Intervention de David Habib

Séance en hémicycle du lundi 18 février 2019 à 21h30
Programmation 2018-2022 et réforme de la justice — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDavid Habib :

Je me disais tout à l'heure, en écoutant les différents orateurs, que, si la majorité faisait autant d'efforts pour anticiper les critiques et y apporter des réponses, c'est qu'elle était sensible à divers arguments qui lui avaient été présentés en province.

Je me disais également qu'il serait injuste de dresser ici un réquisitoire contre votre action. J'ai la chance d'appartenir à l'ancien monde, et de considérer que mon mandat s'exerce d'abord sur le terrain. Je me souviens ainsi des magistrats de Bayonne qui m'avaient demandé de venir, il y a quelques années, et m'avaient expliqué qu'ils n'avaient pas assez d'argent pour payer des travaux qu'ils avaient fait faire, et qu'ils avaient peur qu'il y ait une saisie au tribunal. Cela faisait suite à une interpellation des magistrats de Pau, qui me racontaient qu'ils n'avaient pas pu payer leur facture EDF. Personne ne peut donc vous faire grief, madame la ministre, des difficultés que rencontrent la justice et les différentes juridictions. Jean-Jacques Urvoas, en son temps, en avait déjà parlé avec beaucoup de courage.

Le texte que nous examinons aujourd'hui avait justement pour objectif, entre autres, de répondre à ces difficultés. Le rendez-vous a-t-il bien eu lieu ? Avez-vous atteint vos objectifs ? Ce n'est pas le sentiment du groupe Socialistes.

Vous avez couru après la mode de la numérisation de notre société, cette vision promue par la majorité, qui considère que tout est dans l'internet et qui multiplie les plateformes. Je suis persuadé que ce texte devra être modifié dans les prochaines années, puisque vous aurez refusé d'entendre les arguments qui vous ont été opposés sur la certification de ces plateformes.

Vous avez, par ailleurs, entrouvert la porte à une modification ultérieure. Elle ne se fera pas sous votre autorité, vous y veillerez, et vous avez pris suffisamment d'engagements pour que nous soyons rassurés. Mais il est désormais possible que, demain, une modification de la carte judiciaire intervienne, parce que des dispositions auront été prises pour fusionner les tribunaux de grande instance et les tribunaux d'instance, et parce que vous aurez modifié, aux sièges de plusieurs juridictions, l'organisation les cours d'assises que nous connaissons aujourd'hui.

Vous avez décidé, en outre, de donner à la CAF des responsabilités qu'elle ne vous demande pas. Lors de nos travaux, je m'étais permis de vous dire de ne surtout pas le faire dans les Pyrénées-Atlantiques : nous avions la chance, dans notre département, d'avoir deux CAF, mais elles viennent de fusionner. D'autres départements seraient plus indiqués pour expérimenter cette responsabilité nouvelle confiée au directeur des CAF.

Vous avez, madame la ministre, fait un choix assez brutal au sujet de l'ordonnance de 1945. Plusieurs juristes ont d'ailleurs regretté que le Parlement n'ait pas exercé pleinement sa responsabilité : il aurait dû commencer par un examen de la situation des jeunes mineurs déjà confrontés à l'institution judiciaire, avant d'en venir à un diagnostic et à des perspectives qui auraient pu être partagés. Vous avez fait le choix, par un amendement adopté à la sauvette, de vous réserver le soin de réformer par ordonnance celle de 1945.

Il y a donc dans ce texte, madame la ministre, quelques dispositions auxquelles nous souscrirons – nous les avons d'ailleurs votées, et nous les voterons encore, aujourd'hui ou demain. Mais, pour le reste, nous voulons exprimer notre regret que ce moment ne soit pas à la hauteur de l'attente forte de nos concitoyens quant à une réforme d'un service public auxquels ils sont et restent attachés.

Samedi dernier, j'ai assisté, dans une commune de ma circonscription, à un débat auquel m'avait invité le maire. Il n'y avait pas beaucoup de monde, d'ailleurs. Lorsqu'on a abordé la justice, divers intervenants ont donné des exemples qui les concernaient – il était bien normal, à ce moment de la discussion, qu'ils évoquent leur propre situation : tous s'attendent à ce que des choses changent, tous sont demandeurs d'une évolution du service public de la justice. J'espère me tromper, mais mon sentiment, comme celui des députés socialistes, est que ce texte ne permettra pas de répondre à l'attente qui s'est exprimée.

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