Intervention de Yannick Favennec-Bécot

Séance en hémicycle du jeudi 21 février 2019 à 15h00
Protéger la population des dangers de la malbouffe — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYannick Favennec-Bécot :

La mise en place d'un dispositif uniquement coercitif ne nous semble donc pas efficace. La proposition de loi soulève toutefois un point intéressant : les autorisations ne sont actuellement délivrées que sur la base d'études produites par les industriels eux-mêmes. Cet aspect de la question est véritablement problématique et mérite en effet d'être creusé. Le groupe Libertés et Territoires préconise donc de promouvoir une meilleure connaissance des effets de la malbouffe en multipliant les essais indépendants afin d'avoir une vision plus précise de leurs conséquences sur notre santé.

En deuxième lieu, cette proposition de loi vise à encadrer les taux de sucre, de sel et d'acides gras saturés dans nos rations journalières de nourriture, comme le recommande l'Organisation mondiale de la santé. Plus précisément, vous recommandez, monsieur le rapporteur, une trajectoire de réduction en fixant une valeur cible par famille de produits. Cette mesure nous semble aller dans le bon sens quand on sait qu'en moyenne, aujourd'hui, nous consommons malheureusement le double des doses recommandées. Parfois même, nous consommons du sucre sans le savoir, puisque ce dernier est présent dans des produits transformés sans que nous puissions le soupçonner. Compte tenu des risques pour la santé, nous ne pouvons que souhaiter une réduction des taux de sucre, de sel et de gras dans notre alimentation – les consommateurs le souhaitent aussi, puisque, je le disais en introduction, ils sont de plus en plus attentifs à la composition des produits qu'ils achètent et de plus en plus nombreux à se tourner vers les applications mobiles, et à changer par conséquent leurs habitudes alimentaires. C'est également pour cette raison que nous devons encourager les actes de prévention : la pédagogie est un outil essentiel, car la mauvaise alimentation, ce n'est pas seulement de mauvais produits, mais aussi de mauvais comportements. À défaut de tout interdire ou de tout réglementer, notre pays doit promouvoir les systèmes de prévention, à la manière de l'étiquetage nutritionnel – qu'il s'agit de rendre plus pédagogique, et aussi plus visible. L'idée de rendre obligatoire le Nutri-score a été évoquée en commission : c'est une possibilité à laquelle il serait, je crois, judicieux de réfléchir.

En troisième lieu, la proposition de loi souligne que la prévention passe aussi par l'éducation. Vous avez raison de vouloir agir en ce sens, monsieur le rapporteur, en proposant des cours de nutrition à l'école. La sensibilisation scolaire sur des enjeux de société a déjà fait la preuve de son efficacité – je pense par exemple à la sensibilisation au recyclage. Dans le cadre d'une mission parlementaire sur la qualité nutritionnelle des aliments, que j'ai réalisée il y a une quinzaine d'années, j'avais déjà préconisé de faire entrer la nutrition et le fait alimentaire à l'école, en recommandant une meilleure formation des enseignants à ce sujet, les visites d'exploitations agricoles ou encore le développement du sens critique chez les élèves face à la publicité. Pour autant, compte tenu des inégalités de moyens selon les établissements et du temps scolaire déjà court et chargé, une heure hebdomadaire consacrée à cet enseignement semble disproportionnée… Mais on pourrait, comme je l'ai expérimenté dans mon département de la Mayenne, installer des distributeurs de fruits et de laitages, en lien avec les producteurs locaux, dans les collèges et les lycées. Je peux dire que cette expérience a remporté un franc succès. Nous suggérons donc, monsieur le rapporteur, de revoir à la baisse le temps dévolu à cet enseignement dans votre texte.

Enfin, vous proposez de réglementer la publicité alimentaire. Si nous comprenons l'intention d'une telle proposition, une interdiction pure et simple de toute publicité pour les aliments destinés aux enfants, sans faire la distinction entre la mauvaise alimentation et les aliments ayant une bonne qualité nutritionnelle, nous paraît peu judicieuse, voire contre-productive.

Cette proposition de loi soulève donc des questions très intéressantes, mais légiférer à l'heure actuelle semble quelque peu prématuré. Les dispositifs présentés, s'ils abordent des sujets importants, dont notre assemblée doit en effet se saisir, nous apparaissent soit encore inaboutis, soit même inapplicables. C'est la raison pour laquelle le groupe Libertés et Territoires attend des clarifications du débat à venir, clarifications sans lesquelles nous ne pourrions pas voter ce texte.

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