Intervention de Stéphane Lardy

Réunion du mardi 29 janvier 2019 à 16h15
Commission des affaires sociales

Stéphane Lardy, directeur général par intérim de France Compétences :

Mesdames et messieurs, je vous remercie pour l'ensemble de ces questions. Je ne souhaite pas que cet exercice vous soit un exercice de frustration : France Compétences est une jeune institution, je ne pourrai donc pas répondre à toutes les questions. Je vous prie, par ailleurs, de me permettre de sortir quelques fois de ma condition de directeur général par intérim, car certaines questions dépassent le cadre de ma mission.

Madame Fabre, France Compétences doit effectivement émettre des recommandations avant le 15 mars sur les niveaux de prise en charge des contrats d'apprentissage. Cette notion de recommandation implique que notre analyse, après examen des coûts contraints au regard des réalités économiques, soit divergente par rapport à celle des branches. Pour l'instant, aucune remontée n'a été faite. En effet, les branches vont transmettre aux OPCO leurs niveaux de prise en charge, et, à partir du 1er février, ces derniers nous transmettront les données. Le laps de temps est très court. Jusqu'à présent nous avons mis en place le système informatique qui nous permettra de gérer les remontées des données des OPCO à France Compétences et d'analyser, dans les deux à trois semaines à venir, l'ensemble des niveaux de prise en charge. Nous savons que les branches ont bien travaillé sur ce sujet. Certaines d'entre elles voient 50 diplômes inscrits dans leur commission paritaire nationale de l'emploi (CPNE). Les OPCO, même s'ils connaissent actuellement une refonte globale, ont également bien travaillé avec leurs branches professionnelles pour les aider en matière de méthodologie. La délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) a publié un kit méthodologique sur l'élaboration des coûts-contrats. Notre travail consiste à ce que nous soyons opérationnels, pour analyser en temps et en heure l'ensemble de ces données, conformément aux exigences réglementaires.

Concernant les régions, je ne connais pas le montant exact de la dotation. Une concertation va débuter entre le Gouvernement et les régions, sur ce que l'on appelle improprement la « péréquation territoriale ». France Compétences ne fait que de la répartition. Des critères seront sûrement instaurés, en fonction du nombre d'apprentis par exemple, du PIB antérieur, du PIB par habitant – nous pouvons imaginer un certain nombre de critères socio-économiques qui permettront une répartition régionale. Les fonds ne vont que transiter par France Compétences, qui n'a pas à émettre d'avis sur le type de répartition. France Compétences réalise un grand nombre de répartitions qui sont en fait assez mécaniques. M. Cherpion a évoqué le PIC, mais France Compétences ne fait que répartir en fonction des sommes et des critères fixés par décret.

Concernant le RNCP, je parlerai au conditionnel, car les équipes issues de la CNCP viennent juste d'arriver à la suite d'une réorganisation interne. Certains salariés des anciens FPSPP intègrent la fonction d'instructeurs. Notre objectif est « plus de simplicité » ; d'où, par exemple, la mise en place d'une téléprocédure. Nous avons instauré une sorte de hotline pour accompagner les organismes de formation qui souhaitent faire enregistrer des titres. Il s'agit notamment de stabiliser les titres en cours de renouvellement, pour ne pas connaître de rupture de charge dans le fonctionnement de la CNCP, puis d'accompagner ensuite l'ensemble des organismes de formation. Nous avons reçu, la semaine dernière, la Conférence des présidents d'université (CPU), pour voir comment construire notre collaboration future et évoquer les nouvelles modalités d'enregistrement de leurs titres et certifications.

Concernant le conseil en évolution professionnelle (CEP), nous allons construire et rédiger l'appel d'offres. Nous sommes soumis à un certain nombre de règles de confidentialité, dans le cadre de la commande publique. Le cahier des charges, défini par un arrêté du 16 juillet 2014 pris à la suite de la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale, est actuellement retravaillé par les partenaires sociaux, l'État et des représentants des régions et des opérateurs historiquement impliqués dans le CEP. Un arrêté sera publié très prochainement. Nous avons déjà travaillé sur ce cahier des charges : nos points de vigilance concernant les opérateurs sont leur capacité à se déployer sur un territoire et à toucher l'ensemble des actifs, la qualification des salariés qui constitueront le CEP, etc. Nous serons également attentifs au droit de la concurrence et aux conflits d'intérêt potentiels, notamment pour les prestataires qui proposeraient du conseil en évolution professionnelle tout en étant organismes de formation. Nous serons particulièrement attentifs à ce point lors du lancement de l'appel d'offres, qui aura lieu à partir d'avril.

Les questions de M. Cherpion portent sur le budget. Le PIC ne rentre pas dans le budget de fonctionnement de France Compétences, actuellement en cours de négociation, mais dans le budget d'intervention et d'investissement. Je tiens à vous rassurer, nous aurons les moyens de nos missions.

S'agissant du quadripartisme, je souligne que l'État, avec ses 45 voix, n'a pas la majorité. D'aucuns diront qu'il faut y ajouter les personnalités qualifiées, ce qui porterait ce nombre à 55 sur 110. L'État a un droit d'opposition seulement sur certains sujets, notamment ceux d'ordre financier, et non sur l'ensemble des missions de France Compétences.

Concernant la mise en place de la gouvernance, j'ai déjà vécu des situations similaires dans d'autres institutions, par exemple lors de la création de Pôle Emploi. Au début, nous rencontrons toujours des difficultés. Les acteurs se découvrent, et doivent faire leur deuil d'un certain nombre de choses, ce qui est parfaitement légitime. Le président Tixier l'a évoqué lors du conseil d'administration du 17 janvier dernier : il faut être à l'écoute, faire en sorte de créer une bonne transparence, d'être pédagogique et de créer la confiance. Ce n'est pas un vain mot. Créer la confiance passe par des méthodes de travail qui permettent à chacun de s'exprimer et de se positionner. Actuellement, les échéances réglementaires et légales nous imposent un rythme un peu effréné, je vous l'accorde. Cependant – je réponds ainsi à M. Dharréville – j'ai aussi l'ambition que France Compétences, malgré son principe de spécialité, soit un instrument de la réflexion sur l'ensemble des sujets liés à la formation. Nous allons mettre en place des commissions ouvertes à des non-administrateurs, notamment sur les questions d'évaluation, de recommandation, etc. Nous souhaitons que France Compétences soit un lieu de réflexion sur les usages de la formation professionnelle et de l'apprentissage. Au-delà de notre mission de service public, France Compétences doit aussi être un lieu d'expression de l'ensemble des parties. Je l'ai vécu précédemment, il ne s'agit pas d'une question de nombre de voix, mais de respecter la parole de chacun et de créer la confiance. Voilà comment je conçois ma mission en tant que directeur général.

Vous avez évoqué l'une de mes publications : il ne s'agit pas d'un livre, mais d'un article sur l'application de l'article L. 1 du code du travail. Je vous invite à le relire, car, en fin de compte, j'avais raison sur un certain nombre de points.

Madame de Vaucouleurs, France Compétences va observer l'évolution des niveaux IV et V. Nous constatons que, dans notre pays, l'apprentissage est très porté par le niveau supérieur. Les niveaux IV et V sont sujets à des problématiques spécifiques. Ainsi, vous avez voté, dans le cadre de la loi du 5 septembre 2018, une aide particulière pour les TPE et PME pour ces niveaux. C'est là que se concentrent les problèmes de montée en compétences d'un certain nombre d'apprentis. Quel est le bon niveau pour un certificat d'aptitude professionnelle (CAP) ? Je ne sais. Pour l'ensemble des diplômes, le coût moyen d'un CAP est de 6 900 euros, mais ce chiffre ne veut pas dire grand-chose. Tout le travail de France Compétences sera, comme pour les diplômes transversaux, de travailler avec les réseaux consulaires et les réseaux de CFA, pour « ouvrir le capot », et voir combien coûte exactement l'apprentissage, alors que notre connaissance actuelle est très parcellaire.

Monsieur Dharréville, je vais encore sortir de ma condition de directeur général par intérim. La question de la qualité est essentielle pour nous, elle est inscrite dans la loi. Nous devons construire des indicateurs, notamment de surveillance. Dans le cadre de la loi, nous avons le pouvoir d'interpeller les pouvoirs publics en cas de dysfonctionnement constaté chez les prestataires. Ces mécanismes seront opérationnels une fois que nous aurons mis sur pied les indicateurs et les remontées de données. Nous avons devant nous un travail important de construction de systèmes d'information. Les données sont nombreuses ; notre relation avec la Caisse des dépôts et consignations sera très étroite, puisque, comme le veut le décret, elle nous transmettra des retours trimestriels sur l'ensemble des données du CPF. Hier, lors d'une réunion avec la CDC, nous avons évoqué quelles étaient les données pertinentes à transmettre. Nous avons insisté sur les données qualitatives, car les données financières ne suffisent pas pour comprendre la réalité des faits : publics, catégories socio-professionnelles, types d'action de formation, qualifiantes ou non, etc., voilà les données qui nous intéressent. Les remontées trimestrielles nous seront très utiles. Par ailleurs, France Compétences n'est pas, dans la loi, le seul acteur. Vous avez voté un système d'obligation d'accréditation de certificateurs, qui iront certifier les organismes de formation. Cet élément prend sa place dans un cadre systémique et global. France Compétences assurera sa mission de régulation et de contrôle. La « cofracisation » du système favorisera, comme dans d'autres pays, une meilleure qualité et une meilleure transparence de l'action de formation et du rôle que jouent les prestataires.

Je vous rappelle que la France compte 90 000 organismes de formation qui déclarent une activité. Cependant, 350 d'entre eux couvrent 60 % du marché. Certains opérateurs se concentrent sur des marchés précis, comme l'AFPA, qui se destine aux demandeurs d'emploi, mission historique de l'organisme depuis sa création en 1949. L'objectif de France Compétences est de participer à une meilleure transparence et à une meilleure régulation du marché, au profit de l'usager, salarié ou demandeur d'emploi. Nous mettons en place les outils adéquats.

Certains d'entre vous ont évoqué l'AFPA. Nous pouvons potentiellement imaginer, comme elle le fait en consortium pour les appels d'offres de Pôle Emploi, qu'elle réponde au marché du CEP. Cependant, France Compétences, en tant qu'organisme régulateur, n'a pas à soutenir financièrement tel ou tel organisme de formation. Cela ne fait pas partie de nos prérogatives, définies par les textes.

Monsieur Vallaud, je ne sais pas, personnellement ce que va apporter la monétisation du CPF. Actuellement, je constate que les salariés ne savent pas ce que valent leurs heures acquises. Au Parlement, certains parlaient de 37 euros, 40 euros, 25 euros, etc. Nous ne savons pas ce que vaut une heure de formation. Je sors à nouveau de ma condition de directeur général par intérim, et je vous prie de m'en excuser… Les salariés, pour le même nombre d'heures et le même type de formation, n'ont pas droit au même type de financement. Je ne sais pas ce que peut produire l'appel d'offres sur le comportement de l'agent économique. Nous constatons que, en cas de réforme, les organismes de formation incitent les salariés à activer leurs heures, selon un prétendu risque de suppression de ces heures.

Beaucoup d'entre vous se sont interrogés sur les relations de France Compétences avec le niveau territorial. France Compétences est un répartiteur pour la péréquation territoriale. Le décret indiquera les montants et les critères d'attribution. Cependant, nous ne sommes qu'un répartiteur : nous appliquons mécaniquement cette répartition, sans donner notre avis. En revanche, pour les relations avec les régions, deux représentants de France Compétences ont été choisis par région. Nous avons mis en place une direction des territoires et des partenariats. Nous voulons en effet créer un véritable partenariat – j'insiste sur ce terme. La loi dicte un certain nombre d'exigences en matière de remontées d'informations, mais cela n'est pas suffisant. Nous voulons créer un vrai dialogue avec les régions, notamment lorsqu'elles fixeront des contrats d'objectifs et de moyens avec les branches professionnelles, pour évaluer leurs besoins et les effets sur l'offre d'apprentissage. Il s'agit bien d'un partenariat, qui respecte le principe de libre administration des collectivités territoriales. Je n'ai pas donc à dire aux régions quoi faire en matière de péréquation territoriale et de contrats d'objectifs et de moyens. Nous souhaitons un partenariat pérenne, car les régions ont des compétences reconnues sur l'ensemble de ces questions. J'insiste : France Compétences n'aura pas de déclinaison territoriale.

Concernant le nombre d'emplois, un amendement à la loi de finances a fait passer le plafond à 70 ETPT. Est-ce suffisant ? Je ne sais pas. Certaines missions sont totalement nouvelles. Il n'y a jamais eu de politique de régulation en matière de formation professionnelle en France. Six personnes sont destinées à cette mission. Je n'irai donc pas frapper à la porte de tous les CFA de France pour leurs demander leurs comptes, c'est inenvisageable. Nous pouvons, en revanche, créer un vrai dialogue de gestion. Nous devons instaurer une relation de confiance, rencontrer les réseaux consulaires, les réseaux de CFA et les branches professionnelles, pour définir ce qu'est un vrai coûtcontrat. Si vous, parlementaires, établissez le plafond d'emplois à 80 ou 85 ETPT, je saurai utiliser ces ressources supplémentaires.

Monsieur Delatte, nous n'intervenons pas dans la création des CFA. La loi permet que chaque organisme de formation qui respecte les critères de qualité, notamment en matière de certification, puisse créer des CFA, sans autorisation de la région. Certaines entreprises souhaitent d'ailleurs créer des CFA internes. Les prérogatives de France Compétences quant aux CFA sont de donner de l'argent aux OPCO pour qu'ils financent l'alternance, ce en fonction du nombre d'entreprises et de salariés dans leur champ d'attribution, et de mettre en oeuvre la péréquation au profit les branches qui n'ont pas assez d'argent au sein de leur OPCO pour assurer ce financement. Au cours de l'année 2019, nous assumerons une fonction transitoire, si des CFA souhaitent créer des sections hors convention avec les régions. Cependant, cette fonction n'est que transitoire, avant la mise en place du coûtcontrat à partir de 2020.

Madame Khattabi, nous ne labellisons pas de structures. Je pense que vous évoquez plutôt la question du PIC, dans le cadre du haut-commissariat aux compétences et à l'inclusion par l'emploi, confié à M. Jean-Marie Marx. Notre compétence en la matière ne concerne que les anciennes labellisations CNEFOP, qui portent sur la qualité.

Mesdames Levy et Iborra, il me semble avoir déjà répondu à un certain nombre de vos questions, tout comme à la question concernant l'AFPA de M. Lurton. Je rappelle qu'à partir de 2021 nous assurerons une mission de répartition des fonds aux OPCO, pour les CFA, et que nous entretiendrons un dialogue de gestion avec ces derniers. Cependant, nous ne donnons pas d'argent directement aux CFA.

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