Le 17 septembre 1981, Robert Badinter invitait dans cet hémicycle la représentation nationale à « être un phare qui ouvre la voie de l'ombre pour le pays ».
Pour autant, le souvenir de la guillotine comme instrument de répression n'a jamais totalement disparu chez nos compatriotes : près de quarante ans après son abolition, une majorité de Français serait, selon plusieurs sondages, favorable à la peine capitale.
Vous me direz que les Français qui manifestent depuis maintenant quinze semaines ne le font pas au nom du rétablissement de la peine de mort. En effet, il ne faut pas caricaturer leur aspiration sincère à davantage de démocratie directe ; mais au moment où vous nos collègues de la France insoumise souhaitent mettre en place un référendum d'initiative citoyenne en France, nous ne pouvons pas faire l'économie d'une comparaison avec les systèmes démocratiques qui le pratiquent.
Il y a trois semaines, j'étais à San Francisco, dans ma circonscription, pour le premier grand débat organisé en Amérique du Nord. Il y a été beaucoup question de fiscalité, de services publics et de tous les autres sujets chers aux Français qui vivent ici, mais aussi du fameux RIC.
Monsieur le rapporteur, je connais votre combat pour les droits de l'homme et la démocratie. Permettez-moi cependant de vous rappeler des faits qui concernent le référendum en Californie. Tous les deux ans, depuis 1911, à l'occasion de l'élection présidentielle et des élections de mi-mandat, les Californiens donnent leur avis sur différents sujets. Dans un État peuplé de 40 millions d'habitants, soit un peu plus de la moitié de la population française, 700 000 signataires sont nécessaires pour que soit enclenchée une procédure référendaire.
La Californie, monsieur Lachaud, n'est ni le Texas ni le Tennessee : c'est l'un des États les plus progressistes des États-Unis, réputé pour son ouverture sur les questions de société et qui est à l'avant-garde du combat écologique et de ceux pour les droits LGBT ou l'égalité entre les femmes et les hommes. Et de même que la France d'aujourd'hui n'est plus la France de 1958, la Californie d'aujourd'hui n'est plus celle de 1911. Or, en 2016, les Californiens ont été amenés à se prononcer sur deux référendums d'initiative citoyenne : la proposition 62, qui visait à abolir la peine de mort, et la proposition 66, qui au contraire rétablissait sa mise en oeuvre effective.
Alors que la Californie n'avait pas procédé à des exécutions depuis plus de dix ans, que 61 % des Californiens avaient voté pour la candidate à la présidentielle la plus progressiste, Hillary Clinton, et qu'ils avaient envoyé siéger au Sénat Kamala Harris, qui militait pour l'abrogation de la peine de mort, la proposition 66, rétablissant la peine capitale, l'a emportée avec 51 % des suffrages favorables.