Je commencerai mon intervention en insistant sur l'importance historique du moment que nous vivons. Ne nous voilons pas la face : l'heure est grave, et cette proposition de loi constitutionnelle – je remercie le groupe qui l'a proposée – arrive à point nommé.
Pour éviter que notre pays ne s'enfonce un peu plus dans une division que nul ne souhaite et qui aurait des effets désastreux pour nous tous, il faut que le pouvoir exécutif se saisisse urgemment des grandes questions qui agitent nos concitoyens ou que, devant le vide, le peuple s'en saisisse en toute légalité.
La Ve République est en crise. Notre représentation nationale n'est plus représentative et la contestation populaire va grandissant car, quand les débats n'ont pas lieu dans les assemblées, les affrontements se font dans la rue.
Du reste, si le sort qui est fait à notre formation politique est un cas emblématique d'injustice démocratique et une atteinte au pluralisme politique sans équivalent dans les pays développés, nous ne sommes pas les seuls à subir le mode de scrutin et les règles d'une démocratie en vase clos, où la classe politique et les élites économiques se ressemblent à s'y méprendre et se reproduisent entre elles, tandis que l'ascenseur social et la méritocratie sont en panne pour la plupart de nos compatriotes. Notre Parlement ne parle plus au nom de tous les Français : il est donc grand temps de lancer le vaste chantier de la réforme de l'État.
Ce processus devrait nous amener à instaurer la proportionnelle et à favoriser le pluralisme, seul à même de maintenir notre République dans la démocratie, mais surtout à mettre en place le référendum d'initiative populaire, d'ailleurs déjà présent en filigrane dans notre Constitution. Après vingt-quatre révisions, celle-ci diffère d'ailleurs fortement du texte de 1958 initié par le général de Gaulle.
Précisons immédiatement que l'injection d'une dose de démocratie directe ne doit pas se faire contre la démocratie représentative mais a pour but de la sauver d'elle-même et de ses excès, en la protégeant de la passion du pouvoir qu'ont en commun les élus et les partis maintenus trop longtemps aux affaires.
Historiquement attachés à l'exercice de la souveraineté de peuple par voie référendaire, ainsi que le montrent les taux de participation des différentes votations sous la Ve République, nos concitoyens n'ont plus confiance en l'État depuis que le rejet du traité sur la Constitution européenne a été mis à la poubelle.
Rappelez-vous : le 29 mai 2005, 54,67 % des Français votaient non au référendum sur le traité établissant une constitution pour l'Europe. En passant par-dessus le peuple, la classe politique française a pourtant rompu la fragile confiance que les Français avaient encore pour les institutions de la Ve République. Ceux qui s'en prétendaient les héritiers et les gardiens ont trahi la vision gaullienne des institutions.
Depuis, les Français n'ont plus été appelés aux urnes pour un référendum, de peur qu'ils votent mal ! Pourtant, un référendum d'initiative populaire aux critères suffisamment ciblés aurait pu, sur certains débats sensibles, apaiser les tensions.
Pour ma part, je considère que le référendum, moyen d'un contact direct avec le peuple, permet de contourner le blocage des oligarchies et de dépasser l'impuissance politique que nous connaissons aujourd'hui. Cette méthode donnera une autorité indiscutable au texte voté. Une meilleure relation entre le peuple français et ses élus est aujourd'hui indispensable à notre salut. Elle doit être trouvée par le référendum mais elle suppose la confiance dans les institutions, le respect du résultat des urnes et la garantie du pluralisme politique.
Cette proposition de loi doit être débattue et étudiée. Le thème du référendum d'initiative doit aussi être véritablement pris en compte dans le cadre du grand débat qui, pour l'heure, ne fait qu'effleurer les demandes des Français, comme pour mieux les endormir. Je suis d'ailleurs favorable à l'instauration d'un référendum d'initiative populaire qui s'inscrirait naturellement dans le fonctionnement de la démocratie représentative.
La plupart des grandes orientations politiques des quarante années écoulées ont été prises sans consulter le peuple. Les deux principales sont les politiques relatives à l'immigration et celles qui concernent la construction européenne, dont les conséquences économiques et sociales sont extrêmement importantes. Pour ces raisons, nos concitoyens sont de plus en plus nombreux à voir dans un changement institutionnel profond une planche de salut. Il faut les entendre et leur rendre la souveraineté politique.
Cette proposition de loi constitutionnelle est la bienvenue. Elle mérite un débat et nous espérons qu'elle se traduira, au prix bien sûr de quelques correctifs, par une application concrète, pour l'avenir de nos institutions.