Depuis plusieurs mois, nous vivons une période particulière de questionnement démocratique. À vrai dire, ce questionnement est plus ancien puisqu'il est le fruit de l'époque que nous vivons, des transitions et des fractures auxquelles nous devons faire face.
Au cours des derniers mois, nous avons pris des décisions qui ont donné lieu à des contestations. Un mouvement social singulier est né, celui des gilets jaunes. Nous devions l'entendre et tenter de le comprendre : c'est ce que nous avons fait. Nous devons faire abstraction des violences que, toutes et tous, nous condamnons, pour voir quelles inquiétudes éprouvent nos concitoyens mais aussi quelles propositions ils formulent à travers ce mouvement.
Je n'en ferai pas l'étude approfondie car tel n'est pas l'objet de cette discussion. Je souhaite en revanche que nous examinions avec attention la proposition, faite par nos concitoyens depuis plusieurs mois, de mettre en place le RIC, le référendum d'initiative citoyenne.
Ce sujet est important car il touche à la conception que nous nous faisons de notre modèle démocratique et de son approfondissement. Il nous interroge sur notre modèle démocratique, sur notre vie institutionnelle, sur la manière dont les décisions sont prises, mises en oeuvre et évaluées, et sur la place que le citoyen occupe au quotidien dans la vie démocratique.
Qu'y a-t-il derrière cet attachement au RIC ? La volonté de le mettre en oeuvre est-elle réelle, ou cette demande populaire recouvre-t-elle un message plus profond ? Je sais en effet que, pour certains, le RIC est l'outil idéal pour révoquer la démocratie représentative et mettre un terme à notre système démocratique. À ceux-là, je ne peux que dire que nous sommes en désaccord très profond.
Pour ma part, je souhaite me concentrer sur ce qu'expriment celles et ceux qui, en soutenant le RIC, posent la question de la place que le citoyen peut et doit avoir dans la construction, la mise en place et l'évaluation des politiques publiques. Cette question est d'ailleurs également posée par les centaines de milliers de nos concitoyens qui participent depuis plusieurs semaines au grand débat.
Mes chers collègues, à une époque où les élections locales et nationales ne permettent plus de trancher tous les sujets, poser la question de la place du citoyen dans les processus décisionnels est capital. Nous ne pouvons plus nous passer du citoyen, tant son expertise est importante pour améliorer les décisions que nous prenons ainsi que la gestion des services publics.
Le RIC est-il l'outil qui permettra d'atteindre cet objectif ? Certainement pas sous la forme proposée, qui en fait au contraire un outil simpliste et populiste, un outil non de participation démocratique citoyenne mais de consommation démocratique populaire. Le RIC, en effet, ne permet pas qu'ait lieu un débat approfondi sur une politique publique, il est seulement une expression sentimentale d'où l'analyse est absente et qui interdit qu'une décision soit prise. Il est ainsi un outil d'intérêt particulier plutôt qu'un outil d'intérêt général.
Ma conviction est que nos concitoyens demandent autre chose. Intéressés par la vie démocratique au-delà des temps électoraux, ils attendent de notre part que soient mis en place des dispositifs participatifs leur permettant d'être correctement informés, de s'exprimer et d'être associés aux décisions publiques.
Cette attente s'exprime à l'égard de l'État comme du Parlement et des collectivités territoriales. Nous devons développer le recours aux ateliers citoyens, aux conférences de consensus, aux ateliers du futur, aux jurys citoyens, aux budgets participatifs, tous ces outils modernes de participation citoyenne, qui existent mais que l'on manie trop peu – sans parler de ceux qui restent à inventer. Ces dispositifs permettent au citoyen, quand celui-ci veut bien s'en saisir, de participer avec efficacité à la construction des décisions.
Chers collègues, face à la crise de confiance que vit notre pays, nous devons prendre en considération le questionnement qui se cache derrière le débat sur le RIC et la participation massive de nos concitoyennes et de nos concitoyens au grand débat. Nous devons prendre en considération cette envie de participer, reconnaître l'expertise citoyenne, et leur donner toute leur place, de manière permanente et constructive. Cela renforcera la qualité des décisions publiques et la confiance de nos concitoyens dans notre modèle démocratique.
Pour y parvenir, au-delà du recours à la loi, c'est un changement de culture démocratique qu'il nous faut opérer, qu'il s'agisse des élus, des services ou des citoyens eux-mêmes. Notre modèle démocratique réclame que nous nous en préoccupions toutes et tous de manière permanente. Il réclame qu'au-delà des clivages, nous concentrions notre énergie non à imposer nos idées mais à construire les consensus les plus solides possible. Nous devons réussir cet approfondissement de notre démocratie.
Un tel enjeu nécessitant un travail plus poussé, notre groupe présentera dans quelques instants une motion de renvoi en commission.