Intervention de Laurent Nuñez

Réunion du mardi 12 février 2019 à 16h40
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Laurent Nuñez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Intérieur :

Comme le soulignait Christophe Castaner à l'instant, cette loi est d'abord une réponse à un engagement ferme du Président de la République. Elle traduit ensuite la volonté du Gouvernement de n'économiser aucun effort pour assurer la sécurité des Français et lutter contre le terrorisme, en particulier.

Les Français restent profondément marqués par la vague d'attentats qui a endeuillé la France depuis Charlie Hebdo, Montrouge et l'Hyper Cacher, en janvier 2015. Les attentats de novembre 2015 ont montré la nécessité de rehausser le niveau de protection. Entre novembre 2015 et novembre 2017, l'état d'urgence a été instauré en continu. Dans l'état du droit d'alors, c'était la seule manière d'assurer la sécurité des Français face à une menace terroriste particulièrement forte. Il s'agissait de prendre toutes les mesures pour prévenir les attaques et arrêter ceux qui veulent nous atteindre.

Mais après les élections, le Gouvernement a fait deux constats : d'abord celui d'une menace toujours vive et durable, le recul de Daech au Levant, notamment, n'ayant effacé ni la propagande ni la détermination de ses prétendus soldats ; la nécessité ensuite de faire évoluer notre droit pour trouver un équilibre entre des mesures adaptées à la menace et la protection des libertés individuelles.

Nous devions agir vite : le projet de loi a été présenté au conseil des ministres du 22 juin 2017, le premier après les élections législatives, et déposé le jour même au Sénat. La loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, dite loi SILT, promulguée le 30 octobre, est entrée en application le 1er novembre 2017.

Cette loi comporte quatre mesures fortes et adaptées. La première consiste à instaurer des périmètres de protection pour assurer la protection de certaines zones très sensibles ou de certains événements très exposés. Concrètement, il s'agit de permettre au préfet d'exiger des inspections visuelles des bagages, des palpations de sécurité ainsi que des fouilles de véhicules.

La deuxième mesure consiste à permettre la fermeture administrative de certains lieux de culte faisant l'apologie du terrorisme, de la haine ou de la discrimination. L'équilibre entre liberté et sécurité est assuré puisqu'une procédure contradictoire préalable à la fermeture est prévue, avec un délai de quarante-huit heures minimum entre la décision de fermeture et son exécution, le temps d'introduire un référé-liberté. Le texte réaffirme donc la place du juge comme garant des droits et des libertés.

La troisième mesure vise à autoriser l'autorité administrative à mettre en place des contrôles et des mesures de surveillance individuelle contre certains individus présentant une menace d'une particulière gravité. Là encore, l'équilibre entre liberté et sécurité est respecté. La mesure est moins contraignante que l'assignation à résidence, tout en permettant un contrôle très strict, avec des pointages quotidiens auprès de la police ou de la gendarmerie ou le port d'un bracelet électronique.

Enfin, la quatrième mesure consiste à permettre aux préfets d'ordonner la visite de tout lieu dont il existe des motifs sérieux de penser qu'il est fréquenté par une personne qui constitue une menace terroriste ou qui est en lien avec de telles personnes. Cette mesure est également respectueuse des libertés, puisque le préfet ne peut prendre une telle décision qu'après l'autorisation du juge des libertés et de la détention (JLD).

Toutes ces dispositions nécessitent un contrôle particulièrement poussé : c'est l'objet des remontées d'informations par les préfets, qui seront améliorées, du rapport annuel qui vous a été remis et, bien sûr, de cette audition.

Depuis l'entrée en vigueur de la loi SILT, il y a quinze mois, la menace terroriste n'a malheureusement pas faibli et notre pays a été frappé à trois reprises en 2018. Cette loi et sa bonne application sont plus que jamais nécessaires.

Le bilan qui peut en être fait se résume en deux points : un usage raisonnable des nouveaux outils et une utilité opérationnelle réelle.

Les préfets se sont particulièrement bien approprié l'outil que constituent les périmètres de protection. Au 8 février, 266 périmètres ont été sécurisés, dans 97 % des cas à l'occasion d'événements de courte durée, de moins de neuf jours, de nature culturelle, sportive ou politique. Ces périmètres de protection ont permis d'assurer la sécurité de plus de 1,5 million de personnes, grâce à la mobilisation de plus d'une dizaine de milliers de policiers et de gendarmes et de près de 4 000 agents privés de sécurité.

Le dispositif de fermeture administrative des lieux de culte n'a été utilisé que lorsque cela s'est avéré nécessaire. Au 8 février, sept lieux de culte, en l'espèce des mosquées, ont été fermés. Il est à noter qu'aucun d'entre eux n'a rouvert après l'expiration de la décision de fermeture. Les décisions ont systématiquement fait l'objet de recours ; or, à chaque fois, le juge administratif a estimé que la décision était justifiée, ce qui veut dire que nous visons juste, que les enquêtes sont parfaitement menées et que la loi est bien appliquée. Enfin, les notes de renseignement montrent un profond changement dans les quartiers où un lieu de culte a été fermé. C'est un signe très positif de l'efficacité de la loi SILT.

Au 8 février, 106 mesures d'ordre individuel ont été prononcées, qui montrent aussi leurs effets. Elles ont pour objet de prendre le relais des assignations à résidence décidées dans le cadre de l'état d'urgence, puis d'assurer la surveillance d'individus particulièrement menaçants, en attente d'une mesure d'éloignement, sous contrôle judiciaire ou sortant de prison. Là encore, ces décisions ont fait l'objet de recours, dont certains sont en cours. Mais à ce jour, trente-sept sur quarante jugés ont été rejetés, nouvelle preuve de la bonne application de la loi.

Ces mesures individuelles constituent une protection supplémentaire pour les Français, puisque les personnes concernées doivent respecter de très lourdes obligations, faute de quoi elles s'exposent à des sanctions particulièrement sévères, qui relèvent du domaine délictuel. Dans huit cas, des peines d'emprisonnement ont été prononcées.

Les chiffres parlent d'eux-mêmes pour ce qui est des visites domiciliaires autorisées par le préfet : le JLD a donné son accord pour 93 des 121 requêtes préfectorales, soit 90 % du total. Ces visites ont permis d'ouvrir des enquêtes, de lancer des saisies et de prévenir, concrètement, des attentats. Le bilan est très concret : la création d'une filière de recrutement et d'acheminement de combattants vers le Levant a été stoppée et la préparation d'un attentat, imminent, a été déjouée.

Ces résultats, ces données montrent que tout est mis en oeuvre, avec rigueur, précision et dans le respect des libertés fondamentales, pour assurer la protection des Français contre le terrorisme. Depuis la promulgation de cette loi, dix projets d'attentats ont été déjoués sur le territoire national. C'est la preuve de la qualité du travail des services de police et de renseignement ; c'est la preuve de la pertinence de cette loi et le signe, je crois, de son efficacité.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.