Nous nous retrouvons pour débattre à nouveau, cette fois en lecture définitive, du projet de loi de programmation et de réforme de la justice. Ce travail, vous le savez, a commencé il y a plus d'un an avec les chantiers de la justice. Ce dernier épisode consacre donc l'aboutissement d'un travail dense et de qualité, à la hauteur d'une réforme ambitieuse. Je saisis cette dernière occasion de m'exprimer à la tribune dans le cadre de l'examen de ce texte pour dire combien je suis fière d'avoir défendu cette réforme et combien j'ai apprécié travailler en bonne intelligence, tant avec la ministre, qu'avec vous tous, chers collègues, avec une attention particulière pour mon cher corapporteur Didier Paris, ainsi que pour le binôme constitué par Jean Terlier et Stéphane Mazars. Loin de moi l'idée, bien sûr, d'oublier l'opposition – nous avons, sauf erreur, adopté des amendements de tous bords et, en tout état de cause, des débats de qualité ont permis d'exprimer nos diverses positons dans le respect de chacun.
Nous avons tous affirmé notre attachement à notre justice et notre volonté de la voir dotée d'un budget plus important, ce qui est chose faite avec une augmentation de près de 25 % des crédits pour la justice, portés à 8,3 milliards d'euros. Aucun gouvernement n'avait jusqu'alors fait preuve d'une telle ambition pour le budget de la justice – il faut le souligner.
Alors que nous reprenons nos débats, qui ont souvent été très techniques, rappelons-nous le coeur de ce projet de loi : le justiciable. C'est pour lui, et pour lui seul, que nous légiférons ici.
Or, au cours de la seconde lecture, le Sénat a largement détricoté le texte et par là fait reculer le dispositif sur des points-clés destinés à protéger le justiciable, comme le développement de la culture du règlement amiable des litiges – avec un texte améliorant la législation en vigueur et encourageant un changement de paradigme dans la résolution des litiges. C'est pour permettre aux justiciables de faire un pas de côté dans le règlement de leurs litiges et de n'arriver devant le juge que lorsque cela sera nécessaire que nous vous proposons de voter l'article 2.
En supprimant l'article 3, le Sénat a choisi le maintien du statu quo au détriment des justiciables. C'est pour que le justiciable soit mieux orienté vers des plateformes de service juridique en ligne de qualité et dont le fonctionnement sera contrôlé et encadré que nous vous proposons de voter l'article 3, de même que l'article 19 relatif à l'open data des décisions de justice, auquel nous avons apporté, sur le fondement du texte proposé par le Sénat, des protections substantielles qu'il a malheureusement supprimées.
Le Sénat est même allé jusqu'à revenir sur une disposition qui aurait dû faire l'unanimité : restaurer la dignité et la pleine citoyenneté des majeurs protégés en leur permettant de voter, de s'unir et divorcer sans l'accord préalable du juge. C'est donc non sans fierté que nous vous proposerons de voter l'article 8.
Cent pour cent des justiciables ont été confrontés à un divorce, le leur ou bien celui d'une connaissance, et rares sont ceux qui, en la matière, saluent la qualité de notre système judiciaire. C'est une plaie pour les familles dans un moment déchirant. C'est pour réduire les délais des procédures de divorce tout en maintenant les garanties procédurales et ainsi pour mieux accompagner les justiciables dans ce moment difficile de leur vie que nous proposerons de voter l'article 12.
Parlons à présent de la caisse des allocations familiales – CAF. Dans tous les cas où la révision d'une pension alimentaire est anormalement lourde et ne permet pas de s'adapter efficacement à l'évolution des revenus, c'est pour permettre aux mères d'obtenir une réponse prompte, pour leur quotidien et celui de leurs enfants, que nous voterons l'article 6. Je rappelle qu'il s'agit d'une expérimentation dans une poignée de départements et que notre mission, chers collègues, est bien de trouver des solutions quand il y a embolie du système.
Trouver des solutions avec les acteurs, avec les premiers concernés sur le terrain, telle est aussi la méthode proposée par la ministre pour l'organisation territoriale. La réforme que nous voterons n'est pas une réforme des petits pas. Il ne s'agit pas non plus de vous proposer une énième carte judiciaire à laquelle on viendrait en substituer une autre. Non, c'est bien une méthode, qui repose sur la flexibilité, la cohérence, l'expertise, la connaissance des acteurs de terrain ; c'est une méthode pour penser autrement notre organisation judiciaire, pour panser ses plaies et éviter qu'elles ne se rouvrent demain.
En fin de compte, cette réforme, ce n'est peut-être pas le Grand Soir de la justice, mais bien l'aube de la justice de demain.