Intervention de Loïc Prud'homme

Réunion du mercredi 13 février 2019 à 9h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLoïc Prud'homme, rapporteur :

Je suis encore plus perplexe que sur le premier amendement. On atteint ici un niveau de contradictions qui mérite d'être relevé.

La proposition numéro n° 18 formulée par la commission d'enquête était ainsi formulée : « Considérant l'échec avéré des mesures d'engagements volontaires, [ il importe d'] instituer réglementairement une limitation de la teneur en sel, en sucres et en acides gras trans dans les aliments transformés. Cette réglementation fait l'objet d'un échéancier afin d'atteindre l'objectif de conformité aux recommandations de l'OMS, de l'ANSES et du HCSP, dans un délai maximal de cinq ans. Le non-respect de ces nouvelles obligations sera financièrement sanctionné ».

La proposition n° 10 qui lui était complémentaire recommandait, entre autres choses, de « fixer la teneur maximale en sel ajouté des produits industriels et préemballés qui sera déterminée par catégorie de produits. Le non-respect de ces nouvelles obligations sera financièrement sanctionné ».

Ce sont des propositions que vous avez votées, madame Crouzet et madame Brocard, ainsi que les autres membres de la commission appartenant au groupe majoritaire. Vous avez entendu, comme moi et comme tous les membres de la commission d'enquête, les scientifiques de l'INSERM de l'INRA, le directeur général de l'ANSES, le professeur Salomon, directeur général de la santé, les membres du Haut Conseil de la santé publique, les responsables de l'OQALI, les nutritionnistes et bien d'autres encore – la liste est longue – argumenter sur le fait que les engagements volontaires des industriels qui ont été signés il y a maintenant plus de quinze ans n'ont donné aucun résultat. Il est même arrivé qu'ils puissent avoir des effets contraires.

La direction générale de la santé, que j'ai à nouveau auditionnée la semaine dernière, confirme que ces engagements volontaires ne marchent pas. C'est bien pour cette raison que de nombreux pays se tournent vers des mesures contraignantes pour l'industrie, ce que le HCSP, dans ses documents préparatoires pour le prochain Plan National Nutrition Santé, recommande fortement pour notre pays. Je ne peux donc que m'étonner qu'on en reste au point mort, si je puis dire, et que rien ne bouge.

Je voudrais bien que vous nous expliquiez pour quelle raison la mise en place de ces taux de sel, de sucre ou d'acides gras dans les aliments transformés, qui est mis en oeuvre au Danemark, au Royaume-Uni, au Portugal, en Lettonie, en Hongrie, en Autriche ou en Finlande, pour ne citer que ceux-là, serait impossible à instaurer en France. Au Danemark, cela a notamment permis de réduire considérablement, en quelques années, le nombre de décès causés par des maladies cardio-vasculaires, selon le HCSP.

Avec cet amendement, qui repose sur des arguments spécieux, puisque l'article de la proposition n'implique pas, contrairement à ce que vous laissez entendre, que les taux seraient fixés sans différenciation, un renvoi au décret étant prévu, vous prenez la responsabilité politique de retarder considérablement une décision qui aurait des conséquences importantes en termes de santé publique. La trajectoire ne s'accomplira pas du jour au lendemain. Au regard des enjeux de santé publique, on ne peut plus surseoir à cette décision politique et s'en remettre une fois de plus au bon vouloir des producteurs.

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