Je remercie Mme Le Meur pour sa question relative à la peste porcine africaine (PPA), qui me donne l'occasion de m'exprimer sur ce sujet d'une extrême importance : si des cas de cette maladie devaient être détectés en France, nous ferions face à une véritable catastrophe sanitaire. Je commencerai par rappeler que la peste porcine africaine, qui touche les sangliers et peut contaminer les porcs domestiques, n'est absolument pas transmissible à l'homme. Provenant sans doute d'Europe de l'Est – certains évoquent des sangliers importés de Pologne ou de Bulgarie –, cette maladie touche aujourd'hui assez largement la Belgique, qui accomplit depuis plusieurs mois un travail remarquable pour la combattre. J'ai des contacts fréquents avec mon homologue d'outre-Quiévrain, qui me tient régulièrement informé de l'évolution de la situation. À l'instar de nos voisins belges, qui ont construit des barrières afin d'éviter que les sangliers contaminés ne se déplacent, les chasseurs français ont installé des clôtures électriques. En dépit des mesures de précaution prises, le 8 janvier dernier, on a découvert en Belgique deux sangliers contaminés, au-delà de la barrière censée les empêcher de passer.
Pour l'instant, la France est indemne de tout cas de PPA. Elle doit absolument le rester, car le premier cas détecté aurait pour conséquences immédiates la fermeture totale du marché du porc à l'export et un effondrement des cours, qui mettraient à mal de nombreuses exploitations. Depuis le mois d'octobre, en concertation avec la Belgique, les services sanitaires, l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) et les directions régionales de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (DRAAF), nous mettons tout en oeuvre pour que cela n'arrive pas. Cependant, depuis que deux sangliers contaminés ont été retrouvés morts en Belgique, mais à moins de trois kilomètres de la frontière, il a fallu intensifier encore les mesures mises en oeuvre.
Je me suis rendu sur le terrain à plusieurs reprises et j'ai mis en place une cellule de crise présidée par M. Loïc Gouello, inspecteur général de la santé publique vétérinaire. Par ailleurs, une task force franco-belge se réunit toutes les quarante-huit heures en visioconférence, ce qui permet d'échanger des informations sur l'évolution de la situation. Enfin, en dehors des mesures de biosécurité concernant les élevages, nous avons décidé, après avoir consulté l'ANSES, de construire nous aussi une barrière – je vais me rendre sur place vendredi prochain afin d'évoquer ce projet avec les personnes chargées de sa réalisation. Il s'agira d'une grande barrière, infranchissable par les sangliers, et située côté français, à six kilomètres au sud de la frontière. Une fois qu'elle sera mise en place, nous pourrons créer, dans la zone comprise entre les deux barrières – la belge et la française – un vide sanitaire où aucun sanglier ne sera présent, à l'instar de ce qui a été fait il y a une dizaine d'années dans les régions touchées par la sharka, une maladie virale touchant les arbres fruitiers, ou il y a deux ans dans les départements du Sud-Ouest pour contenir l'influenza aviaire.
J'insiste bien sur le fait qu'aucun porc domestique n'a été touché par la maladie jusqu'à présent : seuls certains sangliers l'ont été. L'objectif poursuivi avec la création d'un vide sanitaire est de faire en sorte qu'il continue à en être ainsi, en éliminant toute possibilité de contact – même indirect, par l'alimentation ou les fientes – entre les deux espèces. Je le répète, la découverte d'un seul sanglier contaminé en France aurait des conséquences dramatiques, puisque tous les élevages français se trouveraient instantanément interdits d'exportation – même les élevages bretons, très éloignés géographiquement de la zone posant actuellement problème –, ce qui causerait à la filière un préjudice pouvant s'élever à dix milliards d'euros… Une fois la barrière française construite, nous aurons deux à trois semaines pour tuer les quelque 600 sangliers se trouvant dans l'espace compris entre les deux barrières, ce que les chasseurs et les agents de l'ONCFS ont d'ailleurs commencé à faire le week-end dernier, réalisant un très beau tableau de chasse. Si nous parvenons à mettre en place rapidement cette zone blanche, les éleveurs de porcs français ne seront pas atteints et notre filière porcine – qui n'avait pas besoin de cette calamité, je peux vous le dire… – échappera au pire.
M. Nury a évoqué la situation du Haras national du Pin, dont les difficultés ne se situent pas seulement sur le plan budgétaire. Alors que les effectifs de l'Institut français du cheval et de l'équitation (IFCE) ont déjà commencé à diminuer, une convention a été signée la semaine dernière entre le conseil régional, le conseil départemental et l'État, prévoyant la fin de la mise à disposition de personnels de l'IFCE en 2021. Comme je l'ai dit à M. Hervé Morin, président du conseil régional, cette échéance de 2021 n'est pas forcément définitive – c'est en quelque sorte une date « hors taxes ». Je peux vous assurer que nous sommes convaincus du caractère exceptionnel du Haras du Pin pour l'Orne et toute la Normandie, mais aussi pour la France, et qu'il est hors de question que cet établissement soit mis à mal – j'en prends l'engagement devant vous.
Mme Beaudouin-Hubiere m'a posé deux questions. Pour ce qui est de la première, relative à l'épisode de sécheresse sans précédent qu'a connu notre pays cet été, la situation des agriculteurs concernés est effectivement dramatique. Après un printemps pluvieux ayant permis une première fauche plutôt satisfaisante, la sécheresse estivale, qui s'est prolongée jusque très tard dans la saison – alors que les pluies d'automne permettent souvent de limiter les dégâts –, a placé les éleveurs dans une situation très délicate, les obligeant à entamer dès maintenant les stocks de fourrage. M. Chassaigne m'a demandé tout à l'heure s'il ne fallait pas mettre en place un accompagnement pour le stockage du fourrage : à cela, je pourrais répondre qu'il appartient aux éleveurs de stocker le fourrage pour en avoir toujours un peu d'avance, comme me l'a dit récemment le président de l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA)… Cela dit, nous savons que certains éleveurs, notamment les jeunes, sont confrontés à des difficultés qui les empêchent d'avoir cette réserve de sécurité, c'est pourquoi nous avons immédiatement fait savoir que l'État serait à la hauteur de la situation.
Sur les trois réunions du CNGRA que j'avais annoncées, deux ont déjà eu lieu. Aujourd'hui, toutes les communes du département de la Haute-Vienne ont été reconnues touchées par la sécheresse au titre des calamités agricoles, ainsi que les trois quarts du département du Puy-de-Dôme – seules 72 communes de ce département ne l'ont pas été. À ce jour, vingt-quatre départements ont été reconnus à ce titre et 150 millions d'euros ont été versés. Je n'irai pas jusqu'à dire que les éleveurs sont satisfaits, car il est difficile d'employer cet adjectif pour qualifier des professionnels touchés par une calamité agricole, mais je crois pouvoir dire que l'État a fait tout ce qui était en son pouvoir – et une troisième réunion du CNGRA reste à venir.
Pour ce qui est de l'assurance récolte, qui fait l'objet de la seconde question de Mme Beaudouin-Hubiere, vous savez que c'est un sujet qui me tient à coeur depuis des années. Si la généralisation de cette assurance devient de plus en plus nécessaire, il faut cependant savoir que toutes les cultures ne sont pas assurables, et que le coût de l'assurance ne permet pas à tous les exploitants de recourir à cette solution. Dans le cadre de la dernière loi de finances, on a intégré l'épargne de précaution dans les mesures fiscales en faveur de l'agriculture – des mesures exceptionnelles, et à ce titre saluées même par les parlementaires qui n'ont pas voté le budget. Ce dispositif, qui permet à un agriculteur d'épargner jusqu'à 150 000 euros sur trois ans en bénéficiant d'une exonération fiscale intégrale sur cette somme, a été adopté à une large majorité par le Parlement, et salué par toute la profession.
On pourra m'objecter que tous les agriculteurs ne sont pas en mesure d'épargner. Afin d'y remédier, il a été proposé dans le cadre du CNGRA que, chaque année, le ministère puisse attribuer plus de 100 millions d'euros d'aides provenant du Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER), l'un des instruments de la PAC, afin de contribuer à la lutte contre les aléas climatiques. Pour ma part, je ferai tout pour que cette mesure soit intégrée à la PAC 2020, et j'ai bon espoir que ce soit le cas.
M. Didier Martin a évoqué la situation des agriculteurs de Côte-d'Or. Ce qui est actuellement proposé pour l'ensemble des départements, c'est que les agriculteurs quittant une ZDS perçoivent 80 % de l'indemnité versée jusqu'alors en 2019, et 40 % de cette même indemnité en 2020 – un dispositif assez bien accueilli par le monde agricole. Parallèlement, j'ai demandé aux directions départementales des territoires (DDT) de mettre en oeuvre un vrai plan B de transition, consistant à ce que des MAEC à un taux très élevé soient accordées à titre de compensation aux agriculteurs sortant des ZDS. Cela dit, il est normal que la refonte de la carte des ZDS fasse des gagnants et des perdants, et si des mesures de compensation sont mises en place pour les seconds, elles ne sauraient être que transitoires.
Si j'étais aussi pessimiste que vous hier soir, Monsieur Fasquelle, j'ai repris un peu espoir ce matin en prenant connaissance des dernières déclarations de la Commission européenne et du commissaire Barnier, qui estiment que le maintien de l'accès aux eaux territoriales britanniques pour la pêche est une priorité. Indépendamment des qualités de négociateur de M. Barnier, que j'ai rencontré et en qui j'ai confiance, je ne sais pas si la Commission européenne sera en mesure de faire en sorte que ce principe s'applique, mais cela me rassure de constater que la France n'est pas la seule à le défendre. Si l'accès aux ports n'est pas acquis, il y a de bonnes chances pour que nous obtenions au moins l'accès aux eaux territoriales britanniques. En tout état de cause, comme le Président de la République l'a dit encore récemment, la pêche ne peut pas être la variable d'ajustement d'un Brexit qui se ferait en no deal – et si cela peut rassurer les pêcheurs français, je le répète à mon tour.
Mme O'Petit, vous avez évoqué l'impact de la fin des quotas sur la situation des betteraviers-sucriers. Comme vous l'avez dit, le Gouvernement doit remettre un rapport sur cette question au Parlement avant la fin de l'année 2020, et je ne vais pas vous promettre que vous l'aurez plus tôt, car aller plus vite que prévu pourrait signifier que nous n'avons pas pris le temps nécessaire pour examiner et apprécier la situation comme il se doit – vous conviendrez qu'il vaut toujours mieux disposer du maximum de recul… Certes, les cours ont chuté et la situation des betteraviers est actuellement compliquée, mais il ne faut pas voir que les aspects négatifs de la situation.