartisme dans notre pays ? Quel est la place, au sein de ce quadripartisme, des partenaires sociaux, puisque le FPSPP et le Comité paritaire interprofessionnel national pour l'emploi et la formation (COPANEF) disparaissent, eux qui étaient des organismes paritaires ?
Vous avez écrit un ouvrage qui s'intitule Démocratie politique et démocratie sociale. Jean-Claude Mailly, que vous connaissez bien, a toujours dit que la démocratie sociale s'arrêtait là où commençait la démocratie politique !
La création de France Compétences répond à des préoccupations de longue date. La question du pilotage de notre système de formation professionnelle était l'un des enjeux de la loi que nous avons adoptée l'année dernière. La création de France Compétences, chargée de réguler la formation professionnelle et l'apprentissage, met ainsi fin à une gouvernance éclatée et peu lisible. Notre groupe se félicite de sa mise en place.
Les missions de l'organisation sont nombreuses. C'est une instance de régulation, de financement, de répartition, de contrôle, d'évaluation et de conseil : son rôle est central. France Compétences a notamment pour mission de réguler et contrôler le coût et le financement des formations. Vous allez émettre dans les prochaines semaines des recommandations en matière de prise en charge des contrats d'apprentissage et de prix des formations. Les niveaux 4 et 5 sont les niveaux à privilégier. Le coût des formations doit rester à des niveaux suffisamment élevés pour en assurer la qualité. Pour un niveau CAP, un coût de 8 000 euros minimum permettrait aux centres de formation d'apprentis (CFA) de rester à l'équilibre et de répondre à la demande. Ce sont à ces niveaux de qualification que les besoins de main-d'oeuvre sont les plus importants. Il est essentiel de leur consacrer davantage de moyens. Pourriez-vous nous apporter des précisions concernant les coûts des formations pour ces niveaux de qualification, notamment dans le secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP), où les attentes sont les plus grandes ? Lors de l'examen du projet de loi, nous avions largement insisté sur la nécessité de financement des formations transversales. Où en sont les négociations concernant ce type de formation ?
Monsieur le directeur général par intérim – et probablement, bientôt, monsieur le directeur général –, vous serez à la tête, très prochainement, d'une institution centrale pour la formation professionnelle. Cette question est majeure pour nos sociétés. Vous avez été amené à effectuer un travail pratique et à mettre en oeuvre les premiers dispositifs. Cependant, quelles sont les orientations qui vous animeront à la tête de cette institution ? Quels sont les points d'attention et les défis que vous définissez comme prioritaires ?
Par exemple, qu'en est-il de la qualité de l'offre de formation ? Cette question a été au coeur de nos débats. Au regard des dispositions votées, je crains une « low-costisation » de la formation professionnelle. De plus, nous nous devons de ne pas négliger l'exigence de qualification – qualifications qui impliquent des grilles de rémunération correspondantes –, et non seulement nous concentrer sur celle d'acquisition de compétences.
S'ajoutent la question de la qualité du cadre de formation, donc des formateurs, celle de leur rémunération et celle de la pérennité d'un certain nombre d'instances. Nous savons que le domaine de la formation professionnelle est lui aussi sujet au dumping et aux logiques de marchandisation. Vous avez parlé, d'ailleurs, de convergence des coûts. Que pouvez-vous nous dire concernant ce dumping ? Comment comptez-vous intervenir ?
Quelle est votre position vis-à-vis de l'Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) ? Comment comptez-vous contribuer à son redressement ? Comment lui donner un avenir ? Nous avons besoin d'un organisme public de qualité. Les politiques publiques semblent ne pas s'en préoccuper. Il y a pourtant matière à une action très rapide, en espérant que vous aurez les leviers nécessaires.
Enfin, aurez-vous des moyens à la hauteur de vos besoins ?
Je vous remercie, monsieur Lardy, pour la clarté de votre propos. En dépit de l'enthousiasme de vos agents, j'imagine les moments de doute et d'angoisse que vous avez dû traverser, devant l'Everest que représente la mise en place d'une telle structure.
Cette séance n'est pas le lieu de redire les doutes qui furent les nôtres, notamment concernant la recentralisation de compétences auparavant dévolues aux régions. Le Gouvernement semble faire le procès de l'ensemble des régions, alors que seul un certain nombre d'entre elles n'avaient pas utilisé entièrement les crédits destinés à la formation professionnelle.
Quelle appréciation portez-vous sur les conséquences de la monétisation du CPF ? Nous avons constaté, à la fin de l'année dernière, une forme de précipitation des titulaires, qui semblaient craindre de perdre leurs droits à la formation à la suite de cette monétisation, les obligeant à toute force à les faire valoir avant le 1er janvier 2019.
Le terrain est prospère pour les opérateurs privés. Ma question rejoint celles de M. Dharréville. Nous avons été alerté à de nombreuses reprises par l'AFPA, dont l'implantation territoriale est sans équivalent par rapport à l'offre privée, et qui propose des formations très spécialisées. Voyez par exemple la question de l'accueil des migrants : comment ce public sera-t-il pris en charge dans l'offre à venir ?
Monsieur Lardy, comment voyez-vous la mission de France Compétences au regard de l'accès territorial à la formation ? On constate des inégalités entre les CFA, dont pâtissent les zones rurales et dévitalisées. Certains CFA sont très spécialisés, par exemple ceux qui forment les personnes porteuses d'un handicap.
France Compétences va bénéficier de 250 millions d'euros au titre de la péréquation à destination de ces CFA, montant qui sera transmis aux régions ; à elles la charge de déterminer les territoires qui en auront besoin. France Compétences pourra-t-elle agir si elle considère que les territoires et les CFA sélectionnés ne sont pas les plus fragiles ? Comment s'assurer que la répartition soit juste, et que l'accès à la formation soit continu ? Certains territoires ne pourraient souffrir une plus grande fragilisation.
Monsieur le directeur général, vous nous avez précisé le rôle et la place de France Compétences dans le paysage de la formation professionnelle et de l'apprentissage. Vous allez assurer la répartition et le versement des fonds mutualisés de la formation professionnelle et de l'alternance.
Je regrette que nous n'ayons pas décidé, ici même, lors de l'élaboration de la loi, d'une compétence mieux partagée avec les régions. Comment envisagez-vous vos relations avec elles, et leur place dans ce dispositif ? Comme éviter le risque de centralisation, avec une nouvelle organisation administrative où l'État détient la moitié des voix, comme l'a rappelé M. Cherpion, et où le paritarisme est mis à mal ?
La loi de finances avait prévu 44 ETPT pour votre organisation. Vous avez dit que déjà 67 personnes y travailleraient. Quelles informations pouvez-vous nous donner à ce sujet ? Aurez-vous les moyens de mener votre action ?
Je ne vous cache pas un certain nombre d'inquiétudes concernant l'ensemble des attentes et les nouveaux droits du CPF. Certains ont évoqué une triple perte ; un taux de conversion très bas, une alimentation du compte faible et une actualisation des droits au regard des coûts du marché qui n'est pas automatique. J'attends votre éclairage avec impatience sur ces points.
Enfin, le ministère de l'enseignement supérieur n'est pas représenté en tant que tel. Sont présents un représentant du ministre du travail, un représentant du ministre du budget et un troisième représentant, me direz-vous, qui, cependant, représente tout à la fois l'éducation, l'enseignement supérieur et l'agriculture, sans visibilité pertinente. Une inquiétude se manifeste, notamment de la part du Conservatoire national des arts et métiers (CNAM), dont nous connaissons l'importance pour la formation professionnelle et qui dépend du ministère de l'enseignement supérieur. Les universités participent pleinement à la formation professionnelle, et elles attendent de voir comment leur ministère pourrait prendre une place à part entière au sein de votre organisation.
Ma question rejoint celle de Mme Bagarry et porte sur la création des CFA. Le dispositif comprend une convention de création et une déclaration d'activité. Dans ma circonscription, nous souhaiterions créer un CFA « cuir ». Nous constatons l'émergence d'un millefeuille avec la région et d'un grand nombre de freins. Ne faudrait-il pas reconsidérer les conditions de création des CFA au regard des besoins des territoires et des bassins de vie ? Une plus grande subsidiarité n'est-elle pas souhaitable ?
Vous venez de nous brosser à grands traits les missions principales de France Compétences, entre autres celles de certification et d'évaluation. Ces missions seront un gage de qualité, rendant concrète l'adéquation entre la demande sociale et les besoins économiques. Comment envisagez-vous la labellisation des structures, notamment des plus petites ? Certaines d'entre elles sont implantées dans des territoires difficiles, notamment dans les quartiers ou en milieu rural. Ces organismes de formation font un travail considérable et structurent le territoire. Comment France Compétences pourra-t-elle leur apporter une attention toute particulière ?
Monsieur, vous avez déjà répondu à un certain nombre de points potentiellement sensibles. Votre organisme a notamment pour mission de réguler la qualité des actions de formation, leur coût et les règles de prise en charge des financeurs publics. Les contrôles que vous opèrerez sont cruciaux pour lutter contre la création et le maintien de situations de complaisance, toujours trop présentes. Nous connaissons tous, dans nos territoires, des entreprises de formation qui ne sont pas à la hauteur de leurs missions, qui délivrent trop souvent des certifications de complaisance, ce souvent à l'insu des personnes à former, qui sont ainsi les premières lésées. Dès lors, quelles mesures et quel maillage territorial envisagez-vous pour assurer la qualité des formations délivrées ?
Monsieur Lardy, ceux d'entre nous qui se sont intéressés à la question de la formation professionnelle ont le plaisir de vous connaître. Je craignais qu'un haut fonctionnaire ne soit nommé – je n'ai aucun a priori contre les hauts-fonctionnaires –, mais je préfère voir nommé un homme de terrain, qui connaît la démocratie sociale et la démocratie politique, ainsi que les qualités et les défauts des uns et des autres.
Il était nécessaire de légiférer au sujet de la formation professionnelle, en particulier sur l'apprentissage. C'est chose faite. Néanmoins, concernant l'évaluation de la qualité, vous avez évoqué l'accès à l'emploi et l'orientation. Des critères sont-ils déjà définis concernant l'accès à l'emploi ? En effet, les critères actuels sont vagues. Qu'en est-il de l'orientation, question qui est du ressort des régions ? Sur quelles structures comptez-vous vous appuyer pour faire remonter au niveau national les éléments nécessaires aux évaluations et à vos recommandations publiques ? Cela ne veut pas dire, d'ailleurs, que les acteurs les suivront. Ma question, en résumé, est celle de l'opérationnalité : comment mettrez-vous vos missions en musique ?
Parmi les missions confiées à France Compétences, dans le cadre de la loi sur la liberté de choisir son avenir professionnel, figure le versement des fonds qui vous ont été transmis par la CDC à destination des régions, pour le financement des CFA. France Compétences conservera-t-elle un droit de regard sur la répartition de ces fonds par les régions ? Dans le cadre de la loi, un amendement gouvernemental a précisé que les CFA auront l'obligation de transmettre à France Compétences tout élément relatif à la détermination de leur coût. France Compétences aura ainsi tous les moyens d'une connaissance parfaite des CFA. Le vote de cette loi soulève des craintes, notamment celle de la fermeture des CFA les plus petits, parce qu'ils n'auront pas été assez compétitifs, alors que leur rôle est essentiel en termes de qualité de formation et de proximité. Nos collectivités y perdraient beaucoup. Quel pourrait être le rôle de France Compétences sur ce point ?
Ma deuxième question, déjà soulevée par MM. Dharréville et Vallaud, porte sur les délégations de l'AFPA, notamment sur les plus fragiles. Nous devrions les conforter dans leurs missions : la qualité du travail réalisé est très élevée, et ces formations s'adressent à un autre type de public, qui en a besoin et qui peut difficilement s'éloigner de son domicile pour se former.
Mesdames et messieurs, je vous remercie pour l'ensemble de ces questions. Je ne souhaite pas que cet exercice vous soit un exercice de frustration : France Compétences est une jeune institution, je ne pourrai donc pas répondre à toutes les questions. Je vous prie, par ailleurs, de me permettre de sortir quelques fois de ma condition de directeur général par intérim, car certaines questions dépassent le cadre de ma mission.
Madame Fabre, France Compétences doit effectivement émettre des recommandations avant le 15 mars sur les niveaux de prise en charge des contrats d'apprentissage. Cette notion de recommandation implique que notre analyse, après examen des coûts contraints au regard des réalités économiques, soit divergente par rapport à celle des branches. Pour l'instant, aucune remontée n'a été faite. En effet, les branches vont transmettre aux OPCO leurs niveaux de prise en charge, et, à partir du 1er février, ces derniers nous transmettront les données. Le laps de temps est très court. Jusqu'à présent nous avons mis en place le système informatique qui nous permettra de gérer les remontées des données des OPCO à France Compétences et d'analyser, dans les deux à trois semaines à venir, l'ensemble des niveaux de prise en charge. Nous savons que les branches ont bien travaillé sur ce sujet. Certaines d'entre elles voient 50 diplômes inscrits dans leur commission paritaire nationale de l'emploi (CPNE). Les OPCO, même s'ils connaissent actuellement une refonte globale, ont également bien travaillé avec leurs branches professionnelles pour les aider en matière de méthodologie. La délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) a publié un kit méthodologique sur l'élaboration des coûts-contrats. Notre travail consiste à ce que nous soyons opérationnels, pour analyser en temps et en heure l'ensemble de ces données, conformément aux exigences réglementaires.
Concernant les régions, je ne connais pas le montant exact de la dotation. Une concertation va débuter entre le Gouvernement et les régions, sur ce que l'on appelle improprement la « péréquation territoriale ». France Compétences ne fait que de la répartition. Des critères seront sûrement instaurés, en fonction du nombre d'apprentis par exemple, du PIB antérieur, du PIB par habitant – nous pouvons imaginer un certain nombre de critères socio-économiques qui permettront une répartition régionale. Les fonds ne vont que transiter par France Compétences, qui n'a pas à émettre d'avis sur le type de répartition. France Compétences réalise un grand nombre de répartitions qui sont en fait assez mécaniques. M. Cherpion a évoqué le PIC, mais France Compétences ne fait que répartir en fonction des sommes et des critères fixés par décret.
Concernant le RNCP, je parlerai au conditionnel, car les équipes issues de la CNCP viennent juste d'arriver à la suite d'une réorganisation interne. Certains salariés des anciens FPSPP intègrent la fonction d'instructeurs. Notre objectif est « plus de simplicité » ; d'où, par exemple, la mise en place d'une téléprocédure. Nous avons instauré une sorte de hotline pour accompagner les organismes de formation qui souhaitent faire enregistrer des titres. Il s'agit notamment de stabiliser les titres en cours de renouvellement, pour ne pas connaître de rupture de charge dans le fonctionnement de la CNCP, puis d'accompagner ensuite l'ensemble des organismes de formation. Nous avons reçu, la semaine dernière, la Conférence des présidents d'université (CPU), pour voir comment construire notre collaboration future et évoquer les nouvelles modalités d'enregistrement de leurs titres et certifications.
Concernant le conseil en évolution professionnelle (CEP), nous allons construire et rédiger l'appel d'offres. Nous sommes soumis à un certain nombre de règles de confidentialité, dans le cadre de la commande publique. Le cahier des charges, défini par un arrêté du 16 juillet 2014 pris à la suite de la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale, est actuellement retravaillé par les partenaires sociaux, l'État et des représentants des régions et des opérateurs historiquement impliqués dans le CEP. Un arrêté sera publié très prochainement. Nous avons déjà travaillé sur ce cahier des charges : nos points de vigilance concernant les opérateurs sont leur capacité à se déployer sur un territoire et à toucher l'ensemble des actifs, la qualification des salariés qui constitueront le CEP, etc. Nous serons également attentifs au droit de la concurrence et aux conflits d'intérêt potentiels, notamment pour les prestataires qui proposeraient du conseil en évolution professionnelle tout en étant organismes de formation. Nous serons particulièrement attentifs à ce point lors du lancement de l'appel d'offres, qui aura lieu à partir d'avril.
Les questions de M. Cherpion portent sur le budget. Le PIC ne rentre pas dans le budget de fonctionnement de France Compétences, actuellement en cours de négociation, mais dans le budget d'intervention et d'investissement. Je tiens à vous rassurer, nous aurons les moyens de nos missions.
S'agissant du quadripartisme, je souligne que l'État, avec ses 45 voix, n'a pas la majorité. D'aucuns diront qu'il faut y ajouter les personnalités qualifiées, ce qui porterait ce nombre à 55 sur 110. L'État a un droit d'opposition seulement sur certains sujets, notamment ceux d'ordre financier, et non sur l'ensemble des missions de France Compétences.
Concernant la mise en place de la gouvernance, j'ai déjà vécu des situations similaires dans d'autres institutions, par exemple lors de la création de Pôle Emploi. Au début, nous rencontrons toujours des difficultés. Les acteurs se découvrent, et doivent faire leur deuil d'un certain nombre de choses, ce qui est parfaitement légitime. Le président Tixier l'a évoqué lors du conseil d'administration du 17 janvier dernier : il faut être à l'écoute, faire en sorte de créer une bonne transparence, d'être pédagogique et de créer la confiance. Ce n'est pas un vain mot. Créer la confiance passe par des méthodes de travail qui permettent à chacun de s'exprimer et de se positionner. Actuellement, les échéances réglementaires et légales nous imposent un rythme un peu effréné, je vous l'accorde. Cependant – je réponds ainsi à M. Dharréville – j'ai aussi l'ambition que France Compétences, malgré son principe de spécialité, soit un instrument de la réflexion sur l'ensemble des sujets liés à la formation. Nous allons mettre en place des commissions ouvertes à des non-administrateurs, notamment sur les questions d'évaluation, de recommandation, etc. Nous souhaitons que France Compétences soit un lieu de réflexion sur les usages de la formation professionnelle et de l'apprentissage. Au-delà de notre mission de service public, France Compétences doit aussi être un lieu d'expression de l'ensemble des parties. Je l'ai vécu précédemment, il ne s'agit pas d'une question de nombre de voix, mais de respecter la parole de chacun et de créer la confiance. Voilà comment je conçois ma mission en tant que directeur général.
Vous avez évoqué l'une de mes publications : il ne s'agit pas d'un livre, mais d'un article sur l'application de l'article L. 1 du code du travail. Je vous invite à le relire, car, en fin de compte, j'avais raison sur un certain nombre de points.
Madame de Vaucouleurs, France Compétences va observer l'évolution des niveaux IV et V. Nous constatons que, dans notre pays, l'apprentissage est très porté par le niveau supérieur. Les niveaux IV et V sont sujets à des problématiques spécifiques. Ainsi, vous avez voté, dans le cadre de la loi du 5 septembre 2018, une aide particulière pour les TPE et PME pour ces niveaux. C'est là que se concentrent les problèmes de montée en compétences d'un certain nombre d'apprentis. Quel est le bon niveau pour un certificat d'aptitude professionnelle (CAP) ? Je ne sais. Pour l'ensemble des diplômes, le coût moyen d'un CAP est de 6 900 euros, mais ce chiffre ne veut pas dire grand-chose. Tout le travail de France Compétences sera, comme pour les diplômes transversaux, de travailler avec les réseaux consulaires et les réseaux de CFA, pour « ouvrir le capot », et voir combien coûte exactement l'apprentissage, alors que notre connaissance actuelle est très parcellaire.
Monsieur Dharréville, je vais encore sortir de ma condition de directeur général par intérim. La question de la qualité est essentielle pour nous, elle est inscrite dans la loi. Nous devons construire des indicateurs, notamment de surveillance. Dans le cadre de la loi, nous avons le pouvoir d'interpeller les pouvoirs publics en cas de dysfonctionnement constaté chez les prestataires. Ces mécanismes seront opérationnels une fois que nous aurons mis sur pied les indicateurs et les remontées de données. Nous avons devant nous un travail important de construction de systèmes d'information. Les données sont nombreuses ; notre relation avec la Caisse des dépôts et consignations sera très étroite, puisque, comme le veut le décret, elle nous transmettra des retours trimestriels sur l'ensemble des données du CPF. Hier, lors d'une réunion avec la CDC, nous avons évoqué quelles étaient les données pertinentes à transmettre. Nous avons insisté sur les données qualitatives, car les données financières ne suffisent pas pour comprendre la réalité des faits : publics, catégories socio-professionnelles, types d'action de formation, qualifiantes ou non, etc., voilà les données qui nous intéressent. Les remontées trimestrielles nous seront très utiles. Par ailleurs, France Compétences n'est pas, dans la loi, le seul acteur. Vous avez voté un système d'obligation d'accréditation de certificateurs, qui iront certifier les organismes de formation. Cet élément prend sa place dans un cadre systémique et global. France Compétences assurera sa mission de régulation et de contrôle. La « cofracisation » du système favorisera, comme dans d'autres pays, une meilleure qualité et une meilleure transparence de l'action de formation et du rôle que jouent les prestataires.
Je vous rappelle que la France compte 90 000 organismes de formation qui déclarent une activité. Cependant, 350 d'entre eux couvrent 60 % du marché. Certains opérateurs se concentrent sur des marchés précis, comme l'AFPA, qui se destine aux demandeurs d'emploi, mission historique de l'organisme depuis sa création en 1949. L'objectif de France Compétences est de participer à une meilleure transparence et à une meilleure régulation du marché, au profit de l'usager, salarié ou demandeur d'emploi. Nous mettons en place les outils adéquats.
Certains d'entre vous ont évoqué l'AFPA. Nous pouvons potentiellement imaginer, comme elle le fait en consortium pour les appels d'offres de Pôle Emploi, qu'elle réponde au marché du CEP. Cependant, France Compétences, en tant qu'organisme régulateur, n'a pas à soutenir financièrement tel ou tel organisme de formation. Cela ne fait pas partie de nos prérogatives, définies par les textes.
Monsieur Vallaud, je ne sais pas, personnellement ce que va apporter la monétisation du CPF. Actuellement, je constate que les salariés ne savent pas ce que valent leurs heures acquises. Au Parlement, certains parlaient de 37 euros, 40 euros, 25 euros, etc. Nous ne savons pas ce que vaut une heure de formation. Je sors à nouveau de ma condition de directeur général par intérim, et je vous prie de m'en excuser… Les salariés, pour le même nombre d'heures et le même type de formation, n'ont pas droit au même type de financement. Je ne sais pas ce que peut produire l'appel d'offres sur le comportement de l'agent économique. Nous constatons que, en cas de réforme, les organismes de formation incitent les salariés à activer leurs heures, selon un prétendu risque de suppression de ces heures.
Beaucoup d'entre vous se sont interrogés sur les relations de France Compétences avec le niveau territorial. France Compétences est un répartiteur pour la péréquation territoriale. Le décret indiquera les montants et les critères d'attribution. Cependant, nous ne sommes qu'un répartiteur : nous appliquons mécaniquement cette répartition, sans donner notre avis. En revanche, pour les relations avec les régions, deux représentants de France Compétences ont été choisis par région. Nous avons mis en place une direction des territoires et des partenariats. Nous voulons en effet créer un véritable partenariat – j'insiste sur ce terme. La loi dicte un certain nombre d'exigences en matière de remontées d'informations, mais cela n'est pas suffisant. Nous voulons créer un vrai dialogue avec les régions, notamment lorsqu'elles fixeront des contrats d'objectifs et de moyens avec les branches professionnelles, pour évaluer leurs besoins et les effets sur l'offre d'apprentissage. Il s'agit bien d'un partenariat, qui respecte le principe de libre administration des collectivités territoriales. Je n'ai pas donc à dire aux régions quoi faire en matière de péréquation territoriale et de contrats d'objectifs et de moyens. Nous souhaitons un partenariat pérenne, car les régions ont des compétences reconnues sur l'ensemble de ces questions. J'insiste : France Compétences n'aura pas de déclinaison territoriale.
Concernant le nombre d'emplois, un amendement à la loi de finances a fait passer le plafond à 70 ETPT. Est-ce suffisant ? Je ne sais pas. Certaines missions sont totalement nouvelles. Il n'y a jamais eu de politique de régulation en matière de formation professionnelle en France. Six personnes sont destinées à cette mission. Je n'irai donc pas frapper à la porte de tous les CFA de France pour leurs demander leurs comptes, c'est inenvisageable. Nous pouvons, en revanche, créer un vrai dialogue de gestion. Nous devons instaurer une relation de confiance, rencontrer les réseaux consulaires, les réseaux de CFA et les branches professionnelles, pour définir ce qu'est un vrai coûtcontrat. Si vous, parlementaires, établissez le plafond d'emplois à 80 ou 85 ETPT, je saurai utiliser ces ressources supplémentaires.
Monsieur Delatte, nous n'intervenons pas dans la création des CFA. La loi permet que chaque organisme de formation qui respecte les critères de qualité, notamment en matière de certification, puisse créer des CFA, sans autorisation de la région. Certaines entreprises souhaitent d'ailleurs créer des CFA internes. Les prérogatives de France Compétences quant aux CFA sont de donner de l'argent aux OPCO pour qu'ils financent l'alternance, ce en fonction du nombre d'entreprises et de salariés dans leur champ d'attribution, et de mettre en oeuvre la péréquation au profit les branches qui n'ont pas assez d'argent au sein de leur OPCO pour assurer ce financement. Au cours de l'année 2019, nous assumerons une fonction transitoire, si des CFA souhaitent créer des sections hors convention avec les régions. Cependant, cette fonction n'est que transitoire, avant la mise en place du coûtcontrat à partir de 2020.
Madame Khattabi, nous ne labellisons pas de structures. Je pense que vous évoquez plutôt la question du PIC, dans le cadre du haut-commissariat aux compétences et à l'inclusion par l'emploi, confié à M. Jean-Marie Marx. Notre compétence en la matière ne concerne que les anciennes labellisations CNEFOP, qui portent sur la qualité.
Mesdames Levy et Iborra, il me semble avoir déjà répondu à un certain nombre de vos questions, tout comme à la question concernant l'AFPA de M. Lurton. Je rappelle qu'à partir de 2021 nous assurerons une mission de répartition des fonds aux OPCO, pour les CFA, et que nous entretiendrons un dialogue de gestion avec ces derniers. Cependant, nous ne donnons pas d'argent directement aux CFA.
Nous avons bien un droit de regard, celui donnée par la loi, qui dispose que nous pouvons mettre en place des enquêtes qualité sur l'offre de service des OPCO, et que nous pouvons potentiellement intervenir en cas de dysfonctionnement constaté, par exemple en cas de retard de versement des fonds de la part des OPCO. Nous disposons d'un droit d'alerte des pouvoirs publics sur l'ensemble du champ de la formation, ce qui intègre les OPCO qui n'assureraient pas leur mission conformément aux textes.
Monsieur Lardy, je vous remercie infiniment pour le temps que vous nous avez consacré, et je vous souhaite bonne chance pour la suite de votre parcours.
La séance est levée à dix-sept heures trente.
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Informations relatives à la Commission
La Commission a désigné :
– Mme Marie-George Buffet (Gauche démocrate et républicaine), rapporteure de la proposition de loi portant suppression de la prise en compte des revenus du conjoint dans la base de calcul de l'allocation aux adultes handicapés (n° 805)
– M. Stéphane Peu (Gauche démocrate et républicaine), rapporteur de la proposition de loi visant à augmenter le salaire minimum et interprofessionnel de croissance et les salaires en accompagnant les très petites entreprises et petites et moyennes entreprises (n° 1610)
La Commission a désigné les référents de la commission auprès de certains organismes :
– M. Guillaume Chiche (La République en Marche) pour le Défenseur des Droits ;
– M. Boris Vallaud (Socialistes et apparentés) pour France compétences.
Présences en réunion
Réunion du mardi 29 janvier 2019 à 16 heures 15
Présents. – Mme Delphine Bagarry, Mme Brigitte Bourguignon, Mme Blandine Brocard, M. Sébastien Chenu, M. Gérard Cherpion, M. Guillaume Chiche, Mme Josiane Corneloup, M. Marc Delatte, Mme Catherine Fabre, Mme Monique Iborra, Mme Caroline Janvier, Mme Fadila Khattabi, Mme Geneviève Levy, M. Sylvain Maillard, M. Thomas Mesnier, M. Bernard Perrut, M. Stéphane Peu, M. Alain Ramadier, Mme Mireille Robert, Mme Marie Tamarelle-Verhaeghe, Mme Michèle de Vaucouleurs, M. Olivier Véran, Mme Corinne Vignon
Excusés. – Mme Justine Benin, Mme Nathalie Elimas, Mme Agnès Firmin Le Bodo, Mme Claire Guion-Firmin, M. Adrien Quatennens, Mme Nadia Ramassamy, M. Jean-Hugues Ratenon, Mme Stéphanie Rist, Mme Nicole Sanquer, Mme Hélène Vainqueur-Christophe
Assistaient également à la réunion. – M. Pierre Dharréville, M. Boris Vallaud