La question que nous examinons aujourd'hui résulte de l'application de la logique de la concurrence libre et non faussée, installée au coeur de la construction européenne, à la prestation de service, qui conduit à « marchandiser » à outrance le travail et les êtres humains.
L'augmentation du travail détaché s'inscrit ainsi dans une logique de dumping forcené qui vise à abaisser le niveau des droits et le supposé « coût » du travail – pour reprendre une formule que nous entendons, y compris à l'Assemblée nationale, depuis quelque temps – et qui a pour effet de grever les budgets sociaux. Qui plus est, les moyens employés pour lutter contre la fraude ont été jusqu'à présent largement inefficaces et insuffisants. Par ailleurs, cette réalité a été instrumentalisée par des forces nationalistes et xénophobes qu'il faut combattre de manière déterminée.
La directive en cours de discussion pourrait marquer un certain progrès, mais elle demeure largement insuffisante. Il ne suffit pas d'affirmer le principe « à travail égal, salaire égal » ; encore fait-il se donner les moyens de le mettre en oeuvre. Or, sont exclus du champ de cette directive non seulement le secteur des transports, mais aussi les droits sociaux. La conquête des droits sociaux a fait l'objet d'une, longue, d'une trop longue bataille – la première directive date de 1996 – et personne ne veut, en tout cas pas nous, que le peu qui a été acquis soit remis en cause.
Il faut donc défendre une autre vision de la mobilité des travailleurs et une autre vision de l'Europe, celle d'une Europe de la coopération et non de la concurrence. On peut discuter des moyens d'y parvenir, mais la question soulevée par cette proposition de loi est incontournable : il faut faire en sorte d'installer, en Europe, un autre rapport de force, afin de ne pas en rester là sur la question du travail détaché.