Intervention de Paul Christophe

Réunion du mercredi 6 février 2019 à 9h40
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPaul Christophe :

La fibrillation, trouble du rythme cardiaque pouvant conduire à une mort subite, est encore la cause de près de 50 000 décès par an dans notre pays. Le comportement et l'action des premiers témoins dans les minutes suivant la perte de connaissance sont déterminants pour la survie d'une victime. Encore faut-il que ces témoins soient capables d'agir. Or, en matière de sensibilisation et de formation aux gestes qui sauvent, la France est loin de répondre aux standards de base et accuse un retard certain par rapport à ses voisins européens. Notre groupe partage largement votre constat sur la nécessité d'améliorer l'éveil aux gestes qui sauvent, et ce dès le plus jeune âge. À titre d'exemple, en Norvège, les élèves de sept à seize ans sont formés aux gestes de base dans le cadre scolaire par leur enseignant depuis 1961…

Vous proposez de décliner ce volet formation à trois moments de la vie d'une personne : dans le cadre de l'enseignement primaire, dans le cadre du permis de conduire et dans le cadre de l'entreprise avant départ à la retraite. C'est bien, mais cela nous semble trop peu. L'assimilation, c'est l'art de la répétition. Les études montrent que les gestes doivent être régulièrement révisés pour être totalement intégrés. J'ai donc deux questions à la lecture de votre texte. Pourquoi ne pas avoir inclus l'enseignement secondaire dans votre proposition ? Et pourquoi la formation doit-elle se faire avant un départ à la retraite et non pas tout au long de la vie professionnelle ?

Pour la partie consacrée aux défibrillateurs automatisés externes (DAE), je ne peux que partager votre ambition puisqu'elle s'inscrit dans le prolongement de la loi portée par mon prédécesseur, Jean-Pierre Decool, avec lequel j'ai eu le plaisir de collaborer sur cette thématique. Le défibrillateur est un maillon essentiel dans la chaîne de survie. Je ne peux m'empêcher d'ailleurs de rappeler que mon prédécesseur mettait à disposition une bonne partie de sa réserve parlementaire pour aider les communes à acquérir ce type d'équipement. Nous avons la preuve que cette initiative a sauvé des vies. Si le réseau de DAE commence peu à peu à mailler notre territoire, nous devons améliorer la signalisation pour que plus de concitoyens soient en mesure de les utiliser. Votre proposition y participe.

Toute dégradation ou tout vol d'un appareil pouvant entraîner des conséquences fatales, nous soutenons également votre proposition d'aggravation des sanctions pénales.

Pour revenir sur la création du statut de citoyen sauveteur, l'intention est louable mais je crains que vous ne rajoutiez du droit au droit ; et lorsque le droit bavarde, le citoyen ne l'écoute plus. La loi prévoit déjà qu'une personne qui porte secours à autrui ne peut être tenue responsable des dommages que son intervention peut provoquer. Si votre proposition s'inscrit dans l'idée de protéger l'intervenant, j'ai peur que cela n'engendre au contraire un accroissement des contentieux et des procédures de réparation inutiles. Vous risquez tout simplement de louper votre effet.

Par ailleurs, pourquoi ce statut ne s'adresserait qu'aux personnes en situation de détresse cardio-respiratoire ? Qu'en est-il des personnes victimes d'un AVC ou d'une crise d'épilepsie ? Si vous souhaitez réellement créer ce statut, je pense qu'il serait opportun d'aller au bout de la démarche, en ciblant toutes les victimes potentielles.

S'agissant de votre proposition de créer une journée de la lutte contre la mort subite et de sensibilisation aux gestes de premiers secours, nous ne voyons pas très bien l'utilité concrète d'une telle initiative. Beaucoup de jours nationaux ou mondiaux sont déjà consacrés au sujet ; nous avons par exemple la journée mondiale du coeur, la journée mondiale des premiers secours ou encore la journée européenne de sensibilisation à l'arrêt cardiaque. In fine, reste-t-il encore des jours dans le calendrier pour placer votre proposition ? Cela s'apparente à une déclaration d'intention, mais l'effet final pourrait être nul.

Nonobstant les critiques que je viens d'exprimer, le groupe UDI, Agir et Indépendants portera un regard bienveillant sur votre proposition puisque nous tendons vers cet objectif commun qui est d'améliorer les chances de survie des victimes de fibrillation.

Enfin, puisque de nombreux aspects de votre texte relèvent du domaine réglementaire, il nous faudra être très vigilant au service « après loi » pour que les dispositions proposées trouvent réellement une application concrète.

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