Monsieur Véran, je ne partage pas non plus votre analyse et ne suis pas le seul. Vos confrères du HCSP considèrent que toutes les initiatives fondées sur l'idée d'un choix éclairé et d'un engagement volontaire du consommateur ont été des échecs et qu'il faut une réglementation.
Vous avez pris l'exemple du pain, qui est un bon exemple. En effet on peut, techniquement, fabriquer du pain pauvre en sel, et les boulangers ne sont pas du tout vent debout contre la réduction du sel dans leurs farines. Ils souhaitent simplement que cela se fasse de manière coordonnée et progressive.
Pierre Dharréville rappelait à juste titre les phénomènes d'addiction au sel et au sucre, ce qui implique que l'ensemble de la filière adopte des pratiques vertueuses pour déshabituer le consommateur. Des tests ont d'ailleurs montré que le fait de passer de 19 grammes de sel – ce qui est au-delà des engagements qui avaient été pris – à 14 grammes est gustativement neutre pour le consommateur, pour peu qu'on l'y amène progressivement. Les boulangers n'y sont pas du tout hostiles pas plus qu'ils ne sont hostiles à revoir leur processus de panification pour redonner du goût à leurs farines. En tout cas, leur intention n'est absolument pas de continuer à empoisonner leurs concitoyens en les exposant aux maladies cardiovasculaires.
Quant à l'exemple de la galette bretonne citée par Blandine Brocard, je pourrais renchérir avec un exemple tiré de ma région d'élection, le jambon de Bayonne, qui, en termes de teneur en sel, n'est pas nécessairement la denrée la plus recommandable. Mais cet article se réfère aux rations journalières de sel recommandées par l'OMS. Il s'agit donc d'établir des pondérations selon la part relative de chaque catégorie d'aliments dans notre alimentation quotidienne, et je ne pense pas que vous nourrissiez exclusivement de galettes bretonnes, pas plus que je ne me nourris uniquement de jambon de Bayonne.
L'Observatoire de la qualité de l'alimentation (OQALI) a documenté de manière très précise la part de chaque catégorie de denrées dans notre alimentation, et c'est à partir de ses travaux que l'on élaborera les décrets de teneur en sel.
Pour ce qui concerne le pain, il occupe une place prépondérante dans notre alimentation. La filière doit donc faire de gros efforts et faire converger l'ensemble de la production, actuellement très variable, vers une valeur-cible. Je trouverais donc non seulement étonnant mais décevant que l'on ne parvienne pas à trouver un terrain d'entente sur cette question, qui est un problème majeur de santé publique.